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De l’habitude

Cet article présente la notion d’habitude dans ses aspects les plus fondamentaux qui sont sa mécanicité, sa généralité et le fait qu’elle constitue l’alpha et l’oméga de notre psychologie quotidienne tout en étant plutôt mal vue par l’homme de la rue et jugée désuète par une science toujours en quête de concepts nouveaux. Si sa simplicité la rend très accessible, c’est avant tout son formidable pouvoir explicatif qui en fait l’objet central de la psychologie synthétique à laquelle je propose une introduction sous le rapport de l’autisme avec une série d’articles passés (1, 2), présent et à venir. *

« Tout devrait être rendu aussi simple que possible, mais pas plus simple ».
Albert Einstein
 
La pensée ci-dessus exprime parfaitement l’objectif de la psychologie synthétique dont je vais tenter de présenter ici les principes parce que je la crois susceptible d’améliorer notre compréhension de la psychologie en général, de l’autisme en particulier.
 
Pour définir au plus simple la psychologie synthétique, on pourrait dire qu’elle est basée sur l’idée que tout individu est une population ou un écosystème — c’est-à-dire, un ensemble organisé — d’habitudes.
 
Ce qui suit devrait nous permettre de constamment vérifier qu’en disant cela — en posant que l’habitude constitue l’unité élémentaire de la psychologie, l’objet fondamental pourrait-on dire de cette science encore jeune — nous avons dit l’essentiel, au sens où ce que nous aurons à ajouter par la suite ne devrait être qu’une conséquence — théorème, corollaire ou commentaire — de ce postulat fondamental.
 
Je ne sais pas si le lecteur se rend compte de ce que cela veut dire. Essayons à nouveau : j’avance ici l’idée que, puisque vous savez ce qu’est une habitude, vous êtes parfaitement équipé pour vous engager avec succès dans une réflexion psychologique. Rien ne pourra vous échapper. Quoi que ce soit que vous vouliez comprendre et expliquer, vous pourrez le faire à partir de l’habitude parce que... l’habitude est l’argile dont nous sommes faits.
 
Le postulat est donc que tout ce qui est d’ordre psychologique pourra être ramené à l’habitude, à son organisation et à son fonctionnement.
 
J’offre une bouteille de champagne au premier qui peut me démontrer que ce n’est pas le cas, qu’il existe des exceptions, c’est-à-dire, des faits psychologiques qui ne relèvent pas de l’habitude. Entendons-nous bien, je ne dis pas qu’il n’y a rien en l’homme qui soit au-delà de l’habitude ; je dis seulement que toute psychologie est bâtie sur cette dernière et qu’elle en est donc une émergence. Par conséquent, c’est à partir de l’habitude qu’il faut tenter de comprendre la psychologie de l’homme comme de l’animal si nous visons le moins du monde la cohérence et la réussite.
 
Si vous voulez, c’est un peu comme si je disais que tout le vivant est bâti sur la cellule — et non l’ADN, notez bien. L’étude de l’humain ne se réduit pas à l’étude de la cellule, mais un homme est entièrement fait de cellules et sa physiologie dépend donc complètement de la physiologie cellulaire.
 
Donner à l’habitude un tel statut est un postulat « fort » et donc risqué puisque a priori extrêmement falsifiable. Il suffirait en effet d’un seul contre-exemple pour démontrer que ce postulat est faux et peut-être aurai-je à reconnaître un jour à reconnaître qu’il l’est mais, en attendant, on m’accordera le droit de croire qu’il y a peu de chance que j’ai à payer une bouteille de champagne à quiconque avant longtemps :-).
 
Quoiqu’il ne soit, si vous m’avez suivi jusque là, quel que soit votre niveau de formation, vous avez compris que la psychologie vous est infiniment plus accessible que vous n’auriez pu l’imaginer en contemplant le triste état de complète balkanisation qui prévaut actuellement et qui est assez décourageant pour nombre d’étudiants ou simplement pour l’honnête homme en quête de connaissance et épris de rationalité.
 
----
 
Si tant est que l’habitude soit la clé de ce domaine mystérieux qu’est encore la psychologie, essayons de la définir. Pour aller à l’essentiel, on pourrait dire que cette notion évoque l’idée toute simple que, bon ou mauvais, un acte sera reproduit d’autant plus facilement qu’il aura été souvent accompli par le passé. L’habitude, c’est avant tout cela : la propension à reproduire, qui se renforce avec... la reproduction et qui fait qu’à un moment donné nous ne pouvons nous empêcher de retomber dans nos habitudes — la suite infinie de nos difficultés, mais aussi de nos jouissances, venant de cette compulsion !
 
Le mot-clé ici c’est « reproduction. » C’est lui qui permet de comprendre que l’habitude n’est pas qu’un fait psychologique, elle est présente dans tout l’univers puisqu’on retrouve, en effet, cette tendance dans l’infinie série des processus cycliques (cycles, oscillateurs, ondes...) qui sont d’une absolue généralité en physique, chimie, biologie, écologie, économie, etc.
 
C’est ce qu’avait très tôt compris le XIXe siècle dont Charles Sanders Peirce résume ici parfaitement l’esprit du temps :
 
« […]sous-jacente à toutes les autres lois, on trouve la tendance qui peut croître d’elle-même, la tendance de toute chose à former des habitudes. » (Collected Papers, vol. 6, Harvard University Press, 1958, p. 101) (c’est moi qui souligne)
 
Notons que même au cœur du chaos, on trouve des cycles à volonté puisque, comme disent les physiciens, ils y sont « denses ». Ceci veut dire que où que vous portiez votre attention, vous pouvez être sûr et certain qu’il y a des cycles, même au cœur du plus imprédictible des phénomènes.
 
La psychologie ne fait pas exception parmi les sciences. L’habitude est son cycle tout comme les cycles des autres sciences peuvent, ainsi que le suggère Peirce, être vus comme des habitudes tant il est vrai que les unes et les autres visent pareillement à leur propre reproduction.
 
Au niveau biologique, on pensera bien sûr à la reproduction sexuelle par laquelle un individu produit des petits semblables à lui et donc se reproduit. Mais il faut avant tout penser à la reproduction de soi par laquelle l’individu se conserve au fil des ans alors qu’il ne cesse de remplacer ses constituants. En respirant, buvant, mangeant, transpirant, pissant et chiant, nous nous inscrivons en effet dans un flux de matières et d’énergie, un turn over qui renouvelle complètement nos composants en quelques années. Pourtant nous restons les mêmes à peu de choses près.
 
Cet effort de maintenance ou d’entretien de nous-mêmes se manifeste en particulier par l’homéostasie qui, d’instant en instant, reproduit ou maintient l’état physiologique fonctionnel dont nous avons besoin.
 
Mais cette vitale « constance du milieu intérieur » n’est possible que parce que la plupart des activités que nous répétons indéfiniment assurent aussi ce que l’on pourrait appeler parallèlement la « constance du milieu extérieur » : faire sa toilette, revenir à une source d’eau, revenir à une source de nourriture, revenir à son domicile, retrouver ses semblables etc., tout cela manifeste une vie organisée en circuits qui font constamment retour à ce qui comble nos besoins et sont donc autant d’habitudes participant à la recherche d’une stabilité (physique et mentale), d’un confort (corporel et intellectuel), c’est-à-dire, d’un contrôle sécurisant qui, nous le verrons, est la véritable source de nos de satisfactions, aussi variées soient-elles.
 
Si l’habitude est la matrice de nos vies, il serait logique qu’elle soit d’une grande banalité. C’est bien le cas, ladite banalité se repérant en particulier au fait que l’habitude nous permet de décrire, d’expliquer ou de justifier aisément l’immense variété de nos comportements et de nos choix sans même que nous ayons conscience de ce pouvoir. De fait, « j’ai l’habitude » est, selon Google (le 16 février 2012), une expression présente dans 108 millions de pages internet. Elle est ainsi plus fréquente que « j’aime », « j’écoute », « je regarde », « je vois », etc. Elle est du même niveau que « je veux » et se trouve distancée seulement par « je pense » qui est une expression trois fois plus fréquente.
 
Il y a là un succès populaire qui corrobore le postulat de la capacité de l’habitude à expliquer la psychologie. Mais il faut admettre qu’il est encore doublement limité.
 
D’abord, parce que, pour la plupart, nous ignorons encore tout de sa formidable puissance explicative au plan scientifique. Cela pour la bonne raison que l’habitude est devenue quasiment inexistante dans ce domaine où, à de rares exceptions près, comme l’excellent Ego, pour une sociologie de l’individu de Jean-Claude Kaufmann (Nathan, 2001), elle est désormais perçue comme un concept désuet qui appartient au passé. Autant il est clair que le XIXe siècle, dominé par la pensée mécaniste et évolutionniste, tendait à voir l’homme un être machinal et s’était donc très tôt entiché de l’habitude qui était alors le concept cardinal de la psychologie, autant le XXe siècle, angoissé par l’effondrement des vieilles idéologies lors de la guerre de 14-18, est devenu foncièrement défenseur de l’individu et de ses prérogatives, dont le libre-arbitre. Il s’est empressé d’enterrer toute cette mécanicité dès qu’il l’a pu et ce processus d’effacement s’est achevé avec l’effondrement du comportementalisme (ou béhaviorisme) à la fin des années soixante.
 
Ensuite, parce que l’habitude est actuellement mal perçue, non pas seulement dans le champ scientifique, mais aussi et surtout dans la vie de tous les jours et cela, pour les mêmes raisons. Son côté mécanique, son automaticité apparaissent en flagrante opposition à la visée d’affirmation de l’individu comme libre dans ses déterminations, ses désirs, ses choix. Nous jugeons que l’habitude convient peut-être aux personnes âgées ou fragiles, comme les enfants, mais pour notre part, nous adultes accomplis, bien éduqués et bien portants, méritons d’accéder à l’exercice plein et entier du libre-arbitre.
 
De sorte que plus nous avons le sentiment d’être sans obligation particulière, sans attache et donc libre de désirer dans n’importe quelle direction, plus nous éprouvons de jouissance, à l’instar du voyageur ou du routard qui, sac au dos, radicalement éloigné des vicissitudes d’un quotidien métro-boulot-dodo, jubile intérieurement du simple mais total pouvoir qu’il a d’aller où bon lui semble et, en somme, d’être — en tant qu’il n’est d’être que — libre.
 
A l’inverse, celui qui, comme le héros du film « Un jour sans fin », a le sentiment d’une incessante répétition du même, celui qui subit plus qu’il ne vit le cycle perpétuellement rejoué de ses multiples contraintes professionnelles et familiales, comment n’aurait-il pas très vite le sentiment de ne pas exister et de n’être que le rouage d’une monstrueuse machinerie sociale dont la finalité lui échappe en même temps que le sentiment de sa liberté ?
 
Voilà bien le paradoxe de l’habitude : elle est partout, mais nul ne la voit, nul ne la veut. Chacun se plaît à croire qu’il s’en passe très bien en s’imaginant à tout instant aux commandes de son propre être alors que c’est l’inverse qui est probablement vrai. Car jour après jour, du moment où nous ouvrons les paupières jusqu’au moment où nous les fermons, nous ne cessons d’enchaîner sans même y penser des activités accomplies machinalement vu qu’ayant été répétées une infinité de fois, elles nous sont d’une totale banalité — comme faire sa toilette, s’alimenter, s’habiller, conduire, travailler, etc., de sorte que nous pouvons les accomplir en pensant à tout autre chose. Certains n’ont-ils pas l’habitude de se raser en imaginant « devenir président » ? Le psychologue étasunien John Bargh (1997) n’a-t-il pas suggéré, de manière un peu provocatrice et non dénuée d’humour, que nos pensées et nos comportements relèveraient de la pure automaticité (avec une pureté du même ordre que les savonnettes Ivory ©, soit 99,44 % !)  ?
 
Aussi impressionnant et rhétorique qu’il soit ce chiffre peut être pris au sérieux, au moins dans l’ordre de grandeur : nous opérons des choix conscients dans un très faible pourcentage de cas ! Il faut alors expliquer comment il se fait que nous voyons généralement les choses sur le mode de l’individu constamment conscient et libre de ses choix ? Comment de ce fond de mécanicité qu’il nous faut bien postuler pourrait émerger une conscience de soi comme être doué de libre-arbitre, être doué d’une volonté qui ne soit pas illusoire ?
 
Ceci est une très délicate question, non résolue, que la psychologie a longtemps abandonnée à la philosophie et qui renvoie à toutes les autres questions fondamentales dont la science se détourne prudemment quand elle sait n’avoir aucune réponse... scientifique à donner et donc aucune chance de succès — sauf à défendre une forme quelconque d’éliminativisme — : qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce qu’un être ? Qu’est-ce que être ? Que suis-je ?
 
Ces questions vont constituer notre horizon car c’est bien vers elles que nous nous dirigeons et, encore une fois, c’est la question de l’autisme qui nous donnera l’occasion de les aborder. Car quoi de plus éclairant sur l’humain que les efforts et le parcours que doivent réaliser les êtres, qui initialement étrangers à la communauté des humains, tentent, du mieux qu’ils peuvent, de la rejoindre et d’y prendre place ?
 
Mais, avant cela, il nous reste encore à comprendre la structure de l’habitude, sa mécanique et quelques aspects essentiels du fonctionnement que cela engendre. Vous trouverez ci-dessous le plan de la progression à venir. Il n’y a pas de nécessité d’en prendre connaissance maintenant. C’est juste pour les curieux et les impatients qui aiment voir venir de loin.
 
Quoi qu’il en soit merci pour votre attention et vos commentaires.
LLS
 
 
* L’illustration présente un cycle sous la forme d’un ourobore, un serpent ou dragon qui se mord la queue et qui représente la nature cyclique des choses en même temps que leur unité.
 
 
 
PLAN
 
Nous verrons dans le prochain article que l’habitude peut être modélisée comme un cycle unissant la perception à l’action via deux étapes clé : a) l’assimilation ou la reconnaissance de la forme perçue et b) ce qu’il est convenu d’appeler l’idéomotricité — qui fait passer automatiquement de la représentation à l’action. Cette notion passionnante a été actualisée par la découverte des neurones miroirs mais n’est, depuis ses origines, qu’une formulation savante de ce que nous connaissons tous comme le caractère machinal de l’habitude.
 
Nous aurons ensuite à cerner les conséquences de cette machinalité sur notre compréhension du doublet plaisir/peine et des émotions en général. L’idée essentielle étant que loin de fonctionner sous la dépendance de récompenses qui lui seraient extérieures, l’habitude est la source de sa propre satisfaction, elle est à elle-même son propre but, le plaisir venant de la répétition et non l’inverse. Articuler ainsi le mental au machinal nous permettra de restituer au premier son unité alors que depuis toujours il se trouve éclaté en trois domaines complètement séparés, voire opposés : le cognitif, l’affectif et le conatif (ce dernier, quasi inconnu, étant relatif à l’effort, la volonté, etc.). 
 
Ce modèle de l’habitude comme cycle perception-action nous permettra ensuite de comprendre le caractère inévitable, automatique car mécanique du passage de cette imitation de soi qu’est l’habitude à l’imitation tout court, c’est-à-dire, l’imitation des autres. Nous découvrirons que celle-ci opère constamment dans toutes les dimensions du psychisme d’une manière tellement machinale que nous n’en avons aucune conscience alors que ce processus est vital puisque c’est par lui que se réalise notre inscription dans le champ social, celui que les autistes, justement, ignorent superbement.
 
Dans le contexte de cette double mécanicité mimétique absolument générale nous aurons alors à penser ce qui se pose comme son absolu opposé : le soi, en tant qu’il serait agent, indépendant et libre de ses déterminations. Nous verrons qu’il s’origine pourtant dans le miroir social, c’est-à-dire, le reflet de nous-mêmes que nous renvoie le jugement des autres à notre égard. En intériorisant, en imitant ce jugement, nous construisons une image, une représentation, une habitude de soi qui, en tant qu’elle est originairement issue de l’autre, sera bien sûr, hautement problématique pour l’autiste parce que, justement, il est en général indifférent à l’autre et à ses jugements.
 
Nous serons alors suffisamment équipés pour aborder la question de l’autisme à partir du postulat central de la psychologie synthétique, à savoir cette idée que tout être est une population, un écosystème ou une organisation de cycles visant la reproduction sous toutes ses formes. Sans du tout verser dans un quelconque freudisme, nous verrons que la dimension sexuelle sera ici d’une importance cardinale dans la mesure où c’est à travers elle que s’est initialement formée la capacité à la reconnaissance du semblable comme tel, à son assimilation, dont, précisément, nous ferons hypothèse qu’elle est défaillante chez l’autiste.

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10 réactions à cet article    


  • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 9 mars 2012 11:30

    Bravo pour votre article qui présente un point de vue particulier.

    Votre thème est l’habitude. Très bien. Mais je mesure mal l’intérêt de cet angle d’attaque. Qu’est-ce que cela apporte de spécifique ?

    Vous cherchez à conforter une hypothèse dans le domaine de la psychologie en vous appuyant sur la physique. Or l’habitude, en physique n’existe pas ! Vous avez parfaitement défini ce qu’est une habitude : Le renforcement d’une action par sa répétition.

