• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Christian Wolff 19 mai 2010 10:05

Le problème moral le plus important aujourd’hui ? C’est à la fois simple et forcément général (chacun doit faire le travail de mise au point pour lui-même). Je dirais que le problème majeur, c’est l’intempérance.
Le mot sent peut-être un peu la moraline (qui rime aussi avec naphtaline) : c’est le vocabulaire du catéchisme. Mais on peut le comprendre en termes plus modernes, moins directement normatifs : nous n’avons plus aucune idée de ce que peut impliquer une véritable culture de nos désirs.
Je m’explique. Nous sommes très cultivés à certains égards (pas forcément au sens de la culture générale, mais au sens de la civilisation : culture technique, matérielle), mais tout à fait incultes dans la gestion de notre capital le plus propre : nos pensées, nos affects, nos désirs. Nous les laissons se développer n’importe comment, comme des herbes folles, dans le plus complet dérèglement, en alternant des phases d’hyperexcitation et de dépression (la dépression au sens clinique n’en est qu’un symptôme particulièrement vif).
Vous trouvez ça un peu abstrait ? Est-ce que je passe pour un triste sire si je dis (par exemple) que notre civilisation est massivement obsédée par le sexe ? C’est un fait. Vous me direz qu’elle l’a toujours été, et c’est probablement vrai. Mais les prothèses techniques avec lesquelles nous fonctionnons (télévisions, nouvelles technologies de communication et d’information, etc.), relayées par des industries du divertissement collectif omniprésentent, intensifient le problème. Ce n’est qu’un exemple (et un peu bateau, je le concède). Je ne dis pas que c’est le problème principal, mais seulement le plus massif. Et ce ne serait d’ailleurs pas un problème si cette focalisation de nos désirs ne rétrécissait pas aussi notre champ de conscience, en nous empêchant de développer d’autres compétences et dispositions qui restent en jachère.
Le problème est général : on a développé une hypertrophie des sens et de l’intellect, tout en négligeant la régulation affective. il faut donc apprendre à mettre nos désirs en culture, à les organiser. Ce qui ne veut pas simplement dire : maîtriser ses passions, même si ça implique en effet l’invention de nouvelles disciplines, dans le cadre de ce que Foucault appelait le « souci de soi ». Que le retour aux Anciens, à la morale stoïcienne ou épicurienne, soit à la mode chez les philosophes et dans le grand public amateur de philosophie, c’est le signe que quelque chose bouge : on voit bien qu’on ne peut pas continuer comme ça.
Voilà ce que je propose. Quant aux animaux, bien sûr, mais la cruauté massive de notre traitement des animaux revient à ce que je pointais  : à la fin, c’est un problème de sensibilité. Nous avons collectivement émoussé nos affects, nous avons développé une forme de dureté de coeur envers le règne vivant en général. C’est probablement une condition du progrès matériel, mais le problème est qu’en réalité nous ne nous en rendons même plus compte. Il y aurait, de ce côté, tout un apprentissage à faire de notre relations aux animaux, et plus généralement aux non-humains.
La « médecine de l’âme » nous renvoie nécessairement à une écologie générale (écologie de l’esprit et des corps).


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès