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Christophe Christophe 25 septembre 2008 16:28

@J. GRAU

Cette idée contredit d’ailleurs la vôtre, à savoir que le relativisme véritable considère que chaque culture est incomparable aux autres. Je pense qu’il y a une autre manière d’être relativiste, qui est précisément de dialoguer avec des gens d’autres cultures, en essayant de se débarrasser de ses propres préjugés. Cela ne signifie d’ailleurs pas mettre toutes les cultures sur un pied d’égalité (je n’ai pas écrit cela). Sur certains points précis, une culture peut être supérieure à une autre (sur le plan militaire, par exemple, ou dans l’art de régler des conflits internes, dans l’usage de certaines techniques médicales, etc.). Cf. à ce sujet ce que dit un relativiste subtil : Claude Lévi-Strauss (dans Race et histoire, notamment).

Il me semble qu’expliciter une non comparaison n’implique pas une carence de dialogue, cela évite simplement un symdrôme de supériorité ; car psychologiquement, si nous devons définir une hiérarchie culturelle, il est plus confortable de prétendre à la supériorité de la sienne. Le fait de comparer risque de tendre vers une hiérarchisation culturelle qui était défendue par l’anthropologie évolutionniste : toute culture devant atteindre, in fine, le niveau culturel occidental qui est le dominant hiérarchique. C’est l’une des raisons pour laquelle la comparaison ne me semble pas pertinente. Peut-être pouvons-nous comparer certains secteurs, mais même dans cet exercice, il pourrait apparaître quelques distorsions.

Pour reprendre Claude Lévy-Strauss, il faut retenir que : on classe comme on peut, mais on classe. Classer signifie reconnaître des discontinuités vitales. Classer est la condition nécessaire à l’adaptation.

Partant de ce prémice, il me semble tout à fait important d’établir une relation sans préconception d’aucune sorte, surtout sans jugement préalable. Le structuralisme m’a autant apporté que le fonctionnalisme ; comme les travaux de Malinovski sur les mélanésiens dans lesquels il lève toute l’ambiguité d’un raisonnement qui nous est propre au regard du mode de fonctionnement de sociétés tribales.

En fait, nous remarquons très rapidement que, pour appréhender un monde que nous ne connaissons pas ou très peu, nous avons besoin, comme le signifie Claude Levy-Straus, mais aussi Quine, de rapprocher les comportements tribaux aux symboliques conceptuelles qui sont à notre disposition ; émettant de fait un jugement aléatoire par le fait que la perception des individus de la tribu ne coïncide en aucune manière à l’interprétation que nous en faisons.

Aborder une culture qui n’est pas la notre est très complexe ; pas pour tout le monde, bien entendu, la facilité consistant à exprimer des poncifs et jugements de valeurs à l’emporte pièce qui sont légions dans nos sociétés manichéennes. La difficulté consiste à mettre en correspondance des actes dans des schémas mentaux qui ne prévoient pas toute la diversité du monde (la construction de l’individu se faisant dans un espace et une temporalité précise) ; dans ce type de relation, nos concepts deviennent soit plus élastiques, ou bien il faut intégrer des connaissances que nous n’avions jusqu’à présent jamais acquis, reconnaissant par là que notre niveau de connaissance est lacunaire, ce qui, pour ma part, est une réalité de tous les jours.

En fait la plus grande problématique à laquelle nous sommes confrontés consiste à tenter, à partir de situations données, d’en connaître les motivations profondes, les intentions (l’homme est un être intentionnel), remonter la symbolique des actions dans le monde de l’intelligible cher à Platon. Mais même si nous pouvons parfaitement parvenir à attacher derrière chaque percept un ou plusieurs concepts associés, cela ne garantit en rien que nous ayons compris réellement l’expression symbolique des actions d’autrui ; la communication est largement perturbée par l’incommunicabilité (thème récurrent chez Albert Camus) comme il faut distinguer l’être et le paraître (Illustré par Sartre dans le garçon de café dans l’être et le néant).

Ce que beaucoup de nos concitoyens ne comprennent pas est que ce que nous jugeons bien ou mal (société manichéenne), même si d’autres utilisent les mêmes concepts, ils n’y engloberont pas les mêmes actes. La vision conceptuelle logico-philosophique peut très bien être en adéquation totale, mais cela ne signifie pas que les actes réalisés seront tous classés dans la même catégorie selon la culture individuelle. C’est à mon sens la plus grande confusion qui puisse exister entre l’universalisme et le relativisme ; le premier ne pouvant s’appliquer qu’au niveau de l’intelligible (uniquement au niveau des concepts logico-philosophiques), le relativisme ne s’appliquant que dans un cadre symbolique qui est le domaine des actions. Entre un concept de haut niveau et l’action elle-même, la culture a des incidences sur 6 niveaux de raisonnement menant à l’action (voire Rastier, Schank, Saussure, ...) ; les distorsions sont donc importantes.

J’admets que vous n’avez pas abordé le fait que toute les cultures se valent ; mais je souhaitais mettre en évidence ce point pour amener à la discussion qui m’a permis de mieux cerner votre propos.

Par contre, il reste évident que ne pas respecter volontairement ses propres valeurs est sans doute bien pire que tout comportement d’autrui ayant une culture différente et peut-être même, respectant des valeurs différentes. L’important étant de ne pas mener des actions qui ne nous ferons pas nous haïr nous-mêmes (Socrate).


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