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Lord WTF ! Franz Ferdinand Von FritzenSouchern 17 juillet 2010 04:04

Si Nietzsche n’avait plus le moral, c’est précisément qu’il s’est lui-même déconstruit, décomposé de l’intérieur. En prenant conscience de lui-même, il s’est haït, se déconstruisant, alors que s’il s’était aimé, il se serait reconstruit. Bref, il avait l’esprit un peu malade.

Vous avez d’avoir votre opinion sur Nietzsche et en cela interpréter sa pensée avec cet a priori ou jugement mais Nietzshe ne me semble pas avoir eu pour moteur la haine de soi, ou de l’Humain : puisque même sa définition du Nihilisme n’appelle pas à la notion de Haine mais à celle de lassitude : je cite : 

(…) Qu’est-ce que le nihilisme, si ce n’est cette lassitude-là ?...Nous sommes fatigués de l’homme…   

Soit…le sujet ici n’est pas la configuration psychologique de Nietzsche mais la Morale, moralité, etc…donc retour sur vos propos : il me semble que bien loin de s’opposer aux miens ou à ce célèbre malade allemand : ils les complètent ou les interpénètrent : bref une histoire d’angle de vue…ou de choix sélectifs…

La Morale, au-delà de l’expression « faire la morale à », c’est surtout la science du Bien, c’est-à-dire que c’est l’ensemble des connaissances qui permettent d’avoir une opinion sur les actions d’autrui et aussi des siennes propres sous l’aspect du Bien.

Cela pourrait être une définition de la Morale : mais je constate que vous ne retenez qu’une dimension ou qu’un seul champ de la Morale : à savoir celui du Bien : or la Morale définit autant le Bien que le Mal et en distinguant le Bien du Mal, le Juste de l’Injuste, etc…elle fait bien plus que permettre d’avoir une opinion sur soi, autrui ou ses actes (les siens ou ceux des autres)…et par définition, apparait donc avant la définition du Bien ou du Mal : elle ne peut être séparée d’une culture et de la Culture.

Vous avez là une définition restrictive et volontairement positive : soit pour soutenir votre propos, soit parce que vous ne considérez que la perspective du Bien.

*à partir d’ici, j’userai de la minuscule morale afin de bien faire entendre que j’évoque sa nature relative : donc pas de références à quelconque universaux culturels ou Morale universelle mais à des morales singulières/particulières.

Or en introduisant le Mal, la dichotomie juste/injuste : la morale devient par définition autant exclusive qu’excluante, autant qu’elle introduit bien plus que la simple opinion mais l’idée de Jugement : ce qui a une dimension bien plus étendue que le vague concept d’opinion : une opinion n’ayant pas les mêmes conséquences qu’un jugement ici définitif puisque c’est bien ou mal, juste ou injuste.

Partant de là, la morale a moins cette couverture positive et libératrice que vous souhaitez lui donner : étant excluante et exclusive du fait même qu’elle est ET une production culturelle donc singulière ET d’ordre conjecturel et temporel donc particulière : elle sépare le Nous du Eux : les premiers étant moraux, les seconds ou amoraux ou immoraux quand bien même ils ne feraient que d’user de leur propre système moral. Bref, les Autres nous ne nous faisons pas juste une opinion sur eux nous les jugeons : ce qui est bien différent.

Ces connaissances ne visent pas du tout à obéir, mais "à prendre conscience de l’intention d’autrui", ce qui permet de décider par soi-même comment agir (en s’aimant) dans telle ou telle situation.

Ici, vous faites la démonstration de ce principe excluant : car ce schéma que vous proposez, je ne le conteste pas mais il ne fonctionne que si nous évoluons dans le paradigme fondé sur un consensus culturel sur telle ou telle valeur, principe moral,etc…dés lors que deux paradigmes ou cultures différentes se rencontreront : cette prise de conscience de l’intention d’autrui sera beaucoup moins efficace si ce n’est trompeuse : je ferai l’impasse sur les divers quiproquo culturels qui pourraient apparaître par une simple méprise sur tel geste, attitude, comportement, etc…

Donc loin de déterminer l’intention d’autrui, la morale hors de sa culture originelle, ne libère pas plus mais ici enferme : et si l’idée était de résoudre l’incertitude afin de favoriser raisonnement ou jugement : ici la morale ne permettra certainement pas de traiter correctement l’information.

