Lors de la dernière campagne présidentielle, en 2007, l’attention des deux principaux candidats s’est focalisée en partie sur la notion d’identité nationale. Ce thème a littéralement été jeté en pâture aux électeurs, avec deux approches très différentes, mais aussi superficielles :
A droite, le candidat accentuait la paranoïa des électeurs en affirmant que l’identité nationale est en danger du fait du grand nombre d’étrangers. La solution est donc simple : fermer les frontières, et renvoyer tous les irréguliers, administrativement parlant, chez eux et enfin créer un grand ministère de l’immigration. Tant pis pour l’économie qui a tant besoin de ces nouveaux esclaves, le principal est qu’on reste entre bons français, c’est bon pour le moral. Dans ce cas, l’identité française se définit par rapport à l’Autre, à l’Etranger, surtout lorsqu’il vient de pays en voie de développement ou d’anciennes colonies.
A gauche, la candidate a préféré jouer sur les symboles français qui d’après elle, étaient un peu délaissés. Nous avons donc assisté au comeback massif de la "Marseillaise", et du drapeau français. L’idée que chaque foyer ait son drapeau pour le sortir aux grandes occasions implique donc que l’identité nationale se suffirait de l’adhésion à quelques symboles de la République Française. Est donc français(e), celui qui sait chanter l’hymne national et sort son drapeau sur son balcon le jour du 14 juillet.
Or aucun des deux candidats n’a fait le rapprochement entre l’identité nationale, le sentiment d’appartenir à un pays, et le rapport avec la Culture du pays.
(Le mot culture est à prendre au sens large du terme .Il s’agit ici de :
la littérature, la connaissance de l’histoire de son pays, la musique, la gastronomie et plus largement, les rituels autour des repas, la peinture, l’architecture, la connaissance de la langue, les traditions, etc.)
Au-delà des spécificités régionales, la culture française nous est en grande partie transmise massivement par l’école. C’est le lieu où l’on découvre les grands moments de l’histoire, la littérature, les règles civiques, ...De tout cela, aucun de nos candidats n’en n’a parlé.
L’idée que l’identité nationale pourrait être renforcée par un accroissement de la culture générale n’a pas été exprimé. L’idée que cette identité puisse venir d’une adhésion à des références culturelles communes de Lille à Marseille, de Metz à Biarritz et de Brest à Strasbourg est restée sous silence. Il s’agit bien de références culturelles communes dont on parle ici, pas d’adhésion aux symboles de la République ! Si les français étaient fiers de leur culture, solidement ancrés dans des valeurs communes, ils seraient peu être moins effrayés par l’Autre.
Le formatage que subissent tous les enfants de la terre est un formatage essentiellement culturel. Dans les dictatures, on les formate aussi politiquement, mais ce qui est commun à tous, c’est que par la nourriture, les chants, la musique de la langue, les parfums, les rites, les expressions idiomatiques, les danses, les jeux, ils vont peu à peu se différencier des enfants des autres pays. La religion jour aussi un rôle, mais elle moins différenciante que la culture. En effet, un enfant catholique italien sera d’une culture très différente qu’un enfant catholique mexicain. Un enfant musulman indonésien aura des références culturelles très différentes d’une enfant musulman libanais. On peut également s’amuser à comparer la différence culturelle qu’il y a entre un enfant juif français et un enfant juif américain, ou celle qui existe entre un noir américain et celle d’un nigérian ! La couleur de peau, la religion, ces critères qui si souvent importent tant aux racistes, ne sont finalement pas ceux qui différencie les peuples entre eux. Ce qui les différencie au plus profond, c’est la culture, cette façon si particulière dont les hommes ont inventé leur civilisations, aux quatre coins du monde, apportant chacun à leur manière si originale une réponse différente pour vivre dans un endroit différent. Cette multitude de réponse qui s’est construite lentement dans le temps est un formidable témoin de la créativité de l’être humain.
Donc, en France, c’est cette culture qu’il faut favoriser, montrer à quel point cette culture s’est forgée dans un contexte géographique et climatique donné, et que même en France, les réponses on été très différentes tant sont différents les climats et les la géologie de nos régions.
Peut-être que le malaise identitaire français provient justement de l’histoire de nos régions. Dans les siècles passés, chaque région a été annexée, conquise, aliénée par l’état central. Les populations étaient loin d’être françaises, et c’est au moment de la révolution qu’on a commencé à parler d’Assemblée Nationale, pour insister sur un fonctionnement législatif et exécutif qui serait le même dans toutes les régions. C’était il y a seulement 200 ans... La généalogie montre bien toutes les migrations internes en France, et cela continue. Les français sont donc eux aussi souvent des immigrés de l’intérieur, en se retrouvant dans des régions qui sont subtilement différentes de leur région d’origine. Ils se retrouvent bien en France, mais la culture commune n’est peut-être pas suffisamment solide pour se sentir à la fois français et de sa région (pays). Ce mal être est peut-être projeté vers l’autre, l’étranger, bouc émissaire d’une réalité plus compliquée de l’immigration vécue chez beaucoup de français de façon intime et refoulée.
L’assimilation des références donne un sentiment très profond d’appartenir à une communauté. Ce sentiment est si fort, si primordiale pour l’identité que par ex les jeunes d’aujourd’hui des communautés s’inventent sur internet,. Sur internet la communauté se fera autour d’un style de vie, de groupe de musique, de nouveaux langages, etc...Bref c’est une nouvelle culture qui est en train de naître dans un contexte social différent des précédents. Chaque génération, au sein d’une même culture, invente sa propre culture, ses propres références. Cette inventivité continue à faire avancer la notion de culture pour qu’elle ne reste pas figée.
Apporter sa culture aux nouvelles générations a un coût, mais pour certains pays, ce coût n’est pas discuté. Le gouvernement grec, par exemple, paie des instituteurs expatriés dans les grands pays du monde pour apprendre gratuitement aux enfants d’immigrés grecs leur culture d’origine. Ces enfants deviennent donc biculturels, ils connaissent la culture grecque et la culture du pays d’accueil. C’est une richesse culturelle qui peut devenir une richesse économique, le bilinguisme et la bi-culturalité mobilisant doublement les jeunes cerveaux.
Les nouveaux programmes scolaires qui seront appliqués dans nos écoles à partir de septembre 2008 ne vont pas vraiment dans ce sens. L’observation, l’esprit critique, la musique ne seront plus valorisés. Plus tard, au collège, les programmes de littérature entre autres seront probablement réduits. Comment favorisera-t-on alors l’assimilation par les français de leur propre culture ? Comment les éveillera-t-on aux autres cultures ? Nous aurons probablement à terme des enfants encore plus acculturés que ceux d’aujourd’hui, et moins d’immigrés dans le pays. Est-ce ainsi qu’on résoudra le problème qu’ont les français avec leur identité nationale ? Quels seront les prochains arguments de mauvaise foi pour répondre à ce profond mal-être ?
