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friedmad 6 juin 2007 15:00

Pendant que Sarkozy rassure tous azimuts avant les législatives, une note dissonante vient de se faire entendre. Le « Figaro » (« Bloc-notes » du 25/5/2007), vient en effet de rappeler l’ordre son grand homme à propos de la démission collective de huit chercheurs de la Cité Nationale de l’Immigration pour cause d’opposition au ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Au lieu de charmer la gauche, dit ce journal, Sarkozy ferait mieux de penser à ceux qui l’ont élu. Ceux-là n’ont que faire de ces « belles âmes », qui refusent de « soumettre l’immigration à la critique », et qui devraient plutôt « regarder en face les tensions qu’ils sèment ». Valérie Pécresse est vertement tancée elle aussi pour son « réflexe de droite honteuse », consistant à dire que quand on parle d’identité nationale, on parle de citoyenneté et de valeurs républicaines et de rien d’autre.

Remercions ce journal de nous avoir rappelés à la réalité. Sarkozy doit son élection pour une part non négligeable à une opération réussie de blanchiment des idées sales du Front National. Il serait bien naïf de penser que ses électeurs lui permettront de l’oublier. Avis aux républicains de droite dont le vote ne doit rien à ces motivations. Ils ont encore le temps de corriger le tir. Les législatives sont devant nous.

Examinons maintenant le contenu de l’article. On pourra s’étonner de l’accusation formulée contre des chercheurs dont les nombreuses publications attestent au contraire de leur approche critique de l’immigration. C’est oublier que nous avons affaire à une langue de bois qui sert d’instrument à l’opération de blanchiment rappelée ci-dessus, et qu’il faut nous efforcer de décrypter. Dans cet idiome, “soumettre l’immigration à la critique” veut dire récuser toute explication socio-économique des tensions évoquées, et à plus forte raison toute analyse qui prendrait en compte le racisme auquel se heurtent les Francais d’origine “coloniale”. Une telle analyse repose en effet sur une approche critique d’un certain passé, récusée par le sarkozysme au nom du refus de la repentance.

Ces différentes récusations opérées, il ne reste place que pour une explication possible des difficultés d’insertion dans la société française de certains immigrés : du fait de leur race, de leur religion ou de leur culture, ils sont par essence inassimilables. Or, c’est ce qu’ont toujours affirmé les nationalismes extrêmes, qu’il s’agisse de Barrès (cité par Nicolas Sarkozy au cours de sa campagne), de l’Action Française, de Vichy ou du Front National. Seule l’identité des inassimilables change au gré du temps. Avant d’être les Maghrébins et les Africains, ce furent tour à tour ceux dont on vante aujourd’hui la bonne intégration, à savoir les Italiens, les Polonais, les Espagnols et les Portugais, sans parler des Juifs.

Le “réflexe de droite honteuse” de Mme. Pécresse mérite lui aussi qu’on s’y arrête. Ici encore le raisonnement procède par élimination. Pour le Figaro, l’identité nationale est manifestement autre chose que la citoyenneté et les valeurs républicaines. On croit entendre Jean-Marie Le Pen, pour qui « un passeport ou une carte d’identité n’ont jamais fait une nationalité ». L’auteur du Bloc-notes, lui, se garde de trop de précisions, car l’incitation à la haine raciale est encore (pour combien de temps ?) passible des tribunaux. Mais il faut souligner que le décret précisant les attributions du nouveau ministère de l’identité nationale lui donne compétence partagée (avec la Culture) sur la mémoire, le patrimoine et les archives, qui se trouvent ainsi placés sous tutelle idéologique. Les précédents historiques, en France et à l’étranger, ne sont guère rassurants.

Et c’est bien là que se révèle la véritable nature du sarkozysme. En s’en prenant, par une perversion du langage, au « politiquement correct » et à la « pensée unique », il s’attaque en fait au consensus autour des droits fondamentaux de la personne humaine et de la proscription du racisme qui s’était mis en place après la Deuxième Guerre Mondiale pour exclure le retour des idéologies ayant abouti à celle-ci, en un mot le fascisme et le nazisme. Si ce consensus a subi d’innombrables entorses dans les faits, il n’a guère jusqu’ici fait l’objet en Europe de mises en question idéologiques, sinon de la part de l’extrême-droite déclarée.

D’où l’exceptionnelle gravité du phénomène sarkozyste, d’autant plus qu’il rencontre la béate inconscience d’un grand nombre d’électeurs.

Cette inconscience est obtenue et entretenue par la perversion du langage, qu’incarne notamment l’utilisation sarkozyste de l’expression « pensée unique ». Celle-ci a désigné jusqu’ici une vulgate économique selon laquelle le retour de la croissance et de l’emploi passerait par la destruction des acquis sociaux. Or, alors que c’est précisément cette vulgate que Sarkozy entend mettre en oeuvre, il reprend le terme de « pensée unique » pour désigner la pensée de gauche, soit exactement le contraire. C’est ainsi également qu’il cite Léon Blum, l’homme des congés payés et des quarante heures, pour s’attaquer au Parti socialiste des trente-cinq heures, faisant ainsi oeuvre évidente de falsification historique.

Répétons-le : il est encore temps d’arrêter le rouleau compresseur. A condition de comprendre que les législatives ont bien pour enjeu celui du second tour de l’élection présidentielle de 2002 : barrer la route à l’idéologie incarnée par le Front National, qui s’avance masquée sous les paillettes people du nouveau régime.


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