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Accueil du site > Tribune Libre > À qui a profité l’inflation organisée dès la Libération par Charles (...)

À qui a profité l’inflation organisée dès la Libération par Charles de Gaulle ?

Grâce à la formation qu’il avait suivie, Pierre Mendès France était devenu un spécialiste des questions économiques, monétaires et financières. Si nous ouvrons la thèse de doctorat qu’il a présentée en 1928 sous le titre "La politique financière du gouvernement Poincaré" ‒ question dont on voit toute l’actualité qu’elle pouvait avoir alors ‒, nous constatons qu’il s’était penché sur l’impact différencié de l’inflation selon la place occupée dans l’économie, et tout spécialement sur les salaires :

« La dépréciation de la monnaie entraîne, ipso facto, l’augmentation du coût des produits importés, puis de proche en proche s’élèvent les prix de gros, prix habituels des transactions commerciales, les prix de détail, enfin les salaires ; en d’autres termes, la hausse du prix du pain suit de loin celle des changes étrangers et elle précède celle des salaires. » (Pierre Mendès France, Œuvres Complètes, I, page 61)

Dans les conditions d’une époque où l’alimentation constituait une part très importante du budget ouvrier, Pierre Mendès France souligne l’impact que pouvait avoir sur celui‒ci la dynamique de l’inflation… Et tout autant celle du retour à la stabilité monétaire. C’est ce qu’il écrit ensuite :
« Aussitôt que la monnaie redevient stable, l’ensemble de l’appareil économique tend aussi à la stabilité, mais cette stabilité suppose absolument un retour d’équilibre entre l’économie nationale et le milieu ambiant. » (page 62)

Voilà pour les liens avec l’extérieur. Quant à l’intérieur…
« La dernière à retrouver son prix est la main‒d’œuvre ; dans le second processus comme dans le premier, ce sont les salariés qui subissent le maximum de retard. » (page 62)

D’où il résulte qu’à eux seuls, l’inflation et son retournement sont un instrument assez perfectionné pour produire une suraccumulation du côté des propriétaires des moyens de production, et un appauvrissement chez les salariés. L’inflation peut être plus ou moins sournoise, ou plus ou moins brutale, de même pour son retournement. Dans tous les cas, elle s’assimile à une accumulation primitive, c’est‒à‒dire qu’elle est une violence faite par‒delà la simple exploitation directe du travail.

La bourgeoisie conquérante l’adore. La bourgeoisie installée ne l’aime pas du tout, mais elle sait très bien s’en servir à son profit… contre la petite bourgeoisie.

Et voici que De Gaulle nomme Pierre Mendès France, commissaire aux Finances du Comité Français de la Libération Nationale en novembre 1943. Or, dès le 15 mars 1944, Mendès France écrit une première lettre de démission dont il fait état, le 30 mars suivant, depuis Alger, auprès de son ami Georges Boris resté à Londres :
« Vous avez compris à la lecture du discours du Général que celui‒ci s’était prononcé dans mon sens, mais cela ne constitue qu’un succès apparent qui n’a eu d’autre effet que de m’obliger à retirer ma démission donnée quelques jours avant en présence de la généralité des résistances qui s’étaient manifestées de toutes parts. » (Œuvres Complètes, II, page 34)

Il s’agissait du discours prononcé par Charles de Gaulle devant l’Assemblée consultative d’Alger le 18 mars 1944. Non seulement il devait rassurer Mendès France, pour le conserver auprès de lui, mais il devait le conserver pour laisser un maximum d’illusions à la Résistance. Ainsi affirmait‒il, à propos du gouvernement qu’il dirigeait :
« Il va de soi qu’il ne tolérera pas les coalitions d’intérêts, les monopoles privés, les trusts, dont la persistance dans la période de démarrage compromettrait par avance les réformes de structure économiques et sociales que veut aujourd’hui l’immense majorité des Français et dont décidera la représentation nationale. Dans un ordre d’idées connexe, les excès d’enrichissement réalisés à l’occasion et parfois à la faveur du malheur général, ceux‒là surtout qui auront été obtenus par des activités déployées à l’avantage direct de l’ennemi, devront être purement et simplement supprimés. » (Discours et messages, page 385)

