Du druidisme de Bibracte et de Gergovie au druidisme judaïsé de Chalon-sur-Saône
Il faut aussi considérer le fait que la croyance en la métempsychose était relativement répandue dans le monde antique. Les « parfaits » montent définitivement au ciel tandis que les « pécheurs » vont en « Enfer » avant de renaître pour une nouvelle vie terrestre à l’issue de laquelle ils seront de nouveau jugés. Il faut également prendre cela en compte dans notre compréhension des Evangiles. (Commentaire d'Antenor du 30 septembre 2019).
Et, en effet, ne faudrait-il pas essayer de mieux comprendre la religion des druides avant de s'interroger sur le mystère chrétien qui suivra ?
I. Le druidisme de Bibracte et de Gergovie.
D'après César : les Gaulois se disent tous nés de Dis Pater (un Dieu père de la terre ? une terre-mère ?). C'est ce que les druides leur enseignent en premier (DBG VI, 18). Ce dont ils se persuadent est que les âmes-esprits (anima) ne périssent pas, mais qu'après la mort, elles vont de lieux en lieux. En éloignant la crainte de la mort, ils pensent renforcer d'autant le courage militaire. Ils se livrent à de grands débats au sujet des étoiles et de leur mouvement, au sujet de la grandeur du monde et de l'étendue des terres, au sujet de la nature des choses, au sujet de l'immortaité des dieux et de leur puissance. Ils enseignent tout cela à la jeunesse. (DBG VI, 14)... (Un Jupiter ?) tient l'empire des cieux (DBG VI, 17). Traduction E. Mourey.
D'après les chapiteaux les plus anciens :... À Mont-Saint-Vincent-Bibracte-Gourdon, sous le regard d'un visage de lion, entre ciel et terre, âmes/lions de guerriers gaulois. Photo Bourgogne.com
Sur le char celte de Monteleone, les esprits/âmes/oiseaux des morts descendent du ciel en soutien spirituel, voire occulte, sur leurs descendants qui ont repris leurs armes.(photo twiter.com. Les images peuvent être soumises à des droits d'auteur). Sur le bouclier, lion de Bibracte et gorgone de Gergovie.
À gauche la lune, à droite le soleil, en symboles personnifiés. On peut aussi y voir la nuit et le jour. Les deux divinités présentent l'équipement militaire sacré du guerrier celte : le casque et le bouclier.
En dessous, le grand cerf renversé sur le dos accueille le guerrier courageux mort au combat. La bélier dont on voit la tête en haut lui promet la "revie". Morts, nus mais purs, les hommes braves sont appelés à monter au ciel par les couloirs latéraux. Ils y survivent et s'y manifestent en revenant sur terre dans des oiseaux spirituels pour soutenir le combat des citoyens combattants qui ont pris la relève.
Et le poète Lucain ajoute : Et vous, druides, vous à qui est donné, à vous seuls, non seulement de connaître les volontés des dieux, leurs noms et ceux des astres du ciel, mais aussi d'en faire fi. Vous qui, fuyant les lieux éclairés, habitez dans les hautes forêts, vous prétendez que les ombres ne recherchent pas les demeures silencieuse de l'Érèbe, ni le blême royaume souterrain de Pluton. Pour vous, si l'on en croit vos chants, il existe un autre monde dans lequel vivent les corps spirituels. La mort ne serait que le milieu d'une longue vie. Heureux sont les peuples qui, dans leur erreur, vivent sous le regard de la Grande Ourse ; la crainte de la mort, la plus terrible de toutes, ne vous tourmente pas. Vous vous ruez au combat, l'esprit plein de courage ; vos âmes sont prêtes à recevoir la mort, sachant qu’il serait lâche de la fuir alors que la revie est promise au brave. (Lucain : Pharsale, livre II, traduction E. Mourey).
