• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Vincent Crousier Vincent Crousier 17 novembre 2008 12:09

@Virgule

 

«  Qui plus est, je trouve suspect le silence dont [EDF-AREVA] font preuve au regard de la situation actuelle.  »

 

Je suis journaliste scientifique. Un beau jour, un éditeur me contacte pour pondre un bouquin sur le nucléaire, au sein d’une collection qui s’intitule « Les dix plus gros mensonges sur… » Il existe déjà Les 10 +gros mensonges sur les vaccinations, le sida, l’économie, etc. Tout l’intérêt de cette collection réside dans le fait, comme c’est dit au début de chaque opus, qu’il ne s’agit pas de remplacer une vérité par une autre, il ne s’agit pas de dénoncer des mensonges pour rentrer dans une logique de « soit vous être avec nous, soit vous êtes contre nous ». Non, l’idée est de dire : sur certains sujets on entend tout et son contraire, donc remettons les pendules à l’heure, mais, surtout, admettons qu’il puisse il y avoir du vrai… dans les différents « camps » qui s’affrontent (ici : pour et contre le nucléaire).

 

Ce qui a fait que cet éditeur s’est intéressé à moi, c’était 1) le type d’articles que j’écris (voir www.journaliste-enqueteur.com, cliquer sur « enquêtes »), mais surtout le fait que je n’avais aucune connaissance, ni aucun avis tranché sur la question du nucléaire, hormis les « on dit » et les « j’ai entendu que ». Je partais donc de zéro.

 

Concernant votre assertion, que j’ai mise entre guillemets là-haut, le « pourquoi » s’explique de la manière suivante. Les médias font croire depuis très longtemps qu’il n’y aurait que deux camps, un match qui se jouerait à deux : les pronucléaires d’un côté, qui regrouperaient à la fois des gens comme Krolik - sortis du système mais qui y ont suffisamment travaillé pour avoir à la fois des connaissances plus qu’exhaustives sur le sujet, et également transversales (voir ses propos sur les énergies renouvelables), ce qui leur permet de proposer un avenir énergétique comme un autre, avec pas mal de recul mais pas forcément politiquement correct -, les organismes qui gravitent autour du nucléaire (Andra, cea, aiea…), ainsi que l’industrie nucléaire. Et puis, d’autre part, les antinucléaires, Sortir du nucléaire et Greenpeace en tête.

 

D’où la question logique : vue la « situation actuelle », pourquoi un silence aussi assourdissant de la part du « lobby nucléaire » ? Pourquoi ne se défendent-ils pas, alors même que des gens comme Krolik essayent de nous faire croire que tout ce nucléaire n’est pas si dangereux ? Ils cachent forcément quelque chose et Krolik est forcément un sous-marin payé par l’industrie.

 

Sauf que ça ne marche pas comme ça. Il y a en fait trois joueurs dans cette partie : les pronucléaires (des gens comme krolik), les antinucléaires et l’industrie nucléaire. Si on ne fait pas automatiquement l’amalgame entre industrie nucléaire et pronucléaires, alors le silence de l’industrie nucléaire s’explique très facilement (j’ai eu pour ma part la confirmation, en « off », de ce jeu de dupes par les premiers concernés) : l’industrie nucléaire est née dans une culture du secret, et a continué dans le « civil », avec comme leitmotiv : « Le peuple est trop bête, il ne comprendra jamais tout ce nucléaire, alors restons entre nous et faisons notre business tranquille ».

 

Cette attitude a eu une conséquence aussi inattendue que logique : l’industrie ayant besoin d’être « à l’abri » des regards, et surtout des questions indiscrètes, rien ne pouvait mieux la servir… que l’écran de fumée de l’information/désinformation antinucléaire. (Car ne nous leurrons pas : il y a un lobby pronucléaire tout comme il y a un lobby antinucléaire. Donc la logique du « tous pourris » (quel que soit le camp dont on parle) ne peut qu’encrouter le débat dans un simplissime « pour ou contre », qui ne fait qu’entretenir un faux débat faisant le jeu des deux lobbies en question). Et c’est contre ce système que se battent les « vrais » pronucléaires : ceux qui veulent vulgariser le nucléaire, en dénonçant les rapports indéfendables qu’EDF entretient avec ses sous-traitants, en dénonçant les mensonges de l’industriel, en ne donnant pas tous les tenants et aboutissants d’une problématique, mais également en relativisant la dangerosité des becquerels, des déchets, en parlant d’hormésis, de nucléaire médical, d’énergies renouvelables comme Krolik à l’instant, etc.

 

J’ai publié il y a un mois un article sur Agoravox : « Le nucléaire tel qu’on ne le montre jamais » (http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=45492) J’y pose des questions toutes bêtes, comme « Qu’est-ce qui différencie fondamentalement un militant de Sortir du nucléaire d’un ingénieur du CEA ? » Tout comme dans mon bouquin, j’y pose des questions qui sortent du cadre réducteur et contre-productif d’un simpliste « pour ou contre le nucléaire ? » Qui sait par exemple dans le grand public qu’au Canada, une centrale nucléaire produit non pas de l’électricité, mais la moitié des isotopes médicaux de la planète ? Qui est au courant que cette centrale fonctionne avec de l’uranium de qualité militaire (90% d’enrichissement), alors qu’une centrale électronucléaire française fonctionne avec de l’uranium à 4% ? Et qui sait que très récemment (voir mon site : « Centrales et déchets nucléaires : danger nucléaire ou danger politique ? » ), pour cause de pénurie en isotopes médicaux, des intérêts politiques sont allés jusqu’à voter une loi pour maintenir en fonctionnement cette centrale nucléaire, malgré que l’ASN locale en ait ordonné l’arrêt pour cause de défaillances techniques menaçant éventuellement de rejets radioactifs dans l’environnement ? La presse locale résumait ainsi la situation : Quel dilemme : le redémarrage de la centrale de Chalk River mettrait fin à une pénurie mondiale de cet élément utilisé pour des tests diagnostiques dans les cas de cancer et de maladies cardiaques, mais pourrait constituer un danger potentiel, pour l’environnement, en raison de la vétusté de son réacteur vieux de 50 ans. Ce genre de question, de mise en perspective n’excuse en rien les mensonges ou certains agissements d’EDF, ça n’a pas pour but de contourner la question des déchets nucléaires ou des rejets radioactifs, mais ça a l’avantage d’ouvrir les yeux sur une réalité nucléaire qu’on ne connaît pas forcément, mais qui est nécessaire pour prendre la mesure des choses.

 

Vincent Crousier

www.journaliste-enqueteur.com

 

 


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès