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Christian Pradel Christian Pradel 2 février 2006 14:32

Merci pour votre intervention. Evidemment, la raison d’être des 10 commandements n’est pas la même que les déclarations des droits de l’homme. La plupart des spécialistes, quelles que soient leurs vues concernant la paternité, la date, la forme originale ou l’histoire du Décalogue, sont d’accord pour reconnaître l’importance sans pareille reconnue au Décalogue dans la compréhension qu’avait Israël de sa relation avec Dieu. L’exclusivisme au seul Dieu est propre à l’affirmation monothéiste. L’affirmation polythéiste, par exemple, avait aussi ses intolérances. Les menaces au sein du décalogue que vous avez écris en gras concernent ceux qui ont fait alliance, c’est à dire Israël. Les traditions implantées, quelles qu’elles soient sont très souvent, quand elles sont menacées de l’intérieur comme de l’extérieur, source de pratiques intolérantes et violentes.

En parlant de sources, j’ai mis effectivement le doigt sur les textes religieux (décalogue mais aussi les idées évangéliques du nouveau testament), d’où ma précision par la proposition « entres autres » qui, sans le mentionner, ne voulait pas oublier les textes littéraires (Antigone de Sophocle, par exemple), philosophiques ( stoïciens). Vous avez raison de parler de la religion chinoise et sa philosophie. Mais avec tout cela, la liste n’est pas encore complète.

Pour ce qui concerne le décalogue, il y a une reconnaissance, non exclusive des autres pensées, du droit à la vie, à l’honneur. En Babylonie, le code d’Amourabi, au début du 2ème millénaire, prescrit un certain nombre de droits. Le Décalogue est l’affirmation que face à Dieu et au peuple, chaque individu existe et a des droits, en particulier le droit de ne pas être tué, de ne pas être volé et le droit d’exercer librement lui-même sa relation avec Dieu. Il a une portée sociale et notamment le rôle de la famille, sa place centrale dans l’expérience qu’avait Israël de sa relation avec YHWH ( Dieu). Il faudrait plus de temps pour montrer que la relation entre Israël et YHWH n’était pas seulement une entité spirituelle conceptualisée mais était profondément enracinée dans les situations concrètes de la vie en Israël, les circonstances sociales, économiques et politiques.

Je voulais simplement souligner (en voulant faire court parfois, on peut laisser entendre des idées que nous n’avions pas en vue) que le concept de droits de l’Homme est ancien. La déclaration des droits de l’homme est non seulement fonction du caractère spécifique de la culture qui fait partie de sa mise en place mais aussi une étape décisive dans le long processus historique de la reconnaissance de la valeur propre de l’individu. Cela va, pour notre occident, de la pensée judéo-chrétienne à la manifestation, jeune mais présente, des Lumières, c’est-à-dire la critique des tutelles extérieures et l’affirmation de l’autonomie avec son mouvement d’émancipation. Bien sûr je fais court ici.

Quant à la légitimation de l’intolérance qu’un texte comme le décalogue permet, je reconnais que ces textes en facilitent la pratique mais l’histoire des religions et des moeurs nous montrent que le phénomène de l’intolérance n’est pas à ramener sur le seul compte des textes religieux mais aux faits de la volonté de pouvoir, plus ou moins hégémonique, et dont les caractères peuvent être religieux comme laïques. Comme je l’avais aussi écris ci-dessus, les traditions implantées, quelles qu’elles soient ( laïques ou religieuses) sont très souvent, quand elles sont menacées, source de pratiques guerrières. Ce phénomène est donc plus complexe, ce dont vous avez déjà certainement mesuré l’ampleur.

Pour revenir à mon texte, vous pouvez bien sur interpréter le décalogue comme étant un moyen d’intolérance, contraire au droit de l’homme. L’inverse est aussi possible. Ce qui nous montre le caractère humain fluide dans son rapport à l’autre. Le décalogue à apporter une ossature à un peuple qui a su être tolérant et intolérant. Ceux qui s’en sont inspirés ( par exemple les chrétiens) n’ont pas tous abouti à une forme d’intolérance vis à vis de l’autre. Je ne pense pas que le décalogue existe dans le seul but menant à des pratiques d’intolérance. Vous dites, à juste titre, que « c’est suite aux guerres de religions (chrétiennes) que les philosophes ont inventé des droits de l’homme laïcisés c’est à dire sans référence religieuse qui sont aux fondements de notre société démocratique ». Ces très bonnes intentions n’ont pas été pour autant suivis des faits escomptés parce que le germe profond de la violence n’est pas dans la religion mais dans le caractère propre de l’homme ( religieux ou laïque). Ainsi je vois dans les droits de l’homme laïcisés « un bon modèle », peut -être universel, mais non « une force modèle ».

Chaleureusement,

Christian


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