"Supprimés"… Comment, et par qui ? Et dans quel contexte plus général ? Analysant, au printemps de 1944, le document mis au point par le C.F.N.L. sous le titre "Directives particulières pour le ravitaillement de la France au moment du débarquement", Pierre Mendès France écrivait :
« Étant donné que les difficultés de ravitaillement subsisteront pendant assez longtemps, l’œuvre des organismes officiels ou semi‒officiels doit être sous le contrôle immédiat de l’opinion publique ‒ laquelle ne soupçonnera que trop souvent le sabotage des fonctionnaires dont un grand nombre auront été en place avant la libération. Il paraît donc essentiel de faire dans ces organisations une place d’action et de contrôle importante aux organisations de résistance et aux organisations ouvrières. » (Œuvres Complètes, II, page 36)

Ces fonctionnaires déjà en place sont, bien sûr, ceux de Vichy. Mais, là aussi, De Gaulle rassure son monde (discours du 18 mars 1944) :
« Il ne saurait donc y avoir, je le déclare avec force, aucune autre autorité publique que celle qui procède du pouvoir central responsable. Tout essai de maintien, même partiel ou camouflé, de l’organisme de Vichy, comme toute formation artificielle de pouvoirs extérieurs au Gouvernement, seraient intolérables et, par avance, condamnés. » (Discours et messages, page 384)

Mais qui fera le tri. La réponse est là, tout aussitôt :
« Localement, dès l’instant où se feront connaître les autorités désignées par le Comité Français de la Libération nationale, les citoyens auront la stricte obligation de se conformer à leurs instructions sans préjudice, bien entendu, du rôle à jouer auprès d’elles par les organismes consultatifs que leur fourniront certainement nos Comités de Libération, en attendant que soient constituées les assemblées locales prévues. Malheur à qui attenterait à l’unité nationale ! » (page 384)

Nous pressentons que le rapport de classes est fixé : ou bien l’autorité est remise aux exécutifs, nationaux ou locaux, désignés par Charles de Gaulle, ou bien elle se trouve placée sous le contrôle des organisations de résistance et des organisations ouvrières… C'est, en fait, la monnaie qui va permettre de faire le tri, ainsi que nous le verrons.


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8 réactions à cet article    


  • Hortus 22 août 2015 10:40

    Merci de toutes les références que vous citez. Il serait bon pour se faire une idée autre que sommaire que ceux qui vous critiquent si durement, donnent les leurs. L’invective ne remplace pas le débat. Elle est d’ailleurs contre-productive.


    • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 22 août 2015 10:53

      @Hortus
      Je partage votre avis.
      Et je dois dire que je suis moi-même désolé de ne pas rencontrer ici de véritables arguments contraires me permettant d’approfondir mon analyse.
      Dans celle-ci, De Gaulle n’est bien sûr qu’un moment. En effet, je travaille sur la période qui s’étend de 1700 jusqu’à ce jour-même, et je suis très éloigné de me limiter à la seule France, et aux seules questions économiques, politiques ou sociales.
      En règle générale, il me semble que les questions théoriques ne peuvent en aucun cas être négligées, compte tenu de la situation extrêmement grave dans laquelle se trouve notre pauvre pays.
      Or, celle-ci se reflète avec une crudité tout à fait parlante chez ces personnages qui ne songent qu’à la censure et, pourquoi pas, aux menaces de mort, cachés qu’ils sont derrière un anonymat total.
      Est-ce là tout ce que Charles de Gaulle trouvera de soutiens en ce début de troisième millénaire ? Je le crains. Mais je veux bien être patient.


