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Accueil du site > Tribune Libre > Comité des Forges : « Nous nommons communistes tout ce qui s’échelonne

Comité des Forges : « Nous nommons communistes tout ce qui s’échelonne entre l’agitateur de 36 et le simple partisan du suffrage universel »

Pendant les années 1930, les extrêmes-droites françaises avaient combattu le suffrage universel. On peut citer le programme de la constitution établie par Dom Moreau, président du DRAC [1], stipulant : « Suppression du suffrage universel ; organisation de la nation par profession ; remise en avant des forces de la famille et de l’autorité morale. » [2] Autre exemple davantage significatif, d’après le synarque Raoul Husson, « le parlementarisme était l’ennemi politique n°1 » dans l’esprit des fondateurs du Mouvement Synarchique ; « il n’y a[vait] plus d’activité civique pour le citoyen dans l’État synarchique, en dehors de l’exercice d’une profession reconnue et organisée. » [3] Ce noyau initial de la Synarchie était constitué par le trio Banque de France, Comité des Forges et Comité des houillères [4] .

Fin novembre 1943, le projet soumis au C.N.R., rédigé par Pierre Villon en accord avec Jacques Duclos pour le P.C.F. et Benoît Frachon pour la C.G.T. ex-unitaire, soulignait la volonté à la Libération d’assurer « L’établissement de la démocratie la plus large conformément aux décisions d’une Constituante élue au suffrage universel » [5]. À la même époque, quelle était la position du Comité des Forges ? L’extrait ci-dessous du livre d’Annie Lacroix-Riz, Les élites françaises entre 1940-1944. De la collaboration avec l’Allemagne à l’alliance américaine [6], nous donne la réponse :

***

« Le Comité des Forges, très impliqué, secteur automobile en tête, dans la “Centrale industrielle et commerciale”, s’efforçait d’allécher contre les rouges depuis le tournant de 1943 l’armée secrète et les MUR, haut lieu de la résistance anticommuniste (si liée à [Allen] Dulles). Il avait adressé fin 1943 au “mouvement maquis” (l’Armée secrète), via un délégué “ayant pleins pouvoirs pour traiter avec nous” (l’AS), ces propositions, transcrites selon leur texte original : “nous sommes disposés à verser plusieurs dizaines de millions à la cause des maquis, à condition que vous nous accordiez un certain contrôle politique sur votre organisation et notamment que nous puissions compter sur vous pour nos projets de lutte préventive contre le communisme […]

Nous nommons communistes tout ce qui s’échelonne entre l’agitateur de 36 et le simple partisan du suffrage universel, de Gaulle et aussi bien Giraud. Les mouvements de résistance sont des facteurs idéologiques derrière lesquels il n’y a rien et qui partiront en fumée au premier coup de vent. Les Allemands sont dès maintenant perdus, et il est certain que dans peu de temps, ils seront obligés de quitter la France, mais ils détruiront tout derrière eux. Dans l’immense tâche de reconstruction qui s’imposera au pays, la métallurgie aura un rôle prépondérant à jouer. Il n’est que juste que nous ayons aussi le pouvoir politique. Mais cette prise de pouvoir n’ira pas sans heurts et nous trouverons en face de nous les masses ouvrières fanatisées par les communistes. Pour cette opération nous avons besoin de 20 000 hommes et 500 automitrailleuses. Pour les automitrailleuses, nous nous arrangerons avec des camions, des plaques de blindage et des armes que nous avons en magasin. Les hommes, c’est vous qui nous les fournirez.” [7] Comme du temps de la Cagoule, le chiffon rouge de l’insurrection bolchevique couvrait le veto contre toute atteinte au statu quo socio-économique qu’avait garanti l’occupant allemand, solution condamnée désormais, et la volonté consécutive d’en découdre.

