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Brieuc Le Fèvre Brieuc Le Fèvre 10 novembre 2008 21:57

J’ai vu passer quelques commentaires assez incisifs et éclairés sur la réalité de la situation : c’est la monnaie qui chie dans la colle ! Or, la monnaie est bien la seule chose que l’humanité peut fabriquer à gogo, sans aucune limite. Pourquoi alors toutes ces dettes ? D’où viennent ces millions de milliards que les banques privées prêtent aux Etats ? Un début de réponse ici : http://www.dailymotion.com/video/x6zdoa_largent-dette-de-paul-grignon-fr-mo_news

Par ailleurs, il y a souvent débat (et c’est le cas ici aussi) entre partisans de l’inflation et partisans de la déflation/stabilité des prix. Que recouvre foncièrement cette dichotomie ? C’est très simple : elle recouvre deux approches de l’objet monnaie, toutes deux valides actuellement, et fondée chacune sur une des fonction de cet objet.

Retour aux bases : la monnaie a trois fonctions, à savoir unité de compte, moyen d’échange et réserve de valeur.

En tant qu’unité de compte, elle sert à mesurer avec une référence unique, au point x et au temps t, la valeur de choses par ailleurs totalement étrangères l’une à l’autre (des carottes et des voitures, par exemple).

En tant que moyen d’échange, elle favorise le commerce, car elle est à la fois plus transportable et plus facilement divisible que les objets qu’elle peut être amenée à représenter.

En tant que réserve de valeur, elle sert à garantir son possesseur qu’il pourra obtenir plus tard un bien en échange d’un autre dont il vient de se débarasser contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Le moyen d’échange s’accomode fort bien d’une dévaluation constante (donc de l’inflation), puisque alors, il vaut mieux ne pas conserver la monnaie (qui sinon perd significativement du pouvoir d’achat), ce qui fait qu’elle circule plus vite, dynamisant donc fortement les échanges. Ce scénario est propice au travail, et fort peu à la rente.

De son côté, la réserve de valeur nécessite une stabilité des prix, puisque c’est alors que le rendement de l’épargne est au maximum. Par contre, les échanges sont ralentis par d’une part une rétention de la monnaie sur des comptes sans mouvement, et d’autre part par une ponction perpétuelle sur la masse monétaire pour rémunérer cette épargne. Ce scénario est favorable à la rente et pénalise le travail.

Donc, avant de parler de politique d’inflation ou de stabilité, et de partir sur des discussions sans fin chargées d’arguments tout prêts, il faut se poser cette question : je propose une politique de stabilité favorable aux rentiers, ou une politique d’inflation favorable au travail ? C’est, je crois, la méconnaissance de cette schizophrénie de la monnaie qui conduit nos politiques à tirer dogmatiquement à hue et à dia, avec les conséquences que l’on connait : enfermement de la BCE dans une voie pure et dure de stabilité des prix, décisions contradictoires des gouvernements pour ménager tout à la fois le capital et le travail, etc.

Une solution passerait effectivement par une refonte totale du système monétaire, avec rétablissement de l’émission par les gouvernement, et surtout, surtout, un choix délibéré de ne conserver à la monnaie qu’une seule de ses fonctions : celle de moyen d’échange. Vous me direz : "Pourquoi ne pas choisir la fonction réserve de valeur ?" Eh bien tout simplement parce que d’une part, une réserve de valeur sans moyen d’échange, hein, ben c’est pas futé, et d’autre part, parce que un tel système dans lequel la monnaie est créée par les Etats suppose la possibilité de création illimitée, donc gratuite, ce qui implique la fin de l’épargne, donc la fin de la rémunération de l’épargne, et conséquemment, la fin du prêt d’investissement. Et comme tout ceci signe, ensemble, la fin du capitalisme, et bien finalement, cela élimine tout simplement la notion même de "réserve de valeur" (alias "le capital"). Disons qu’en période de transition, un système bi-monétaire pourrait être envisagé*.

Comme quoi, vous voyez, la fin du capitalisme n’est peut-être pas si loin : il suffit de comprendre ce qu’est la monnaie, comment elle abrite en son sein deux fonctions contradictoires, et de choisir celle qui permet une plus grande richesse d’échange entre les Hommes. Le capitalisme a été une étape cruciale du développement de l’humanité, il a permis de finaliser notre planète, de mondialiser les échanges, de rendre toute la population humaine consciente de l’existence des autres cultures. Maintenant, il est dépassé, et génère plus de contraintes et de dégâts que de bienfaits. Il faut le remplacer.

A nous, humains, de choisir notre avenir.

* A propos de système bi-monétaire, certains me rappelleront sans doute la loi de Gresham, qui dit que "la mauvaise monnaie chasse la bonne". En réalité, je pense que Gresham a commis deux erreurs ; la première a été de donner un jugement de valeur sur l’or, qui serait intrinsèquement une meilleure monnaie que l’argent, et la seconde, de ne pas explorer à fond la nature de la monnaie. Si, en effet, il s’en était tenu à la stricte impartialité cartésienne, il aurait dit "l’argent chasse l’or des échanges commerciaux". Or, que savons-nous du bi-métallisme outre Manche à cette époque ? Qu’il était un système dans lequel, pour résumer, l’or s’appréciait continuement par rapport à l’argent, du fait d’une parité fixée par l’Etat, mais qui ne respectait pas la réalité des valeurs de marché. En conséquence, les acteurs économiques cherchaient à se débarrasser de l’argent (ce qu’ils faisaient en l’utilisant comme moyen d’échange), et à garder l’or (ce qu’ils faisaient en conservant, puis refondant les pièces d’or, afin de les revendre plus tard, contre plus de pièces d’argent que ce que leur avaient coutées les pièces d’or !). L’or avaient accaparé la fonction de réserve de valeur, l’argent celle de moyen d’échange. Ainsi, la loi de Gresham complétée doit dire  : "Lorsque deux monnaies coexistent, celle qui se dévalue relativement à l’autre va assurer l’essentiel de la fonction d’échange, tandis que celle qui s’apprécie va assurer l’essentiel de la fonction réserve de valeur".


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