    • mmbbb 22 août 2015 11:21

      @Michel J. Cuny Vous devriez vous confronter a des historiens et organiser un debat public sur une chaine comme Arte Cette demarche salutaire serait plus interessante que les polemiques de ce blog qui ressemble a un guerre de tranchee Quoi qu il en soit je retiens la lecon de mes cours d’histoire qui dans les annees 1970 1980 etaient tout de meme assez sinon tres orientées de cette education nationale. J’avais un professeur qui nous emmenait voir des films sur le collectivisme chinois Il suffisait de critiquer les USA pour avoir la moyenne ce que chacun faisait parce qu in fine ces cours d’histoire tout le monde s’en branlait Chacun a son libre arbitre et je garde le mien. 


    • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 22 août 2015 11:39

      Merci pour le conseil...
      Mais que croyez-vous que Françoise Petitdemange et moi avons fait depuis maintenant plus de quarante ans ?
      Est-ce que ce qui est ci-dessous ne peut pas vous servir d’indication suffisante ?
      Seriez-vous encore un enfant ?
      http://reseauinternational.net/wikipedia-ostracise-francoise-petitdemange-et-michel-j-cuny/

      Vous voyez pourtant bien qu’ici-même, on me menace de mort !
      Croyez-vous que ce soit différent ailleurs ?
      Et pourtant je cite des textes très précis. Ce que jamais personne ne fait en telle quantité.
      Or, vous ne voyez paraître à cet endroit que le millième de ce que j’ai écrit ici ou là. Quarante années, vous savez, c’est long... Alors que je ne viens sur ce site que depuis quelques mois, et que je n’ai encore pratiquement rien dit de ce que j’ai à y dire.

      • Furax Furax 22 août 2015 11:55

        Vous êtes d’une malhonnêteté qui frise l’extrême ridicule ;
        J’invite ceux qui vous approuvent à relire votre texte sans les commentaires de Cuny.
        Et dites ensuite ce que vous trouvez répréhensible ou condamnable.
        Cuny noie les textes sous ses commentaires graveleux.

        Je ne sais pas si vous l’avez remarqué Cuny mais, ici, l’anonymat est la règle.
        Les seuls à ne pas l’appliquer sont ou des candidats à des élections quelconques, politiques, associatives ou syndicales, ou les commerçants qui ont quelque choses à vendre. A ce tiitre, vos remerciements à Morice pour la publicité faite sont significatifs.
        En bien ou en mal, parlez de moi.
        C’est donc ma dernière intervention sur vos articles.


        • devphil30 devphil30 22 août 2015 18:46

          @Furax

          Je vous approuve.
          Je n’interviendrais plus moi non plus sur ces articles paranoïaques.

          J’espère à terme une prise par la modération pour voir que ce personnage n’a de cesse de raconter n’importe quoi en développant et commentant des extraits des ses écrits insipides à la hauteur des articles qui nous sont imposés tous les jours.

          La meilleure méthode est de plus faire aucuns commentaires.

          Philippe

        • Dom66 Dom66 24 août 2015 00:58

          @Furax

          Déjà le titre ? PAR CDG ??? smiley

          Histoire racontée par Charles de Gaulle !  A qui a profité l’inflation organisée, bla bla bla.


        • doctorix, complotiste doctorix 24 août 2015 01:16

          Moi, j’aimais l’inflation.

          Elle m’a permis d’acheter une baraque il y a près de 40 ans.
          Il y avait certes des intérêts de 12% à mon emprunt, mais cinq ans plus tard mes remboursements avaient diminué de moitié en valeur.
          C’est ce que mes enfants ne peuvent plus faire.
          L’inflation vole tout le monde, mais surtout ceux qui ont de l’argent. C’est bien pourquoi ils ont réussi à l’empêcher.
          Pour tous les autres, c’est une bénédiction à condition qu’elle soit modérée et maîtrisée.
          C’est un rééquilibrage des richesses. D’ailleurs, c’est bien depuis ce succès des nantis que les écarts se sont creusés entre les plus riches et les plus pauvres.
          CQFD.

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