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Negravaski (---.---.207.114) 21 octobre 2005 14:12

Réponse à l’anonyme d’hier 20 octobre.

Comme nous sommes différents ! Vous trouvez que le mélange des langues est abominable, pour moi c’est un enrichissement. J’aime beaucoup l’anglais, bien que ce soit un mélange de langues (« When we come to a language like English, we find ourselves dealing with several languages rolled into one », dit Robert Lord dans *Comparative Linguistics*, Londres : English Universities Press, 1974, p. 73). Non seulement c’est un mélange de langues mais c’est un mélange particulièrement hétérogène : le son /k/ s’écrit *k* dans *king*, parce que c’est un mot germanique, mais *c* dans *courage*, parce que cela vient du français. La langue comprend d’innombrables doublets qui n’ont pas leur équivalent ailleurs : *inevitable* / *unavoidable*, *brotherly* / *fraternal*, *threat* / *menace*, etc. Quel salmigondis ! Presque toutes les langues du monde dérivent « dentiste » de « dent » : allemand « dent » *Zahn*, « dentiste » *Zahnartzt* ; japonais, « dent » *ha*, « dentiste » *ha-isha* ; malais « dent » *gigi*, « dentiste » *doktor gigi*, etc. En anglais « dent(s) » se dit *tooth, teeth* (origine germanique) mais « dentiste » *dentist* (origine française). Drôle de mélange ! Pour moi cela n’a rien d’abominable ! C’est un des charmes de la langue.

C’est vrai, j’ai ce défaut : j’aime les mélanges. J’ai beaucoup d’affection pour bien des amis métis. Je suis moi-même le produit d’un mélange de cultures, ma femme aussi, et nous considérons cela l’un et l’autre comme une richesse. Mes petits-enfants ont des grands-parents de six nationalités différentes. Si vous saviez comme ils sont mignons !

Il est vrai que j’aime surtout les mélanges quand un principe assimilateur les rend homogènes. Il en est ainsi de la plupart des langues, et notamment de l’espéranto. L’anglais est une des rares exceptions. Il y a aussi un principe assimilateur dans une salade où le mélange de laitue, carottes, radis, olives, anchois et fromage est harmonisé par une sauce savoureuse, qui est elle-même un mélange. Quoi de plus différent que de l’huile, du vinaigre, de la moutarde ? Sans doute suis-je vraiment pervers : j’aime mon corps (et pas seulement le mien !). Pourtant c’est un mélange de solide, de liquide, de visqueux, de dur, de mou, de rose, de blanc, de rouge, de jaune, de noirâtre...

Vos propos montent que vous ne savez rien de l’espéranto. Vous trouvez qu’il lui manque des bizarreries ? Et les lettres à chapeau, ne sont-elles pas bizarres ? Et les formations rigolotes de mots composés comme en créent les enfants ? Ce que vous reprochez à l’espéranto dans cette phrase, c’est ce que vous devez, pour être cohérent, reprocher au chinois. Le chinois, comme l’espéranto, se compose uniquement de monèmes invariables qui se combinent sans restriction. En chinois, pas de verbe irrégulier, pas de pluriels bizarres, pas de formation lexicale irrégulière [si on sait dire « dent » (*ya*), on sait dire « dentiste » (*yayi*)]. Pourtant, c’est une langue pleine de charme.

Vous dites aussi : « En échange [de l’espéranto], on ne pourra pas parler la langue apprise dans les pays anglophones (si je vais à Londres pour le travail je ne vais pas demander à un serveur de restau de parler l’esperanto) ». Quelle idée bizarre ! Le fait que je parle espéranto ne m’empêche pas de parler anglais avec plaisir. J’ai une fille qui habite aux Etats-Unis. Quand je vais la voir, je parle anglais à longueur de journée avec la plupart des gens du coin que je rencontre. Il serait absurde que j’attende d’eux qu’ils parlent espéranto. Ils ne savent même pas ce que c’est (il me semble que vous non plus, d’ailleurs). Je crois que de savoir l’espéranto m’a beaucoup aidé, quand, plus tard, j’ai appris l’anglais. Je ne comprends pas l’incompatibilité que vous voyez entre ces deux langues. Pourriez-vous me l’expliquer ? J’ai un autre travers : j’aime comprendre.

Vous ajoutez qu’avec l’espéranto il n’y a pas « de possibilité d’apprendre un accent ce qui rend la communication plus difficile ». Ce n’est pas mon expérience. J’ai parlé l’espéranto avec des personnes de plus de cent pays, je n’ai jamais trouvé la communication plus difficile qu’en anglais. En fait, elle l’est moins. Quand je travaillais en Asie orientale, j’ai assisté à des réunions entre Chinois, Japonais, Vietnamiens, Coréens tenues en espéranto, à des réunions analogues utilisant l’anglais, et à d’autres recourant à l’interprétation simultanée anglais-chinois-japonais. Celles où la communication était la plus performante étaient celles qui se déroulaient en espéranto. Cela tient en grande partie à l’accent tonique fixe et au fait que l’espéranto n’a que cinq voyelles pures, alors que l’anglais à une quinzaine de sons voyelles qu’il faut bien différencier pour se comprendre. Peu de peuples arrivent à reproduire la distinction entre *sucks* et *sacks*, *sacks* et *sex*, *sex* et *six*, *six* et *seeks*, etc. Croyez-moi, avec un Japonais ou un Coréen, j’aime mille fois mieux parler espéranto qu’anglais. Voyez (ça y est, je refais de la pub pour mes articles, pardonnez-moi !) la section B 2 de mon rapport de recherche « Espéranto - L’image et la réalité », accessible par http://claudepiron.free.fr/ .

Bonne lecture !


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