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Accueil du site > Tribune Libre > De l’anti-sarkozysme comme cache-sexe

De l’anti-sarkozysme comme cache-sexe

Si l’on en croit les sondages d’opinion, les français feraient de moins en moins confiance aux journalistes. Que signifie cette suspicion que même les sondages d’opinion ne parviennent à « redresser » ? Pourquoi ce désaveu ? On s'abuserait à croire que le noeud du problème consiste dans leurs allégeances ou leur manque d'objectivité. Le discredit du journaliste met en avant le fait que l’essentiel des journalistes – se réclamant à 84 % de la gauche socialiste selon un sondage IPSOS daté de 2001 ; ayant voté le « Yes against the No to Win » pour plus de 90 % d’entre eux – n’incarnent plus la médiation auprès du peuple. Ce qu’ils relaient n’est plus l’information, mais l’idéologie.

Bien sûr, le pouvoir officiel essuie régulièrement les coups des médias officiels. C'est que le vrai pouvoir n'est pas nécessairement là où l'on croit. Le vrai pouvoir se reconnaît à cela qu'on ne le critique pas. A fortiori lorsque le vrai pouvoir se révèle justiciable d'une autocritique. En Sarkozy, on critique l'homme, pas le discours. Ou bien la com’, pas les arrière-pensées. Pas l’impensé. On concentre le tir sur la personne présidentielle. On ne critique pas ses choix. On ne critique pas l'Europe, l'euro, l'OTAN, qui cependant dessinent nos politiques ; pas davantage la commission qui mûrit nos budgets, non plus que les articles du TFUE ; articles 32 et 63, entre autres, qui neutralisent d'avance toute tentative de restaurer une politique sociale ou d'enrayer l'épidémie des délocalisations ; article 123 qui interdit aux banques centrales nationales de monétariser les déficits publics, et les condamne à s’endetter sine die sur les marchés obligataires ; le Traité de Rome, qui, chaque année, nous somme de reverser 21 milliards d’euros à la Commission européenne pour percevoir en « aides européennes » moins du tiers de ces 21 milliards, c’est-à-dire 7 milliards alloués en subventions – merci la PAC ! – principalement réattribués aux géants de l’agro-alimentaire, tandis que nos agriculteurs, quand ils ne se suicident pas, meurent à crédit. Sans oublier le MES (le Mécanisme Européen de Stabilité), INDECT (le « jumeau diabolique » d’ECHELON), ou le « Nouveau Marché Transatlantique » (NMT ; TABD pour les Américains) prévu pour 2015, qui veille à l’inauguration d’un « marché sans entraves ». Cette organisation, confédérant les 150 plus grosses entreprises européennes et américaines, ayant pour vocation de conseiller les administrations des deux blocs respectifs (il serait superflu de préciser que le TABD dispose d’un accès régulier à la Commission européenne, qui perçoit ses résolutions et rend raison de leur mise en application). Non. Niet. Labès chouïa. Ce n'est rien. Trois fois rien. Des riens qui ne comptent pas, qui ne se voit pas, dont on ne vous dira rien. Parce qu'il n'y a rien à dire. Poussière que tout cela. Bon pour les conspirationnistes. Pour les négationnistes. Pour les salauds. Badauds, passez chemin !

