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Terran 8 février 2010 16:39

Toutefois, grâce au retraitement du combustible, la quasi-totalité de la matière fissile peut être exploitée. Les neutrons libérés par la réaction de fission permettent d’enrichir, par transmutation nucléaire, d’autres pastilles de combustible. Ainsi, le cycle complet employant le retraitement et la régénération du combustible est pratiquement sans limite. Le combustible nucléaire est le seul qui se remplace tout en se consommant !

Densité de flux énergétique

Pour passer du concept de densité énergétique à celui de densité de flux énergétique, il faut approfondir la conception de travail. Dans nos manuels scolaires de physique, l’énergie est assimilée au travail, ce qui est une perversion.

Au XIXème siècle, l’une des grandes percées en physique fut de mettre en évidence une équivalence entre chaleur, électricité et mouvement mécanique, attribuant à toutes ces formes d’énergie (travail), entre autres, une mesure commune.

Ainsi, la définition technique de la densité de flux énergétique serait simplement la quantité d’énergie passant par une surface donnée durant une unité de temps. Par exemple, la comparaison entre l’action de deux couteaux, l’un aiguisé et l’autre émoussé, illustre cette différence de densité de flux énergétique. Avec le couteau aiguisé, le travail exercé par la main est concentré sur une surface plus petite. La densité de flux énergétique est plus élevée et le couteau aiguisé coupe là où l’autre n’y parvient pas.

Par cette méthode de calcul, on peut démontrer que la densité de flux énergétique produite par la fission d’un seul atome d’uranium est de 20 millions à 20 millions de milliards de fois supérieure à celle produite par la combustion d’une seule molécule de combustible à forte densité énergétique, comme le gaz naturel [5].

Cependant, cet avantage quantitatif ne rend pas compte de la différence essentielle. Pour comprendre la densité de flux énergétique dans le contexte de l’économie physique, une conception supérieure du travail est nécessaire ; contrairement à la physique scolaire, il ne suffit pas de considérer le travail comme une simple dépense d’énergie mesurée en calories, joules, kilowattheures ou électrons-volts. En économie physique, il faut plutôt observer la puissance transformatrice du travail. La devise des ouvriers qualifiés, « ne pas travailler dur, mais adroitement », donne une première idée du concept. Autrement dit, en faisant appel à son intelligence, une même dépense en termes d’effort sera rendue plus efficace, que ce soit en utilisant un outil différent, en en improvisant un nouveau ou en organisant différemment le processus.

Dans le cas du nucléaire, à l’opposé des processus chimiques ou mécaniques, une sorte d’ordre supérieur d’innovation est à l’œuvre. Il s’agit de l’application d’un nouveau principe physique universel, issu de la révolution en chimie physique qui débuta avec la séparation du premier gramme de radium par les Curie et se poursuivit par l’identification des processus de désintégration radioactive, la transmutation nucléaire, la relation entre l’énergie et la masse, le noyau, l’isotope, le neutron, l’accélérateur, puis la découverte de la fission, la réaction en chaîne, etc.

Outre les questions de coût et d’efficacité, dire que le solaire et l’éolien peuvent servir à générer de l’électricité au même titre que le nucléaire, est fallacieux précisément dans la mesure où cet argument ne tient pas compte de la puissance transformatrice que permet l’application de ce nouveau principe physique universel. L’énergie nucléaire travaille beaucoup plus intelligemment que ne le peuvent l’éolien, le solaire ou les énergies fossiles. La raison n’en est pas simplement la supériorité de sa densité de flux énergétique, mesurée en termes caloriques, mais plutôt la transformation du processus économique global qu’elle permet d’effectuer.