    En physique, un phénomène ne se renforce pas par sa répétition : La Lune tourne autour de la Terre depuis pas mal de temps, pourtant elle s’en éloigne et elle finira par s’échapper. Point d’habitude là dedans. Si un phénomène est cyclique, il l’est. La répétition ne le renforce en rien.

    Concernant le domaine plus précis de la psychologie, il est un angle d’attaque qui me parait beaucoup plus productif (et qui, lui, peut aussi être lié à la physique) c’est celui du moindre effort (énergie).

    Celui-ci explique à la fois l’habitude, mais il explique aussi le phénomène psycho-social du conformisme. Il est moins couteux de répéter les mêmes actes qui ont réussi que de peser indéfiniment les avantages et les inconvénients de chacune de nos actions. Mais il est aussi, dans d’autres circonstances, moins couteux d’agir comme les autres. Et là, l’habitude n’est plus de mise. (Vous connaissez surement mieux que moi les références des divers travaux qui l’on démontré).

    Peut-être, néanmoins, que votre point de vue est productif. Vos prochains articles nous le dirons.


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 mars 2012 13:27

      Merci pour cette très intéressante critique.

      Il est clair que les orbites des planètes, bien qu’étant à l’évidence de nature cyclique, sont tout sauf des habitudes puisqu’on y observe guère le renforcement par la répétition qui sous-tend le processus de l’habitude.

      Un satellite que l’on place en orbite s’y trouve très réellement avant même d’avoir accompli un premier tour et il ne s’y trouve pas davantage après en avoir accompli 10, 100 ou 1000.

      Point de renforcement à l’horizon. Seulement des cycles à perte de vue puisque, sauf erreur de ma part, la plupart des objets célestes sont en orbite autour d’autres objets célestes.

      Alors peut-être faudrait-il affiner la métaphore ou l’analogie et ne pas suivre Peirce quand il calque l’habitude sur toutes les lois même physique ?

      Pourtant, une chose est sûre, cette omniprésence des cycles, cad, des dynamiques de reproduction, doit nous interpeller. Et considérer que l’habitude est à la psychologie ce que sont les orbites, vibrations et autres oscillations à la physique ne me paraît pas une hypothèse insensée, même si cette analogie nécessite d’être précisée et probablement limitée. Nous verrons bien.

      Pour le moment revenons à la physique et à la question des orbites. Et demandons-nous si nous avons bien regardé.
      Il s’avère que nous porté attention aux objets, la Lune et la Terre. Or le mouvement essentiel qui caractérise l’approche que je propose, c’est de toujours porter attention aux cycles d’abord et avant tout.
      Demandons-nous quels sont les oscillateurs (les cycles) en présence. Il y en a beaucoup ! A partir de là, les choses deviennent intéressantes. Car dès que vous avez au moins deux oscillateurs en présence, ils sont susceptibles de s’accrocher, cad, en quelque sorte, de s’imiter réciproquement pour se rejoindre sur une fréquence donnée et une phase donnée. Certes, à l’extrême un des oscillateurs, le plus fort, pourra ne pas bouger de sa fréquence initiale, laissant l’autre faire tout le chemin.
      Mais quoi qu’il en soit, j’aurais l’occasion d’y revenir, quand deux oscillateurs s’accrochent nous avons là quelque chose qui ressemble au processus de l’habitude au sens où un renforcement va intervenir jusqu’à amener l’accrochage de fréquence et de phase.

      Revenons à la Lune. Elle se trouve « comprise » par deux oscillateurs en particulier : celui de son orbite autour de la Terre et celui de sa rotation sur elle-même. Ces deux oscillateurs sont en fait couplés... par la Terre avec laquelle la Lune interagit, notamment au travers du phénomène des marées qui dissipe une considérable énergie.

      Ce faisant, en tant qu’ils sont couplés, en interaction, ils se sont accrochés de sorte que nous avons eu de plus en plus de la même chose (renforcement) : la Lune nous présente toujours la même face.

      Tout ceci nous amène à l’invariant qui légitime l’analogie entre les phénomènes physico-chimiques d’une part et les phénomènes bio-psycho-socio d’autre part : le processus de feed-back POSITIF.

      Vous connaissez certainement. C’est un processus qui amplifie ce qui a été à l’origine de son déclenchement. C’est donc un processus « renforçateur » tout à fait analogue à l’habitude.

      C’est celui-ci que je vous invite à pister en physique derrière les logiques d’oscillateur, d’attracteur, etc.

      Prenez le cas du ravinement. C’est purement physique. Il n’empêche que là où l’eau a passé, l’eau repassera plus facilement, parce que le chemin a été creusé.

      Si on veut lire la physique en terme de trajectoires, d’attracteurs et de chemins, je pense qu’on aura aucune difficulté à reconnaître le bien-fondé de l’analogie de Peirce que je reprends à mon compte.

      Mais là, encore, ceci ne saurait exclure la nécessité de préciser et de limiter ici ou là l’analogie.

      Il n’empêche qu’elle me paraît porteuse d’un immense potentiel et j’essaierai de le montrer.

      Tout ce que vous évoquez du conformisme pourra se comprendre selon une logique mimétique qui, on le verra s’enracine entièrement dans la mécanique d’accrochage des oscillateurs.

      Quand à l’approche énergétique que vous proposez, je la trouve très intéressante puisqu’elle a énormément d’affinité à la pensée en « chemins » que j’évoque. Mais vous m’accorderez qu’elle n’a pas fait son chemin en psychologie. L’énergie n’est malheureusement pas un concept opératoire dans la psychologie actuelle et il n’a jamais connu un grand succès.

      Ce n’est pas une raison pour le délaisser et vous verrez que j’en suis un parfait adepte, dans la mesure où la dynamique du cycle est avant tout une dynamique énergétique.

      Mais encore une fois, l’important ici est de penser le cycle en premier. La pensée en termes énergétiques ne sera, je crois, vraiment fructueuse qu’à la condition de partir du fait cyclique et de cette tendance de toutes choses à prendre ... habitude smiley

      Merci quoi qu’il en soit de m’avoir poussé à cette réflexion et à ces précisions qui j’espère, répondrons, au moins partiellement, à vos remarques.


    • easy easy 9 mars 2012 15:12



      «  »«  » Prenez le cas du ravinement. C’est purement physique. Il n’empêche que là où l’eau a passé, l’eau repassera plus facilement, parce que le chemin a été creusé. «  »«  »

      Avant la moindre goutte, une observation fine des niveaux permettrait à n’importe qui de prédire sans se tromper où passera l’eau (mais nul ne peut prédire la trajectoire d’une pensée). Dès que l’eau commence à couler, elle érode son lit et modifie les niveaux, tant à la baisse qu’à la hausse car elle sait déposer des alluvions plus haut lors de crues exceptionnelles. Si globalement l’eau ira toujours de la montagne à la mer, son lit variera constamment et beaucoup.

      Quoi qu’il en soit, on ne doit pas partir de faits physiques pour en déduire que notre psychologie est aussi inéluctable.

      Il est certain qu’un écolier retracera plus facilement, même les yeux fermés le chemin de l’école qu’il a déjà emprunté. Certes mais à condition qu’il ne découvre pas un beau matin qu’il existe un chemin plus court ou le faisant passer devant quelque belle. 

      Les souris sont censées emprunter toujours la même piste. Alors on place la tapette dessus. Mais certaines, vieilles, avisées, refusent de toucher à l’appât et indiquent leur refus aux jeunes. Résultat, elles contourneront l’obstacle et celui qui avait fondé ses espoirs de destruction sur l’habitude sera marri.

      L’autruche craint le guépard quand elle couve. Quand elle en voit un s’approcher, elle s’écarte de son nid en rampant, puis de relève et décampe au loin mais pas trop vite et en boitant. Le guépard réagit en spéculant sur l’habitude « Mah, une autruche blessée c’est facile à becqueter ». Il la prend en chasse et au bout de 5 minutes, il se retrouve déjà à 5 kilomètres du nid qui était à sa portée.

      La moindre des bestioles sait le principe d’habitude et sait en jouer en ne s’y pliant pas. Alors l’homme...


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 mars 2012 15:27

      @ easy

      Il n’y pas là un argumentaire contre l’habitude.

      Vous montrez juste le jeu de la manipulation entre espèces différentes. Tout cela est supporté par l’habitude et parfaitement expliqué.

      Ce que fait l’autruche est « habituel » dans le monde animal.

      Les proies ont toujours pour habitude de tenter d’échapper à leur proie d’une manière ou d’une autre, serait-ce parfois en jouant le mort, donc dans la plus parfaite immobilité.

      L’immense variété des comportements possibles et imaginables n’est pas preuve que l’habitude n’est pas partout.

      Vous avez des arguments plus intéressant dans votre post ci-dessous. Je pense y avoir répondu.

      Mais si ici j’ai manqué quelque chose d’essentiel ne manquez pas de m’y faire revenir. Je suis toujours disposé à voir et entendre ce que j’ai loupé... (par habitude ? smiley


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 mars 2012 13:33

      Comme j’aperçois dessous mon commentaire une pub pour la Franc-Maçonnerie Egyptienne, je m’empresse de préciser que même si l’Ourobore est un symbole qui a intéressé la franc-maçonnerie, il n’en est pas le symbole (pour autant que je sache) et il ne s’y réduit pas. Qu’on veuille donc bien voir là une pure coïncidence.

      En tout état de cause, ma pensée se veut scientifique et n’a rien à voir avec ces « courants ».


      • easy easy 9 mars 2012 14:42

        Elle est très importante l’habitude.

        Ce n’est pas physiquement que le cycle régulier du Soleil nous rend réguliers, cycliques et portés à la répétition. Mais c’est psychologiquement. Il y a bien certains astrologues qui iraient à prétendre que la Lune a un effet physique sur nous, mais je n’y crois pas. Un effet existe mais il n’est que psychologique. Il suffirait de nous placer dans un système astral bourré d’irrégularités pour que notre psychologie perde bien des habitudes terrestres.

        Mais il n’y a pas que la Lune ou le Soleil qui nous incitent à tout conjuguer en « Tous les matins »
        Il y a aussi le fait que chacun de nous se règle sur les autres qui ont eux aussi des habitudes et régularités « Je sais que tu te lèves tous les matins de Soleil et que tu m’attends à l’étable, que les vaches aussi m’attendent, donc je me lève aussi »


        Nos habitudes se calent mutuellement et cette homogénéité des comportements définit, selon l’enveloppe de nos déplacements, les tribus, ethnies et cultures.

        A croire alors que nous préférons les habitudes aux surprises. Nous savons comment réagir face à telle habitude, par habitude. L’habitude nous étant plus sécurisante, nous la préférerions, d’où nos énormes exigences d’homogénéité des horaires, des hauteurs de balustrade, de taille de voiture, d’orthographe, de taille de sein ou pénis et même de voix.
        Et nous serions bien entendus troublés d’autant devant ce qui sortirait de nos habitudes, par exemple devant des personnes réagissant bizarrement, à contre sens habituel ou ne réagissant pas du tout. là où les normaux réagissent.

        Car tout ce système d’habitudes conduit à constater ou différentier entre ce qui est normpal et ce qui est anormal (avec toute la gamme des possibles entre ces deux pôles du curseur).

