• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


GRL GRL 13 février 2008 14:32

@Pallas et aux autres

D’accord avec tes arguments Pallas.

Je ne suis pas né ni n’ai grandi en cité , mais , mais un jour j’y ai atterri et j’y ai vécu de 1995 à 2001. C’est dans cette période que l’on est passée de l’ère des cités plutôt calmes à celle des cités tres violentes , avec un tournant net dans notre cas à Toulouse, la mort du jeune Habib au Mirail qui a réveillé le premier vent de colère inter cités , qui nous a vus mis en quarantaine, encerclés de flics , privé de transports , et au couvre feu chaque nuit . De grands cortèges de familles partaient au matin travailler , à pieds , puisque plus de ligne 38 , et nous retrouvions la vie urbaine toute normale deux km plus loin , hors de la ceinture. A ce moment là , la cité avait marqué un point , la police perdu un gros morceau de la confiance qu’elle devrait susciter en nous, le jeune Habib avait été descendu par un flic , à froid , comme une bete , pendant qu’il tentait de voler une voiture. C’est ce que l’information a relayé apres enquete et toutes les tergiversations qu’on imagine devant un tel scandale. Et les cités avaient dit non , ensemble.

Mais en 1995 , lors de mon arrivée :

La remarque première , ce qui m’a touché d’entrée , le nombre de gueules cassées , ayant des pathologies psy ou / et des dépendances toxico , en proportion tout simplement inimaginable de l’extérieur . une simple question dans ce cas : Comment de tels endroits pouvaient réunir autant de fous , d’instables de gens qui , rien qu’en leur parlant , donnaient déjà le profil d’hommes et de femmes qui ne connaitraient jamais le monde stable, la vie en societé tel que le pays la voudrait , des gens qui avaient besoin de soins et qui n’en avaient pas toujours , ou bien par intermittence. Aide alimentaire , menu profits ici et là , abandon sanitaire, la misère. Ces fous ne l’étaient pas forcément avant de venir ici , ils l’étaient devenus , devenus.

La deuxieme chose qui m’a touché fut l’amour lorsqu’il est shooté au desespoir. Combien de nuits à ne pas dormir, paumés, à refaire le monde, à se raconter l’histoire des uns et des autres, oui , dans les milieux multiculturels , on est tres curieux de l’origine , l’histoire des uns et des autres. D’où viens tu , tes parents ils étaient où , et pendant la guerre , et apres la guerre , oui , on parle politique , tout de suite, tres vite . Les gens des cités , des banlieues , ont pour beaucoup d’entre elles , à cette époque , une grande connaissance de leur histoire, une identité qu’on accepte de placer au milieu de celle des autres quelle qu’elle soit , et à cette époque là , on ne parlait de confession que du bout des lèvres , ou sinon , pas du tout. Mais l’on rêvait tous notre vie, ensemble , dans les nuits rassurantes , rassurantes de se dire qu’ils dorment tous en ville , alors nous faisions notre petit bout de chemin nocturne , enfumé , bétonné certes , mais ce petit bout de chemin indispensable à tous ceux qui n’ont pas de projets mais que des rêves, et dans les yeux des uns , des autres, il y avait de l’amour, même dans la colère, même dans la folie, l’on allait parler et mettre des couleurs pour que tuer le gris béton , on allait tous donner le plus d’émotions de nous même , en paroles mais aussi en gestes de solidarité des uns envers les autres , et surtout en respect de la différence. Nous connaissions tous les familles de tout le monde et c’était plus qu’une fierté de se les présenter , çà donnait à nouveau l’occasion de témoigner d’un passé mouvementé, d’en témoigner avec amour , amour et douleur, pour ne pas oublier qui nos anciens sont et de quel moment de l’histoire nous sommes sortis , chacuns . C’est de la richesse , contée avec amour . C’est ce qui brillera à jamais en moi , dans un pays où l’on paye pour que nos vieux meurent loin de nous, où l’on abondonne l’individu dès qu’il ne sert plus. Richesse , amour , ah , oui , et fierté aussi.

 

La troisieme chose qui m’a touchée , c’est la période de déculturalisation , d’écrasement culturel , et bientôt médiatique , qui allait voir en quelques années , le hip hop des poètes laisser place à celui des marchands, la culture urbaine , produit de la rencontre , liant possible d’une entente espoir , tuée , les rappeurs intelligents se voyant dévalorisés au profit des plus idiots , la culture Gangsta tuant le formidable élan old school revival , tuant le travail des monstres de culture que l’on rencontre dans les cités, de ceux qui ont contribué à sauver le vinyl , tuant les références du parler vrai , du parler fort , de la poésie acrobatique, l’industrie du disque et le circuit de la promotion faisant alors une vraie campagne d’assassinat culturel, favorisant l’image du bandit plutôt que les messages vrais émanant des quartiers. Ils furent précédés ou relayés , je ne sais , par les vendeurs de fringues de sport , qui observaient déjà les manies vestimentaires pour adapter des collections " branded " , faisant alors des jeunes , de vrais panneaux publicitaires ambulant pour Nike , Addidas et la clique. Récupération et buisness , tuant le produit culturel de nos rencontres déjà complexes à réaliser , tuant le lien et les mots qui travaillaient à ce que l’on se rencontre et à ce que l’on s’accepte en paix , tuant l’espoir , et touchant de plein fouet , les plus jeunes, les jeunes ados. Criminels ont été les marchés du disques et leur choix de l’époque , criminels , et à mon avis , volontaires. Le bandit était soudain respectable , le caïd valorisé , la grosse chaine et le flingue aussi , la grosse caisse et le cul , bref , tout ceci , ils l’on vu dans la télé les jeunes , lorsqu’ils ont vu les premieres personnes issues de leur milieu dans la télé , c’était pour représenter çà, ... alors qu’il y avait tant d’autres choses , tant d’autres belles choses à montrer ...

Vous croyez vous tous , qu’on résout çà avec du fric  ? Ces petits lachers d’argents sont messieurs dames , ce qu’un monde hypocrite donne d’une main , pendant que de l’autre , il fabrique des fous , il tue des cultures , détourne des messages , se sert de la misere pour en gagner encore plus. Eux , les habitants des quartiers , sont les victimes d’un monde de salauds , je le pense et vous le dis . On leur a bouffé l’âme et certains sont devenus des monstres , le coté obscur de l’hypocrisie d’une France et de ses discours , le coté obscur d’une France dont ils font à jamais partie, comme vous , vous tous !

Vous croyez pouvoir les payer pour qu’ils se taisent , maintenant , naïfs , naïfs ceux qui le pensent . 

Merci de votre lecture

GRL.

 


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès