Canal+, la lente agonie d’un géant à bout de souffle
A la seule évocation du nom de la chaine, l'imaginaire collectif s'emballe. Il faut dire que Canal+ a longtemps été synonyme d'audace et d'irrévérence. Une réputation électrique qui continue de l'auréoler, malgré un changement de braquet radical, ces dernières années. Du statut de chaîne avant-gardiste et sulfureuse, Canal+ est passée à celui de chaîne vaguement hype, bobo sur les bords, un peu molle, un peu suiviste aussi. L'audience dévisse. Pourtant, le prestige de chaîne culte, lui, reste. Tentative d'explications.
Les grandes heures de Canal
Le projet Canal+ voit le jour en 1981, dans la foulée de l'élection de François Mitterrand. D'abord présentée comme une chaîne culturelle, puis comme une chaîne axée sur le cinéma, elle verra finalement le jour en 1984, en tant que chaîne généraliste. On y diffuse du foot, beaucoup, des films inédits à la télévision, du porno, une fois par mois, mais aussi des émissions grand public.
Surtout, sous l'impulsion d'Alain de Greet et Pierre Lescure, Canal+ met en avant, dès 1985, des programmes phares tels que Coluche 1 Faux (Coluche) et, en 1987, Objectif Nuls (Les Nuls) et Nulle par ailleurs. Le ton est donné, l'identité de la chaîne trouvée. Canal+ sera décalée ou ne sera pas. Tout va pour le mieux. En quelques années, le groupe gonfle son nombre d'abonnés de façon spectaculaire.
Tout commence à basculer en 1994, lorsqu'André Rousselet est débarqué. La même année, Jean-Luc Delarue s'en va. Deux ans plus tard, c'est au tour d'Antoine de Caunes de faire ses bagages. En 1995, la fameuse ellipse Canal+, véritable identité visuelle du groupe, est abandonnée, au profit d'un logo en cartouche noir au lettrage blanc. Un changement de ligne symbolique. Si Canal+ continue depuis de vivre sur ses programmes superstars (Les Guignols de l'Info, Groland, le Zapping...), elle semble éprouver un certain mal à se renouveler, et ce ne sont pas les créations originales de la chaîne - parfois réussies, souvent foireuses, en un mot inconstantes - qui permettent de renverser la vapeur.
Pas davantage que le Grand Journal.
Le Grand Journal, la grande esbroufe ?
Emission hype par excellence, le Grand Journal est un peu la vitrine autour de laquelle s'articulent et se déclinent l'ensemble des programmes de la chaîne. Pourquoi ? La question se pose.
Pâle copie de Nulle part ailleurs - à ceci près qu'une kyrielle de chroniqueurs en carton-pâte vient prêter main forte à l'"animateur", Michel Denisot, soporifique au possible - l'émission est un monument à la gloire du vide. Il ne s'y passe rien, ne s'y dit rien qui ne soit, pour reprendre un mot d'Alain Finkielkraut, d'"une arrogance absolument fanatique, (d')une bien-pensance en béton armé, (d')une certitude de granit".
Vacuité telle qu'Ollivier Pourriol, chroniqueur dans l'émission durant la saison 2011-2012, a même écrit un pamphlet (On/Off. La comédie.) pour dénoncer le vide abyssal dont participe le programme.
Canal+ a fait feu de tout bois des valeurs chics et chocs qui étaient les siennes, pour verser dans la dictature de la hype. Une hype qu'elle suit de loin plutôt que de la précéder. Anciennement prescriptrice de tendances, la chaîne est devenue un traquenard duquel les abonnés ont du mal à s'extirper, pour cause d'impossibilité de résilier son contrat avant sa date anniversaire. Culte ? Peut-être encore, oui, grâce à son rayonnement passé. Mais le halo faiblit à vue de nez.
24 réactions à cet article
-
Canal + est morte quand elle a viré à droite toute pour devenir aussi réactionnaire que les autres.
Ce jour là, elle a commencé sa descente aux enfers, décevant chaque jour quelques personnes de plus qui ne reviennent jamais après s’être sentis insultés.
Si seulement c’était que Canal +.
Il faut arrêter de regarder la télévision. Il y a bien plus de TOUT sur internet, à la différence que personne n’en fait le trie pour vous abrutir et vous mentir, mis à part vous-même.
-
Je crois plutôt que vous avez perdu tout sens de votre Gauche de votre Droite !
-
La première chaîne cryptée a sorti bien trop de navets pour garder ses privilèges y compris dans les programmes télé
-
-
D’accord pour canal+, elle est devenue comme les autres voir pire (depuis 2007), même les guignoles de l’info ne dénonce plus.
Mais détrempez vous, internet est filtré, il n’y a qu’à observer la page actualités de google. -
La page actualités de Google ?
Quel ignorant je suis ! je ne savais même pas qu’il y en avait une... demandez le programme !!!
Europe, Chine, Japon, Amérique du Nord, du Sud, Australie, je fais régulièrement et soir après soir le tour du monde. (Vive l’anglais).
Je trie, je compare et n’ai absolument pas besoin de gugusses pour me préparer des « Digests » et me fournir le programme de la soirée.
Évidemment, il faut lire un peu l’anglais, mais est-ce si difficile pour un Français, imaginez le saut culturel énorme pour un Asiatique, et
pourtant là-bas de nombreuses universités professent en anglais, en particulier dans les disciplines scientifiques.
-
Le temps du succès pour Canal s’était le temps des passe droits.
=> délai raccourci pour la télédiffusion de films après leur sortie
=> possibilité de passer du X alors que les autres chaines ne le pouvaient pas.Tout ça grâce au copinage avec le Mitteux.
Ces passe droits sont désormais caduques. Les films sortent sur internet avant même d’être en salle... le X dispose de chaines spécialisées qui ne diffusent presque que cela.
Les vieux copains n’ont plus les commandes.
C’est le retour sur terre.
-
Passe droit ? Vous avez oublié que la chaine est crypté.....et payante.
« Délai raccourci » ont un coût et « films X » une barrière.
-
Lorsque la chaine diffusait les films deux avant que les chaines « classiques » puissent le faire, j’appelle un chat un chat : c’est un passe droit.
Idem pour le X. Avant l’arrivé du Net, Canal + occupait quasi seul ce marché.
Passe droit.
-
-
La télé est un long fleuve futile et les absents y sont toujours morts ...
-
Péages autoroutiers et TélévisionsPièges à cons !
-
il y a quelques années, comme certains amis j’ai divorcé de ma tv, je l’ai donnée et c’est bon d’avoir du temps en plus
-
Canal + tourne en rond depuis des années.
Les Guignols ? Pas mal, mais ce n’est plus ça depuis le départ des Gaccio and co.Groland ? Du recyclage. Cela se veut subversif mais cela fait beauf’. Plus aucune inventivité, plus de prise de risque, cela ronronne.Le grand Journal ? Un copié-collé de NPA de la grande époque. Las, Denisot n’est pas Gildas ni Decaunes. Le pauvre Michel est tellement fossilisé qu’on dirait un clone de Drucker. Tout aussi botoxé à l’extrême et tous deux incapables de sortir de leur propre moule.Le petit journal ? La seule bonne surprise. Un peu d’actu, beaucoup d’impertinence et de révélation des petites malhonnetetés politiques et télévisuelles qui nous pourrissent la vie. Les journaleux devraient en prendre de la graine.De toute façon, je pense que le concept même de chaîne de télévision arrive à son terme. La technologie a assez évolué pour nous permettre de composer nos propres grilles quand nous en avons besoin. Il reste juste à régler les problèmes de Droits qui rendent inaccessibles pas mal de programmes car ce concept n’existait pas au moment de la signature des contrats.Cela fera du boulot pour les avocats.-
Bonjour l’auteur,
Mouais, bon, pour moi, « l’esprit canal de la grande époque », c’était surtout du pipi-caca au sortir d’une époque ou c’était pas dans les usages télévisuels. A bien y regarder, les nuls, Decaunes etc, ce n’était pas autre chose. On pouvait se déguiser, chier sur le plateau (ou du moins y déverser des tonnes de chocolat en faisant croire que c’était de la merde - ce que « les nuls » on d’ailleurs fait), mais finalement rien de plus que cela.Car c’est assez symptomatique de l’époque : on confondais montrer son cul avec la vrai liberté, la vrai subversion. L’émission de Coluche (1 Faux) était également de cet ordre, graveleuse à souhait mais très plan plan. En pratique, Coluche ne faisait que réciter son stock de blagues poussives et commenter des images d’archives sans aucun intérêt, et sans parler d’actualité de manière précise. L’émission fut arrêté au bout de 4 mois non pas parce que Coluche dérangeait le moins du monde, mais parce que personne ne la regardait.Un desproges était 1000 fois plus subversif aux flagrants délires ou dans la minute de M. Cyclopède que ces gaudrioles approximatives. Même, les Shadocks était dans cette veine là. Rendons tout de même grâce au Guignols de l’époque Gaccio, qui effectivement étaient dans un ton qui aujourd’hui a bel et bien disparu. Je me souvient en particulier d’un sketch que je ne retrouve pas. Il y était dénoncé la croissance tentaculaire du groupe Canal, devenu quelque chose d’énorme. De mémoire, c’était De Greef ou lescure qui faisait l’organigramme du groupe. Il commence sur une simple feuille, puis passe à un petit tableau, puis un tableau immense, et finit dans l’espace.Pour faire court, Canal+ n’as jamais été autre chose qu’une télé, ni plus ni moins. Je n’ai jamais compris la raison de cette « bonne image ».-
Le sketch où Lescure explique à De Greef l’expansion de canal+ se trouve dans les DVD « putain 15 ans » et « putain 20 ans » , des DVD qui ont d’ailleurs le mérite de montrer à quel point le niveau des guignols de l’info a pu baisser passant d’une émission grinçante , impertinente mais avec toujours une analyse en toile de fond à une émission qui de manière générale surfe sur un humour bas de plafond et bien pensant .
-
canal + fait sa pub je l’ai déjà eu plusieurs fois gratuits pendant 1 mois ou deux
honnêtement mème pour 10€ par mois je prendrais pas leur abonnement-
Cette chaîne cryptée déjà sauvée, « recapitalisée » comme certaines banques, on se demande bien pourquoi, est l’expression visuelle d’un snobisme boboïde attardé, sportif. Le prix de l’abonnement ; 30 euros pendant les premiers mois est en lui même révélateur du rapport qualité prix nettement injustifié de ce canal insipide.
D’autres proposent des forfaits de 5 chaînes de cinéma pour moins de 7 euros par mois ! Cherchez l’erreur...-
C’est vrai que C+ n’a plus rien d’impertinent, tout est devenu tellement formaté, à la libération de la télévision dans les années 80, a succédé le politiquement correct, du fait de l’emprise de la finance sur les médias, on ne mord pas la main qui vous nourrit !!!!!!!!!!!!
-
Organe de propagande gocho-libéral désormais, cela ne doit pas les servir.
Il y a tout de même eu de bons humoristes dans l’temps.
Je me rappelle la saga du bidule, les premiers guignols, entre autres.
-
Excellent résumé.
A écouter l’émission Répliques du 25 mai « L’esprit CANAL » avec Pourriol et Erner http://www.franceculture.fr/emission-repliques-l-esprit-canal-2013-05-25-
Le cas de Canal+ me parait assez similaire à celui de la presse quotidienne payante : perte de crédibilité en ce qui concerne une certaine forme de capacité à dire la vérité et même de dénoncer ce qui doit l’être. Et exactement de la même manière, toutes les solutions sont envisagées, SAUF de revenir à une ligne éditoriale où l’information est de nouveau de l’information, pas de la propagande et de la flagornerie.
Bon, pour Canal+, ça dépasse le problème de l’information. Mais le « ton », c’est un peu la même idée.-
-
quand on se rappelle du canal des débuts... provocatrice, novatrice...
aujourd’hui le poujadisme de la télé entre pepère denisot le tiercé...les films exclusivement grand public...
paix a son ame
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON
