Bonsoir à
tous.
Chaque fois
que l’on parle des Etats-Unis sur ce site, j’ai l’impression qu’on mélange deux
réalités très différentes.
L’Amérique
du citoyen moyen, de John Doe, est fondamentalement assez proche de l’Europe de
Schmidt ou de Dupond. Même préoccupations de base, même souci de trouver et de
conserver un job, d’envoyer ses gosses à l’école, de nouer les deux bouts, de
se payer un peu de bon temps. Leur approche est simplement beaucoup plus
individualiste, prompte au déracinement et à la migration vers d’autres cieux.
Ils vénèrent l’esprit d’initiative, se méfient de l’intellectualisme, détestent
l’ingérence dans leur vie privée. Pour eux, le modèle sociétal américain est
pratiquement parfait, et il n’y a d’autre endroit au monde qu’ils puissent
envier. Cette Amérique là n’a rien d’impérialiste ou d’hégémonique. Ils sont le
paradis, et ils prétendent juste le défendre contre l’extérieur. Point.
Puis il y a
l’Amérique plus ou moins occulte du pouvoir financier, des grandes
multinationales, des corporations. Celle-là tient les rênes, gouverne le
gouvernement, impose sa loi, sa politique extérieure, ses choix stratégiques. A
un certains niveau, tous les responsables politiques américains siègent ou ont
siégé dans le conseil d’administration des grandes corporations. Tous ces
responsables entretiennent une collusion étroite avec le monde de la finance et
des affaires. Tous sont en situation flagrante de ce que nous appellerions ici
un conflit d’intérêt, mais que tout le monde là-bas accepte parce qu’il est
normal et cohérent dans leur vision de la justice sociale qu’un homme de
pouvoir et de talent accède à la fortune pécuniaire. De la même manière, le jeu
américain est de faire beaucoup d’argent, ceux qui y sont parvenu ont du
talent, et ils méritent donc d’influencer la marche de la nation. C’est en gros
le raisonnement simpliste, et implicite, qui prévaut au sein de la population,
et qui autorise le monde la finance à régner sans partage sur la nation, et sur
le monde.
L’Amérique,
en tant que première nation triomphante, est en déclin. D’une part parce qu’elle
a bradé son industrie et sa capacité d’innovation en les délocalisant sous une
logique de mondialisation économique et de profit direct. Ceux qui ont hérité
de ces capacités, et principalement la Chine, ont pris plusieurs longueurs
d’avance et ne rétrocèderont jamais ce privilège aux américains. D’autre part
parce que la haute finance américaine s’adapte, et précisément, s’est
mondialisée. Les dirigeants des grandes entreprises, des multinationales, des
banques, ne sont pas patriotes ou nationalistes. Ils ne doivent pas faire vivre
l’économie de leur pays, mais trouver le profit là où il se cache, n’importe
où. S’ils doivent un jour faire migrer le siège de leurs activités, ils le
feront. Leur lutte pour la suprématie économique, le monopole, n’est pas une
lutte nationale. Disons que c’est une partie de monopoly à l’échelle de la
planète.
Les
Etats-Unis survivront sans doute en tant que grande nation, mais leur
domination sur la scène internationale s’érode inexorablement. La question
est : l’oligarchie financière doit-elle obligatoirement infiltrer et
contrôler une nation dominante, ou peut-elle se répartir sur plusieurs états,
dont elles prendraient progressivement le contrôle ? A l’heure actuelle,
le modèle libéral triomphe virtuellement partout dans le monde. Son pouvoir est
immense, sans partage. Y aura-t-il encore des nations, des communautés capables
de s’y opposer efficacement, de bifurquer vers des modèles de société plus
humains. Ça, c’est la question.