Les journalistes, eux, savent ce qui fait sens, ce qui mérite d'être excipé dans le flot trouble de l'actualité. Les journalistes sont des gens consciencieux. Eux connaissent les priorités. Le recensement des petites phrases, le comptage des bons points, la coulisse des meetings, les clashes ad hominem : elles étaient là, les vraies priorités. Celles Qu'il Fallait Couvrir (CQFC). Pas le projet ACTA, pas nos morts de Libye, par ni le FESF ; les états d'âme de Rachida Dati. Dati, vous dis-je ! Et nous qui, tout ce temps, pensions au cycle de Doha, aux OPA des banques, au « conflit de civilisation », au dossier Swift, au lent démantèlement de la démocratie ! Fous que nous sommes ! Lorsque le sage montre la lune, le singe regarde le doigt. Et singes nous fûmes de n'avoir pas su voir à quel point les médias avaient su faire usage de leur Totale Indépendance et de leur Grande Pénétration pour faire de nous des téléspectateurs conscients, des votants éclairés. Libres comme l'air comme des poissons dans l'eau. Sachant, pour lors, que si l’objurgation majeure des journalistes (le style présidentiel) n’attente jamais à l'idéologie, c'est simplement qu'il n'y a pas d'idéologie. Seulement des vérités. Pendant toutes ces années qu’ils nous assénaient leur cancan sur la manière dont Sarkozy n'aurait pas dû faire ce qu'il fallait de toute façon qu'il fît (faut pas pousser mémé dans les orties), ils s’employaient bravement à développer notre conscience critique. Nous étions comme Émile, naïf, lorsqu'ils étaient Rousseau, des pédagogues discrets. Ingrats, tandis qu’ils nous servaient le monde sur un plateau d'argent. Et nous qui doutions d’eux ! Merci pour la leçon. Mille fois merci, et cent mille fois pardon. Une pareille dévotion réclame plus qu'un éloge, une médaille du mérite. Dommage que Sarkozy s'en soit déjà chargé.

Pas d'idéologie… Qu'ils disent… On dit aussi parfois que si l’on demandait à un poisson d’énoncer la composition de son environnement, la dernière chose qu'il y verrait serait rien moins que l'eau. L'eau coule de source. Quoi de plus transparent que ce dans quoi l'on baigne ? Ce qui va de soi ne fait pas pièce ; ce qui fâche, en revanche, c'est un « fitness ». Et Sarkozy par-ci, et Sarkozy par-là. On critique Sarkozy, mais Sarkozy n'est qu'un exécutant. Son style déplaît ; n’est pas « dans le ton » ? So, what  ? Est-ce tout ce que les journalistes ont à lui reprocher ? Son « style », c'est faire passer sa soumission pour du volontarisme. Devancer ses échecs. Sauver les apparences. Combien sont loin du compte ceux qui le qualifient de « décideur » ou d'« hyper-président » ! Son autoritarisme est celui du macho, typique au demeurant des sociétés matriarcales où l’homme fanfaronne en public parce qu’il est dominé, s’écrase devant sa mère ou son épouse dans la sphère familiale. Sarko s’écrase devant Merckel. Merckel, « le carnet de chèque », tient la culotte et tient l’Europe. La France, c’est le cheval ; l’Allemagne, c’est le jockey (et la culotte de cheval). Quand les Allemands calculent, les Français rêvent. N’en déplaise à De Gaulle, le « couple franco-allemand » n’est plus qu’une feuille de vigne qui se réduit à la Javel mondialisée comme peau de chagrin. D’usage hexagonal, du reste, d'usage franco-français. Pour les Allemands, cyniques, c’est encore Washington qui mène la danse ; et les Länder, et les patrons, et la finance, et Disneyland Bruxelles. Pas Sarkozy. Sarkozy braille mais ne mord pas. C'est un morceau de volonté auquel manque toujours la puissance. Et les gonades. Un héros musilien, pétri de qualité dont on ne voit jamais la couleur. La condition post-adamique de l'homme qui voulait trois milliards. Souffrant, dans l’irrésolution de son papillonnage programmatique, les flux et reflux de son incompétence.

Être anti-sarkoziste quand Sarkozy n'est rien, c’est n’être contre rien. Être anti-sarkoziste quand Sarkozy ne fait qu'homologuer sagement les décisions des eurocrates - ceux qui financent les groupes de presse - c’est, pour un journaliste, pisser contre le vent. Et se foutre du monde. On aurait donc grand tort d'imaginer que l'anti-sarkozisme patenté de la presse officielle soit le symptôme d'un désaccord de fond. Tout se joue là, sensible, apert ; à la surface, dans le détail, l'inessentiel, l'épidermique ; dans la « manière » : le « style » encore. Tout dans la forme. Dans la formule et le slogan. À croire que gouverner n'est plus prévoir ou décevoir (quoi que), mais tenir l'étiquette, « faire bonne figure », donner des gages à Papy Voise. Organiser des safaris dans les banlieues comme on prospecte les savanes. « Kärcheriser » les « sauvageons ». Ratisser vieux. Verser dans l'agit-prop pour faire jaser la rombière à bagouzes et maintenir ses étiages dans les circonscriptions revêches. Ratisser large. Viser communautaire. Cultiver l'équivoque, sacrer des génocides, produire autant que de besoin des lois de circonstance pour pénétrer l'électorat dormant. Lorgner, l'œil pétillant, les terres arables du Front National. Quant aux réformes sociales : classées sans suite. Promesses sans lendemain. « Quand faire, c'est dire »… La « parole riche », exsangue, fait alors droit à la formule de communication. La langue de bois, langue du pouvoir (entendre par « pouvoir » la langue qui s'oppose à l'« agir ») septicémise les organes de la « gouvernance ». Epidémie de spin doctors, pandémie de publicitaires. Jacques Séguéla reprend la com’ en main. Pour le meilleur et pour le pire. Et ce que Jacques a dit, Sarko répète. Le rôle du journaliste ? Laisser courir. Dépiauter les slogans. « Sarkonjurer ». Pourquoi ? Comment, en dépit de leur commun alignement euro-atlantiste, comprendre la détestation que vouent les journalistes au « président des riches » ? Le culte de l'Empire, le rêve européen n'est-il pas également le fil d'Ariane de leur pensée ? La haine de Sarkozy – entendons bien : du personnage et non des idéaux – peut être reconduite à deux fondements, on le verra, plus volontiers déclaratifs que vraiment substantiels.

Les pouvoirs qu’il n’a pas, « Sarko » se les arroge dans les affaires de main courante. Ce que ses prédécesseurs considéraient comme l’intendance et déléguaient à leur ministre, Sarkozy s'en empare et ne lâche plus l'affaire. Sarko s'ingère partout où on ne l’attend pas (une mauvaise habitude). Ainsi à la télévision. De là sa première « faute », sa « maladresse » ; sa forfaiture que l'Eglise constituée du clergé cathodique considèrera comme son « péché originel ». Regrets. Notre homme n'aura de cesse que de s’en amender. En vain. Nombre de journalistes ne lui pardonnent pas - et ne lui pardonneront jamais - d'avoir fait réviser la loi de manière à nommer, et révoquer à sa guise les présidents de France Télévision, de Radio France, ainsi que trois des neufs censeurs du CSA. Il achevait ainsi de faire de ces trois organisations des entreprises Sarkocéphales. Telle intrusion ne pouvait qu'être contre-productive. Les concussions, les péculats peuvent demeurer monnaie courante ; ils ne doivent pas tomber dans le domaine public. Ils risqueraient d'entacher de soupçon la profession du journaliste. Qui sait jusqu'où est prêt à aller un journaliste pour retrouver sa crédibilité perdue ? Croyant renforcer son assise, le président travaillait à sa perte. La défiance des lecteurs se mit à prospérer sur le constat d'une collusion pyramidale. La connivence devenait trop visible ; au point que pour survivre à cette crise de confiance, les journalistes en sont venus à renouveler chaque jour la preuve de leur autonomie. De crainte d'être taxé de subordination, ils versent aveuglément dans l'algarade. Pour proclamer l'indépendance dont ils se targuent, ils attaquent le patron. Or, justement, ils attaquent le patron. Ils attaquent Sarkozy, « le style », jamais la ligne politique ; le « personnage », jamais les convictions. Le choix de l'euro, de l'Europe fédérale, du mondialisme, de l'Amérique, de l'OTAN, d'Israël, de la Banque, du « courage » (austérité), de la désindustrialisation, de la libéralisation, de la technocratie ; rien de cela ne paraît faire problème aux yeux des « sentinelles de la démocratie ». L'objet de leur imprécation, c'est le « profanateur de la fonction présidentielle », le prévaricateur ; l'homme qui, pour reconduire les analyses du rite selon René Girard, aura fait basculer le modèle élatif de médiation externe à médiation interne. Ce n'est en aucun cas la charpente idéologique qui préside à ses choix. Gageons que sur ce point, l'accord est sauf. Les apparences aussi. Les journalistes se prétendent « tous contre » ; ils sont de fait « tout contre », c'est-à-dire bien trop près.

Hormis le « style présidentiel », le ressort principal de la contestation – volontairement superficielle – des journalistes est le clivage Droite/Gauche dans lequel ils s'inscrivent. Un clivage suranné, ectoplasmique, et ce depuis bientôt 30 ans. Clivage qui a pris fin avec la victoire de la « Deuxième Gauche ». Avec l'instauration des « Quatre Libertés ». Avec Delors et l'Acte Unique. Avec la mandature de trop de François Mitterrand. Clivage qui se reflète à l'infini dans le miroir aux alouettes des éditorialistes et des commentateurs qui feignent encore d'y croire, cependant même que la fracture « Oui/Non », « Souverainiste/Mondialiste », émiettait définitivement l'embase de ces catégories ; d'abord avec le Traité de Maastricht, puis avec le référendum scotomisé de 2004 sur le Traité de Rome (ou TCE) qui deviendra le Traité de Lisbonne. Aveugles à ces dichotomies, les journalistes ont persisté dans l'illusion d'un monde régi par une diérèse datée pour involuer dans le giron sécure de représentations mortuaires. Un monde vrillé par le divorce irréductible entre « Séides du Capital » et « Soldats du Progrès ». Le simili-conflit PS contre UMP se présentant comme l'ultime expression - expression « sociétale » - de ce conflit Droite/Gauche au terme de ses pérégrinations philosophiques ; autrement dit, en lieu et place de l’acception traditionnelle, tantôt régalienne (relaxe ou mort du roi), tantôt marxiste (Travail ou Capital), hugolienne (révolte ou loyalisme), philosophique (liberté ou égalité), soixante-huitarde (le mouvement ou la réaction) et anthropologique (homme naturel de Hobbes ou de Rousseau, qui s'assortissent d'une conception sécuritaire ou émancipatrice de la constitution) que cette opposition Droite/Gauche a pu successivement ou simultanément symboliser 1.

L'actuel clivage Droite/Gauche revêt le masque epsilonesque et dérisoire du débat « sociétal ». Acception sociétale d'une fêlure politique qui s'exonère de toute disceptation ou prise de position sur le terrain social. Le champ social n'a plus voix au chapitre. Procès futile et dépassé que celui du social. Il erre au champ des merles. Adieu Zola, Balzac, Victor Hugo. Le « débat de société » a coupé court aux « archaïsmes de la lutte des classes ». L'Europe a remplacé le prolétaire par l'immigré au panthéon de la gauche moderniste. La Gauche a baissé pavillon. Pour le plus grand bonheur de Parisot et des thuriféraires du lumpen élastique. Sa lutte est désormais celle du sans-frontiérisme ; en cela s'accorde-t-elle avec la Droite. Proximité, promiscuité, déshérence politique. Les postures de la Gauche, la Droite finit toujours par les concrétiser, multipliant, à Gauche, les cas de conscience. Comme l’a montré René Girard, le grand secret et le moteur le plus puissant de la rivalité n'est pas la divergence des concurrents, mais bien l'unicité de l'objet qu’ils désirent. L’indifférenciation suscite la violence « différante ». Et c'est cela, « l’insupportable identité de l'autre », qui provoque l’ire les journalistes. Nous l'avons dit, plus de 84 % des journalistes en France se déclarent socialistes ; le reste pige (milite) au Figaro (un tel ratio explique sans mal, du reste, la menue surestimation du candidat Jospin lors des présidentielles de 2002). Ils n’en partagent pas moins les mêmes choix politiques. PS et UMP votent de concert plus de 95 % des lois que leur impose le Parlement européen (que lui impose en fait la Commission, seule détentrice du Droit d’Initiative). Leur désaccord ne porte pas sur l'essentiel, mais sur ce fameux « sociétal », incontournable sociétal et son cortège de questionnements vitaux pour la nation : sur le mariage homosexuel, sur le droit de vote des étrangers, sur la prohibition de la fessée. L'aile droite et gauche du château libéral – royalement figurées par les noces Bruni/Sarkozy, symétriquement par les chauffeurs de salle (et délinquants fiscaux) Johnny/Yannick Noah – ne s'opposent plus que pour la forme. Les rats des villes méprisent les rats des champs. De même les journalistes, cinquième colonne de la condescendance de Gauche, conspuent le président, incarnation de l'arrogance de Droite, dont ils partagent, au fond, tous les alignements.