Bref, Nietzsche semble vouloir voir la morale comme un assujettissement, alors qu’il faut la considérer comme une libération. En effet, avoir les repères moraux est essentiel pour pouvoir détecter l’intention d’autrui à notre endroit. Du point de vue de l’univers physique, le phénomène est identique, si nous sommes assujettis à ses principes, à savoir comment il veut fonctionner, s’en libérer consiste à connaître ceux-ci et non pas à les nier.

Non, je pense que plus qu’une histoire d’assujettissement : c’est avant tout l’enfermement : la rigidité morale : l’exclusion de l’Autre : et ce qui est dénonçable est le fait de prendre pour atemporelle la dite morale : alors que comme production culturelle : elle ne peut par définition se figer, ne pas évoluer, etc…elle se doit de toujours coïncider avec son temps et l’Humanité telle qu’elle est à un instant donné.

Donc pour revenir à Nietzsche, j’imagine que le décor XIXè siècle qui l’a vu évolué, ne peut que renforcer sa pensée sur cette question où à côté d’un conservatisme dogmatisme : l’Humanité entre dans une nouvelle ère : celle de la vapeur, des machines, d’un monde entièrement connu, de la presse, du télégraphe, etc…bref là, Nietzsche a raison : al Morale de son temps, manifestée par le conservatisme ou la rigidité morale de ses contemporains était de fait un acte de soumission : et cela demeure vrai aujourd’hui où nous sommes tout autant dans un processus de basculement paradigmatique autant que face à des questions auxquelles l’Humanité n’a jamais été confronté : à commencer par l’idée de sa propre fin (transhumanisme, IA, clonage, etc…nucléaire, nanotechnologie, génétique, etc…questions environnementales, etc…) ainsi que de l’ensemble des modèles socio-culturels organisant les sociétés modernes (état, démocratie, souveraineté, nation, identité, frontières, culture, etc…).

Donc en considèrant à l’inverse de vous, que la morale produit exclusion, jugement et enfermement : elle me semble loin de correspondre à cette nature positive et libératoire que vous présentez : pour autant : je ne lui conteste pas son importance : en tant que production culturelle : elle est un des éléments qui garantit la survie d’un groupe humain : la Culture étant avant tout un système de préservation d’un groupe singulier donc, je vous rejoins parfaitement sur ce propos :

Mais évidemment, un peuple sans culture est tellement plus facile à asservir.

Ce que j’ai déjà exprimé : le problème actuel étant la destruction non pas de telle ou telle culture mais de l’idée même de Culture : en niant le Singulier et en lui substituant le Particulier : seule dimension de la culture économiquement rentable mais qui à la fin conduit au passage de la Culture à une anti-Culture de contrôle/conditionnement.

Et donc contrairement à votre conclusion :

Contrairement à Nietzsche, je dois conclure que c’est l’absence de culture morale chez un être qui le fait accepter d’être soumis.

Non, l’absence de culture conduit à la soumission : la morale comme produit culturel ne précède pas la Culture mais en est issue : ce sont les attaques contre la Culture qui conduisent à la situation actuelle : la morale elle est utilisée pour s’assurer la soumission des individus : pourquoi ? car les référents moraux utilisés sont issus d’un paradigme en voie d’effondrement et ne répondent plus à la donne actuelle : en cela ne pas les reconsidérer ou les reformuler est bien cet acte de soumission servile, irréfléchie, ou paresseux de soumission dénoncé par Nietzsche qui ne haïssait pas l’Homme mais en était lassé…


au final : je pense que là nous sommes bien confrontés non pas à une quelconque opposition de vues mais à des perspectives différentes dans nos approches. 


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