Avec la fission de chaque noyau d’uranium, plusieurs entités minuscules, en partie corpusculaires et en partie ondulatoires, sont libérées à des vitesses approchant celle de la lumière. Ces particules-ondes, que nous appelons neutrons, peuvent pénétrer au sein du noyau d’un autre atome proche et le transformer en un nouvel élément, processus qu’on appelle transmutation. Mais ce n’est qu’un début, car ce nouvel élément peut, à son tour, muter spontanément en un autre, puis encore un autre, produisant une famille de sous-produits (isotopes) qui finissent sous une forme stable. En maîtrisant la chimie de ces transformations, nous avons la possibilité de fabriquer de nouveaux matériaux, certains connus et d’autres restant à découvrir, qui seront bénéfiques à la vie humaine future.

Nous bénéficions aussi des rayonnements émis par ces isotopes, d’au moins trois types différents, chacun d’une dureté particulière. Leur utilité dans le diagnostic et le traitement d’une palette de maladies graves est avérée, et chaque jour ouvre de nouvelles perspectives.

Le nucléaire pour le carburant et l’eau

Dans de nombreuses régions du monde, y compris certaines densément peuplées comme la côte est de l’Inde, l’approvisionnement en eau potable se tarit. Les puits sont contaminés tandis que les eaux fossiles s’épuisent. Même aux Etats-Unis, notamment dans le sud de la Californie, on atteint des limites critiques.

La solution est pourtant connue. L’efficacité de la production d’eau douce par le dessalement de l’eau de mer et des nappes saumâtres a été largement démontrée. Actuellement, 40 millions de mètres cubes d’eau sont produits chaque jour par dessalement, essentiellement au Moyen-Orient et en Méditerranée. Les principales méthodes sont l’osmose inverse (on utilise des pompes électriques pour faire passer l’eau salée ou saumâtre dans des membranes spécialement conçues) et la distillation flash. Toutefois, le dessalement est un processus qui nécessite beaucoup d’énergie.

La faisabilité du nucléaire pour dessaler de grandes quantités d’eau fut démontrée pour la première fois il y a quarante ans, au Kazakhstan soviétique. Pendant vingt-sept ans, le réacteur à neutrons rapides d’Aktau a produit 80000 mètres cubes d’eau potable par jour et en même temps, jusqu’à 135 mégawatts d’électricité. Le Japon fait tourner dix usines de démonstration de dessalement, couplées à des réacteurs nucléaires, et l’Inde a mis en service en 2002 une usine de démonstration de dessalement à la Madras Atomic Power Station, dans le sud-est, qui produit journellement 6300 mètres cubes. A la différence des centrales nucléaires, éoliennes et panneaux solaires ne peuvent assumer la fourniture de grandes quantités d’eau douce.

Le nucléaire permettra aussi de ne plus dépendre du pétrole importé. La clef se trouve dans les deux atomes d’hydrogène contenus dans chaque molécule d’eau (H2O). L’hydrogène est un carburant qui peut être utilisé tel quel ou combiné à des sources de carbone pour produire des carburants liquides tout à fait similaires à ceux que nous utilisons aujourd’hui. On peut l’obtenir à partir de l’eau, par électrolyse ou décomposition thermochimique. Les hautes températures fournies par la nouvelle génération de réacteurs refroidis à l’hélium permettent d’améliorer largement l’efficacité de ces deux processus. L’hydrogène ou les carburants à base d’hydrogène produits grâce au nucléaire, combinés à une électricité abondante pour des véhicules électriques, fourniront l’approvisionnement local en carburant automobile. Au lieu d’enrichir les cartels anglo-saoudiens en acheminant le pétrole par mer sur des milliers de kilomètres, le carburant serait produit sur place, en même temps que l’électricité, grâce aux centrales nucléaires disponibles.

Voilà ce que nous réclamons en tant que nation et c’est aussi ce dont le monde a besoin. Ce sont les retombées pratiques des révolutions scientifiques du XXème siècle. L’avenir est plein de promesses : des percées, comme la fusion thermonucléaire, sont à portée de main, d’autres suivront.

Le retour à des modes de production énergétiques d’avant le XVIIIème siècle provoquera un effondrement de la civilisation, un « nouvel âge de ténèbres » dont nous risquons de ne pas nous remettre avant longtemps.


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