« Dessine-moi un programme ». C’est l’exercice - ô combien difficile - auquel se sont attelés les partis orthodoxes. Dessiner un programme. Un programme dans l'Europe ; programme malgré l'Europe. Programme suffisamment folié pour ne pas sembler vide ; suffisamment lesté pour ne pas succomber à la moindre bourrasque. La matière morte, la forme fait les frais de ce lifting aux oléolats. Mais la forme sans matière laisse passer la lumière. Et qui pour l'incarner ce programme pellucide ? Un homme à son image, diaphane ou saturé d'hélium. Le « spectre politique » n'aura jamais si bien porté son nom. Mitterrand l'avait dit, prophétique : « Après moi, il n'y aura plus de grands présidents. » Les journalistes l'ont pris au mot. Les politiques ont intégré la nouvelle donne ; le fait que, désormais, n'importe qui peut devenir président. N'importe qui, c'est-à-dire, « l'homme normal » ; qu'importe au demeurant puisque tout un chacun a les capacités de ne rien faire. Et pour cause : la souveraineté française n'est pas française. Il n'est pas même certain, si l'on remonte la chaîne de commandement, qu'elle soit européenne. Qu’il soit romain, ou byzantin, ou germanique, ou napoléonien, ou bismarckien, ou hitlériens, ou, ultimement, américain chercher l’Empire, c’est toujours chercher l’Aigle. Le terme de « souveraineté » dérive du latin médiéval superanus  ; force est d'admettre qu'effectivement, nous l'avons dans le baba. Comme à chaque fois, somme toute, que reparaît en France la hiéraldique du drapeau bleu piqueté d'or – de fleurs de lys, d’abeilles, d’étoiles –, attestant du primat de la souveraineté céleste, de droit divin, sur la souveraineté du peuple (le drapeau bleu-blanc-rouge depuis le Consulat) ; savoir, en langage juridique, la préemption du droit communautaire sur le droit national, du TCE sur la Constitution française. Tout est écrit d'avance, la réforme des retraites comme les clotures d'usine. Les Français ne sont pas dupes. Ils votent de moins en moins. Ont détecté la fraude. Ils savent que leur président-lige se soumettra comme ses prédécesseurs. Au pire, laudateur enthousiaste de ce nouvel ordre en devenir. Au mieux, spectateur désolé d'une pièce écrite par d'autres…

On ne peut dès lors plus s’étonner de constater combien les prétendus « débats d'experts » ou d'éditorialistes sont insipides et boursouflés. Des paroles et des actes nous en délivre chaque semaine notre content. C dans l'air chaque après-midi. C'est qu'ils sont à l'image de la présidentielle : les contondants n'y répondent pas réforme contre réforme, projet contre projet, mais bien plutôt rejet contre rejet. Ils guettent des occasions pour s'opposer – ils n'en trouvent pas. Commence alors la foire aux petites saillies assassines. Des taillades in petto. Des coups de poignard sotto voce. L’escalade à l’esclandre. Comme à Florence. Comme au temps des Médicis. Chacun recherche ce qu'il a perdu : le peuple pour la gauche, la nation pour la droite. Un vrai concours Lépine de la démagogie. Avec en sus, pour tenir la cadence, quelques petites « idées » bien vite abandonnées. Des mesures, des paroles, des promesses de façade dont on ne verra jamais la couleur. Rien en tout cas avant la fin de la présidentielle. Et sans doute rien après. Car dans le fond, l'acceptation du dogme reste indépassable. Dans un camp comme dans l'autre, le totem, le tabou, l'interdit, résiste à tous les cribles politiques : nul doute que l’article 50 du TCE restera pour longtemps un secret bien gardé. « Merkozy », « Merkollande », c'est benêt-blanc et blanc-benêt. « Pensez le changement » : changez le pansement. Les journalistes, pendant ce temps, se chargent de faire l’animation. Disons plutôt… la réanimation. Et le filtrage. L'antisepsie. La colature. On ne rigole pas avec les codes et les dress-codes de la démocratie. On n'entre pas à la télévision comme dans un bar à gaupe. Pas sans passeport. Pas sans un rôle bien défini. Les médiacrates procèdent aux vérifications. Ils veillent au grain, et ne laissent rien passer. Or, comme disait Pascal, qui fait l'ange fait la bête : aussi leur zèle ne connait-il pas de limite. Bien sûr, parce qu’il faut bien tout de même entretenir le mythe de la pluralité, ils sélectionnent parmi les dissidents des underdogs. Comme dans un match de boxe. Des candidats factices - sinon complices - à faire mousser pour occuper le terrain. Quels candidats ? Précisément ceux qui n’ont rien à proposer (non plus) : j’ai nommé Cindy Lee, du Parti du Plaisir ; Dédé l'Abeyau alias le Bouffon vert ; Morsay, le seul humain capable d’enchaîner 44 fois le terme « p.te » en 9 minutes d’allocution (soit une moyenne phénoménale d'un « p.te » toutes les 12.27 secondes !) ; ou bien encore Maxime Verner, dont le seul programme est d'avoir vingt bougies. On ne tolère que les olibrius ; jamais les authentiques contestataires, jamais les adversaires sérieux tels que François Asselineau (dont vient d'être effacée la page Wikipédia) ou François Amanrich, un partisan de la « clérocratie ». Uniquement les « idiots utiles », les « ramasse-miettes » et les « épouvantails » (FN ?). Histoire de démontrer, ab absurdo, qu'hors de l'Eglise, point de Salut. Et ce n'est pas Éva (dans le mur) Joly qui nous contredira…

