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Eric D 10 mars 2008 22:46

Salut,

C’était au mois de Septembre dernier à la Fête de l’Huma.

J’écrivais pas mal à l’époque sur le forum du Guide du Routard consacré à Cuba. Mes interventions étaient souvent censurées par le modérateur que j’avais dénommé Momo, personnage conceptuel qui ne voulait lire que des récits touristiques et jouait les Torquemada forumique.

Mon aventure racontée sur ce site a déclanché notre départ (avec quelques collègues) et la création de notre propre forum consacré à Cuba (mais qui ne s’interdit pas des bifurcations politiques ou philosophiques sur bien d’autres sujets, le Sarkozysme rampant par exemple).

Le texte ci dessous fut le premier message de notre FORHUM des lumières cubaines (je vous laisse apprécier le H).
 http://www.cubaforhum.fr/

Samedi 14 h au Village du Monde de la fête de l’Humanité.

Débat animé par José Fort (journaliste à L’Humanité) avec Ignacio Ramonet (du monde diplo), Lazaro Barredo (directeur du Granma), Jean Ortiz (universitaire) et l’ambassadeur de Cuba en France dont j’ai oublié le nom.

La fille du Che, Alcida Guevara devait être là mais son avion se débattait dans les embouteillages du ciel parisien.

Le thème : La pensée et l’action du Che sont elles toujours d’actualité. ?

Comme dans tous les débats de la fête de l’Huma, les intervenants exposent leurs points de vue, leurs réflexions, puis la parole est donnée à la salle.

 Pour résumer brièvement le discours des tenants de l’estrade, il n’y aura qu’un point de vue, un son de cloche unique, pas de divergences d’opinion, un bloc massif, pas de voix discordantes.
Cuba continuait sa révolution, la pensée du Che était plus que jamais d’actualité.

Un rappel de l’histoire glorieuse, des trémolos dans la voix d’Ignacio émerveillé de voir tout le merchandising à l’effigie du héros, un rappel de la lutte contre l’embargo américain seul responsable des difficultés du peuple cubain, la solidarité avec Chavez et les pays du continent latin, libéré du joug de l’impérialisme yankee, la santé, l’éducation…l’embargo...

Jean Ortiz s’enflamme et fait trembler les arceaux du chapiteau.
Le Che est déifié, la messe est dite.
Le public est conquis, les applaudissements nourris, la salle exulte.

Je ronge mon frein sur ma chaise brinquebalante. Mes voisins sentent mon agacement et m’aident à prendre le micro après quelques questions existentielles dans la salle sur le mythe guévariste.

Sachant que je n’ai que peu de temps pour exprimer ma désapprobation de ce que je viens d’entendre et du mensonge infligé à l’assistance et au peuple cubain, je décide d’aller direct à ce qui me semble le plus équivoque dans une fête où la liberté me semblait être l’enjeu principal de tous les débats.

Je fais donc part de mon étonnement de voir Mr Barredo bénéficier de tant d’applaudissement alors qu’il est le directeur d’un journal unique alors que je n’ai aucun doute de l’indignation de l’assistance et à juste titre, sur la concentration de la presse en France, sur l’hégémonie des grands groupes financiers, la pensée unique. Mais ce qui est valable chez nous, ne l’est pas pour Cuba.

Les sifflets, les bras d’honneur, les injures commencent à fuser.
Je poursuis quand même, aidé par José Fort qui demande aux brailleurs de me laisser poursuivre, que je dois pouvoir exprimer mon opinion même si elle est différente.

Pour ne pas faillir à mon envie perpétuelle de l’ironie joyeuse, j’informe Ramonet que si le Che avait eu la gueule de Krazuki, il y aurait eu moins de tee shirt à son effigie.
Sentant ma mort prochaine sous la mitraille haineuse, j’affirme la réalité de la dictature épouvantable cubaine.

Je précise que je suis vraiment de gauche pour ne pas laisser de doute à mes adversaires, que l’on peut désirer le départ de Castro et sa bande sans se vautrer dans les bras des américains.
Qu’il y a une alternative à proposer aux cubains mais qu’elle se fera sans les Etats-Unis et sans Fidel et Raul.