         

        Pour autant, dans toute la mesure du stress qu’il est en mesure de supporter face à la nouveauté, chacun s’offre aussi à la non-habitude, à la surprise.
        Disons-le tout de suite, même face à une surprise, il existe une manière standardisée de réagir. Ici, il est convenu de faire Oh ! en ouvrant la bouche et en mettant ensuite la main devant. Ailleurs, il est convenu de dire My God !. Ailleurs il est convenu de rester pétrifié comme un cerf pris dans un faisceau de phares).

        Il existe donc une part de préférence pour la surprise standardisée (du genre des amis rassemblés en secret pour un anniversaire), pour la surprise pas trop déstabilisante, comme dans les films d’horreur, comme dans les manèges. 
        Mais il existe aussi une part d’attirance pour le danger total, pour la surprise absolue.

        Elle est certes mince cette part, mais ce serait une erreur d’analyse que de la dénier.

        Par exemple : Chacun de nous sait que les fous sont surprenants, très surprenants et chacun de nous les évite à moins de prétendre faire profession de dominer la chose au point de d’en être jamais déstabilisé.
        Or il existe parmi nous des individus en rien professionnels de la folie, en rien protégés par quelque blindage que ce soit, qui sont à ce point curieux qu’ils osent approcher les plus fous, les plus surprenants. Entendons par là qu’ils osent aussi bien approcher des schizophrènes paranoïaques que des Jivaros réducteurs de tête. Dépaysement garanti.

        Faut être vraiment gonflé pour faire ce qu’ont osé faire les explorateurs du Monde qui étaient partis quasiment seuls, sans microcosme autour d’eux, vers des contrées totalement inhabituelles.
        CL Strauss n’avait certes choisi de n’approcher que des sauvages réputés non dangereux mais d’autres ont osé se placer seuls en plein milieu de sauvages capables de les cuisiner avec des carottes.

        Il n’est pas possible de fonder une théorie sur l’habitude en déniant qu’il existe aussi une tendance exploratrice, prométhéenne, adrénalinique qui nous pousse à traverser la Manche sur un avion, pour la première fois.
        Il aura fallu un énorme empilement de refus de l’habitude pour parvenir à poser le pied sur la Lune et en revenir.


        L’habitude par calage sur les astres, sur les saisons, sur les voisins, sur les copains, existe mais chacun en diverge plus ou moins.
        « Et bien moi, je prends pour habitude d’arriver toujours à l’heure pile »
        « Et bien moi, je prends pour habitude d’arriver toujours en retard de 5 minutes au travail »
        « Et bien moi, je prends pour habitude de n’avoir aucun horaire habituel et je ne me rends que un lieu de travail que quand ça me chante »

        L’habitude est très importante mais elle sert de repère à partir duquel chacun se lance avec plus ou moins d’audace plus ou moins au-delà. Les fougères et les fourmis aussi tentent des aventures.



        Arrive ensuite la question des habitudes qui échappent à notre contrôle, les réflexes et pseudo-réflexes. Là encore on voit que si 50% de nos entreprises sont réflexes, nous sommes nombreux à tenter de corriger quelque manie ou tic toc. Tel le vertige, l’agressivité ou l’agoraphobie
        A partir d’un certain niveau de conscience et de foi dans la possiblité de modifier certains de nos réflexes, nous entreprenons parfois cette modification. Et cette entreprise difficile ne va par forcément toujours dans le sens d’une normalisation. C’est souvent que nous désirons acquérir des réflexes inhabituels à la moyenne des gens.


        S’il n’y avait que l’habitude, rien que l’habitude, il n’y aurait qu’une seule espèce vivante sur Terre et elle n’aurait jamais changé.


        «  »«  »Pour définir au plus simple la psychologie synthétique, on pourrait dire qu’elle est basée sur l’idée que tout individu est une population ou un écosystème — c’est-à-dire, un ensemble organisé — d’habitudes.«  »«  »

        Oui, un individu est une population ou un écosystème mais il n’est pas fait que d’habitudes car un bébé ne reste pas un bébé.




        «  »«  »« Ce qui suit devrait nous permettre de constamment vérifier qu’en disant cela — en posant que l’habitude constitue l’unité élémentaire de la psychologie, l’objet fondamental pourrait-on dire de cette science encore jeune — nous avons dit l’essentiel, au sens où ce que nous aurons à ajouter par la suite ne devrait être qu’une conséquence — théorème, corollaire ou commentaire — de ce postulat fondamental »«  »« 

        J’ai eu à observer une amibe sous microscope. A la voir se déplacer en exploratrice, à éviter de tourner en rond, à rester au même endroit, je n’ai pas eu l’impression que son animation relevait de la seule habitude sinon de celle de toujours faire autrement.
        Etant donné la diversité du vivant et des destins, étant donné le poids des acquisitions et transfomations au fil de la vie, étant donné qu’il surgit un nouveau loisir et une nouvelle façon de se coiffer tous les jours, il me semble maladroit de considérer l’habitude, la répétition, le statique, le cyclique, le pareil, comme étant apodictique d’une théorie très générale de la psychologie.

        Je comprends très bien que les théoriciens systémiques préfèrent articuler leur thèse sur des régularités, sur des répétitions donnant une allure scientifique. Mais si la Nature se réduisait à des régularités, à des répétitions ou des cycles, elles ne serait pas aussi follement diversifiée et aventureuse.
         




         »«  »« l’habitude est l’argile dont nous sommes faits. »«  »« 

        On voudrait imager l’habitude, on serait plus avisé de la comparer à une brique qu’à une argile.





         »«  »«  »« Le postulat est donc que tout ce qui est d’ordre psychologique pourra être ramené à l’habitude, à son organisation et à son fonctionnement. »«  »

        Comme il est possible de ramener tout déplacement à l’immobilité, il est bien entendu possible de ramener toute notre psychologie à l’habitude.
        Mais comme on peut aussi ramener l’immobilité au déplacement, il est tout aussi possible de ramener toute notre psychologie à l’exploration du nouveau.
        On peut définir le noir à partir de la lumière et la lumière à partir du noir. Mais rien n’impose un choix plus qu’un autre.

        Nuit et Jour sont différents, toujours associés et se définissent mutuellement 
        Habitude et changement sont différents, toujours associés et se définissent mutuellement. On s’égare en théorisant plus sur l’un que sur l’autre




        «  »«  » L’habitude, c’est avant tout cela : la propension à reproduire, qui se renforce avec... la reproduction et qui fait qu’à un moment donné nous ne pouvons nous empêcher de retomber dans nos habitudes — la suite infinie de nos difficultés, mais aussi de nos jouissances, venant de cette compulsion ! «  »«  »

        Prenons la masturbation. Elle procure du plaisir et on est donc tenté de la reproduire. Habitude alors. Cependant, pour la plupart d’entre nous, cela ne suffit pas. Une stricte reproduction à l’identique de nous suffit pas. Il nous faut ressentir à chaque fois un vent de nouveauté.
        « Tiens si j’essayais là, entre deux oliviers » ’’Oh et si j’essayais sous l’eau« 
        Sans cela, pas de kamasutra.
        Pour les bestioles, on dirait bien qu’elles ne cherchent pas la nouveauté, sinon en termes de partenaire. Mais pour les humains c’est le contraire et cela malgré la contrainte matérielle qui fait que pour ressentir l’orgasme il faille se concentrer sur une gamme réduite d’objets.

        Là, pendant que certains théorisent sur l’habitude, d’autres sont en train de nous bricoler des sex toys qui vont tout changer de nos habitudes. Le pied rien qu’avec des électrodes dans les narines.



        D’autre part, je crois devoir vous faire remarquer que la sensation physique (douce ou rude) provient toujours d’un changement. Poser un doigt immobile sur un tissu ne permet pas d’en ressentir la texture. Nous ressentons à partir de changements, de contrastes, de frictions.
        Le coït peut donc sembler régulier, cyclique, habituel, et il l’est en grande partie mais c’est pour produire une friction, un changement, une variation »Immobile dedans, on ne ressent rien« 

        A peine une fraise est-elle mâchée et avalée que s’ensuit un vide de sensation et qu’on s’empresse d’en remettre une autre dans la bouche. C’est l’alternance entre sentir & ne plus sentir, qui provoque la sensation finale et qui pose le principe de frustration-satisfaction.
        On ne jouit des vacances que quand on s’y rappelle que le reste de l’année on doit se lever de bonne heure pour aller bosser. Et on en jouit d’autant plus qu’on sait qu’elles ne durent pas.





         »«  »«  c’est-à-dire, d’un contrôle sécurisant qui, nous le verrons, est la véritable source de nos de satisfactions, aussi variées soient-elles. »«  »« 

        Trop simple.
        Il y a effectivement une satisfaction ou arrogance à savoir d’avance qu’on sera capable de produire un certain résultat, de contrôler les choses.
        Mais la lassitude vient très vite dans ce savoir-trop et à peine parvenons nous à jongler avec trois oranges que nous avons envie d’essayer avec 4 oranges.

        Un artiste de cirque ne ressent de la jouissance devant son public qu’en se retrouvant placé à l’extrême limite de ce qu’il contrôle. Il faut qu’il ressente la possiblité de rater son 4 ème salto pour ressentir, s’il le réussit, de la jouissance. On ne tire aucune jouissance de ce qu’on contrôle parfaitement et Zidane ne ressentait du plaisir qu’à se risquer chaque jour dans de nouvelles conditions (de loin elles nous semblent identiques mais pour lui, il n’y a pas deux matchs pareils). Quand on demande à un virtuose du piano de nous jouer la Lettre à Elise, on le dégoute. Un champion de course automobile ne jouit de son niveau de maîtrise que si chaque virage manque de lui être fatal. Il se sait talonné par d’autres champions et que tous jouent sur la seule limite de la perte de contrôle.





        Par ailleurs je trouve que l’ouroboros n’illustre pas un phénomène général. Il n’illustre ni le phénomène de l’habitude seule ni celui de l’habitude enrichie de l’exploration.

        Je trouve qu’il n’illustre que les phénomènes de cercles vicieux

        Exemple : Un homme, va savoir pourquoi, tient à être fidèle à sa belle, à lui démontrer sa fidélité et à lui offrir alors la tranquillité, la sérénité et la quiétude. En étant ainsi fidèle, cet homme deviendra un emblème du genre et sera particulièrement ciblé par des femmes curieuses de le tester, de prouver qu’elles sont capables de le faire craque. Ce fidéliste va donc subir des tentations au-dessus de la moyenne, il finira par craquer et sa trahison sera alors un drame absolu pour lui. Il est victime de son engagement trop visible et vit alors un tourment en ouroboros.

        Jeune, je m’entraînais à différents arts martiaux. Entre autres performances, il s’agissait de s’endurcir aux coups, en particulier sur le ventre. Confiant en mes capacités maintes fois éprouvées, je me trimbalais le ventre à l’air (je veux dire que quelque chose dans ma manière de marcher, de bouger ou de me tenir devait montrer aux autres que je ne craignais aucun coup). Résultat : des armoires à glace m’ont lancé des défis »Tu plieras sous mes coups". Et bien j’en ai bavé et j’aurais souvent pu en mourir de ces conneries. On se croit invulnérable aux coups alors on y est plus exposé et on en meurt. Achille et son talon en savent quelque chose. Voilà encore un ouroboros.

        Il existe aussi des ouroboros sociétaux. On vaccine tout le monde et on empoisonne tout le monde d’hydroxyde d’aluminium. On veut plus de contribuables et on se retrouve avec une démographie qui dévore tout le substrat naturel. On veut scolariser tout les enfants et on dépense une fortune pour se retrouver avec des Bac + 5 à ne plus savoir qu’en faire.