À Blesle, colonie de Gergovie. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-pensee-religieuse-de-l-occident-127146. Figée dans l’acte maternel et trônant, la Terre nourricière aux formes généreuses, les yeux aveugles perdus dans l’infini du ciel, nourrit la cité de Gergovie, indistinctement dans ce qu’elle a de bon (la Salamandre au sein droit) et dans ce qu’elle a de mauvais (le Serpent au sein gauche). La montagne de la Serre est symbolisée à droite par la Salamandre, née d’une volonté divine souterraine bonne car reliée au ciel par le cercle magique en forme de collier/torque, signe d’alliance, tandis qu’à gauche, figure le symbole du refus de Dieu, les bras croisés, portant au cou la bourse de l’avare, image de l’attachement aux biens terrestres ; de lui nait le serpent mauvais qui, lui aussi, a réussi à s’incarner dans le profil caractéristique du plateau de la Serre.
Coiffée du turban solaire, les cheveux rayonnants répandus sur les épaules, comme habillée par le seul astre du jour, dans une posture hiératique, jambes ouvertes, la Terre s’offre à la fécondation du ciel. Le sexe ouvert en fleur de lotus, elle reçoit les germes de la vie que déversent sur le sol les eaux du ciel dans le ruissellement invisible des corniches du chapiteau.
Ci-dessous, à Gergovie/Le Crest. Photos E. Mourey.
II. Le druidisme de Perrecy-les-Forges.
A l'entrée du temple de Perrecy-les-Forges, dans le chapiteau de la colonne de droite, un ange de Bibracte apparaît, solidement campé sur le haricot caractéristique du Mont-Saint-Vincent. L'épée dressée, il garde l'entrée du sanctuaire divin contre le “Mauvais” du dehors et il invite la population de la contrée à venir se placer sous sa protection, derrière son bouclier.
Face à lui, dans le chapiteau de la colonne de gauche, un autre ange, porteur de la lance, écrase le dragon des anciennes croyances dont on se servait jadis pour terroriser le peuple. Ce dragon est de toute évidence le dragon de Gergovie. L'ange invite avec la plus grande douceur la population craintive. « Entrez dans le temple, dit-il, aux hommes et aux femmes apeurés. » Le symbole est important, car il est comme un drapeau que la cité éduenne a planté sur sa frontière ouest, face aux Arvernes.
Plus en avant, à l'intérieur du porche qui rappelle celui du Mont-St-Vincent, un homme est aveugle car il ne voit pas la vérité. Il marche d'un pas hésitant et s'aide avec précaution d'un bâton pour sonder le sol devant lui. C'est un spécimen de la population indigène. Il se dirige vers le Sage de Bibracte qui tient dans ses mains le livre de la connaissance, image émouvante de la civilisation. Dans ce livre se trouve la vérité qui décille les yeux. Ce Livre, c'est la Torah. Etonnant, l'arrivée de ce Livre dans un pays druidique qui, jusque-là, avait la réputation de ne pas vouloir s'exprimer par l'écriture ! C'est aussi le moment singulier où les anges bibliques arrivent en Gaule.
Entre les deux hommes, au milieu des fleurs symboliques célestes, la flèche flamboyante du Sagittaire, pointée vers le haut, montre le chemin du ciel.
Au II ème siècle, Celsus, grammairien de la secte d’Epicure, ayant objecté aux chrétiens que les druides avaient laissé plusieurs choses par écrit touchant leur religion qui avait beaucoup de rapport et de conformité avec celle des juifs, Origène le réfutant en son premier livre, soutient qu’il n’y a point apparence et qu’il ne croit pas qu’il y ait eu aucun écrit de la façon des druides » .
Pourquoi croire Origène plutôt que Celsus ? Le premier n’était pas neutre alors que le second jugeait sur pièces. C’est le grammairien qui a dit la vérité. À Perrecy-les-Forges, au II ème siècle, le druidisme primitif s'est judaïsé. Ensuite, il devient essénien dans la cathédrale de Chalon-sur-Saône.