Des fuites informèrent les communistes, qui firent à ce plan la publicité compatible avec leur clandestinité et celle de leur presse. Le 6 mars 1944, dans La Vie ouvrière, hebdomadaire des “unitaires” de la CGT (ex-CGTU), Julien Racamond accusa “une vieille connaissance : le Comité des Forges”, de préparer une Saint-Barthélémy ouvrière : “ces sinistres individus […], récemment, jugeant que l’Allemagne nazie était battue, dressaient un plan de guerre civile ayant comme objectif de s’insinuer dans la résistance, de s’arranger pour faire refuser des armes aux Francs-Tireurs et les accumuler en vue de les utiliser contre le peuple. N’est-ce pas que c’est vrai, M. le baron Petiet, MM. De Wendel et Cie ?” [8]. La diversité des sources et l’intimité des rapports entre maints chefs de l’AS et Dulles suggèrent que celui-ci fut, au minimum, informé du projet. » Annie Lacroix-Riz

***

J.G.

Article publié le 12 février 2017 sur Le Canard républicain : http://www.lecanardrépublicain.net

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[1] Ligue des Droits du Religieux Ancien Combattant.

[2] Voir Annie Lacroix-Riz, Le choix de la défaite, éditions Armand Colin, Paris, 2010, p. 127.

[3] Voir John Groleau, « Le Pacte Synarchique : de l’Union européenne à l’Organisation Synarchique du Monde », Le Canard républicain, 14 février 2012.

[4] Le Canard républicain, « Interview d’Annie Lacroix-Riz sur la Synarchie », 9 avril 2012.

[5] Voir John Groleau, « C.N.R. : attachement au suffrage universel et à l’internationalisme », Le Canard républicain, 25 juillet 2011.

[6] Annie Lacroix-Riz, Les élites françaises entre 1940-1944. De la collaboration avec l’Allemagne à l’alliance américaine, Armand Colin, Paris, 2016, p. 360 et 361. Les notes de bas de pages sont les siennes.

[7] QCS/1/25600, décembre 1943, F1a, 3769, AN. SLT. (correspondance BCRA, F1a, vol. 3769, Production industrielle, 1943-1944, Archives nationales)

[8] « Les profiteurs de la défaite… », VO, n° 193, F1a, 3852, AN.


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9 réactions à cet article    


  • riff_r@ff.93 [email protected] 13 février 2017 12:27

    ’’Nous nommons communistes tout ce qui s’échelonne entre l’agitateur de 36 et le simple partisan du suffrage universel, de Gaulle et aussi bien Giraud.’’

    L’ennemi est clairement désigné : c’est le peuple français, haï et craint par l’oligarchie. Haï pour sa légitime aspiration à la justice sociale. Craint pour l’arme dont il s’est doté dans son histoire : la souveraineté nationale.

    Face au peuple donc, l’alliance de ’’la Brute’’ ( le comité des Forges, c’est à dire le capital dans sa version industrielle ) et du ’’Truand’’ ( Allen Dulles = l’OSS, future CIA au service de la finance et du complexe militaro-industriel US ). Il manque ’’le Bon’’, celui qui va fournir l’indispensable caution idéologique, celui qui va dire ce qui est bien et ce qui est mal, à savoir l’incontournable partisan de la ’’construction européenne’’.

    Dès février 1943, Allen Dulles rentre en contact avec Henri Frenay, fondateur du mouvement de résistance Combat et indéfectible partisan du fédéralisme européen. Il lui propose un marché : de l’argent pour son mouvement en échange d’une copie de tous les renseignements glanés par Combat et envoyés aux services de de Gaulle. Frenay accepte et touche rapidement 1 puis 10 millions de francs. Vive réaction de Jean Moulin qui accuse Frenay d’avoir porté ’’un coup de poignard dans le dos’’ de la France libre. Frenay l’envoie chier vertement. C’est l’impasse. Finalement, de Gaulle obtient de Churchill les crédits suffisants pour s’imposer comme chef incontesté de la résistance. Les américains ( momentanément ) écartés, le CNR peut être réuni avec les bénéfices qu’on sait pour le peuple français.

    Après guerre, Frenay ne cessera, avec Jean Monnet et d’autres,  d’oeuvrer en faveur du fédéralisme européen avec l’appui financier du ’’comité’’ ( American Comitee for United Europe ) c’est à dire de la CIA.


    • Dzan 14 février 2017 11:40

      @[email protected]

      J’ai lu récemment, mais dans quel ouvrage(?) Que Grosrouvre,, celui qui se suicida à l’Elysée sous Mitterrand, faisait partie de ces « résistants » inféodés à l’oncle Sam, et que des « dossiers » allaient faire surface.


    • Alren Alren 13 février 2017 12:55

      Maintenant, ils sont devenus par la force des choses beaucoup plus ficelle et ils ne dévoilent plus leurs projets aussi naïvement.

      Mais ce sont les mêmes qu’en 1943, quand ils durent constater avec grand peine, que le nazisme allemand dont ils épousaient toute l’idéologie y compris l’antisémitisme mais comme catholiques (les Juifs ont assassiné le Christ. Ce sont des « déicides ») et le mépris pour les races inférieures dont les slaves, était battu par les bolcheviques russes. 


      • alain_àààé 13 février 2017 14:00

        excellent article qui nous raméne a la situation de la guerre 39/45 et nous trouvons les capitalistes tentant de faire une révolution.d ailleurs le général DE GAULE a toujours dit et écri que les capitalistes de la métallurgie ou sidérurgie n ont jamais voulu aidé la résistance et participé et collaboré avec lui.ou l ensemble de la résistance


        • Dzan 14 février 2017 11:44

          @alain_àààé

          Voici maintenant le socialiste Henri Hauck qui fournit, sur les ondes également, les dernières nouvelles du grand patronat français et de l’ancien homme politique phare de De Gaulle  :
           "Des journalistes ou des hommes politiques, comme M. Marcel Déat, réclament que les Allemands prennent 25 ou 33% des actions dans toutes les entreprises françaises de quelque importance, mais aussi et surtout des hommes d’affaires, comme M. de Wendel et ses amis du comité des Forges.
           
          Un accord a récemment été négocié entre l’industrie lourde française, représentée dit-on par M. de Wendel et M. Sauvaire, et l’industrie lourde allemande, au nom de laquelle auraient parlé MM Roechlin et Buecher, ainsi qu’un représentant du Maréchal Goering."
           Wikipédia


        • julius 1ER 13 février 2017 14:32

          Mais cette prise de pouvoir n’ira pas sans heurts et nous trouverons en face de nous les masses ouvrières fanatisées par les communistes. 


          @ l’auteur, 

          apparemment fanatisés par le FN, cela n’a pas l’air de trop déranger !!!
          on voit où vont les choix .... !!!

          • baldis30 13 février 2017 14:58

            Deux petits oublis dans un article excellent : le comité des forges existe toujours mais a changé de nom en UIMM. Il avait son journal Le Temps, qui ne disparut qu’en août 1944, on se demande pourquoi .... smiley

            Peut-être que Le Temps a aussi changé de nom ...... smiley


            • JC_Lavau JC_Lavau 13 février 2017 17:43

              @baldis30. Toutefois il a conservé son siège et ses caractères gothiques. A présent c’est Li Monde.


            • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 13 février 2017 20:58

              La filiation est très claire !


              La confédération générale du patronat français (CGPF) a été créée le 4 août 1936 pour remplacer la Confédération générale de la production française, discréditée aux yeux de certains patrons pour avoir signé les Accords Matignon (1936).Ses dirigeants sont issus d’organisations patronales régionales ou professionnelles ( Lambert-Ribot, du Comité des forges , Henri de Peyerimhoff de Fontenelle ).

              Le 11 septembre 1937, le siège de la CGPFest la cible d’un attentat à la bombe fomenté par le groupe d’extrême droite La Cagoule, comme lors d’une autre explosion non loin de là, le même jour, contre l’union des industries et métiers de la métallurgie. 

              Ces deux actions « terroristes » avaient pour objectif d’en faire accuser les communistes, et sont connues sous le nom d’attentats de l’Étoile, en raison de la proximité de la place qui portait alors ce nom.

              Le régime de Vichy a dissout la CGPF par la loi du 16 août 1940 pour mettre en place les comités d’organisation. En décembre 1945, elle est remplacée par le Conseil national du patronat français (CNPF), pour représenter l’ensemble des patrons après la Seconde Guerre mondiale, renommé jusqu’à aujourd’hui le MEDEF.

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