A l’humanité
En août 2008, tandis que notre enfant était placé depuis 3 mois en pouponnière et que sa maman était hospitalisée, un commerçant de la ville d’où je vous écris m’a présenté une femme qui avait un souci avec un ordinateur. Il savait que j’étais en train de monter mon entreprise de dépannage informatique à domicile et que je prospectais en ce sens.
J’ai réparé l’ordinateur, sympathisé avec cette femme à qui j’ai parlé de mon projet et de ma vie. Celle-ci m’a certifié qu’elle pouvait m’aider sur les deux tableaux. Elle m’a trouvé un client, puis deux, m’a rapidement fait rencontrer via une de ses relations à la Mairie, où elle avait travaillé, la Présidente de l’Office des HLM de la ville, et m’a proposé de monter ma société en SCOP.
Devant son efficacité de m’ouvrir aussi aisément des portes, car elle connaissait beaucoup de monde, j’ai accepté et j’ai entreposé tout mon matériel informatique chez elle, c’était en effet plus pratique de réparer des ordinateurs à son domicile compte tenu qu’il existait une forte clientèle dans son quartier et que j’habitais à l’opposé de celui-ci.
Le 10 septembre 2008, à l’interphone de celle qui se destinait à devenir mon associée, cette dernière s’est mise soudainement à me vouvoyer, a refusé de m’ouvrir et m’a dit qu’elle gardait tout mon matériel en paiement du rendez-vous qu’elle m’avait pris avec l’Office des HLM de la ville.
Sous le choc de ce que je venais d’entendre, je suis rentré chez moi et pendant 10 jours je suis resté sur le carreau : j’ai pris conscience que cette femme avait non seulement abusé de ma confiance et profité de la fragilité de ma situation en me volant tout mon matériel, mais qu’elle venait aussi de tuer dans l’oeuf mon projet de création d’entreprise, de me pousser à la famine, de m’empêcher de payer mes loyers pour un certain temps, et plus encore.
Le 20 septembre suivant j’ai porté plainte contre elle à la Police Nationale, après lui avoir, sur recommandation d’un Officier, envoyé une lettre avec accusé de réception pour lui réclamer mes outils, lui laissant une quinzaine de jours pour s’exécuter.
Septembre, octobre et novembre 2008 sont passés, je n’ai pu payer les loyers, je mourais littéralement de faim car sans mes outils, mes logiciels, mes tournevis, mon écran, mes 2 ordinateurs et les périphériques que j’avais acheté pour les revendre à des clients qui me les avaient commandés, je ne pouvais générer de quoi subsister.
Le 28 novembre 2008, ma compagne a débarqué de l’hôpital, m’a dit qu’à cause de moi nous avions perdu notre enfant et que maintenant nous allions perdre notre appartement.
Vous connaissez la suite, je me suis retrouvé à la rue.
Ma plainte, au 15 novembre 2009, court toujours.
Mon préjudice matériel s’élève à 2800 euros, une fortune pour quelqu’un qui perçoit les ASS, quant à mon préjudice moral, compte tenu de tout ce qui a découlé de cette mésaventure, je laisse à d’autres le soin de le calculer et de toute façon, si cette femme devait un jour rendre des comptes devant la justice, ce qui est improbable, elle est insolvable.
Aucune de mes démarches auprès de la Police pour relancer l’enquête n’a abouti, par contre quand j’étais sdf, cette femme qui m’a littéralement piétiné alors que j’étais déjà à terre, me dévalisant alors que je n’avais déjà pas grand chose, que j’étais déjà mal en point avec mon enfant placé et ma compagne hospitalisée, m’a appelé sur mon portable et m’a dit avec aplomb qu’elle allait porter plainte pour diffamation à mon encontre, qu’elle avait des amis hauts placés à la Mairie et que jamais l’Office des HLM ne me donnerait d’appartement social.
Force est de constater que depuis que j’ai retrouvé ma compagne en avril 2009, la Mairie se contente de nous écrire pour nous dire de garder espoir, que les délais d’attribution sont longs, mais ce n’est pas tout, alors que cette même Mairie m’hébergeait dans son centre d’urgence au cours de l’hiver 2008, j’y ai été violemment agressé à mon réveil à 6h00 du matin par une personne qui, je l’ai appris quelques heures après par mes compagnons d’infortune, les avait agressés aussi et terrorisés, or, parce que j’ai porté plainte contre l’individu en question qui nous mettait tous en danger, la Responsable du CCAS de la ville a débarqué trois soirs après avec la Police Municipale qui a fait partir discrètement l’agresseur et quant à moi, rien qu’à y penser j’ai la gorge qui se sert :
http://sauveztheo.20minutes-blogs.fr/archive/2009/02/19/one-flew-over-the-bee-s-nest-c-est-un-bon-titre.html
Vous connaissez la suite, je n’ai pas porté plainte contre cette Responsable très proche d’un homme politique connu et qui siège au conseil municipal à côté de la Présidente de l’Office des HLM.
Elle m’a mis en danger en me faisant jeter de ce centre d’hébergement comme un chien, en plein mois de février 2008, alors que j’étais blessé physiquement et que j’avais l’âme en lambeau, mais comment porter plainte contre ceux-là même dont vous attendez un appartement social et qui, en toute impunité, peuvent vous écraser comme ils l’ont fait, sans aucun état d’âme ?
Ca me fait du bien de vous écrire tout cela, parce que voyez vous, ça vit en moi et ça me ronge, je n’ai que des murs infranchissables autour de moi, devant lesquels personne ne m’entend parce que je ne m’exprime pas, faute de ne plus avoir assez de mots pour exprimer ce que je ressens.
Notre enfant est placé dans une famille d’accueil depuis le 6 octobre 2009, il va bien et enchante toute la ville que nous traversons lorsque 2 x 3 heures par semaine nous nous retrouvons tous trois ensemble, hors du temps et de nos soucis.
Notre fils est en sécurité, mange à sa faim et est choyé, il sourit, c’est le plus important.
Quant à nous, en mars prochain nous allons être expulsés.
De 2001 en 2007, pendant les 6 ans d’attente du procès, tandis que ma compagne développait une bien triste maladie, faute d’avoir été entendue par la Justice dans un délai raisonnable, nous ne travaillions pas, c’était impossible. Notre loyer était de 670 euros, elle percevait le RMI, soit 380 euros et moi les ASS, 440 euros, à cela s’ajoutait l’allocation logement. Tous les services administratifs, judiciaires et médicaux, même le Trésor Public, avec qui nous étions en contact nous connaissaient, ils savaient que nous vivions ensemble, sauf un, la CAF.
En juin 2008, peu de temps après la naissance de notre garçon, la CAF a effectué un contrôle, sans se soucier des années noires que nous venions de traverser, où il ne nous restait rien pour survivre après avoir payé notre loyer. Je n’ai pas lu leur courrier, c’est ma compagne qui l’a ouvert sans rien me dire et compris que nous allions être poursuivis pour ne pas nous être déclarés habiter ensemble.
Je ne connais pas le montant de l’allocation mensuelle versée, mais sur des années, la somme totale doit être astronomique, je n’en connais pas non plus le montant, la CAF a refusé de nous le communiquer, estimant sans doute qu’il fallait nous épargner cette pression.
Ce que je sais, c’est qu’en juin 2008 ma compagne pleurait doucement en dormant et suppliait sa maman, et qu’au matin du 13 elle a implosé dans notre appartement.
Vous savez alors ce que j’ai fait, pour soustraire notre enfant à ce qui était en train d’arriver.
Alors le piège s’est refermé inexorablement sur notre cellule familiale, en juin 2008 l’ASE a placé notre enfant en pouponnière, ma compagne a été hospitalisée, en septembre 2008 j’ai été escroqué, en novembre 2008 je suis devenu sdf, en février 2009 j’ai été agressé dans le centre d’hébergement de la ville d’où j’ai été expulsé pour avoir porté plainte contre l’agresseur, en avril 2009 je retrouvais ma compagne et depuis nous nous battons pour stabiliser notre situation et récupérer notre enfant.
Entre temps un tribunal administratif, sans que nous soyons présents pour nous expliquer, a prononcé notre expulsion de notre logement, pour impayés.
Depuis, nous vivons dans l’appartement sans toujours pouvoir en payer les loyers, car avec mes 440 euros c’est impossible, et quand nous n’avons plus rien à manger les services sociaux de la ville nous rétorquent qu’avec 440 euros divisés par deux personnes nous avons assez par jour pour nous nourrir puisque nous ne payons pas les loyers...
Depuis juin 2008, alors que ma compagne a été reconnue handicapée à 80%, qu’elle devrait percevoir l’AH, elle ne perçoit strictement rien, car la CAF l’a radiée de leurs services pour se rembourser des allocations logements indument perçues.
Oui, vous me lisez bien, depuis juin 2008, ma compagne, victime d’une agression en 2001 qui l’a rendu handicapée, ne perçoit aucune prestation sociale, ni AH, ni RMI, ni allocations familiales, ni allocation logement, ni quoi que ce soit.
Nous vivons comme des rats avec les 440 euros de mes ASS, sans pouvoir payer nos loyers et nous privant de tout ce que vous pouvez imaginer.
Les Pouvoirs Publics nous ont abandonnés, et la CAF, l’ASE, les services sociaux de la ville, nous laissent ainsi scotchés dans la toile d’araignée, sans nous tendre la main car finalement, à quoi bon nous aider puisqu’à leurs yeux, notre enfant, notre petit, il est bien là où il est, non ?
Le 24 août 2009, j’avais trouvé un travail, mais voilà : la société vient de fermer ses portes jusqu’à nouvel ordre et au 15 novembre ni mes collègues ni moi n’avons reçu notre salaire du mois d’octobre ni les documents nécessaires à l’inscription à l’UNEDIC.
Mais tout va bien, vendredi dernier les services sociaux de la ville nous ont pris rendez-vous avec le Secours Catholique et samedi matin, nous avons eu droit de leur part, exceptionnellement, à 4 tickets de 8 euros pour faire les courses.
J’ai une barbe de 10 jours, les yeux cernés, le visage émacié, je regarde ma compagne au courage exemplaire, et nous pensons tous deux à la même chose : ce tunnel dans lequel nous avons été projetés en 2001 semble ne pas avoir de fin.
Cette lettre, c’est mon dernier baroud.
Qui que vous soyez, vous qui me lisez, si tant soit peu vous pouvez d’une quelconque façon, aussi minime soit elle, nous tendre la main pour nous aider à nous extirper, peu à peu, tous les trois, de l’engrenage qui est en train de nous broyer, par des conseils, par un travail, par un logement, par un soutien moral, par un comité de soutien, par un sourire, par des encouragements, n’hésitez pas, car nous en avons grand besoin vous savez.
De toute mon âme, au nom des miens, je vous remercie et vous prie de bien vouloir me pardonner.
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