• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Big Brother : chronique d’une faute originelle

Big Brother : chronique d’une faute originelle

Des hommes drapés dans leur bonne conscience

Pourquoi protéger sa vie privée, me direz-vous, si je n’ai rien à me reprocher et que (donc) cet « oeïl », ce regard sur moi est nécessairement bienveillant.

« L’enfer c’est les autres » faisait dire Jean-Paul Sartre à un de ses héros dans Huis Clos.

Qu’est-ce que la vie privée ? Par excellence c’est celle qui est protégée du regard d’autrui excepté de celui des proches, ceux qui vous côtoient, accessoirement, ceux qui vous aiment, vous apprécient, vous tiennent en estime, vous aident à progresser, vous soutiennent, vous protègent, ceux qui vous "connaissent bien".

Hors ces « murs visibles et invisibles », vous n’êtes plus protégé, les regards sont partiels, vous êtes partiellement visible, on vous « découvre » (découvrir : retirer une couverture) sans vraiment vous connaître, on est tenté de vous juger avant que de vous aimer.

Et ça change tout !

Adam et Eve, nus de leur mauvaise conscience


L’histoire commence avec celle des hommes, du moins c’est ce que nous enseigne la Bible – livre le plus lu dans le monde – lorsque Adam et Eve sont dans le paradis terrestre.

L’homme s’y éveille à la conscience du désir de connaître, se découvre séparé, distinct d’Eve qui « sort de sa côte » (ou bien : qu’il voit à côté de lui* donc désirable ?), se démultiplie en générations (arbre de vie), séparé mais relié à ses parents et à ses enfants. Un arbre auquel il ne doit pas toucher. C’est ce qu’il ressent sans trop savoir de quoi il s’agit vraiment du désir de connaître.

Alors, troublé par cet arbre de vie auquel ils ne doivent pas toucher sous peine d’accéder au « mal connaître » (à la "mauvaise conscience" ?) alors que tous les autres arbres lui sont autorisés pour accéder au « bien connaître » (à la "bonne conscience" ?), il s’en remet à Eve.

Eve ne touche pas à l’arbre de vie, elle désire le fruit d’un arbre autorisé, le cueille ! Le pommier. Elle goûte la pomme et trouve que ce fruit est bon. Elle y fait goûter son homme qui le trouve bon également.

Mais alors, qu’est-ce qu’ils ont ces deux-là à croire tout ce que leur dit ce « serpent » qui s’est trompé, qui les a trompés, en creux, leur faisant croire que tous les fruits de tous les arbres du jardin étaient interdits !

Qu’est-ce qu’ils ont à se cacher comme ça, à se sentir « tout nu » pour une faute qu’ils n’ont pas commise !

Avant cette erreur d’interprétation, Adam et Eve étaient nus mais n’en avaient pas conscience.

Ils se sentent coupables et cette culpabilité va leur porter malheur ! Ils sont chassés du paradis terrestre, avec une double malédiction divine :
« Tu travailleras à la sueur de ton front »
« Je ferai abonder les grossesses de ta femme et elle enfantera dans la douleur »

C’est l’incroyable histoire d’un Dieu impitoyable, créé de toute pièce lors du premier sentiment de culpabilité, la "faute originelle".

Se sentir nu, c'est se sentir coupable

Tout avait bien commencé pour ces deux-là : après avoir été créé homme et femme, capables de se désirer et d’alimenter l’arbre de vie, capables également de désirer et de « goûter » les fruits pour s’en nourrir et par extension de goûter et connaître tout ce qui est sur terre, ils se laissent berner par une bestiole frétillante qui leur file « la maladie » « la faute originelle » !

L’erreur se poursuit probablement, persuadés d’être maudits, de déchéance en déchéance, très certainement par la consommation de l’arbre de vie (inceste, abandons d’enfants, et pire encore) et bien d’autres consommations, y compris du corps humain (cannibalisme antique et moderne) : tout devient consommable !

Avec BIG BROTHER, bonne ou mauvaise conscience, les hommes sont tous nus

Il a la capacité de nous déshabiller, de nous rendre nu et vulnérables.

Il a la capacité de se substituer à une conscience raisonnée et raisonnable de ce qui nous entoure, de ce que nous vivons, du fil de notre histoire, avec le risque impressionnant de nous priver de notre liberté.

 Il a la capacité de nous juger, d’exploiter nos faiblesses, de nous manipuler…

Il a la capacité d’induire un sentiment de culpabilité latent, diffus.

Il devient ubiquitaire, inconnaissable, mais peut agir à partir de tout ce qu’il sait de vous, lorsqu’il s’agit d’une personne, d’une institution, qui prend possession de toutes les informations qui vous concernent. On appelle ça le « social engenering », une arme qui peut être fatale.

C’est un pouvoir qu’aucun homme ne doit avoir sur un autre.

La législation est d’ailleurs très claire face à ce type de criminalité : la vie privée est inviolable.

Mais si vous laissez tout traîner…

BIG BROTHER, le soupçon induit la mauvaise conscience et le désordre

BIG BROTHER devient dangereux lorsqu’il s’incarne. Et, c’est trop tentant, toutes ces informations accessibles en « un clic », lorsque la curiosité ou l’appât du gain, sont de la partie.

BIG BROTHER peut vous consommer, vous anéantir.

« Il » c’est cet « inconnu » (personne, institution) qui peut, à partir de données disponibles vous concernant, prendre en main votre destin, sans même que vous vous en rendiez compte, en agissant « dans votre dos », sans vous en tenir informé, sans avoir à vous « apprivoiser » comme dans toute relation humaine normale, avec des desseins qui vous échappent.

