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jack mandon jack mandon 21 novembre 2009 11:22

@ Lamotte

Joseph Delteil 1894-1978 Art de vivre et joie d’écrire

« J’ai le coeur paysan et l’esprit surréaliste : C’est un bon contrepoids. »

« Le véritable écrivain, c’est l’ignorant de génie, qui ne sait rien mais comprend tout. C’est un grand maladroit, à l’oreille archaïque, à l’oeil phénoménal, qui fourmille de désirs, patauge dans tous les échos, la maladresse des géants. »

Les grands de ce monde naissent sous les augures planétaires jupitériennes, ceints de couronnes et parés de tous les privilèges royaux.

Les humbles les regardent étonnés. Tant de puissance vainement déroulée...

« Je suis né d’une femme, on l’oubli toujours. Je suis né dans une forêt, en Avril, mois tempétueux, entre une bourrasque et une soleillée...à Villar-en-val. »

L’essentiel se distille déjà dans la simplicité. La somptuosité naturelle offre son cadre,l’artiste pose paisiblement son chevalet respectueusement, religieusement, amoureusement. L’harmonie s’impose au coeur de la nature, le destin se noue...l’écologie de la vie prend forme dans le ventre de la génitrice qui délivre à la forêt printanière le fruit de son amour.

A cet instant la mémoire imprime les scènes de la vie par touches indélébiles et l’homme grandit et évolue aux rythmes des saisons.

« Tantôt je vois une cabane de bruyère au soleil, tantôt une petite maison de lauzes à vieilles tuiles romanes, sous les cerisiers en fleurs. Papa bûcheronnait aux alentours, j’avais trois ou quatre ans, je jouais à Adam. Je me souviens qu’il y avait un nid de roitelet, et la maman par intervalles entrait et sortait, avec son cri spécifique, un vermillon au bec. Les rayons de soleil traversaient les branchages et venaient jouer avec mes orteils. J’entends encore le ruisseau, j’entends le vent...j’avais les menottes pleines d’odeurs, les oreilles bourdonnantes d’abeilles. La terre était douce. »

« Mon plus ancien souvenir : Je joue, enfant, avec d’autres enfants dans une meule de paille à fourménis, nous nous pourchassions à travers la paille tout émoustillés et enmouscaillés, jusqu’à ce qu’enfin je me trouve acculé au fond d’un tunnel avec cette fillette empaillée, une fillette de trois ans aussi, en bas évêque, jupon de pie et yeux de diable, et que j’embrasse éperdument, mon premier baiser... »

Premières images, premières sensations, premiers murmures, premiers émois, rencontres essentielles qui impriment à jamais le coeur et l’esprit de l’homme. Les quatre premières années, ou vient se tarir la mémoire humaine. Les souvenirs les plus structurants pour la psyché...l’alchimie subtile inconsciente qui guidera dans le secret de son âme, l’homme de foi, l’homme confiant, l’homme d’éthique, « l’homme véritable ». L’homme accompli dans son authenticité.

Viennent, l’envol, la rupture des amarres, l’épopée dans le monde. L’apprentissage de la vie, la vie rustique, colorée, parfumée, vivante à coeur, le collège, l’école supérieure...l’essor de l’homme social, très privilégié pour Joseph qui sait entendre, voir et sentir... mais au risque de se perdre, quand retentissent les sirènes de la révolution artistique parisienne...

Dans l’effervescence, deux courants se dessinent, une floraison de génies. Des prosateurs, Montherlant, Giraudoux, Mauriac, Cendras, Cocteau et... Delteil, le paysan au milieu des bourgeois. Dans l’autre camp, un mouvement idéologique, les surréalistes, des hommes de tête et de pensée, Breton, le chef de file.

Joseph Delteil, un temps mêla son innocence baroque à ce groupe révolutionnaire, rivalisant de fantaisie avec Breton, Aragon, Eluart, Desnos.

Trop indépendant et Françoisier, il en fut excommunié...le chrétien au milieu des rouges...l’alternance de la sottise et de la science infuse n’est pas uniquement agoravoxienne.

Qui n’a pas raillé ou méprisé la différence...qui n’a jamais projeté sa misère sur l’intrus, sur l’étranger, sur l’autre, qui ?...c’est humain, inutile de nous culpabiliser.

La gloire vint plusieurs fois, surprenante, éclatante et perturbante. La renommée, les gros tirages, « Sur le fleuve amour » et « Choléra », les premiers romans. Le nouvel Hernani encensé par Aragon et Breton avant la rupture, l’exclusion.

« Jeanne d’Arc » , le prix Femina le chef d’oeuvre... Les excès de la gloire avec les excès de l’outrage...les honneurs du bûcher, les amours du cinéma, l’acquittement à Rome...

« Jeanne vint au monde à cheval, sous un chou qui était un chêne. »

La mythique mais aussi réelle chevalière, boute les Anglois hors du royaume mais se trouve désarçonnée quand Joseph se noie dans la vie parisienne, dans ses nuits et ses alcools, sa culture et ses mondanités désuettes...c’est la fin, c’est le choc, c’est la descente aux enfer...mais, Orphée-Joseph rencontre Euridis-Caroline...et le passé de la prime enfance, le terreau naturel de ses premiers émois et le fidèle et généreux Languedoc qui n’oublie pas son rejeton...parce qu’au fond de lui l’enfant grandi sous l’oeil maternel ne l’avait oublié.

Joseph et Caroline s’installent à la Tuilerie de Massane, près de Montpellier, dans le souvenir du couple Delaunay, les peintres, auprès des amis occitans de souche et d’adoption, le peintre Chagall et son épouse, et son copain Henri Miller éternel bourlingueur, comme lui épicurien à coeur.

« J’ai voulu tout simplement rejoindre la nature, cette « première nature ». J’ai voulu vivre innocemment, j’ai voulu vivre hors de la société, hors de la civilisation...dépouiller le vieil homme. Faire table rase de toute civilisation...redevenir le premier homme, le paléolithique...la civilisation : ce salmigondis de guerres, de révolutions, de violence, de haine, de mensonge, tortures et camps de concentration...une civilisation industrielle, une société de consommation, affaire de gadgets. Quant à votre condition humaine, cet homme féroce, cruel, absurde, orgueilleux, lâche, injuste, pervers et fou...civilisation et condition humaine toutes relatives....

Son oeuvre compte une quarantaine de livres et lui octroie une place originale et anticonformiste dans la littérature française

Joseph Delteil proclamait volontiers, avec un air amusé et attendri, qu’il n’entendait rien à la psychologie. Comment aurait il pu se torturer l’esprit en vaines interrogations quand dans sa vie il faisait bon, il faisait vrai.

Il cheminait à pas de sénateur par les chemins de son Occitanie natale avec un bonheur toujours renouvelé...mais son inquiétude prophétique de paysan-poète-visionnaire le faisait s’interroger gravement sur l’avenir de la terre et des hommes...et dans le secret de sa vie d’homme au moment du bilan...

« De jour en jour je rejoins papa, l’allongement de la figure, l’allure du béret, l’oeil émerillonné, l’hilarité du rire, le coeur content, et déjà la canne. Jusqu’où, jusqu’où ?... »

« Mon enfant que je n’ai pas eu...jeune je n’y pensais pas, adulte il n’y pensa pas ; vieillard je l’appelle et je l’aime... »


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