        Mais il n’y a pas d’ouroboros systématique, inéluctable. Ils proviennent tous d’une volonté, d’un plan, d’une stratégie, d’un choix. Il est très souvent vécu par les théoriciens (dont les psychanalystes, dont les ReOpenistes, dont les marxistes) mais n’est pas vécu par tous. 



        • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 mars 2012 15:19

          Whaow !

          Encore une fois que voilà un beau commentaire qui, de mille manière tente de montrer que ma tentative de généralisation ne tient pas la route.

          Ce qui est de bonne guerre puisque je n’en attends pas moins des intervenants de ce forum vu que je les ai quelque peu provoqués moi-même en étant, justement un peu provoc (mais pas trop j’espère).

          Les questions essentielles que vous soulevez sont grosso modo celles-ci :

          • la visée de reproduction peut-elle être autre que stérile ? (cad, si tout est visée de reproduction (habitude) d’où vient le changement ?)
          • comment rendre compte des comportements explorateurs (qui sortent des circuits habituels ?)

          Pour la première, la réponse est facile : prenez le vivant, il est intégralement visée de reproduction, li fabrique proprement du semblable. Il n’empêche que nous ne connaissons rien de plus créatif que le vivant au point que même les ingénieurs s’en inspirent pour concevoir de nouveaux dispositifs. Pourquoi cela ? Parce que la visée de reproduction (l’habitude du vivant) est l’argile qui se trouve « façonnée » par la sélection, précisément cette interaction entre les formes vivantes que vous avez si bien décrites au niveau social :

          "Nos habitudes se calent mutuellement et cette homogénéité des comportements définit, selon l’enveloppe de nos déplacements, les tribus, ethnies et cultures.« 

          Ce que vous appelez »se calent mutuellement« veut dire »se sélectionnent mutuellement".

          Ainsi l’habitude, soumise au même processus de reproduction différentielle (LE principe darwinien) que le vivant dispose du même pouvoir d’évolution et de création.

          Au niveau biologique, les formes vivantes sont objet de sélection, au niveau psychologique, ce sont les habitudes.

          Conclusion : l’habitude est le support essentiel de notre créativité en cela justement qu’elle l’incarne, lui donne corps et va pouvoir la conserver !

          Illustrons cela avec le comportement exploratoire : comme vous le dites si bien, ceux qui s’y adonnent ... en font une habitude.

          Donc on échappe pas à l’habitude.

          Surtout si l’on prétend ne pas en avoir et en changer tout le temps.

          Parce que en changer tout le temps veut dire... en avoir fait une habitude.

          Pour conclure je dirais que tout ceci renvoie à quelque chose d’essentiel qui a été bien capté par le darwinisme originel et dévoyé par le néo-darwinisme.

          C’est l’idée que toute reproduction comporte toujours une part de variation.

          Et comme je le disais plus haut, c’est justement l’avantage essentiel de l’habitude que de conserver la variation qui va favoriser... la reproduction.

          Ainsi donc, il ne faut pas craindre la reproduction. Au niveau des comportements, l’excellence ne vient qu’avec elle. C’est par la répétion infinie de leurs gestes que les artistes, les sportifs et les professionnels de haut vol arrivent à la maîtrise souhaitée... qui est la base même de leur liberté et de leur créativité.

          Voilà ce qu’est l’habitude, cette argile merveilleuse qui peut prendre toutes les formes.

          A charge pour nous de veiller à ce que ce soit les bonnes formes.

          Vous avez considéré qu’Ouroboros ne pouvait être que de l’ordre du cercle vicieux.

          Il vous reste à porter attention à tout ce qui est de l’ordre du cercle vertueux.

          Il me semble en avoir discernés pas mal dans le magnifique témoignage que vous avez fait en commentaire d’un de mes précédents articles.

          Le cercle vertueux, voilà ce qui est à cultiver. Mais bon, vous n’êtes pas obligé de me croire...

          Pas pour le moment smiley


          • easy easy 9 mars 2012 16:02


            Puisque vous en venez maintenant à dire que l’exploration, le changement, la variation, le goût du risque, l’improvisation, tout cela est aussi une habitude, votre théorie tient parfaitement et très facilement la route.

            Dommage pour moi que vous ne l’ayez pas précisé d’emblée, ça m’aurait économisé de la salive.




            Sauf autre nouvelle définition, l’ouroboros illustre le cercle vicieux, non le cercle vertueux.


          • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 9 mars 2012 16:20

            Oui, désolé c’est vrai que j’aurais dû anticiper les lecteurs attentifs ! Mais je ne peux répondre par avance à tous les arguments sans risquer de faire trop long.

            Pour ce qui est d’Ouroboros, je ne dis pas qu’il est l’un plutôt que l’autre (vicieux vs vertueux)

            Je dis qu’il peut parfaitement illustrer le cycle de l’habitude car, comme cette dernière il peut porter au cercle vicieux comme au cercle vertueux.

            Ce faisant, considérant qu’il n’a pas (à ma connaissance) de définition strictement arrêtée, je me plais à considérer que, comme je l’écrivais, il représente la nature cyclique des choses en même temps que leur unité.

            Il est donc, comme l’amour, au-delà du bien et du mal...


          • Unjean 10 mars 2012 01:00

            Bonjour salvator,

            C’est vrai que vous n’avez pu anticiper un lecteur attentif, l’habitude aurait du vous prévenir car il n’est pas coutume qu’elle ne le fasse.

            L’habitude comme chacun a son opposé qui est plutôt inhabituel dirons nous.

            Ce rite on en hérite, sans mérite néanmoins l’habitude englobe l’anti-habitude tout le monde semble d’accord, mais alors est ce définitif ? si rien ne l’est qu’est qui englobe cela ?

            l’inconnu qui nous surplombe en définitive ne peut être découvert par habitude et reste unique quand il est présent, l’habitude quand a lui restera ce rituel du passé qui perdure pour le futur.

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