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Henri Masson 4 janvier 2006 08:54

Ces remarques sont pertinentes et appellent quelques compléments d’information. Le grand linguiste Antoine Meillet (1866-1936), professeur au Collège de France, avait écrit à peu près la même chose dès 1918 :

« Si l’apprentissage des langues étrangères est poussé à fond de manière à profiter à l’esprit, il demande un temps immense. S’il est superficiel, il n’apporte rien à la culture intellectuelle. » (Les langues dans l’Europe nouvelle. Paris : Payot, 1918 ; 2ème édition en 1928)."

A la fin de l’article, j’ai mentionné le site « La Amikeco », qui permet à des jeunes, en particulier de Chine, du Japon, de Corée et du Vietnam, d’utiliser la langue qui représente un parcours linguistique nettement plus court que l’anglais entre ces types de langues. Que dirions-nous si, entre pays européens, nous étions contraints d’utiliser le chinois comme langue de communication, ou même seulement le hongrois ou le finnois qui sont très différentes des autres langue de l’Europe ?

En mai 1951, vingt savants chinois avaient diffusé la résolution suivante : « Les savants qui, malheureusement, parlent d’autres langues et qui désirent cependant créer quelque chose dans leurs propres sphères doivent utiliser plus de la moitié de la durée de leur vie pour apprendre quatre ou cinq langues étrangères, car autrement ils ne peuvent assimiler les connaissances déjà acquises, et d’autant moins apporter une contribution valable. Cet excès de consommation de temps et d’énergie est vraiment une immense perte incompréhensible pour la science. Nous voulons adopter la Langue Internationale espéranto, simple et facile à apprendre, comme langue pour l’utilisation internationale et pour publier nos ouvrages. »

L’année précédente, 85 savants japonais avaient déjà fait la promesse suivante : « Les recherches scientifiques ne doivent pas être isolées à des pays particuliers, et leurs résultats ne doivent pas être accaparés par des laboratoires ou des chercheurs individuels. La science est un effort commun des hommes pour faire de soi des êtres qui méritent vraiment le nom de »homo sapins". Les signataires reconnaissent que l’introduction de l’espéranto comme langue commune pour la publication internationale de travaux scientifiques est un moyen très efficace pour une plus grande solidarisation de la coopération internationale des scientifiques. Quelques uns d’entre nous pratiquent ceci depuis déjà longtemps, et, bien que nos ouvrages en espéranto n’ont été publiés que de façon individuelle et hasardeuse, les échos à l’étranger n’ont cependant pas été insignifiants. Il est prévisible que nous éveillerons une plus grande attention si nous agirons de façon systématique et collective. Il n’est presque pas nécessaire d’apprendre spécialement l’espéranto pour des savants européens ou américains pour lire des ouvrages scientifiques. Nous sommes certains que des collègues suivront bientôt nos exemples, et ceci ouvrira la voie à une plus grande facilité dans la coopération internationale entre les scientifiques."

D’autres appels furent lancés par la suite. Des ouvrages furent publiés, soit rédigés directement en espéranto, soit traduits, par exemple « Atakoj kontrau la ghardenplantoj » (Attaques contre les plantes de jardin ; original. Haderslev : Esperanto Publishing Co Ltd, 1954) de Paul Neergaard, un agronome danois de renommée internationale, spécialiste de la pathologie des plantes, ou « Sciencaj studoj » (Études scientifiques, contributions originales en espéranto de 37 auteurs de divers pays et disciplines sous la direction de Paul Neergard. Copenhague. 1958), ou « La serchado de la Vivo » (la recherche de la vie, traduit du japonais. Tokio : JEI, 1971) de Fujio Egami, un grand spécialiste japonais de la biochimie, néanmoins espérantiste). Plus récemment, en 1985, sous le titre « Likenoj de okcidenta Europo » (lichens d’Europe occidentale) parut un ouvrage de 885 pages entièrement en espéranto (avec un lexique espéranto-allemand-français-anglais des mots fréquents) rédigé par Georges Clauzade et Claude Roux, directeur de recherches au CNRS. Il a été réédité plusieurs fois.

Lors de son congrès de Namur, en 1980, l’Association Internationale de Cybernétique adopta l’espéranto comme langue de travail. Un symposium d’informatique réunit, en 1982, à Budapest, plus de 200 spécialistes de 19 pays avec l’espéranto comme unique langue de travail. Fondée depuis lors, l’association TAKIS (Tutmonda Asocio pri Kibernetiko, Informadiko kaj Sistemiko) tint son premier congrès à Budapest, en 1985, avec l’espéranto comme principale langue de travail. Une nouvelle impulsion fut donnée en 1983 par la fondation de l’Akademio Internacia de Sciencoj (AIS) de Saint Marin. En plus de l’anglais, du français, de l’allemand et de l’italien, elle adopta l’espéranto comme principale langue officielle en 1984 et eut dès 1994 en son sein un Prix Nobel de Sciences économiques : l’Allemand Reinhard Selten. La connaissance de l’espéranto est exigée pour l’admission au sein du collège de l’AIS qui dispense un enseignement scientifique, délivre des diplômes et organise des symposiums. Son président, le Prof. Helmar Frank, directeur de l’Institut de Cybernétique de Paderborn, estime que plus de 10 000 diplômés de l’Université savent l’espéranto dans le monde.

Et tout ceci sans la moindre attention des médias traditionnels, en somme « à la force du poignet ». Par contre, bon nombre de visiteurs d’AgoraVox peuvent faire appel à leur mémoire. Ils constateront que leurs médias habituels ont largement contribué, et contribuent encore, à répandre l’idée que l’espéranto est une affaire oubliée, une affaire du passé, une utopie, que ça n’a pas marché, qu’il n’a plus lieu d’être, que l’anglais joue le rôle qui était envisagé pour l’espéranto et autres âneries du même tonneau. Un exemple tout à fait actuel se trouve précisément en pages 56-57 de « Science et Vie Junior » de janvier 2006 où l’espéranto est présenté ainsi : « entièrement artificielle, cette langue a eu du mal à se propager ». Bonjour la science !


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