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Accueil du site > Tribune Libre > Coup de chaud aux Echos

Coup de chaud aux Echos

Les journalistes des Echos ne sont pas des machinistes de la RATP. Les voir se mettre en grève, laisse à penser que la cause est sérieuse.

 

 
Habitués qu’ils sont à rapporter et commenter froidement toutes sortes de restructurations économiques et sociales, on se demande tout d’abord au nom de quoi ils pourraient prétendre en être exempts. Le coup de l’indépendance de la presse façon Libé ou Le Monde, avec comité de rédacteurs, clauses de conscience, droit de veto et autres élucubrations destinées à faire du journaliste une sorte de vache sacrée, garante de nos libertés individuelles, j’avoue que je n’y crois guère. Quant au sérieux de la profession, il suffit en général de bien connaître un sujet, en l’ayant vécu au quotidien par exemple, pour mesurer rapidement l’écart moyen qu’un journaliste lambda installe entre le "vrai" et le "raconté". Sans parler de toutes les douceurs dont certains journalistes, mais faut-il encore les appeler ainsi, sont si friands ici ou là. Mais Les Echos, c’est autre chose. Le monde de l’économie et des finances, ou plus généralement de l’entreprise et des marchés, a ses règles qui sont délicates et qui ne supportent pas bien les rumeurs sans preuves, les informations non vérifiées ou même de banales contre-vérités. Les conséquences d’une désinformation éventuelle se mesurent très vite en millions d’euros. Des arbitres vigilants veillent au grain et ont tôt fait de rappeler à l’ordre les coupables, tandis que les victimes éventuelles, bien armées en très coûteux et très efficaces avocats spécialisés, savent se défendre. Ce qui n’exclut évidemment pas toutes sortes de pressions, de trafics d’influence ou de coups tordus. Pour en avoir vécu un, aux Echos justement, avec une Valérie L. (ah si j’étais Devedjian...) qui s’était laissée intoxiquer par une efficace contre-information bien organisée, j’ai une bonne idée des risques que courent et font courir ces journalistes hautement spécialisés. J’en ai pris plein la tête...

Je tiens Les Echos pour le meilleur quotidien français. Dot, slash. D’autant qu’il se lit relativement vite, qu’il est particulièrement objectif, au sens libéral du terme dans ses pages d’information générale, pointu dans ses analyses économiques grâce à l’excellence et à l’esprit critique de ses grandes plumes, ouvert à des contributions extérieures d’obédiences très diverses et complet pour ce qui concerne l’information économique. En prime, on saute la page bain de sang au Proche-Orient, on n’a pas de page people, pas de programmes TV sur quatre pages, on laisse le sport à L’Equipe qui en parle au mieux et les photos à Match qui n’a pas d’égal pour la quadrichromie. Un vrai quotidien comme était Le Monde il y a quarante ans. Un journée sans mes Echos, c’est une journée sans commencement.

Les Echos font partie du même groupe que le Financial Time qui est exactement la même chose en mieux, puisque ce journal nous permet de nous voir depuis Londres. Une perspective très souvent assez pittoresque et généralement impitoyable pour notre fierté nationale. Mais le journal Les Echos, avec son lectorat modeste sinon en qualité du moins en quantité (145 000 ex), et peu extensible, s’il réalise avec environ 10 millions d’ € un résultat financier honorable par rapport à la presque totalité de ses confrères de la presse quotidienne d’information, n’est pas non plus à ce point de vue comparable à son grand frère dont la diffusion mondiale (430 000 ex) et l’influence lui assurent une position bien plus enviable ainsi que des résultats six à sept fois supérieurs. Aussi quand Bernard Arnault a proposé au groupe Pearson qui en sus du FT publie grâce à sa filiale IDC les cotations en temps réel de plus de 3,5 millions d’actions dans le monde, une activité très largement prépondérante dans les résultats du groupe, de reprendre Les Echos pour 240 millions d’ €, le grattage de tête n’a pas dû durer longtemps. 24 fois les résultats, ça veut dire pour les non-initiés que l’acheteur mettra en gros, toutes choses restant constantes, 24 ans pour récupérer sa mise. A moins qu’il pense la récupérer plus vite, soit en dopant les résultats du journal, soit en profitant indirectement de cette acquisition dans ses autres activités. Et c’est bien là que le bât blesse et que les journalistes des Echos se sont levés tout droits et tout fâchés.

Bernard Arnault, ils le connaissent. Il y a bien longtemps qu’il ne figure plus dans les recensements d’enfants de choeur. Normal, me direz-vous, le grand business n’est pas une sacristie. Certes, mais il y a la manière. Sans entrer dans les détails, mes abattis ayant été fraîchement numérotés dans l’ordre, l’homme n’est pas connu pour sa propension aux états d’âmes ou aux excès de scrupules moraux. Le combat titanesque PPR-LVMH pour la prise de contrôle de Gucci a laissé des traces très profondes dont toutes ne resteront sans doute pas à l’actif du bilan personnel de ce grand industriel, dont bien entendu je respecte les extraordinaires réalisations. Sans néanmoins le considérer comme dépourvu de toute capacité de nuisance s’il contrôlait un journal comme Les Echos. Je ne suis pas le seul puisque plus de 250 personnalités de premier rang ont signé une motion de soutien au Comité des rédacteurs du journal.

C’est une originalité de notre pays que de permettre un concubinage malsain entre des activités de presse d’information et des activités strictement commerciales ou industrielles. Les intéressés, bien sûr se défendent, la main sur le coeur de toutes pensées ambiguës ou de toute tentative d’influence. Je pourrais presque les croire. Ils éviteront soigneusement toute intervention directe qui comme le dit Bernard Arnault lui-même "finit toujours par se retourner contre son initiateur". Comment peuvent-ils par contre prétendre ne pas devoir souffrir quant à la qualité de l’information produite, des conséquences objectives de l’instinct de survie de leurs collaborateurs ? Comme en attestent d’ailleurs les journalistes de La Tribune, autre propriété d’Arnault et journal concurrent et bien plus poussif. Un constat sans doute un peu tardif mais d’autant plus probant qu’il n’est émis qu’à l’occasion d’un projet de cession qui les concerne. Au point qu’ils se sont mis en grève aussi. Pour la même raison, l’une étant le négatif de l’autre. On attend l’avis de nos autorités sur ce sujet. Allo ?


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14 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 6 juillet 2007 10:01

    Ainsi donc,nos amis « journalistes » des echos,donneurs de leçons d’économie de la « bonne pensée économique » se mettent en grêve comme des vulgaires militants de la CGT dont ils sont toujours en train de critiquer « le conservatisme des syndicats » , « les blogages de l’administration »,« les mentalités d’assistés de la société française »........des belles et des meilleurs que j’ai pu lire dans ce journal distribué (gratuitement ????) dans les différentes entreprises que j’ai pu faire.

    Comment se fait-il que ces donneurs de leçons ne mettent pas en application leur discours ultra-libéral en application.

    Il devrait se taire ou donner leurs démissions et imaginez un instant que le droit de grêve soit interdit !

    Quelle chance ils ont nos « amis journalistes » des Echos de pouvoir bénéficier d’un système social comme celui de la France.

    A quand une manifestation des « journalistes » des Echos pour aller bloquer les routes,les trains,les avions.....  smiley smiley smiley smiley smiley

    Ils ne comprennent pas que la presse est une industrie en restructuration qui est en concurence avec des GOOGLE,YAHOO,AGORAVOX.....et que le citoyen ne veut plus payer aussi cher un journal au orientation politique qui ne fait qu’interpréter l’économie en fonction de leur sensibilité politique.

    Les entreprises vont maintenant chercher leur information (pluralisme) sur le net,c’est mieux,moins chere et plus objectif.

    Et oui,amis « journalistes » des Echos,ils faut vous recycler et aller vous inscrite à l’ANPE,vous aurez droit à un stage pour aller travailler dans le batiment ou dans le commerce (secteur d’activité en plein boom !)  smiley


    • ZEN ZEN 6 juillet 2007 11:12

      Ce qu’il y a de bien avec Lerma, c’est que l’on peut toujours anticiper ses réponses...


    • Bouli Bouli 6 juillet 2007 11:22

      @ Zen

      Oui, on prend l’habitude, ça devient la routine. Y a plus d’effet de surprise ! smiley Comme son comparse NPM qui sévit sur le site...


    • Bouli Bouli 6 juillet 2007 11:04

      Je ne suis pas du tout d’accord avec le début de votre article.

      « Le coup de l’indépendance de la presse façon Libé ou Le Monde, avec comité de rédacteurs, clauses de conscience, droit de veto et autres élucubrations destinées à faire du journaliste une sorte de vache sacrée, garante de nos libertés individuelles, j’avoue que je n’y crois guère. »

      Le bon journalisme est effectivement garant de nos libertés individuelles : la presse dans sa pluralité, nous informe, nous donne les clés pour analyser cette information. Une presse muselée c’est un peuple qui est peu ou pas ou mal informé, c’est la porte ouverte à la dictature en laissant le peuple dans l’ignorance. Les journalistes utilisent leur clause de conscience quand leur journal va subir un changement tel qu’ils estiment que sa ligne éditoriale risque de changer et ne leur correspond plus.

      « Quant au sérieux de la profession, il suffit en général de bien connaître un sujet, en l’ayant vécu au quotidien par exemple, pour mesurer rapidement l’écart moyen qu’un journaliste lambda installe entre le »vrai« et le »raconté« . Sans parler de toutes les douceurs dont certains journalistes, mais faut-il encore les appeler ainsi, sont si friands ici ou là. »

      Un bon journaliste va chercher l’info, en vérifie la véracité avant de la donner. C’est ça le journalisme.

      Alors oui, y a des mauvais journalistes en France, dans toutes les professions, y a des brebis galeuses. Mais arrêtez de mettre tous les journalistes dans le même panier : beaucoup font très sérieusement leur métier dans le but d’informer la population.


      • Roues Libres Claude DP 7 juillet 2007 08:38

        Je voulais par mon propos souligner le sérieux de la rédaction des Echos en la comparant à d’ autres qui le sont moins, ce que personne ne peut décemment contester. Le reste est une question de curseur. Je veux bien affirmer avec vous qu’il y a plus de journalistes honnêtes, cultivés et sérieux dans leurs enquêtes que de plumitifs partisans, profiteurs paresseux et cyniques. Mais j’ai un doute.


      • NPM 6 juillet 2007 11:20

        On ne voit pas pourquoi les journalistes, qui sont des salariés comme les autres, seraient indépendants de qui les fait vivre. Aprés certes, il n’est pas de l’interet du propriétaire d’intervenir trop dans le contenue, ce qui risquerait de faire fuire ses clients.

        Un salarié, ca ferme sa gueule ou ca démissionne.


        • Bouli Bouli 6 juillet 2007 11:23

          Ouais ! Lerma et NPM sur un même fil qui parle des journalites ! Combo gagnant les amis !


        • Karibou 6 juillet 2007 14:37

          @lerma ca fait toujours plaisir de vous lire, c’est une telle caricature qu’on ne peux que penser que ce mode de pensée est volontaire et délibéré, il pousse a réagir, a ce dire si on continu de regarder TF1 et de lire le point je vais devenir comme ca. ^_^

          je suis persuadé que lerma est a l’extrême de l’extrême gauche, et nous démontre tout les jours la preuve par l’absurde.


          • Gilles Gilles 7 juillet 2007 12:09

            J’avais déjà remarqué que ce Lerma jouait souvent à l’avocat du diable. Cependant, il se contredit tellement d’un post à l’autre, parfois dans le même, qu’en déduire son bord politique est un jeu périlleux. Je le vois bien plutôt vers la gauche tout de même.

            Je me demande comment tu fais Lerma pour être toujours le premier à poster un commentaire, et ce, sur la plupart de articles publiés ;

            Lis tu tous les articles auxquels tu réponds ? Je doute...


          • Gilles Gilles 7 juillet 2007 12:19

            Cet article est intéressant car dans la presse je n’avais pas encore lu de remarques sur le lien entre le prix d’achat et les bénéfices à retirer d’une telle entreprise. (enfin, je n’ai pas tout lu)

            Effectivement on peut se demander comment Arnault va gagner du pognon, hors pour un financier c’est primordial.

            En déduire que derrière tout cela il y a des intérêts supérieurs potentiellement nuisibles pour les Echos et la liberté de la presse est en fin de compte trés logique. Reste à trouver lesquels !

            En tout cas, peut être que dorénavant les journalistes des Echos se questionneront aussi sur les conséquences des politiques libérales & mercantiles (que d’une certaine manière ils cautionnent en participant au jeu du vendre-acheter- gagner le plus) dans d’autres domaines que le leur (energie, écologie, transport etc etc) puisqu’ils font actuellement les frais de ce mercantilisme


            • Roues Libres Roues Libres 7 juillet 2007 18:02

              Gilles, ce n’est pas tellement de mercantilisme qu’il s’agit. Les journalistes des Echos n’ont rien dit lorsque le journal a été vendu au Groupe Pearson, groupe spécialisé en medias. Celà ne posai pas de problème particulier. Là où les choses se compliquent c’est lorsque le seul ou presque journal d’information économique français se trouve dans les mains d’une des toutes premières capitalisations françaises. On peut imaginer sans peine le pouvoir que ce simple fait confère même s’il n’est pas utilisé directement. Un peu comme la force de dissuasion. On peut évenuellement aussi alimenter des rumeurs négatives sur ses concurrents ou exagérément positives sur son propre groupe ou même intervenir en arbitre de manière indirecte ou enfin peser sur des décisions politiques. Les risques de conflits d’intérêts sont ainsi trop nombreux pour ne pas qu’on s’y arrête.Je suis un libéral en matière économique et donc peu suspect de dogmatism en la matière. Ceci pour rappeler à chacun qu’un libéralisme bien conduit implique des règles claires.


            • Gilles Gilles 8 juillet 2007 09:34

              Merci roues libres pour ces précisions mais j’avais très bien compris la problématique telle que vous l’explicitez.

              Mercantile, je l’entendais au sens « usuel » péjoratif de celui qui veut s’enrichir encore plus à tout prix, au besoin, comme cela est craint de la part d’ARnault, à l’encontre du bien commun.

              Je ne fais pas référence au mercantilisme en tant que conception de l’économie.... désolé pour ce mic-mac !


            • Roues Libres Roues Libres 8 juillet 2007 14:57

              Je ne crois pas du tout qu’ Arnault achète les Echos pour s’enrichir. Même s’il justifie son acquisition d’une manière assez paradoxale en disant que le rachat des Echos suivi de la vente de la Tribune se traduira par un gain net de 22M€/an pour son groupe. Soit la somme des pertes de la Tribune (-12M€) et des gains des Echos (+10m€). Raisonnement particulièrement fallacieux. Il n’est pas impossible que M Arnault nous prenne pour des crétins...Quant à ses intentions réelles ? Il a déjà l’argent et un groupe extrêmement profitable. Sans doute lui faut-il aussi le pouvoir qu’on prête aux patrons de medias pour devenir une sorte de primus inter pares et régler son compte définitivement à son vieil ennemi Pinault.


            • ExSam 8 juillet 2007 21:04

              Les journalistes des Echos ne sont pas des machinistes de la RATP. Les voir se mettre en grève, laisse à penser que la cause est sérieuse.

              Il est vrai que les machinistes RATP ne bénéficient pas d’un supplément d’âme libérale, aussi les croire dotés de causes réelles et sérieuses pour se mettre en grêve, relève naturellement de l’incongruité.

              Nous ne lirons donc pas plus avant cette chronique untermensché Fraîche et sous-titrée Rance Inter.

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