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Yann Amare 9 juin 2010 12:59

Au Mexique aussi des paysans indigènes luttent pour conserver leur terre convoitées par des grands propriétaires terriens et autres multi-nationales protégés par les autorités mexicaines complices..
Un convoi international essayant d’accéder à un village de paysans indigènes dissidents dans la province de Oaxaca a été attaqué par des para- militaires le 27 avril 2010, il y a eu deux morts et plusieurs blessés, voila le récit d’un des participants à l’intérieur d’un des véhicule attaqué :

"C’était une embuscade. C’était une embuscade et on est tombés dedans.

Quelque part, on devait s’y attendre, et on s’y attendait je crois, me rappelant le silence traitre qui précédait le déclenchement d’une pluie de balles sur les trois voitures.

« ahi, arriba ! Ahi !! Tienen armas ! » crie une voix derrière nous.

Je penche ma tête vers Paulo qu’est sur ma gauche, pour voir. "Dondé, dondé ??" J’aperçois un mouvement sur la colline en face de nous, derrière le barrage sur la route, et je vois quelques hommes descendant en courant, tenant de gros fusils en position militaire. A peine le temps de s’en rendre compte, que le premier tir s’impacte sur la camionnette et que chaque un essaye de se protéger derrière les sièges. Ils étaient une cinquantaine à nous tirer dessus de deux côtés.

(« Merde, c’est vraiment en train de se passer ! »)

Impossible de se rappeler combien de temps on est restés, ni combien de tirs ont été tirés. C’était une éternité en quelques minutes. Les balles pénétraient dans la camionnette, brisant les vitres, s’impactant autour de nous, dans les sièges et le métal.

Elles tuaient aussi, les corps de Bety et Jyri sont restés dedans.

Je me cachai avec Paulo, accroupis derrière le siège devant nous, nous tenant par le dos et les jambes (Peut-être pour nous sentir vivants et avoir le sentiment de nous protéger ?). Le chauffeur essaye plusieurs fois de partir en marche-arrière, mais n’y arrive pas à cause de ses mains tremblantes. Entre temps, et entre pas mal de cris différents, je vois du sang couler sur le sol du véhicule et là je me rends compte qu’ils allaient vraiment nous tuer. Et qu’ils avaient tué.

Betty tomba la première. Elle était une femme combative, qu’on venait de rencontrer le jour auparavant et qui nous avait informée sur la situation à Copala, en souriant, mais tellement sérieuse... C’est elle qui nous avait parlé des morts dans ce village isolé de la région Triqui, où elle faisait des travaux communautaires. Elle tomba la première, je me rappelle avoir vu son visage sanglant sur le sol, sans vie. Aussitôt je vois les jambes de Jyri trembler en vitesse, je lève ma tête car il n’était pas accroupi comme nous, il avait essayé d’aider Betty. Ses yeux étaient grands ouverts, son sang coulait de sa tête avec un peu de cerveau. J’ai levé ma main pour essayer d’arrêter le sang, mais je me suis retenu horrifié de voir qu’il n’y avait rien à faire. Ils étaient déjà morts.

Les paras s’approchaient et les gens ont commencé à cavaler de la camionnette, il fallait se casser, mais casser de là !! Sauf que nous on était assis derrière, coincés par les corps. La porte n’étant pas une option de sortie, quelqu’un a cassé la vitre de derrière et s’est échappé par là. Le voyant, plus d’hésitation, la survie est là dans ce petit trou de vitre.

« Vamos Paulo !! »

Un saut maladroit mais suffisant nous libère de cet enfer, non sans laisser de sales traces sanglantes sur les pieds et les mains. Et courir, courir, courir. Comme dans un cauchemar où tu ne sens pas tes jambes ni que tu avances. Vers la montagne, en zigzag pour éviter les balles. Une sandale ne veut plus suivre et je m’efforce de m’arrêter une seconde pour l’enlever. Un sentiment froid s’empare de mon dos, j’entends les tirs et m’attends à l’impact. Mais pas d’impact et on arrive à rejoindre les autres au virage, couchés par terre. On cavale dans la montagne. Ils nous suivent, nous tirent dessus, donc on court, on se cache derrière les arbres et les buissons, on roule pour descendre les collines, on marche, on se repose, on continue, ils tirent, on court, on se cache, ... Finalement je me retrouve avec Laura qui a une balle dans le dos. J’avance plus vite avec elle et les autres se font rattraper par les soldats-déguisés-en-paysans. On avance, on trouve une rivière, on boit, on continue et d’un coup on entend des voix tout près. Ils obligent une fille à crier pour qu’on se rende, qu’ils ne vont pas nous tirer dessus, mais tfooooooooooooooooou !! On poursuit, accélère notre chemin improvisé a travers les rochers. Laura commence à saigner de plus en plus. On entend une voiture passer, la route est toute proche. On voit une maison et on s’approche doucement, c’est une famille triqui, ils nous donnent de l’eau et par miracle passe une ambulance sur le chemin, qui venait aussi de se faire tirer dessus en essayant d’approcher la zone. On s’est sauvés avec eux, partis pour l’hôpital."



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