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Accueil du site > Tribune Libre > Canal du Nicaragua vs canal de Panama : le péril jaune

Canal du Nicaragua vs canal de Panama : le péril jaune

Comment un aussi petit pays a-t-il pu attirer autant de malheurs ?

Victime de ses propres dictatures et des répressions de son grand voisin, le Nicaragua semble s'en éloigner et entrer en eaux calmes, mais sans grands moyens financiers et sans beaucoup de ressources humaines qualifiées.

 

Le péril jaune : l'influence du nouveau géant planétaire

Le président Daniel Ortega a donc décidé de construire un canal concurrent au canal de Panama pour créer un cercle vertueux, ou mieux une spirale vertueuse, qui graviterait autour de l'activité économique et de l'accroissement du niveau de vie.

Le projet de canal inter-océanique du Nicaragua est un projet qui vise à relier l'océan Atlantique (mer des Caraïbes) à l'océan Pacifique en utilisant le lac Nicaragua, lequel se trouve seulement à 34 mètres au-dessus du niveau de la mer.

L'itinéraire le plus étudié consiste à

  • emprunter la voie fluviale du San Juan à partir de San Juan del Sur,

  • remonter le fleuve jusqu'au lac

  • et traverser l'isthme étroit de Rivas par un canal artificiel au moyen d'écluses.

Le projet final, approuvé le 8 juillet 2014 par l'Assemblée nationale du Nicaragua, commence le 22 décembre 2014, et devrait se terminer en 2019 pour une ouverture prévue en 2020, et être mené par le groupe chinois HKDN.

Avec 5 % du transport maritime mondial qui y transite, le canal de Panama arrive à saturation et, de toutes façons, il n'autorise pas les gros gabarits des navires actuels. Le creusement d'un autre canal, toujours au Panama, est étudié mais il rencontre divers problèmes tant techniques que juridiques.

Les opposants au canal du Nicaragua avancent des arguments de natures différentes mais non contradictoires :

  • le gigantisme du projet, avec entre autres les risques de ne pas aboutir dans les limites du budget

  • le cadeau fait aux Chinois, qui bénéficient d'accords trop avantageux

  • le risque écologique

  • la spoliation des habitants, pour la plupart des paysans pauvres

  • l'absence de retour sur investissement.

Le projet devrait d'ailleurs comprendre à la fois un canal maritime reliant l'Atlantique au Pacifique, mais également d'un axe ferroviaire.

Le gigantisme se mesure en kilomètres et hectomètres : 278 km de voie maritime pour traverser l’isthme, soit 3 fois la longueur du canal de Panama, et 230 à 530 mètres de large. Et on pourra voir passer des porte-conteneurs de 250.000 tonnes et de 450 mètres de long dans 4 ans, quoique certains estiment le délai à 10 ans.

Le projet, qui comprend aussi un axe ferroviaire, est estimé à 40 milliards de dollars, soit 30 milliards d'euros, à rapprocher du PIB de 11,26 milliards USD en 2013 selon la Banque Mondiale, et de l'endettement public total combiné qui est tombé de 331,9 % du PIB à 90,3 % de 1995 à 2005 pendant que la population grimpait de 4,48 millions à 5,14.

Sources : Indicateurs du développement dans le monde, estimations du FMI, recensement et statistiques du gouvernement, OMS, UNICEF et UNFPA.

Le président Ortega se montre convaincu des retombées financières qui doperont son pays l'un des des plus pauvres de la région en le faisant devenir le plus riche. Il refuse de donner des détails sur le calcul de ces retombées. Pour mémoire, le Panama gagne 1 milliard de dollars par an grâce à son canal.

Le plus grand risque pourrait venir du Panama, qui travaille à son gigantesque agrandissement, le percement d'une troisième voie d'eau, et divers aménagements pour tripler sa charge actuelle. Les travaux ont démarré en 2009, mais le surcoût de 1,6 milliard de dollars (1,2 milliard d'euros) qui représente 50% de dépassements du budget initial, a amené le consortium GUPC à menacer d'interrompre le chantier le 21 janvier 2015. La cause en serait de mauvaises études géologiques qui ont conduit à choisir une qualité du béton inappropriée.

Si le contentieux se résout rapidement, le canal du Nicaragua resterait en plan.

C'est un groupe chinois Hong Kong Nicaragua Development Investment (HKND) qui se charge d'investir les 40 milliards de dollars. Il est piloté par le richissime et discret entrepreneur chinois Wang Jing, dont Forbes évalue la fortune à $6.4 Billion (6 milliards de dollars), conquise dans les mines et investie dans la société de télécom Xinweil. Il habite Pékin, il a la nationalité chinoise, et, mesdemoiselles, Forbes ajoute qu'il est célibataire.

http://www.forbes.com/profile/wang-jing-3/

La concession donne également deux ports en eaux profondes, une zone franche, un aéroport, des cimenteries et des usines d’explosifs (nécessaires au chantier du canal), une centrale électrique et des hôtels de standing, le tout exempté de taxes et hors du cadre légal nicaraguayen. En cas de retards dus à des manifestations d’opposants ou à des problèmes juridiques, HKND sera indemnisée. Mais si le projet de canal venait à être abandonné, le Nicaragua ne toucherait pas un centime de compensation.
 
Les Chinois de HKND ont le droit d'expropriation à volonté en échange d’une indemnisation basée sur une valeur contestable.

Pour le Nicaragua, c'est un pari à la Pascal :

- s'il est gagné, le pays a des chances de profiter des retombées économiques

- s'il est perdu, l'investissement n'aura rien coûté et la situation actuelle n'aura pas empiré.

Pour la Chine, le pari a beaucoup de chances d'être gagnant et il se situe dans un contexte global. Les investissements chinois à l'étranger ont quasiment doublé sur un an en septembre 2014, surpassant une fois encore les investissements étrangers en Chine, lesquels accusent un net repli depuis le début de l'année, selon des chiffres officiels publiés jeudi (octobre 2014). Hors secteur financier, les investissements chinois à l'étranger ont totalisé 9,79 milliards de dollars le mois dernier, gonflant de 90,5% par rapport à septembre 2013, a indiqué le ministère du Commerce. Ils avaient plus que doublé sur un an en août, à 12,62 milliards de dollars.

Pékin, désireux de sécuriser ses approvisionnements de matières premières et ses débouchés commerciaux en plein ralentissement de sa croissance économique, soutient activement le développement à l'international des firmes chinoises, les poussant à multiplier les acquisitions. Et les autorités s'attendent à ce que les investissements chinois hors du pays dépassent le volume des IDE en Chine (Investissements Directs Etrangers en Chine) sur l'ensemble de l'année.

De fait, sur les neuf premiers mois de 2014, les investissement chinois à l'étranger étaient en hausse de 21,6% par rapport à la période équivalente de 2013, à 74,96 milliards de dollars.

...

Selon Shen Danyang, porte-parole du ministère du Commerce, l'irrésistible ascension des investissements chinois à l'étranger peut être attribuée « à de robustes dynamiques de marché » reflétant autant une nécessité pour les firmes chinoises qu'une demande dans les pays concernés.

Sur les neuf premiers mois de l'année, les investissements chinois à destination

- de l'Union européenne ont plus que triplé (+218%), à quelque 9 milliards de dollars.

- ceux vers le Japon ont grimpé de 150%, ceux vers la Russie de 69,7%,

- ceux vers Hong Kong de 19,5%,

- tandis que les Etats-Unis enregistraient une hausse de 28,2% (à 3,95 milliards de dollars), d'après le ministère.
Publié le 16.10.2014 à 12:10 Mis à jour le 16.10.2014 à 12:30 http://cadres.apec.fr/

A ces considérations économiques, il faut ajouter la stratégie.

La maitrise du passage d'un océan à l'autre par l'Amérique centrale permettra de réduire les distances avec la côte orientale des Amériques et d'ouvrir une autre route pour l'Europe et l'Afrique occidentale.

Les échanges commerciaux entre la Chine et l'Amérique sont passés de 12 milliards de Dollars en 2000 à quelque 250 milliards en 2012. La Chine est un gros client des pétroles vénézuéliens, des minerais, du gaz et du pétrole brésiliens.

Le Vénezuela est intéressé, lui qui a renforcé son partenariat stratégique avec la Chine, son deuxième partenaire économique, comme le déclarait en 2013 le président par intérim, Nicolas Maduro. Il livre chaque jour 640.000 barils de pétrole à la Chine, dont 240.000 barils servent à rembourser la dette de 30 milliards de dollars contractée ces dernières années auprès du géant asiatique. La Chine est le second partenaire commercial du Venezuela, avec des échanges de plus de 20 milliards de dollars en 2012. (cf 9 mars 2013).

Pour mémoire, les réserves de pétrole au Venezuela sont parmi les plus importantes du monde, mais le type de pétrole qu'on y trouve est plus cher à extraire que celui d'Arabie Saoudite. Et comme le pays est sur la côte orientale, l'existence d'un canal au Nicaragua faciliterait les approvisionnements et diminuerait les coûts.

Alors ? tout est bien qui finit bien ?

Un deuxième canal dans l'isthme américain offrirait plus de sécurité pour tous les transporteurs.

La Chine aurait une voie royale et sûre et les Etats-Unis obtiendraient une voie de secours sans engagement financier.

La concession de 100 ans rappelle l'histoire de Hong-Kong et fait miroiter son décollage économique.

Le petit pays sortirait de la suite de dictatures et ses habitants de la misère. Les sandinistes qui faisaient si peur au 20ème siècle seraient devenus rassurants et d'autres pays profiteraient de ce état de grâce.

Mais la main qui est tendue vient-elle les secourir ou les étrangler ? Aux périls blanc, rouge et jaune, il en reste un à venir, le péril vert : le danger sur l'écologie.


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6 réactions à cet article    


  • Roosevelt_vs_Keynes 9 mars 2015 16:32

    Une façon de voir ces grands travaux : les BRICS proposent un New Deal au monde.

    A nous, trans-atlantiques, d’imposer Glass-Steagall aux banques - comme le propose Jacques Cheminade depuis, hum 1995... - et de travailler avec eux !


    • Laurent 47 9 mars 2015 19:44

      Ce canal reliant l’Atlantique au Pacifique, offrira d’énormes avantages au Nicaragua et aux pays riverains. Les retombées commerciales ne profiteront pas uniquement à la Chine et l’on peut compter sur la mentalité chinoise pour apporter aux habitants de ce petit pays, la sécurité alimentaire et le confort dont ils sont privés depuis tant d’années. Et contrairement au Panama, le pays ne sera pas coupé en deux par un canal qui appartient de fait à un pays étranger !

      Même l’Europe a tout à gagner à la réussite de ce projet qui va raccourcir sérieusement le trajet des porte-containers, dans les deux sens. Le lac Nicaragua étant à 34 m. au dessus du niveau des deux océans, il ne peut y avoir de pollution par l’eau de mer, même en cas de marée du siècle, ce qui est le plus important. Sans ce canal, les fleuves qui alimentent le lac Nicaragua, termineraient comme actuellement leur course dans les deux océans. Et la ligne ferroviaire sera un plus non négligeable pour les riverains qui vont s’installer le long de son tracé.
      Et l’on peut compter sur l’efficacité des chinois pour mener ce projet titanesque à bien, et dans les délais prévus ! Certains vont critiquer ce projet, mais il va falloir apporter des arguments scientifiques, et non politiques, pour en démontrer les dangers ou l’inutilité !

      • doctorix, complotiste doctorix 10 mars 2015 00:05

        Quand la Chine investit (Afrique), il s’agit d’un partenariat respectueux, et tout le monde s’y retrouve.

        Les USA ne savent que coloniser d’une manière sanguinaire sous couvert d’humanitaire et avec une large spoliation.
        C’est pourquoi les Chinois (et les Russes) sont appréciés, tandis que les USA sont haïs.
        Les premiers n’ont pas besoin de guerres, les seconds ne peuvent s’en passer.
        Alors oui, nous tourner vers les Brics et abandonner l’Amérique serait la bonne solution.

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