Je réponds à Lazaro Barredo qui avait promis 50 ans de plus de castrisme qu’il fallait demander l’avis des cubains.
Cela n’a pas empêché quelques intellectuels mal comprenants et à la bave aux lèvres de me hurler de retourner à Miami.
Désolé mais il y trop de rombières pour ma jeunesse éternelle…

José Fort me demande de terminer, je conclus donc en disant qu’il ne faut pas rester avec les idées figées du Che de 67 mais extraire le positif pour rendre la liberté aux cubains.
On me répond en mélangeant tout, rhétorique habituelle, couplets lancinants sur la révolution en marche (marathon sans fin). L’embargo réponse à tout. Je veux répondre que les magasins sont pleins pour certains et rétablir la réalité de l’embargo qui est utilisé par le régime pour tenir un peuple soumis mais on ne me refile plus le micro.

Ma compagne et mes 2 filles sont sidérées devant autant d’hostilité, qu’il n’y ait pas eu une autre voix pour relayer mes propos. Nous sortons sous les regards méprisants d’une cohorte de fins penseurs.

J’avoue être un peu secoué car je n’imaginais pas l’emprise si forte de la secte castriste et de ses apôtres sur les visiteurs de la fête de l’Humanité.

Que de vieux staliniens arpentent toujours et encore les allées, je le savais bien mais que la magie du bon vieux discours militant poussiéreux, lénifiant, puisse mystifier encore autant de gens m’attriste profondément.

Mon voisin de chaise me dit qu’il connaît Cuba et que ce n’est pas ce que je dis.
Ah bon ! Ok Cuba n’est pas une dictature ? Si me dit il, mais…Je crois comprendre qu’il a la dictaturophobie sélective.

Je m’échappe et grand réconfort, un jeune black me rattrape, me serre la main et me dit : Monsieur, je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit, merci.
Je n’ai pas le temps de lui répondre, que le grand père qui m’avait enjoint à rejoindre Miami, m’apostrophe et me postillonne le deuxième couplet de son réquisitoire.

 Un attroupement se fait alors avec 4 mômes qui l’invitent à se calmer.
J’arrive à en placer une qui le fait déguerpir, lui évitant de mettre en application son envie folle de me latter la gueule.

Je reste avec les gosses qui étaient dans la salle et voulaient en savoir un peu plus que les 2 minutes de contradiction de ce débat.

 Je me suis apaisé en retrouvant un pote et en éclusant quelques gorgeons.

 Le lendemain après midi alors que je me renseignais sur l’heure d’arrivée de Charb au stand cubain où sévit Cuba Linda, un groupe de mamies me reconnut.
C’est vous le type qui n’aimait pas les Cubains me dit la chef de bande.
Ouais, on vous a reconnu me prévient sa copine, c’est une honte ce que vous dites. Mais on vous a pris en photo.

 Fidèle à ma stratégie d’évitement des délinquants relationnels, je leur propose de rester en paix avec leurs idées d’un autre temps, en espérant qu’elles auront gardé de moi mon meilleur profil. Je m’enfuis vers des contrées plus joyeuses.

A la fête de l’Huma, tous les stands consacrés à Cuba font l’apologie de la révolution castriste.
Je suis dégouté en regardant les centaines de langoustes engloutis par un public ignorant.

Je saisis des bribes de conversations où l’on parle de projet de voyage, d’embargo, de commentaires approuvant les slogans désolants et pour la plupart mensongers affichés dans la salle.

La langouste revigore tout ce beau monde qui ne se s’inquiète pas que ce privilège culinaire soit interdit aux cubains.

 Mouss et Akim m’ont fait retrouver ma bonne humeur à la nuit tombée.

 Je ne savais pas encore, que le lendemain, j’aurais une nouvelle altercation avec des cocos d’un autre temps. Mais il se fait tard et j’ai un avion à prendre.

 Suite au prochain numéro.

A+

Eric D
 


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