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Tristan Valmour 18 décembre 2010 12:30

Article d’une rare qualité, qui expose dans un langage clair des notions particulièrement complexes. En plus, votre dernier paragraphe implique l’humilité qui fait de ceux qui tiennent ce genre de discours de grands hommes.

Permettez-moi cependant d’oser formuler quelques critiques.

-  Le nombre de neurones est une estimation grossière. On s’accorde sur le nombre de 100 milliards par convention. En réalité, on aurait de 10 à 100 milliards de neurones (même 150-200 milliards à la naissance) ; le professeur Ledoux de New-York penche pour 30-40 milliards. Mais le plus important n’est pas le nombre de neurones, mais les connexions synaptiques. D’autre part, vous en êtes resté à la communication électrique. Seulement, l’information est transportée d’un neurone à l’autre par des neurotransmetteurs dont ne dispose pas la machine. On ne connaît pas le nombre de connexions potentielles.

-  Vous n’avez pas parlé des cellules gliales qui ont un rôle qui dépasse leur fonction nourricière. On les connaît très mal ; des surprises sont à venir. Elles sont beaucoup plus nombreuses que les neurones.

-  Il y a matière à discuter sur votre concept de mémorisation. Les spécialistes de la mémoire tendent de plus en plus à croire qu’on ne mémorise pas les faits ou les connaissances qui ne sont stockées nulle part ; on reconstruit les souvenirs et les connaissances. Souvenirs et savoirs seraient donc une reconstruction, pas une copie de la réalité, de l’input. Et ça, ça pose un big problem. L’exemple qu’on donne toujours en cours de neurosciences est le fait d’avoir quelque chose sur le bout de langue : je ne sais pas comment dire ce que je sais. C’est le signe que tout ce que l’on sait n’est pas stocké au même endroit. Je travaille aussi sur des modèles de développement de la mémoire (éducabilité cognitive) et mes constatations rejoignent cette conception énoncée plus haut. Au contraire, une machine stocke les données dans un ou plusieurs lieux, mais ces données sont plus intégrales que chez l’humain. 

-  « Il n’existe rien de tel dans les organismes vivants qui se sont construits selon d’autres logiques, par exemple les végétaux, ni rien de tel non plus dans les machines électroniques plus simples, comme les calculateurs ». Je ne suis pas d’accord avec vous. Les végétaux ont aussi une sorte de mémoire et sont guidés par une motilité qui leur est propre, comme chaque être animé (pour ne pas dire « vivant »).

-  « La MC ne conserve que celles présentant une certaine régularité, un certain caractère répétitif. ». A nuancer : il y a des événements uniques qui modifient la structure de la « mémoire centrale ». Par exemple, vous goûtez à un fruit joli mais dégoûtant : vous n’y reviendrez plus.

-  « Ceci n’est pas étonnant. L’organisme ne peut connaître son milieu qu’à travers les perceptions que lui en donnent ses E/S. ». A nuancer : on pense que les Asperger géniaux sont partiellement coupés de leur milieu, ce qui a conditionné leur cerveau à être aussi brillant. On établit de plus en plus cette causalité.

-  « Celles qui sont originales, c’est-à-dire qui correspondent à la perception d’un objet jamais rencontré jusqu’alors, sont mises en mémoire temporaire, avant d’être transformées en une cognition nouvelle si elles se répètent. » C’est malheureusement plus complexe. Toute information passe par la mémoire de travail, puis l’hippocampe fait le tri. Il laisse passer ce qui est nouveau, répété ou non. Ce n’est qu’ensuite que la mémoire à long terme conserve cette information selon la pertinence pour que l’organisme soit adapté à son milieu.

-  « Lorsqu’il reçoit une perception qu’il ne peut pas immédiatement rattacher à un objet déjà identifié, l’organisme doit lever le doute. Rester dans l’incertain pourrait être dangereux. » Tout dépend de l’âge de l’organisme. Les organismes les plus jeunes sont moins adaptés que leurs aînés. Ils doivent donc se reconfigurer plus vite. Au contraire, les organismes les plus expérimentés peuvent vivre avec le doute parce qu’ils ont suffisamment de connexions idoines ce qui statistiquement leur permet de vivre dans leur milieu.

-  « On parle de méthode hypothético-déductive ». C’est insuffisant, par exemple, l’analogie.

-  « plus le processus d’acquisition, de mise en forme puis de mémorisation des connaissances se perfectionne. ». Ajoutons le rôle de l’erreur qui entraîne le pruning, donc les connexions inutiles s’effacent, et le MC est plus performant. Il faut faire des erreurs pour être performant.

-  « Ce besoin de nommer ». Le bébé naît sans nommer. Il a de nombreuses images mentales qui lui permettent de s’approprier le monde sans le nommer. Quand il accède au langage, ses images mentales déclinent. De nombreux Asperger n’ont pas besoin de nommer. Einstein affirmait qu’il se passait du langage.

Je n’ai pas le temps de commenter le reste de l’article. En tout cas, encore une fois bravo. Juste une dernière chose : les machines sont construites sur le modèle humain, mais on connaît très mal l’humain. Par exemple, on est aujourd’hui incapable d’analyser en profondeur l’interaction de plus de 3 neurones ! Enfin, tout ceci est passionnant. Je relirai tout cela à tête reposée, bonne nuit.


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