Je résume : Les chapiteaux de l'église du Crest (temple antique de Gergovie) et de Mont-Saint-Vincent (Bibracte) expriment un druidisme primitif, ceux de la cathédrale de Chalon-sur-Saône (III ème siècle, vers 260) expriment un druidisme judaïsé. Entre les deux, le tympan de Perrecy-les-Forges marque une transition. Hors sujet, mais en complément, voyez "Le scrifice humain au temps des druides gaulois" https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-sacrifice-humain-au-temps-des-107526
III. Le druidisme essénien de Chalon-sur-Saône, au III ème siècle, vers l'n 260 . Chapiteaux de la cathédrale. Photographies de Thierry Cornier et surtout de Cees van Halderen.
Site http://www.bourgogneromane.com/edifices/chalon.htm
âmes de Gaulois et de Gauloise ressuscitant dans la verdure d'un autre monde. Leur chevelure soigneusement peignée témoigne de leur pureté.
âmes de Gaulois et de Gauloises, crapauds, lapins libidineux, etc... emportées par l'aigle du ciel pour y être dévorées dans son nid.
âmes de Gaulois renvoyées à la terre, au Dis pater, pour y être recyclées ?
Reflet de la lune dans les eaux de la Saône ou de la Thalie. De son reflet naît une végétation sous-marine touffue d'abondantes lianes sans fleurs.
Reflet du soleil/lion dans les eaux de la Saône ou de la Thalie. De son reflet naît une végétation harmonieuse (peut-être peinte à l'origine).
Chapiteau des nautes. Végétation en forme d'ancres marines. Rappel divin de l'arbre en Y indiquant dans le ciel le choix entre la voie du salut et celle de la perdition.
Chapiteau aux deux empereurs gaulois Victorinus, le père, barbu, à gauche, le fils, imberbe, à droite. Fondateurs de la cathédrale, encadrés d'aigles royaux, ia couronne impériale indique leur dignité, le col de l'étole, leur qualité de grand prêtre.
Gaulois, soyez pieux ! Posté au carrefour des voies du salut et de la perdition, le lion de la mort vous observe et peut surgir à tout instant.
Chapiteau de Caïn et d'Abel. Les laboureurs de Chalon offrent une gerbe de leur blé, les soldats, une unité de leur troupeau. Sortant des nuages, Dieu accepte l'offrande de la main. Sur le côté, à droite, le druide/évêque négocie avec Lui leur entrée au paradis.
Gaulois paillard, buveur de vin et coureur de jupons. Il s'est sculpté dans l'oeuf de la renaissance. Il est, certes, attaché à la terre par les chaînes de ses péchés. Mais admirez son astuce ! Il dresse en l'air deux foies d'animaux au-dessus des deux gros oiseaux sur lesquels il est assis, et ceux-ci, trompés par son astuce, l'élève jusqu'aux félicités du ciel.
Ce chapiteau ne se trouve pas dans la nef, mais à droite, en entrant à gauche, au fond de l'église, dans l'obscurité, parmi les pécheurs.
Dans la lumière du soleil levant qui se colore en traversant les vitraux, à la droite de l'autel de Dieu, en haut d'une colonne du ciel, le messie essénien fait le signe de reconnaissance qu'il fera lorsqu'il viendra.
Et tel une véritable aurore, au point du jour, tu m'es apparu (rouleau des hymnes, traduction A. Sommer)... Et quand ils se réuniront à la table de la communauté... Ensuite, le messie d'Israël étendra ses mains sur le pain. Et ensuite, toute la congrégation de la communauté bénira. Et c'est selon ce rite qu'ils procéderont en tout repas quand ils seront réunis au moins à dix personnes ; (Annexe au rouleau de la Règle, traduction A. Sommer)...
Invités à la table du Seigneur, les deux martyrs éduens (Etienne) témoignent : "Et voici que nous contemplons les cieux ouverts et voici que nous voyons le Fils de l'homme assis à la droite de Dieu" (Actes des Apôtres 7, 56).
Population de Chalon-sur-Saône aux pieds de son Christ. Un poète éduen l'illustrera sous le nom d'Hildegonde dans un poème du Vème siècle, le chant de Walter. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/veme-siecle-siecle-des-grandes-201652
Emile Mourey, 13 octobre 2019
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