C’est la faute au pétrole et à l’euro !
Le commerce extérieur de notre pays vient de battre un nouveau record. Avec un déficit de 15 milliards d’euros pour le premier semestre 2007, jamais la France n’avait connu un si mauvais chiffre. Alors, à qui la faute ?
Avec leur large sourire émail blancheur, les jeunes personnes qui présentent les journaux de 20 heures, tant sur les chaînes hertziennes que sur les chaînes TNT, jugent en leur âme et conscience de gens qui connaissent un peu l’économie, que c’est encore la faute du pétrole et de l’euro.
A la même heure, les chaînes des télévisions allemandes annoncent fièrement que leur commerce extérieur confirme sa bonne santé avec un excédent de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Avec le même baril de pétrole et le même euro que les Français ! Alors, où est l’erreur ? Les Allemands mentiraient-ils à leur opinion publique ? Ou alors, tout comme il existe un dollar canadien, un dollar australien ... un dollar américain, il pourrait bien exister aussi un euro allemand, un euro espagnol ... et un euro français. Eux, les Allemands et les Espagnols, auraient le bon euro et nous, nous aurions le mauvais.
Soyons sérieux et revenons à la réalité ! En fait, l’Allemagne est plus pénalisée que nous par la hausse du pétrole, car elle en consomme plus, en ne bénéficiant pas, comme nous, d’une production électrique qui provient à 87 % du nucléaire. L’Allemagne est plus pénalisée que nous par la hausse de l’euro, car son économie est plus ouverte que la nôtre sur le monde. De plus, l’Allemagne est pénalisée, comme nous, par la faiblesse du dollar vis-à-vis des ventes d’airbus, car elle est à parité avec nous dans ce programme. Et, malgré tous ses handicaps, le commerce extérieur allemand bat record sur record. Premier commerce extérieur planétaire en 2006, avec un excédent de 100 milliards d’euros... allemands (sic).
Bien sûr, il ne nous appartient pas de dire aux brillants économistes de notre nouveau gouvernement que les causes de notre déficit commercial abyssal sont d’ordre structurelles et non pas conjoncturelles. Laissons notre président dire que la France est pénalisée par l’euro fort, par l’indépendance de la BCE et par celle de son gouverneur J.C. Trichet ! Cependant, il y a danger à trop laisser dire que c’est de la faute de l’autre et de l’Europe. Quand le chef fait un tel diagnostic, on peut malheureusement craindre que le diagnostic fait par ses propres collaborateurs aille dans le même sens. Erroné, naturellement, car aucun des douze autres pays de l’Euroland n’est dans une telle situation et ne fait un tel constat avec le même baril, la même monnaie et... le même dollar américain qui vaut ce qu’il vaut, c’est-à-dire 1,37 euro ou 1,38. Cela dépend des jours.
Alors qu’est-ce qui ne va pas chez nous ?
En fait, il n’y a pas grand-chose qui aille. Au déficit annuel du commerce extérieur (sûrement proche de 30 milliards en 2007), il faut ajouter celui de l’assurance maladie (12 milliards), celui des caisses de retraite (4,5 milliards), celui du budget de l’Etat (60 milliards attendus en 2007), celui de la dette publique (1 175 milliards) et celui, nouveau, engendré par les cadeaux fiscaux (13 milliards). Et en termes de rentrée ? Rien, on compte sur l’amélioration de la conjoncture internationale qui, par ricochets successifs, devrait déclencher de la croissance en France. Peut-être 2,1 en 2007, alors que la zone euro sera à 2,7.
Ah si, un chiffre est bon, c’est celui du nombre de chômeurs. Deux millions deux cents mille, soit 8 % de la population active selon l’Insee, aux vraies normes du BIT. Là, est le paradoxe ! Nous, Français, nous trouvons que ce chiffre est bon, alors que d’autres pays le trouvent vraiment mauvais.
Tout comme avec la météo, nous ne savons plus à quel saint nous vouer. Qu’est-ce qui est bon et qu’est-ce qui n’est pas bon ? Nous ne le savons plus vraiment.
En fait, il faut être optimisme et avoir confiance. La confiance en soi, là est tout le challenge. Faire du "Coué Emile" comme aime le faire notre cher président. Mais on voit aussi et surtout que cela consiste d’abord à crier haro sur les autres, sur le pétrole, le dollar, l’euro, le yuan, le yen, la BCE, la Chine, l’Inde, le Brésil, les conditions climatiques, sans oublier les cours mondiaux des céréales, du café, du soja, du lait... et peut-être demain, les marchés financiers. Crions, crions et tout finira bien par s’arranger un jour !
Ah ! si le baril pouvait baisser et ne plus être soumis à la loi de l’offre et de la demande ! Comme cela, nous pourrions en consommer plus et en importer encore davantage. On verra bien ensuite ce qui se passera.
Ah ! si l’euro pouvait baisser et si, dans le temps, le dollar pouvait augmenter ! Comme cela, nous paierions encore plus cher notre pétrole. Beaucoup plus cher. Mais qui en a conscience ?
Que de bêtises ! Cela prouve bien à l’évidence que nous, Français, avons une culture économique des plus rudimentaires.
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