 

1 On pourrait, semble-t-il, augmenter cette série d'une acception gastronomique, voire érotique (selon IFOP, les électeurs de gauche auraient une vie sexuelle plus dynamique que leur collègues de droite), avec tout ce que cela implique en termes de distribution sociale, géographique, ethnique et générationnelle du potentiel électoral.


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5 réactions à cet article    


  • reveil reveil 7 avril 2012 09:46

    Les journalistes bénéficiant d’un abattement fiscal supplémentaire de 40% sont corvéables et prostituables à merci. En France, une simple petite prime suffit à passer la corde au cou à tout nos médias (merdias). Aucune conscience professionnelle, aucune éthique de l’ensemble de la profession, un petit bifton et ils vous tirent une balle dans le dos.


    • Piere CHALORY Ézotérik Speed 7 avril 2012 11:06
      Bravo pour votre article éclairant, mais qui risque de passer pour « prosarko » - si on s’arrête au titre - alors qu’il n’en est rien.

       
      « Un héros musilien, pétri de qualité dont on ne voit jamais la couleur. La condition post-adamique de l’homme qui voulait trois milliards. Souffrant, dans l’irrésolution de son papillonnage programmatique, les flux et reflux de son incompétence. »

      Jolie formule, mais qui risque d’être incompréhensible pour les « non initiés »

      « Les pouvoirs qu’il n’a pas, « Sarko » se les arroge dans les affaires de main courante. Ce que ses prédécesseurs considéraient comme l’intendance et déléguaient à leur ministre, Sarkozy s’en empare et ne lâche plus l’affaire. Sarko s’ingère partout où on ne l’attend pas (une mauvaise habitude). Ainsi à la télévision. » 

       No comment

      « Nombre de journalistes ne lui pardonnent pas - et ne lui pardonneront jamais - d’avoir fait réviser la loi de manière à nommer, et révoquer à sa guise les présidents de France Télévision, de Radio France, ainsi que trois des neufs censeurs du CSA. Il achevait ainsi de faire de ces trois organisations des entreprises Sarkocéphales. » 

      Trop c’est trop, il faut savoir s’arrêter, ce n’est apparement pas le cas de « l’homme qui voulait trois milliards ». Encore merci pour cette approche originale du « phénomène », ou plûtôt épiphénomène.


      • Piere CHALORY Ézotérik Speed 7 avril 2012 11:13

        Explication « héros musilien » :




      • Piere CHALORY Ézotérik Speed 7 avril 2012 11:16

        Le lien ne s’est pas enregistré, le voici :



      • morice morice 7 avril 2012 17:59

        un vide complet que cet article, qui ne débouche sur rien d’autre que « n’allez pas voter, ça ne sert à rien »

        bizarrement, la fin me fait penser à un autre auteur, ici...

        et pendant cinq ans on entendra le même râler, et nous ressortir le même texte.

        « Un jour sans fin », il aurait dû l’intituler, tiens....

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