Vous êtes déjà nombreux à être ou avoir été « espionnés » d’une façon ou d’une autre. (voir les statistiques des écoutes téléphoniques « légales » ces dernières années, par exemple). Preuve s’il en est qu’on peut à tout moment vous soupçonner.

Qui vous écoute ? des gens « comme tout le monde » avec leurs générosité parfois, leurs insignifiance aussi, leurs fautes passées ou en cours, leur curiosité saine et malsaine – un voyeurisme avéré -, leur tentation d’outrepasser leurs droits, le dépassement de leurs droits.

Lorsque vous aurez conscience d’être victime, il sera déjà bien trop tard. L’heure aura sonné de voir la vérité en face : on vous a espionné parce qu’on vous soupçonne, parce qu’on ne vous croit pas sur parole.

Et votre vie pourra basculer car la colère d’être ou d’avoir été soupçonné (rappelez-vous la réaction des personnes victimes d’écoutes téléphoniques sous Mitterand), de l’interprétation de ces données, vous rappellera étrangement des événements où vous n’avez pas pu vous défendre lorsque vous étiez enfant – alors que dans toute institution, vous pouvez vous faire accompagner qui par un responsable syndical, par un avocat, par un groupe d’amis…, mais là, ce sera « toute une histoire », la vôtre, qui vous aura échappé.

Il est temps de réagir, de prévenir toute intrusion dans la vie privée, de peur d’aboutir à de vraies fautes.

Si l’informatique peut troubler la vie privée avec des moyens dépassant l’entendement, les hommes qui la développent devraient être capables de redonner à la vie privée sont caractère inviolable.

A nous d’interroger les candidats à la présidentielle à ce sujet, si prompts au demeurant à financer les instituts de sondage.

Protégeront-ils notre "bonne conscience" ?

 

* quelques "idées" sont issues du l'ouvrage de Marie Balmary, Le sacrifice interdit - Freud et la Bible


Moyenne des avis sur cet article :  4.56/5   (9 votes)




Réagissez à l'article

5 réactions à cet article    


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 17 décembre 2011 18:48

    Bonjour,

    " Eve ne touche pas à l’arbre de vie, elle désire le fruit d’un arbre autorisé, le cueille elle goûte la pomme et trouve que ce fruit est bon. Elle y fait goûter son homme qui le trouve bon également. " Puis, Adam soumet Eve à lui croquer immédiatement la pomme et la met à genoux à ses pieds pour lui infliger la pénitence originelle. Elle s’exécute goulument afin de s’assurer la semence exclusive du géniteur génial et lui offre immédiatement sa fleur grande ouverte et épanouie qu’il photographie illico avec son smartphone et en envoie une copie illico à son pote califonichien qui les collectionne sur un site porno. Eve deviendra peut être une star un jour et sa sextape vaudra alors des millions de vues sur youtube jusqu’à ce qu’un photographe célèbre lui achètera des ovaires qu’il revendra congelées à un chef d’Etat qui se croyait membre à part entière du peuple élu, lequel compte de toute sa race sur elle pour repeupler le monde de l’après l’arche de noé sur son yatcht du monde futur de demain...

    Mais, demain ne commence t il pas aujourd’hui... ?


    • clostra 17 décembre 2011 19:11

      Je vois que vous avez déjà péché en pensée...et en parole...dites-moi !


    • clostra 18 décembre 2011 15:54

      C’est dommage, j’espérais qu’on irait plus loin dans la réflexion.

      Cependant, Lisa SION 2 faites une bonne entrée en matière du « semblable ».

      Certains pensent que la pomme et le pommier au paradis qu’on a l’habitude de situer en Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, sont peu vraisemblables. En revanche, c’est une terre où pousse (poussait ?) le figuier.

      A votre avis, dans le « délire » qui s’installe au paradis terrestre, connaissant la psychologie masculine et féminine, qui a franchi le pas du « semblable » le premier ?

      N’est-ce pas Adam qui pousse sa compagne à se cacher, en l’accusant de tous les maux.

      Généralement, pour une femme, une pomme est une pomme et une chatte est une chatte. La nature nous a fait ainsi pour pas tout confondre...les hommes fantasment (les femmes y viennent mais un peu plus tard)

      Le délire vient de celui qui interprète mal et c’est un des biens (ou des maux) les mieux partagés.

      On rit moins quand on sait que ce sont des personnes qui à leur insu remplissent les data bases de Big Brother et nul ne sait qui il sera quand il s’incarnera.

      Si vous prenez conscience que tout ce que vous dites est enregistré quelque part, vous hésiterez peut-être à faire accuser qui un voisin, qui un parent...A moins que vous soyez collabo dans l’âme. Parfois, vous hésiterez même à vous défendre...


      • COVADONGA722 COVADONGA722 18 décembre 2011 16:56

        Tu peux sonder la nuit qui nous entoure.
        Tu peux foncer sur cette nuit... Tu n’en sortiras pas.
        Adam et Ève, qu’il a dû être atroce, votre premier baiser,
        Puisque vous nous avez créés désespérés

        O KHayyam  rubayat


        • clostra 19 décembre 2011 11:00

          LA BENEDICTION

          A l’aventure, en barque, au nord

          Dans la trompette des oiseaux

          Les poissons dans leur élément

          L’homme qui creuse sa couronne

          Allume un brasier dans la cloche

          Et le guerrier bardé de fer

          Que l’on fait rôtir à la broche

          Apprend l’amour et la musique.

          Paul Eluard - Capitale de la douleur

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès