Collectivités locales et SEL : un mariage citoyen ?
Réinventer la participation citoyenne aux instances de décision, ouvrir en grand les portes de la démocratie, associer et écouter sont aujourd’hui des problématiques majeures.
La campagne présidentielle est riche de cette recherche de proximité permettant de concilier écoute et préservation d’un pouvoir de décision. Tous les candidats sortent de leurs chapeaux des techniques glanées çà et là, qui en Angleterre, qui dans les pays du Nord de l’Europe.
Mais à trop vouloir inscrire les citoyens dans la vie municipale, cantonale ou régionale, n’en oublie-t-on pas qu’il pourrait être pertinent d’inscrire l’action publique dans les structures informelles nées de la volonté des citoyens de partager plus que des rapports économiques ?
Agir localement pour le développement de la vie citoyenne devrait être la préoccupation de toute collectivité locale, non pas pour le petit bonheur de retrouver l’esprit de clocher ou la chaude proximité des feux de camp d’une lointaine histoire commune, mais parce que toute décision prise par une autorité publique influence la vie quotidienne de ses administrés.
L’attitude commune consiste en une implication toujours plus profonde des habitants dans le processus décisionnel, leur attribuant un rôle "d’expert" de leur vie de tous les jours, leur permettant de donner leur avis, les associant parfois à la prise de décision.
Bien que les pays nordiques apparaissent comme un eldorado de la démocratie participative, on peut difficilement constester que la France ait su se doter depuis de nombreuses années d’outils à même de répondre à cette attente (réelle, bien que parfois peu fiévreuse) et que leur utilisation se généralise.
Qu’il s’agisse des débats publics (Loi de février 2002), d’enquêtes publiques (rénovées en 1983, avec la loi relative à la démocratisation de l’enquête publique et à la protection de l’environnement ), des référendums locaux décisionnels (Art LO 1112-1 du Code général des collectivités territoriales) , la parole citoyenne trouve de nombreuses voies pour s’exprimer.
Sur le modèle canadien, l’expérimentation peut encore aller plus avant. La ville de Grigny (69) expérimente ainsi depuis l’an dernier le budget participatif, tandis que la région Poitou-Charente procède de la même façon pour un certain nombre de lycées. Nerf de la guerre, la bourse est donc parfois confiée à l’utilisateur final, le citoyen de base.
La réflexion menée n’est pourtant qu’un versant de l’implication dans la vie de la cité : participer à la vie municipale n’épuise pas toutes les attentes. Cela ne constitue pas non plus l’horizon infranchissable de l’inscription de l’action publique dans la vie "de tous les jours".
Il existe en France et dans de nombreux pays un système d’échange non monétaire, nommé SEL (système d’échange local).
Né dans la fin des années 1970 à Vancouver (d’abord appelé Community exchange, puis Local exchange trading system), le système d’échange non monétaire permet la mise en relation d’individus qui vont échanger des services.
Chacun apporte son savoir-faire personnel, ses compétences, son temps, en échange de la possibilité de bénéficier de savoirs, compétences et du temps d’autres personnes. L’échange n’est jamais monétaire, bien que chacun détermine la valeur de sa prestation (en général au regard du temps nécessaire) en grains de sel, feuilles, etc. (l’imagination est la seule limite pour trouver l’unité d’échange minimale).
Quel rapport avec l’activité municipale ?
A Suresnes, les jeunes titulaires du baccalauréat peuvent bénéficier du financement de leur permis de conduire en échange de quarante heures de travaux d’intérêt général. Une collectivité a donc fait le choix de
dépenser une partie de son budget pour impliquer une partie de la population dans la vie de la cité ; c’est un pas en avant, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
Rêvons un peu ensemble, si vous le voulez bien.
Une collectivité possède des structures sportives, culturelles et sociales. Elle finance des associations. Elle accueille des entreprises et des travailleurs.
N’est-il pas pensable que ceux qui investissent la vie de la cité en donnant de leur temps aux autres puissent bénéficier non seulement des compétences, des savoirs et du temps des autres, mais aussi de l’accès privilégié à la médiathèque, à la piscine, ou puisse avoir droit à des essais dans les associations sportives ou culturelles ?
Quelle association n’a jamais rencontré de difficultés pour organiser une manifestation, faute de bénévoles ?
Quelle école n’a jamais rêvé de pouvoir organiser un soutien scolaire en s’appuyant sur des volontaires ?
Quelle mairie n’a jamais rêvé de pouvoir impliquer durablement ses citoyens dans des actions qui profitent à tous ?
En mettant le "poids" économique et démocratique d’une collectivité dans la balance d’un SEL, pour en faire un véritable système d’actions désintéressées (finalement les contributions et bénéfices s’annulent, ne l’oubliez pas), les collectivités locales pourraient participer à faire émerger un système non monétaire qui redonne à l’homme la place qu’il devrait avoir dans la société.
Pour m’inspirer de Molière, il me semble important de crier haut et fort que l’on travaille pour vivre et non que l’on vit pour travailler.
Un tel système aurait l’avantage de ne plus fonder l’appartenance à la société sur le seul fait de travailler ; il permettrait de réintégrer la valeur sociale comme valeur d’intégration et de partage.
Mais peut-être n’est-ce qu’un délire, une utopie...
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