• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Entre Crise pétrolière et Réduction des Déséquilibres mondiaux, quel avenir (...)

Entre Crise pétrolière et Réduction des Déséquilibres mondiaux, quel avenir attend le monde pour 2016-2019, sans le « dopage du pétrole » ?

 Pourquoi la crise du pétrole aujourd’hui ? Et si elle n’est qu’une marche autoréalisatrice d’un processus économique et politique majeur qui est en train de changer les rapports entre les puissances, et par là, marquer un nouveau paradigme du monde. Comment comprendre ce paradigme lié à la nouvelle crise pétrolière ? A-t-il un lien avec les déséquilibres macroéconomiques mondiaux ? Et si oui, quel impact aura-t-il sur configuration du monde ?

 

  1. Les Quantitative easing et la nécessité des « déficits occidentaux » pour les pays du reste du monde

 

 Pour comprendre la nouvelle configuration à venir, il faut d’abord s’interroger sur les conséquences financières et monétaires qui ont résulté de la crise financière de 2008. Et celle-ci a des causes multiples. D’abord la spéculation immobilière massive aux États-Unis en tant que facteur principal de la crise financière, ensuite des facteurs non moins importants qui ont ont joué comme catalyseur de la crise, telles la montée en puissance de la Chine et des pays émergents et les guerres menées au Moyen-Orient.

La crise financière à l’été 2008 a été tellement violente que le système bancaire américain fut paralysé par les subprimes (créances immobilières hypothécaires à risque). Et la Réserve fédérale américaine (Fed) n’eut d’autre alternative que de venir au secours du système bancaire. Et les banques centrales de la zone euro et du Royaume-Uni ont agi de même pour sauver leurs systèmes bancaires.

Après le sauvetage des banques, et la forte hausse du chômage américain qui est passé de 5% à 10%, la Fed a été obligé de continuer à racheter des dettes publiques et privées (et à risque), et à injecter des masses de liquidités dans le secteur bancaire, pour réamorcer la reprise. En 2009, avec le recul de la production industrielle, la faible création de richesse et le chômage élevé, les pays occidentaux n’ont pas échappé à une récession généralisée. La Fed de nouveau eut recours à des opérations de Quantitative easing (QE).
En quoi consiste une Quantitative easing ? C’est « une politique monétaire ultra-accommodante, non-conventionnelle ». Elle a pour objectif de stimuler l’économie, par des injections de liquidités via un programme de rachat de dettes. La première étape d’une QE consiste pour la Banque Centrale américaine (ici la Fed, en accord avec le Trésor américain) à créer de la monnaie. Cette monnaie n'est pas créée physiquement, il s'agit simplement d'une ligne de crédit créée ex nihilo (qui s’assimile à la planche à billet) sur le compte de la Banque Centrale. La deuxième étape amène la Banque Centrale à acheter grâce à l’argent fraichement crée des bons souverains aux institutions financières (banques, compagnies d'assurances, fonds de pension). La troisième étape amène les banques qui se retrouvent refinancés, donc avec davantage de cash, a prêté plus facilement (et à un taux plus faible) aux entreprises et ménages, dans le but de booster l'investissement et la consommation. Quatrième étape. Une fois la croissance retrouvée grâce à la hausse de l'investissement et de la consommation, la Banque Centrale doit en théorie vendre les bons souverains précédemment achetés (ou bien attendre que les bons arrivent à maturité) pour reprendre les liquidités, et détruire la monnaie qui a été créée.

Et c’est ainsi que la Fed procéda du moins pour les « trois étapes » à trois opérations désignées par le QE1 entre 2008 et 2010, le QE2 entre 2010 et 2011, le QE3 entre 2012 et 2014. Quant à la quatrième étape, globalement, elle n’a pu s’opérer. Le système bancaire américain, étant trop fragile, et le besoin de liquidités toujours présent, ont fait que la Fed américaine a été obligé d’accumuler des actifs comme l’indique le journal économique et financier français, la Tribune.fr, en 2013.

« 4.000 milliards de dollars. Voici le montant record dépassé par les actifs de la Réserve fédérale américaine (Fed), gonflés par sa politique monétaire ultra-accommodante, selon les chiffres publiés jeudi par la banque centrale. Et ce n'est pas fini.

Le bilan de la Fed a atteint jeudi le montant exact 4.008 milliards de dollars. A titre de comparaison, avant la crise financière de 2008, celui-ci ne dépassait pas 900 millions. » (1)

Evidemment ces QE ne sont pas sans danger pour l’économie mondiale. Surtout sur les taux de change entre les grandes monnaies (dollar, euro, livre sterling, yen) et l’inflation. 

Pour éviter les variations erratiques des taux de change, il est très probable que les quatre grandes Banques centrales du monde, essentiellement occidentales (Fed, Banque centrale européenne, britannique et japonaise), ont eu à mener des politiques monétaires concertées. Face à la crise mondiale, on ne peut penser que chaque Banque centrale a fait cavalier seul. Il était donc dans l’intérêt général de l’Occident et du monde que les Banques centrales occidentales se concertent sur la politique à mener. D’autant plus que ce sont elles qui sont émettrices de monnaies internationales. Toutes les monnaies du monde sont dépendantes de cet quartette monétaire international. Et le plus paradoxal encore, « le monde entier est dépendant de ces liquidités injectées, et donc des déficits extérieurs occidentaux. »

Sans les déficits américains, européens et japonais, comment le reste du monde pourrait se procurer des réserves de change nécessaires aux paniers de monnaies sur lesquels viennent s’adosser les monnaies nationales. « Si les échanges internationaux entre l’Occident et les pays du reste du monde étaient équilibrés, à somme nulle », i.e. s’égaliseraient les importations et les exportations, il est évident qu’il ne pourrait y avoir de croissance mondiale. Aucun pays ne gagnera dans les échanges et les économies du monde stagneraient.

Et on comprend l’importance des QE dans le réamorçage de l’économie mondiale, et l’impact sur la croissance tant pour les pays occidentaux que pour le reste du monde.

 

  1. Une conjoncture économique difficile pour l’Occident

 

 Partant de ces postulats, il reste à voir comment s’opèrent ces politiques concertées « discrétionnaires ».

Le mécanisme de stabilisation monétaire à l’échelle mondiale consiste à ce que les quatre Banques centrales qui procèdent à un QE ne créent pas de dysfonctionnements monétaires graves qui risquent de provoquer une volatilité et de forts écarts dans les taux de change et une poussée inflationniste. Une turbulence financière et monétaire sur les marchés engendrerait forcément des crises monétaires en cascades. Et, pour ce faire, si une Banque centrale procède à un QE, en l’occurrence la Fed, il s’ensuit forcément une dépréciation du dollar américain sur les marchés. Pour éviter une forte dépréciation, et comme le pétrole est facturé en dollars, « une hausse du prix du baril de pétrole permet d’éponger une partie de l’excès de création monétaire ex nihilo (planche à billet). Et il faut le préciser seulement en partie.  »

Et l’autre partie en excès du QE américain ? Elle s’opère par une dépréciation du dollar américain sur les marchés. Si elle est faible, elle ne poserait pas de problèmes. Si elle est forte, elle aurait naturellement des effets négatifs sur les autres grandes monnaies. Par exemple, l’euro, le yen et la livre sterling seront pénalisés. Des monnaies fortement appréciées pénaliseraient les exportations des pays de la zone euro, de la Grande-Bretagne et du Japon. Ce qui est négatif pour leurs balances commerciales et des paiements.

Pour rappel, en 2008, le cours du pétrole a atteint un record de 147 dollars le baril, et malgré la forte hausse du prix pétrole, le taux de change de l’euro a atteint aussi un record, 1,6 dollar. Une telle situation est préjudiciable tant pour les États-Unis qui verront leurs importations extrêmement onéreuses que pour l’Europe, le Japon et l’Angleterre qui verront leurs exportations fortement pénalisées. D’autre part, il faut rappeler aussi « que les injections monétaires américaines étaient tellement massives durant la crise qu’ils ont provoqué une crise alimentaire mondiale (forte hausse des prix agricoles).  »

Et c’est la raison pour laquelle les autres Banques centrales doivent aussi procéder des QE pour dégonfler l’appréciation de leurs monnaies, et en même temps éviter au monde des crises monétaires. Et grâce à ce pouvoir que l’on peut appeler « de duplication monétaire » que seules ces trois monnaies ont avec la « monnaie-centre » du système monétaire international, i.e. le dollar, que peut s’opérer le rééquilibrage financier et monétaire sur les marchés internationaux. Et ce processus dans le rééquilibre monétaire permet d’éviter une concurrence déloyale par la monnaie (dumping) et d’atténuer les efforts de compétitivité qui sont souvent difficiles à porter.

Et on comprend l’instauration en zone euro du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) devenu ensuite le Mécanisme européen de stabilisation (MES), au Japon les abénomics et en Angleterre les QE.

« Et toutes ces liquidités ont participé à la reprise économique occidentale mais aussi à la croissance mondiale. » Donc, il y a eu un double apport tant pour l’Occident que le reste du monde

D’autre part, le problème n’est pas seulement de dégonfler les monnaies et de stabiliser les taux de change, il reste encore à gérer la masse de monnaies injectées, i.e. à éviter une poussée inflationniste en Occident, et ses répercussions sur le reste du monde. En d’autres termes, d’éviter au monde de retomber dans l’inflation à deux chiffres des années 1970.

Quel est le processus qui a permis, aux États-Unis, en Europe et au Japon, de maintenir l’inflation inférieure à 2% ? Et aujourd’hui, l’Occident est en pleine déflation, entre 0% et 0,5%.

En réalité, l’explication est assez simple. Elle vient « du processus naturel même qui a commandé les programmes des QE ». Si, à chaque fois, les Banques centrales procédaient périodiquement à des programmes de QE, pour les États-Unis (QE1, QE2, QE3, et l’opération Twist stérilisé, i.e. sans monétisation dû à un simple échange d’obligations anciennes par des nouvelles) et suivis par la zone euro, le Royaume-Uni et le Japon, c’est manifestement que « le système financier occidental était sous-financé.  » Sinon pourquoi, à chaque fois, approximativement tous les dix-huit mois, ces Banques centrales devaient apporter de l’oxygène (de l’argent frais) à leurs systèmes financiers ? C’est simplement que, malgré des politiques ultra-accommodantes, le système financier occidental n’avait pas assez de liquidités pour financer l’économie. Ce qui explique la nécessité des QE.

Et où logent-elles ces liquidités en dollars, en grande partie, une fois émises, et qui nécessitent de recommencer le processus des QE dus à un nouveau sous-financement ? Tout d’abord, « dans les contreparties physiques », i.e. le pétrole, l’or et moindre pour les matières premières agricoles, comme on le sait, et donc « amener les pays exportateurs de pétrole à enregistrer des excédents pétroliers durant plus d’une décennie avant, durant et après la crise financière de 2008  ». Une partie des QE a filé vers ces pays, dont la Russie et les pays pétroliers arabes, qui ont vu leurs réserves de change exploser.

De même pour la Chine qui a enregistré des excédents commerciaux massifs, surtout après l’entrée en guerre, en 2003, contre l’Irak. Comme aussi pour les autres pays émergents d’Asie et d’Amérique du Sud.

Ce qui nous fait dire que ce processus des QE certes a participé à la croissance américaine, européenne et japonaise, même à un taux de croissance faible, mais a aussi fait profiter les pays du reste du monde, et donc l’économie mondiale. Ce qui est très positif. D’autre part, les États-Unis, comme l’Europe ou le Japon, avaient-ils le choix dans ce processus ? Il s’est imposé de lui-même par la conjoncture économique mondiale qui a suivi la crise financière. C’est donc « un processus naturel nécessaire à l’Occident et au monde ».

Et on comprend dès lors « pourquoi l’inflation est demeurée très faible » compte tenu de « la sous-liquidité en Occident ». Et le rôle des QE était précisément de lutter contre cette sous-liquidité du secteur bancaire occidental.

Et pourquoi des pays de la zone euro, tels l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce et autres, ont eu des problèmes de liquidités, ce qui s’est répercuté sur leurs économies (chômage, faible croissance, etc.). De plus, il y a deux problèmes majeurs qui bloquent ces économies. D’abord la faible compétitivité en prix de leurs produits par rapport aux produits exportés par l’Asie, en particulier par la Chine, y compris au sein de la zone euro. Ensuite, le deuxième problème tout aussi important sinon plus, « ce sont les déséquilibres macroéconomiques mondiaux qui servent pour ainsi dire de radar aux Banques centrales pour toute détermination de l’enveloppe de QE et décision de son lancement. »

Et, par ces deux contraintes, se comprend « les mesures d’austérité prônées par les autorités américaines, européennes et japonaise ». Et, pourquoi même, aujourd’hui, en 2016, la crise mondiale est toujours latente. Et la crise s’est étendue aux pays émergents et aux pays exportateurs de pétrole.

 

  1. La spirale d’endettement de l’Occident commande un retournement de conjoncture économique

 

 Les liquidités injectées qui filaient pour une bonne part en Chine, en Russie, dans les autres pays émergents et les pays arabes exportateurs de pétrole pour financer les déficits commerciaux occidentaux expliquent à bien d’égard pourquoi les programmes de QE ont été renouvelés plusieurs fois, entre 2008 et 2014. Et s’explique pourquoi plus les programmes de QE sont importants, plus le prix du baril de pétrole se maintient à des cours élevés. D’autant plus que la cotation des prix du pétrole s’effectue dans les principales places boursières des pays consommateurs de pétrole, i.e. aux États-Unis et en Europe.

C’est ainsi qu’après une baisse des prix de pétrole suite à la récession en 2009, les cours du prix du pétrole sont repartis à la hausse. Se synchronisant avec les liquidités fournies par les QE 1, 2 et 3 américains, les cours du pétrole se positionnent, de juin 2009 à décembre 2010, entre 70 et 90 dollars. A partir de janvier 2011 à l’été 2014, ils se situent entre 100 et 120 dollars. La fin du QE3, dès l’été 2014, met finalement fin à la hausse des cours et « enclenche le mouvement descendant des prix du pétrole  ». En décembre 2014, le baril passe à 50 dollars. En décembre 2015, une année et demi après, le pétrole Brent est à 36 dollars. En janvier 2016, le baril est pratiquement à 30 dollars.

Comment comprendre « ce cours drastiquement baissier du prix de baril de pétrole » ? Quel impact a-t-il sur le plan économique mondial ?

Il est évident qu’il met en grande difficulté les pays exportateurs de pétrole. Il permet à l’Occident de bénéficier d’un court de pétrole et de gaz bas, ce qui ne peut que se traduire par un excédent commercial, où défaut moins de liquidités financières à consacrer aux importations pétrolières. La Chine bénéficierait, en tant que grand pays importateur de pétrole et de gaz, d’une économie de devises.

Mais on ne peut oublier que tant les pays pétroliers que la Chine et les autres pays émergents du BRICS et d’Asie ont beaucoup gagné durant cette conjoncture, qui a commencé depuis les années 2000 et leur a été extrêmement favorable. Alors que, si elle a été favorable à l’Occident jusqu’à 2007, elle s’est retournée ensuite avec les deux crises successives, la crise immobilière et la crise financière.

Les réserves de changes de la Chine, qui s’établissaient à 165,574 milliards de dollars en 2000, ont quintuplé en 2005, pour atteindre 818, 872 milliards de dollars. En 2008, elles sont multipliées par 12 pour atteindre 1 966,200 milliards de dollars. Après la crise financière de 2008, et les programmes de « quantitative easing » américains, elles passaient, en 2010, à 2914,154 milliards de dollars. En 2014, à 3 952,130 milliards de dollars. (2) Et ce, malgré le taux de croissance en Chine qui a chuté à 7,8% en 2012.

 « La Russie, pays exportateur de pétrole et de gaz », a vu ses réserves passer de quelques dizaines de milliards de dollars en 2000 à 124,541 milliards de dollars, en 2004. En 2008, les réserves ont quadruplé pour s’établir à 427 milliards de dollars. En 2012, elles sont à 537,618 milliards de dollars.
 « L’Arabie Saoudite, premier producteur et premier exportateur des pays de l’OPEP », ses réserves de change se sont accrues pour atteindre, en 2014, à 743 milliards de dollars. Les autres pétromonarchies arabes ont engrangé toutes de fortes réserves de change.
 « L’Algérie », partie de réserves de change négligeables, de surcroît endettée, redoutant même en 1998 (mini krach pétrolier), un nouveau programme d’ajustement structurel (PAS), a vu, en 2006, ses réserves de change bondir à 77,781 milliards de dollars. En 2007, elles passent à 110,180 milliards de dollars. La dette extérieure est en grande partie remboursée. De 58,3% en 1999, elle passe à 34,2% en 2003, et, en 2007, la dette n’est plus que de 3,6% du PIB. Quant aux réserves de change, elles ont atteint 143,102 milliards de dollars, en 2008, 148,95 milliards de dollars, en 2009 et 193,269 milliards de dollars en juin 2014. La dette extérieure est de 3,719 milliards de dollars. (3)

Au final, qui profitait de ces QE ? Il est évident que ce sont les pays du reste du monde. Et si la reprise en Occident, le chômage baissait, il n’en demeure pas moins que l’Occident s’endettait. « Surtout qu’il se créait un cercle vicieux », les Banques centrales créaient dans les programmes des QE, MES, Abénomics, des liquidités monétaires qui allaient, à travers les déficits commerciaux occidentaux, grossir les réserves de change de la Chine, de la Russie, des pays arabes exportateurs de pétrole, et les autres pays émergents qui, à leur tour, placent leurs excédents (réserves de change) en Occident, pour que les pays occidentaux consomment les produits made in china, d’Amérique du Sud, d’Asie, et importent du pétrole et du gaz de Russie, des pays arabes.

On comprend dès lors que les QE, et bien avant les QE et donc la crise de 2008, les déficits récurrents des balances courantes des pays occidentaux, en particulier des États-Unis, ont crée des dysfonctionnements mondiaux qui sont allés en s’accentuant. Il est évident que « ces déséquilibres macroéconomiques provoqueraient à terme une remise en cause du système économique mondial tel qu’il a été configuré depuis les années 1980, à la suite de la forte inflation des années 1970 ». Sous la double contrainte de l’endettement et de l’écart de compétitivité, l’Occident forcément s’affaiblirait « d’où l’obligation de trouver une parade pour mettre un terme à cette spirale de dysfonctionnements mondiaux qui vont en s’accentuant. » Et les conséquences seront sérieuses pour l’économie mondiale.

D’autant plus qu’il est devenu un « débiteur net » vis-à-vis du reste du monde. Le bilan de la Fed américaine, de la BCE grossissait, à plus de 4000 milliards de dollars en 2013. Et ceux de la BCE, la Banque d’Angleterre et du Japon, ont suivi le sillage de la Fed. La question qui se pose aux autorités monétaires américaines et européennes est « Comment sortir de l’endettement ? Mettre fin aux déséquilibres mondiaux ».

 

  1. Comment mettre fin aux déséquilibres mondiaux ? Une crise financière déjà annoncée en 2012

 

 Il faut dire que la Chine n’a émergé que grâce aux délocalisations occidentales, au transfert technologique occidental et aux investissements occidentaux, et aujourd’hui avec le rattrapage industriel, la situation s’est inversée. Mais c’est le balancier de l’histoire qui a commandé cette inversion des forces économiques.

Précisément, si la situation du monde des années 1980 s’est inversée, c’est « par ce que c’était nécessaire. » A l’époque, c’était l’Afrique, l’Amérique du Sud et le bloc socialiste de l’Est qui s’endettait. Et l’Occident ne pouvait pas toujours être le créancier du monde. Sinon l’humanité serait sans sens. Aujourd’hui, et ce depuis les années 2000, c’est l’Occident. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Allemagne prônait l’austérité et n’était pas comprise, pour justement lutter contre cet endettement devenu à la fin massif pour l’Europe, et l’Occident. Et qui commandait des cures d’austérité, qui étaient mal comprises, mal reçues par les sociétés occidentales. Il fallait diminuer l’endettement et gagner de compétitivité.

Nonobstant ces contraintes, l’Occident trouvera néanmoins une parade, qui, au fond, était toute tracée. « Arrêter le processus par lequel le reste du monde s’enrichissait au détriment de l’Occident. » Et le premier coup de semonce est donné en 2013, lorsque la Fed américaine avait annoncé qu’elle allait mettre fin aux quantitative easing. Une panique s’empara de l’Inde, le Brésil et d’autres pays. La roupie indienne a dévissé de près d’un quart de sa valeur après l’annonce de la Banque centrale américaine. Le Monde.fr écrit « La dégringolade sans fin de la roupie indienne. » (4)

Un autre journal La Croix (5) écrit : « Depuis le début de la crise économique mondiale en 2008, la Fed s’est employée à soutenir l’activité. Son objectif était de maintenir les taux d’intérêt au plancher pour favoriser le crédit. Elle s’est engagée dans des programmes de rachat de la dette souveraine américaine. Plus besoin de hausser les taux de rémunération des bons du Trésor pour attirer les investisseurs, puisque la Fed peut acheter jusqu’à 85 milliards de dollars par mois. Cette politique de quantitative easing (QE), sans équivalent par son ampleur, a des risques. En accroissant la masse monétaire, elle peut déclencher une inflation incontrôlée. […]Les capitaux désertent les pays émergents. « La fermeture du robinet des liquidités américaines inquiète, en premier lieu, les pays émergents. Ces liquidités étaient censées soutenir l’activité américaine. Dans les faits, beaucoup de ces capitaux ont servi à financer les dettes souveraines des pays émergents. » «  Ces capitaux y trouvaient une meilleure rémunération, avec moins de risques, les pays émergents étant peu endettés », constate Johanna Melka. Aujourd’hui, ces capitaux mobiles – hot money – sont de retour aux États-Unis. Les investisseurs sont attirés par la remontée des taux qui leur permet une meilleure rémunération. « Il n’est pas complètement illogique que les pays qui ont profité des afflux de capitaux soient les premiers à en souffrir », constate Frederik Ducrozet. Ces dernières années, ces capitaux étrangers ont permis aux pays émergents de bénéficier de taux d’intérêt bas. Cela a soutenu leur croissance. Aujourd’hui, le retrait de ces capitaux a pour effet de baisser les cours de Bourse et ceux des devises dans ces mêmes pays émergents. La Bourse brésilienne a baissé de 18 % depuis le début de l’année. La roupie indienne a perdu 57 % de sa valeur face au billet vert depuis son niveau le plus haut en février 2008. […]
3. Les économies fragiles souffrent le plus. « À l’exception notable de l’Indonésie, les grands pays émergents ralentissent », résume Sylvain Broyer, chez Natixis. La Chine fait évoluer son modèle économique basé sur l’exportation de biens industriels vers une économie portée par la consommation intérieure. « Le Brésil, l’Afrique du Sud, la Russie et l’Inde accusent la fin de l’embellie des prix de matières premières, qui représentent 60 % de leur économie », précise Sylvain Broyer. Dans ces pays, le seul moyen pour soutenir l’activité est de relancer les investissements, notoirement faibles.  »

Quand Frederik Ducrozet dit « Il n’est pas complètement illogique que les pays qui ont profité des afflux de capitaux soient les premiers à en souffrir », on a bien envie d’être d’accord avec lui. En effet, beaucoup de pays qui ne travaillent pas dans le sens qu’ils ne sont pas productifs, et c’est le cas des pays arabes exportateurs de pétrole, qui ne font que vivre de la manne pétrolière et naviguent à vue, ou s’entretuent pour cette manne providentielle. Et le plus grave, ces pays se découvrent brusquement qu’ils ne sont pas chiites mais sunnites, ou l’inverse, et commence à s’entretuer pour le chiisme ou le sunnisme, alors qu’en réalité ils s’entretuent pour mettre la main sur le pétrole. Fermons cette parenthèse, dite seulement en passant sur les miracles que crée le pétrole. Puisque les grandes puissances sont aussi de la partie dans ce conflit bientôt centenaire.

Une fin des QE pour ces pays signifiait « la fin de cet âge d’or qui a commencé depuis les attentats du 11 septembre 2001 ». Les États-Unis n’en finissaient pas de déverser des masses de liquidités sur le monde depuis la destruction du World Trade Center.

Rappelons ce que déclaraient le ministre des finances brésilien et le gouverneur de la Banque de Chine qui critiquaient, à l’époque (avant 2013), les quantitative easing. Qu’en est-il aujourd’hui, avec la fin des QE en Occident, pour les pays du reste du monde, depuis 2014 ? « Ils regrettent les QE qu’ils avaient dénoncés ? »

Et depuis l’été 2014, avec la fin du QE3, les pays du reste du monde sont désormais sur la sellette. Et même le QE annoncé en janvier 2015 par la BCE se fait sur les excédents des pays européens suite à la forte baisse des prix de pétrole. Ces excédents donnent des marges à la Banque centrale de la zone euro pour racheter des bons souverains et privés. Avec la chute des prix du pétrole, et de la demande mondiale, la Chine comme la Russie, les pays émergents et les pays arabes pétroliers sont forcés de puiser dans leurs réserves de change pour financer leurs économies (déficits).

L’impératif de mettre fin à la spirale d’endettement, et procéder au début de résorption de l’endettement était plus que nécessaire. Si les États-Unis n’avaient pas pas mis fin aux QE, l’endettement qui monterait crescendo l’amènerait à « vendre les bijoux de famille, i.e. ses monuments, ses universités, ses musées, ses autoroutes, ses ports… » Comme l’avait fait naguère, au milieu des années 1980, le Japon, devenu le premier créancier du monde, pour tomber finalement en crise en 1990. Et c’est valable pour les autres puissances financières et monétaires occidentales.

Evidemment, ces cas de figure ne surviendront pas parce que l’Occident a des minutions, et celles-ci auront à marquer le monde, y compris l’Occident lui-même. Un nouveau paradigme du monde est en marche.

 Ainsi se comprend mieux pourquoi la crise pétrolière est étroitement liée à la fin des quantitative easing. Cette crise financière qui a un impact sur le pétrole a déjà été annoncée dans une des analyses qui avait été transmise à un journal (algérien), en 2012, et qui ne l’a pas publiée. (6) Probablement qu’elle a été perçue « rocambolesque, impensable, dur à admettre. » Pourtant la crise est là, identique au pronostic énoncé il ya deux ans. Et le seul mérite de l’auteur est d’avoir saisi les forces économiques qui travaillaient l’économie mondiale et devaient aboutir à la crise d’aujourd’hui. Et surtout, elle n’est qu’à ses débuts, le plus dur est à venir. « Probablement suivie de progrès comme toutes les crises qui ont jalonné l’histoire de l’humanité. »

 Nombre d’économistes mettent en cause l’Arabie Saoudite de mener une guerre des prix contre les producteurs américains de pétrole de schiste, donc elle casse les prix. Cette approche d’explication de la crise pétrolière n’est que partielle. En réalité, la situation des pays producteurs de pétrole ressemble plus à celle des quinze millions d’agriculteurs américains, en 1929, endettés et proches de la ruine. Pour s’en sortir de l’endettement, et sans aide de l’Etat américain jusqu’en 1933, ils n’avaient qu’une solution, vendre plus de blé, de produits agricoles. Et plus ils vendaient, plus les prix baissaient. Et ça allait de pair avec la politique restrictive de la Fed américaine, à l’époque.

Pareillement, les pays arabes producteurs de pétrole, face à la chute des cours pétroliers, et des réserves de change qui s’amenuisent, n’ont qu’une solution « vendre plus pour éviter une explosion sociale ». Tous les pays arabes de l’OPEP vivent dans la crainte de se trouver démunis devant la crise. Et les gouvernements savent que leurs peuples ont évolué et n’accepteront pas la misère et aucune force de sécurité ne pourrait inverser la donne. Surtout que toutes les dictatures sud-américaines et les dictatures des pays de l’Est ont été emportées par la vague de révolution des années 1980 qui a abouti à la chute du « Mur de Berlin », en 1989 et la disparition de l’Union soviétique, deux années plus tard. Et récemment le « Printemps arabe ».

On comprend dès lors que l’abondance du pétrole sur les marchés est avant tout un « réflexe de sécurité », entraînant une forte offre d’autant plus que l’Iran sera aussi de la partie, avec les accords récents sur le nucléaire. Et l’Iran a aussi été obligé de lâcher du lest dans les négociations sur son programme nucléaire qui est aussi un « réflexe de sécurité » contre des sanctions occidentales qui allaient étouffer son économie et entraîner une explosion sociale. D’autant plus que le « Printemps arabe » n’est pas terminé et ses effets se font toujours sentir par les nombreux conflits qui courent et ne trouveront certainement pas de solution, tout au plus provisoire. Et que l’hiver qui a suivi, i.e. le feu continue toujours de couver dans ce monde intermédiaire. « Où tout est provisoire, tout est à refaire. Aucune structure politique, économique et sociale n’est viable dans ce monde. »

De même quand des économistes occidentaux tiennent le haut du pavé et se trouvent à discourir, sur les écrans de télévision, et prennent position sur la sortie de leurs pays de la zone euro, en montrant les avantages de retourner à la monnaie nationale. Cela surprend. Pourtant, les dysfonctionnements sont là, présents, parlants, et il faut vraiment ne pas les voir.

Dans l’article de 2012, « Prospective : Pourquoi l’Occident et les pays pétroliers n’échapperont pas à une crise économique majeure » (6), il est écrit au paragraphe 6 :

« Le facteur déflationniste de pétrole n’aura plus sa raison d’être dès lors que les émissions monétaires américaines ex nihilo ne pourraient plus jouer car contrées par les émissions de yuans chinois ex nihilo. Les prix vont retomber probablement à des niveaux bas. Dès lors, il va se produire une raréfaction de liquidités internationales, ces dernières ne seront émises que si elles sont adossées à des contreparties productives, ce qui ne peut qu’entraîner la fin du dopage monétaire du prix du pétrole et des matières premières. Les conséquences seront douloureuses à la fois pour l’Occident et les pays exportateurs de pétrole.
Les pays du Golfe pourront encore se maintenir dans le giron de la puissance américaine contre évidemment du pétrole. Mais les excédents pétroliers auront disparu pour la simple raison que les déficits américains seront surtout résorbés par les moyens propres de l’Amérique (hausse d’impôts et baisse de dépenses). Le pétrole n’ayant plus le caractère stratégique en matière monétaire, les prix suivront le cours de l’offre et la demande sur les marchés, sans interférence des Etats-Unis. Il en sera de même pour les matières premières. Plus grave encore, les grandes puissances consommatrices chercheront un pétrole moins cher. Ce qui nous amène à cette question :
« Une compétition va-t-elle s'ensuivre entre les pays du cartel pétrolier qui chercheraient à vendre plus pour compenser la baisse des prix ? » Il faut le craindre. Les pays pétroliers arabes viseront avant tout la stabilité politique intérieure et n'hésiteront pas à outrepasser toute décision du cartel qui viendrait à l'encontre de leur politique sociale. Ceux qui ont les plus grandes réserves pétrolières et une exploitation pétrolière à bas coût seront certainement les plus favorisés mais l’avantage doit être relativisé. Il se produira le même phénomène qu’ont déjà vécu les fermiers américains après la crise de 1929. A la différence d’un industriel, un fermier qui est confronté à la baisse du prix de ses produits, essaye d’accroître sa production, car c’est seulement en vendant plus qu’il peut compenser des prix bas et maintenir son revenu. En fait l’accroissement de la production agricole américaine s’est accentué et les efforts de milliers de fermiers essayant d’accroître leur production se traduisirent par une nouvelle baisse des prix et des revenus des paysans. Pareillement, dans le jeu de vendre plus, les pays arabes ne seront pas gagnants puisqu’ils ne feront que baisser le prix du pétrole. Ce qui risque de survenir aux pays de l’OPEP. Et le seul moyen pour s'en sortir serait pour ces pays de s'organiser en prévision de cette échéance qui apparaît comme inéluctable. S’ils ne s’organisent pas, pris dans la tourmente de la « déflation mondiale  », ils auront le même destin que les fermiers américains.  »

Et c’est ce qui ressort aujourd’hui. 

 

  1. Schématisation simplifiée du système économique mondial réactualisée aux enjeux d’aujourd’hui

 

 Pour comprendre, reprenons la schématisation simplifiée du système économique mondial parue dans un article en 2013, et réactualisons-là aux enjeux d’aujourd’hui. (7)

Imaginons un système économique mondial constitué de trois entités A, B, C. Une grande nation A, la plus puissante, i.e. les États-Unis et un groupe de nations industrialisées les plus en vue B du système, i.e. l’Europe, le Japon et le Canada. Ces deux entités disposent de monnaies internationales (monnaies de réserve), la nation A dispose en plus de l’unité de compte internationale. Le reste du système, i.e. l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud, dénommons-le C. Les monnaies de ce groupe de pays convertibles ou non sont ancrées sur un panier de monnaies des pays A et B.

 

5.1. Première étape du système économique mondial

 

   Imaginons pour une raison de délocalisations d’entreprises, de rattrapage technologique, etc., certains pays du groupe C rattrapent les pays A et B et les dépassent dans le commerce mondial. Suite aux pertes de marchés, en se rabattant sur leurs marchés domestiques, les pays A et B subissent, suite à une spéculation effrénée, une grave crise immobilière et financière. C’est ce qui s’est passé en 2007 et 2008 pour les États-Unis et l’Europe. Il s’en est suivi un étranglement du système bancaire occidental. Pour parer à cette situation, ces Etats, par la création monétaire, ont procédé d’urgence à la recapitalisation par achat de titres voire même une nationalisation par une prise de parts dans le capital des banques. Des fonds considérables ont été injectés « sur fond d’endettement des États. »

 Malgré les taux d’intérêt proche de zéro et les politiques monétaires fortement expansives, la situation des pays A et B reste stagnante, les taux de croissance faibles, le taux de chômage moyen est de 12%, pour certains pays, est de 25% voire plus pour d’autres. En revanche, la croissance économique des pays C, bien qu’elle ait diminuée, reste toujours élevée. Le taux de croissance de la Chine est supérieur à 7%.

  Imaginons maintenant que les Banques centrales des pays A et B, pour soutenir leurs économies, recapitalisent les banques de nouveau par de la création monétaire contre les titres de Trésor (rachat partiel de dettes publiques) et les créances immobilières à risque (subprimes). Le système bancaire recapitalisé procède au financement de l’économie (octroi de crédits aux entreprises et aux ménages, achat de bons de Trésor pour financer les budgets des Etats, etc.). Mais les déficits budgétaires et commerciaux de ces pays sont tels que le système bancaire doit à chaque fois se tourner vers leurs prêteurs en dernier ressort. C’est ainsi que les Banques centrales des pays A et B, i.e. la Réserve fédérale américaine (FED), la Banque centrale européenne (BCE), les Banques centrales d’Angleterre et du Japon, se retrouvent à pratiquer à intervalles réguliers des politiques monétaires non conventionnelles.

 Les « politiques monétaires non conventionnelles » ou « Quantitative easing » (QE) consistent à échanger des bons de Trésor et des créances éligibles et même non éligibles (créances douteuses) contre de la monnaie Banque centrale. En injectant des liquidités dans le système financier, les Banques centrales permettent, comme pour les plans de sauvetage et de relance, à leurs systèmes bancaires respectifs de répondre aux besoins de leurs économies. Ce financement vient évidemment grossir les bilans des Banques centrales. Mais la réduction des créances douteuses (immobilières), l’achat de la dette des Etats, etc., permet d’éviter à ces pays la récession. L’achat, par exemple, des subprimes aux États-Unis permet de doper le secteur de la construction, gros pourvoyeur d’emplois.

  Imaginons que dans ces injections de liquidités entre les pays A et les B, il se produit un processus de balancier. Quand le pays A émet un surplus de liquidités, sa monnaie se déprécie sur les marchés, ce qui affecte négativement les monnaies des pays B. Par l’appréciation de leurs monnaies, les pays B enregistrent une baisse des exportations (plus chères). Pour baisser le taux de change, les pays B ont le choix, soit d’acheter la monnaie du pays A, i.e. le dollar, ce qu’ils ne peuvent faire puisque cela revient à acheter de la dette de A, et ils sont déjà endettés, soit de procéder à des politiques monétaires non conventionnelles comme le pays A. Et c’est ce qu’ils font. Nous avons ainsi un processus de balancier : « Tantôt c’est A qui émet des liquidités et B s’ajuste, tantôt c’est B qui émet des liquidités et A s’ajuste ».

 Ainsi, par les achats de bons de Trésor (des dettes publiques) et des obligations éligibles et non éligibles, la FED, la BCE, la Banque d’Angleterre et du Japon ajustent, grâce aux liquidités fournies à leur système bancaire, leurs taux de change sur les marchés dans une fourchette concertée entre les deux parties. De plus, ces pays soutiennent, grâce aux liquidités injectées, les prix des produits à la consommation (subventions), ce qui explique la faible inflation que peuvent susciter ces émissions. Evidemment, ces injections monétaires se traduisent par une hausse de l’endettement des pays A et B. 

Pour les pays du groupe C, imaginons que « des pays n’ont pas une industrie développée, et toute leur économie est basée sur les exportations de pétrole, appelons les F. » Et qu’un accord lie les pays F à la nation la plus puissante du monde A, i.e. les États-Unis, et consiste à ce qu’ils facturent leurs exportations pétrolières en dollar. Et ce mécanisme monétaire est important parce qu’il permet d’« absorber » les excès des liquidités sur les marchés (issues de la monétisation des déficits américains), entraînant de forte hausse de pétrole et durable. Le prix du baril de pétrole a atteint des sommets (plus de 100 dollars).

Cette hausse du pétrole suscite des excédents commerciaux pour les pays F, et donc des réserves de change que les pays F accumulent et placent dans les pays A et B parce qu’ils rapportent des intérêts et leur placement est sûr. 

A l’été 2008, le baril de pétrole a atteint 147 dollars, et tous les prix des matières premières et alimentaires ont connu une hausse similaire. D’ailleurs une grave crise politique est survenue dans le monde musulman, le « Printemps arabe ». Le mal-vivre, le chômage… et la brusque hausse des prix des produits de base de consommation a terminé le reste.

 Imaginons maintenant « qu’un noyau dur des pays C émerge. Très compétitif, ce noyau représente les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Appelons-le D. Comme on l’a déjà dit, il surpasse les pays A et B dans le commerce international. » Imaginons encore « un autre pays, le plus puissant du groupe D, i.e. la Chine. Appelons-le E.  »

Ces pays D, et surtout le pays E, engrangent, grâce à leurs excédents commerciaux, des réserves de change considérables qu’ils placent aussi dans les pays A et B. Par ces excédents commerciaux des pays D, surtout E, et les pays F, la situation devient de plus en plus difficile pour « les pays A et B qui continuent à pratiquer des quantitative easing pour relancer leurs économies. »

Les craintes d’un excès d’endettement qui se traduit pas déséquilibre mondial important – les pays C sont financièrement favorisés au détriment des pays A et B – poussent les autorités monétaires de ces derniers, i.e. des États-Unis, d’Europe, « à imposer à leurs Etats… des cures d’austérité dans le but évident de diminuer la pression sur les quantitative easing que les gouverneurs centraux ne cessent d’avertir qu’ils ne sont qu’un soutien. » Que la réduction des déficits budgétaires et commerciaux doit s’opérer et, bien sûr, passer surtout par un gain de compétitivité face aux pays émergents. Ce qui est difficile à regagner, vu l’écart des coûts de la main d’œuvre, ce qui ne peut passer que par un processus lent et douloureux pour les pays A et B. Et pour ces pays, il y a peu d’alternative. Les grands travaux publics (politiques keynésiennes) sont difficiles à mettre en œuvre pour la simple raison qu’une grande partie des capitaux injectés vont d’abord soutenir la protection sociale, financer les déficits commerciaux, acheter la dette des Etats défaillants, etc. 

Si les craintes d’endettement gagne les pays A et B, l’inquiétude gagne aussi le pays E, i.e. la Chine qui craint pour ses réserves de change, les plus fortes du monde. Il est non seulement devenu « l’atelier du monde », mais cherche à se parer des aléas des monnaies des pays A et B. Par le troc, l’usage des monnaies nationales, l’achat de l’or, l’acquisition des parts d’entreprises et partenariats avec des sociétés étrangères (gazières, pétrolières, etc.), des investissements dans des concessions minières, de terres agricoles pour de longue durée, une diversification des réserves de changes, il s’emploie à diminuer la part du dollar et de l’euro dans ses réserves de changes et ses transactions commerciales. Ce pays E est conscient que, malgré qu’il soit devenu la deuxième puissance économique du monde, sa dépendance sur le plan monétaire à l’égard de l’Occident n’en fait de lui qu’une puissance économique « dominée » et ses réserves de change accumulées resteront toujours dépendantes de la valeur que la FED et la BCE leur auront attribuée. C’est la raison pour laquelle le pays E a accéléré l’internationalisation de sa monnaie. Plus encore, il cherche même à facturer ses importations de pétrole et de matières premières en yuans – il le fait déjà avec certains pays – dans le but évident, lorsque le yuan devient une monnaie internationale, de partager le privilège du dollar, en tant qu’unité de compte internationale. Dès lors, le pays E, i.e. la Chine, aura à pratiquer des politiques monétaires d’assouplissement quantitatif, comme le font les quatre grandes puissances monétaires. Ce qu’il ne peut faire aujourd’hui, avec son yuan « dirigé » et « sous-évalué ».

  Imaginons maintenant que cette spirale d’assouplissement monétaire quantitatif commence à susciter des interrogations dans les pays C. « Combien de temps les Banques centrales des pays A et B doivent recourir à l’assouplissement monétaire quantitatif » ? Certes, ces liquidités injectées, en soutenant les économies des pays A et B, i.e. les États-Unis, l’Europe et le Japon, favorisent aussi le commerce mondial. Les pays C, i.e. la Chine, la Russie, les pays arabes exportateurs de pétrole, etc., continuent d’accumuler des réserves de changes issues précisément de ces liquidités. Et ces réserves de changes sont converties en bons de Trésor américain, européens, etc., parce qu’ils offrent plus de sécurité « mais aussi pour pousser les A et B à importer des produits chinois, du pétrole, etc. » Cependant le problème de « soutenabilité des dettes publiques pour ces pays va se poser un jour », et une hausse continue des dettes publiques ne peut que nourrir de la défiance. Les risques sur les investissements souverains opérés par la Chine, la Russie et les pays arabes sont réels d’autant plus qu’ils sont libellés en dollars et en euros qu’il ne tient qu’à la FED et la BCE d’en émettre. Le risque est qu’ils se feront à terme « rembourser par l’inflation ».

 

5.2. Etape actuel du système économique mondial

 

 Imaginons que les pays A et B, endettés, après que leurs économies soient stabilisées, « prennent conscience que ce n’est plus rentable de continuer à émettre des quantitative easing, i.e. émettre des liquidités monétaires ex nihilo.  » Et que ce seront toujours les pays C qui en profitent soit par le bas coût de la main d’œuvre et une monnaie dévaluée et donc plus compétitifs dans le commerce mondial, soit parce qu’ils exportent du pétrole. Et pour mettre fin à cette spirale d’endettement, « les pays A et B, qui sont « des débiteurs nets », décident d’arrêter les QE. Et « durablement », parce qu’ils ont compris qu’émettre des liquidités dans un cadre non-conventionnel serait toujours négatif pour leurs économies. Ce sont les pays C qui profiteront.

Que signifie les 4000 Md$ (devenus 3500Md$) de réserves de change pour la Chine, plus de 600 Md$ pour l’Arabie Saoudite, plus de 300 Md$ pour la Russie, plus de 150 Md$ pour l’Algérie, et d’autres pays ? Environ 9000 Md$, toutes monnaies occidentales confondues (Md$, une abréviation de milliard de dollars.) « Il est évident que c’est de l’argent-dette que l’Occident doit au reste du monde. » Ces réserves de change détenues par le reste du monde constituent « une dette extérieure brute pour l’Occident. » Si on retranche les dettes que détiennent les États-Unis, l’Europe et le Japon sur le reste du monde, et qui sont très inférieures, on constaterait que, hormis le Japon, les États-Unis et l’Europe ont « une dette extérieure nette élevée. »

Rappelons ce qui a été écrit supra. « Si les États-Unis et l’Europe ne mettent pas fin rapidement aux QE, ils finiront par « vendre ou en concession leurs bijoux de famille, i.e. leurs monuments, ses universités, leurs musées, leurs autoroutes, leurs ports… ». Comme l’avait fait naguère le Japon, devenu le premier créancier du monde, au milieu des années 1980, aux États-Unis et en Europe. Mais mal lui en prit, par excès de confiance ou « n’a pas vu venir la crise », le Japon finit par tomber en crise en 1990. Le revers de la médaille de la richesse ? 

On comprend dès lors que, depuis l’émergence des pays D, et surtout E, i.e. la Chine, les pays A et B doivent tenir compte des changements dans le monde, et rester le plus possible dans des politiques monétaires conventionnelles, i.e. selon leurs besoins pour leurs économies, et les exigences « que nécessitent la financiarisation de la planète qui, il faut rappeler, nécessitent toujours un certain niveau de déficits extérieurs occidentaux. » (Voir §1)

Quant au pays B, i.e. l’Europe, la BCE continue une politique monétaire non conventionnelle, seulement en apparence. En fait, elle recycle les excédents que la zone euro bénéficie depuis la chute des prix du pétrole, ce qui signifie qu’elle ne crée pas de liquidités. Et si la BCE crée des liquidités monétaires ex nihilo, ces liquidités se trouvent corrigées par la dépréciation du taux de change de l’euro. Et qui se confirme par l’euro qui est passé environ de 1,30 dollar à 1,09 dollar environ aujourd’hui. Cette correction annule toute création monétaire ex nihilo de la BCE. D’autre part, combien même la BCE injecte des liquidités ex nihilo, dans un cadre de QE annoncé en janvier 2015, l’effet est négligeable par rapport aux pertes des pays C depuis la chute des cours pétroliers.

Que se passerait-il pour les pays C, tous pays de cette catégorie confondus, avec la fin des politiques monétaires non conventionnelles ? D’abord, les pays pétroliers, au lieu d’excès de liquidités, ils auraient un gap de liquidités, i.e. une faible voire très faible offre de liquidités par les pays A et B qui cherchent à se désendetter des pays C. « Conséquence : une spirale déflationniste majeure en Occident. Et c’est ce qu’il en ressort du taux d’inflation qui est très faible et se situe entre 0,15 et 0,5 environ. » Alors que pour le reste du monde – sauf la Chine qui vise l’internationalisation de son yuan –, c’est une poussée inflationniste engendrée par les déficits commerciaux qui les poussent à puiser dans les réserves de change pour les financer. Et donc un appauvrissement de ces pays avec cet objectif de faire durer le plus longtemps les réserves de change.

Le processus antérieur qui consistait de faire absorber les excès de liquidités émises par A et B par la hausse des prix du pétrole ne fonctionnant plus, les prix du pétrole ont fortement baissé. Des hauts de 115 dollars le baril de Brent en juin 2014, il est à moins de 29 dollars en janvier 2016. D’autant plus que les pays exportateurs de pétrole du groupe C se font concurrence pour gagner des parts de marché, ce qui fait baisser les prix. « Et la baisse des prix de pétrole sera durable pour les raisons évoquées supra. »

Pour les pays D, le même processus non sur le plan pétrolier excepté pour la Russie, mais sur le plan des biens manufacturés, industriels et services. Ce qui se traduit, avec la fin des QE, par une décélération d’activité économique, et par conséquent de la croissance. Forcément, moins de liquidités, moins d’importations par les pays A et B, et donc moins d’exportations pour l’ensemble des acteurs A, B, et C. « La crise de liquidités entraînera inévitablement un ralentissement mondial.  » C’est le prix à payer pour mettre fin au déséquilibre macroéconomique mondial.

Et ce marasme économique mondial va s’accentuer depuis que le pays A a relevé son taux d’intérêt. En effet, le 16 décembre 2015, la gouverneure Janet Yellen a annoncé le relèvement du taux d’intérêt directeur. Ce taux n’a plus été haussé depuis juin 2004, soit onze ans et demi, depuis l’ère d’Alan Greenspan. Ce qui en fait un des cycles financiers le plus long de l’histoire d’Amérique, et du monde. Juin 2004 à décembre 2015.

Mais ce qui a d’inquiétant, c’est que ce nouveau cycle marque un tournant. Tout d’abord, il va conditionner l’ensemble des taux du monde entier. Tous les pays vont devoir suivre la hausse du taux d’intérêt américain. A commencer par la zone euro et la Grande-Bretagne. Probablement au cours de l’année 2016. Chaque puissance financière et monétaire cherchera à se protéger d’une fuite de capitaux (vers le plus offrant). L’autre inquiétude, c’est la Fed américaine qui a abattu ses cartes, de manière transparente. Et ce n’est pas dans son habitude. La présidente américaine a déclaré : « Même après cette dé­ci­sion, la po­li­tique mo­né­taire (de la Fed) reste ac­com­mo­dante et nous l’adap­te­rons en fonc­tion de l’évo­lu­tion de l’em­ploi et de l’ob­jec­tif des 2% d’in­fla­tion. » L’ob­jec­tif est de re­le­ver le taux di­rec­teur de la Fed d’un point de base par an jus­qu’en 2019 pour at­teindre la barre des 3,3%. » (8)

Pourquoi l’année 2019 ?

 

5.3. 2016-2019 : Tournant du système économique mondial

 

 Qu’en sera-t-il en 2016, et qu’augure l’année 2019 pour le système économique mondial ? Tout d’abord, arrêtons la dénomination des groupes de pays par A, B, C, D, E et F, et réfléchissons ce qu’augure ce tournant 2016-2019 du système économique mondial, sans dopage monétaire par le « pétrole ». Il est évident que c’est un changement complet de l’ordre du monde. Tout ce qu’a fait la puissance occidentale sera remis en cause, y compris pour leurs alliés, i.e. les monarchies arabes, Israël, ou les régimes autoritaires arabes, islamiques ou laïques qu’ils soient ou ne soient pas leurs alliés. Il est évident aussi qu’un nouveau souffle du « Printemps arabe » va jouer subséquemment durant cette mutation du monde.

C’est désormais le « compter sur soi » dans cette mondialisation sans cœur, insensible, de plus en plus « mal vécue » par les peuples. Les nations développées ne pourront plus se réfugier derrière leurs avances technologiques ou hégémoniques sur le plan monétaire. On sait que « Celui qui domine l’argent, la monnaie mondiale, domine le monde ». Le contre-pouvoir qu’est devenu le yuan chinois va désormais siéger dans la cour des grands au sein du FMI, à partir du 1er octobre 2016. Il constituera la cinquième monnaie internationale dans la détermination du panier de devises dans les droits de tirage spéciaux (DTS), qui sert d’actif de réserve international à l’institution, notamment à calculer le taux d’intérêt sur les prêts qu’elle accorde.

La Chine fera donc son intrusion, avec un yuan toujours administré par la Banque de Chine, même s’il n’est pas libéralisé, i.e. ne fluctuant pas par les forces du marché, et donc toujours ancré sur le dollar américain. Des économistes occidentaux parlent de concession qu’ont faite les Américains pour la Chine. Ce qu’il faut dire, c’est qu’en termes de puissance et de domination, il n’y a pas de concession d’une partie ou de l’autre. Il y a toujours un réajustement de l’équilibre des forces en présence. Et c’est ce qui est passé pour la décision occidentale d’intégrer le yuan. Qu’il n’était plus d’intérêt pour l’Occident de refuser le yuan dans le club fermé du FMI. L’intérêt, en réalité, est mutuel. Sinon, les Occidentaux auraient refusé. « Et la politique d’avoir la Chine avec l’Occident l’a emporté plutôt que de l’avoir contre l’Occident. »

Et si les Occidentaux, comme le pensent les économistes, cherchent à « encourager la Chine à libéraliser son yuan », cela revient aussi à libéraliser le système politique de la Chine pour le rendre crédible pour les richissimes chinois et éviter une fuite de capitaux. Mais Beijing ne l’entend pas de cette oreille, et préfère rester préventif et maintenir son yuan administré, fluctuant dans une fourchette étroite, et un taux d’inflation qui n’a rien à envier à ceux de l’Occident, il est inférieur à 2%. Et par ses qualités propres, le yuan « encourage aussi les pays occidentaux à stabiliser leurs monnaies sur les marchés » pour mettre fin au cours erratique des change, ou du moins à atténuer les écarts parfois très défavorables pour les réserves de change des pays du reste du monde. Le yuan même administré et qui inspire confiance pour les Banques centrales devient de facto recherché par sa stabilité, et peut servir aussi de contre-pouvoir aux monnaies occidentales, en poussant leurs taux de changes à être moins volatils, et donc à contribuer à la stabilisation de l’économie mondiale.

Ceci étant, « la guerre monétaire qui se joue dans le monde et qui est programmé jusqu’en 2019, continue dans toute sa force silencieuse, mais fortement bruyante par ses conséquences. » Aussi, par les réserves de change que détient le monde hors-Occident, il faut s’attendre à des injections monétaires parcimonieuses par l’Occident et des cours très bas pour le pétrole.

De plus, depuis la remontée du taux d’intérêt directeur de la Réserve fédérale américaine, et tous les grands pays vont suivre « par nécessité » la politique américaine, il demeure que 2019 sera une date fatidique pour le monde. Nous serons au sommet de la phase restrictive du troisième cycle financier, en cette deuxième décennie du XXIe siècle. (9)

Pourquoi «  fatidique », en espérant qu’elle ne soit pas néfaste pour l’humanité, mais 2019 sera une année de grande remise en cause de certitudes pour tous les pays du monde.

L’année 2019, arrêté par les autorités monétaires américaines, et selon les projections de la Fed – doit-on lire leur sens –, devraient amener l’Occident à se désendetter fortement du reste du monde. Ce qui signifie qu’entre 2016 et 2019, les réserves de change du monde hormis celles de la Chine auront fondu ? Le déséquilibre macroéconomique mondial serait en grande partie «  effacé  », sauf pour la Chine qui verrait néanmoins ses réserves amputée d’au moins 2000 Md$.

Si l’on prend en considération qu’en 2015, les réserves de change de la Chine sont passées de 4000 Md$ à 3500 Md$. (10) A raison de 500 milliards de dollars par an entre 2016 et 2019, les réserves de change de la Chine ne pourraient être plus que de 1500 Md$. Une projection de la Fed tout à fait réaliste, et qui nous fait comprendre pourquoi Janet Yellen a parlé qu’en 2019, « le taux d’intérêt de la Fed atteindrait la barre de 3,3%. »

Et les 2000 Md$ que la Chine aura à injecter dans son économie, durant 2016-2019, serviront à doper la consommation par des investissements intérieurs afin de suppléer à la chute de la croissance basée jusque là « sur le tout exportation  ». Donc en opérant un retour sur son marché intérieur, elle évitera un chômage de masse de dizaines millions de travailleurs, et donc des troubles sociopolitiques qui risque de remettre en question le système politique chinois. Et ces capitaux dépensés serviront aussi aux prêts que la Chine aura à consentir aux pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine… Donc une forte dépense pour la Chine mais qui participera aussi au reste du monde.

Qu’en sera-t-il pour les pays arabes exportateurs de pétrole ? Il est évident qu’ils auraient perdu, en ses quatre années à venir, l’essentiel de leurs réserves de change, et même la phase de détente monétaire qui suivra ne fera pas beaucoup relever le prix de pétrole. Le pétrole a perdu beaucoup de sa donne géostratégique. Des dépenses, à l’instar de celle de la Chine, qui doperont aussi l’économie mondiale.

« La question qui va se poser pour les élites de ces pays, comment vont-ils gouverner, dès lors que les liquidités que les pays occidentaux injectaient seraient de plus en plus limitées, mesurées ? » Et même l’instrumentalisation de l’islamisme ou d’Israël par les États-Unis et leurs alliés européens, pour défendre les intérêts pétroliers de la superpuissance, perdrait de son intérêt. Le pétrole deviendra de plus en plus une matière commercialisable qui relèvera essentiellement des fluctuations des cours des marchés. Ce sera « un changement terrible pour les régimes politiques arabes » qui ont été habitués à acheter la paix sociale pour rester au pouvoir.

Et qu’auront-ils les pays arabes à proposer pour s’endetter sachant que les futurs créanciers savent que ces pays ne pourront pas rembourser puisque les prix de pétrole vont rester décevants ? Les exigences sont forcément des concessions sur 60 ans, 99 ans, etc., ce qui signifie que ces pays commenceront à perdre sur le plan de leur souveraineté territoriale. La Grèce n’a-t-elle pas mis une partie d’un de ses ports (Pirée) en concession (loué pour des décennies). Et si ce sera un passage obligé, comme l’est la Grèce ? Il est évident qu’une mainmise chinoise commencera sur ces pays, et on ne saura comment se terminera cet endettement-concession.

Et les systèmes politiques arabes, s’ils ne s’adaptent pas à la nouvelle donne du monde, seront inévitablement appelés à disparaître. Une loi de la Nature, de l’Histoire, comme les régimes politiques qui ont existé et disparu dans les méandres de l’histoire.

Quant aux conflits entre chiites et sunnites, et l’islamisme radical, ils auront progressivement à s’estomper face aux nouvelles donnes du monde. La carte du pétrole perdra de son attrait.

Pour l’Occident, une correction des places boursières mondiales à la fin du cycle de hausses du taux d’intérêt de la Fed s’opèrera fatalement, le cours des actions et des obligations, depuis sept ans de largesses monétaires, sont déconnectées de la réalité. Pour lutter contre le chômage, les Occidentaux seront obligés de relocaliser ou créer de nouvelles industries. Ils seront obligés d’ériger des barrières protectionnistes à minima contre l’Asie pour protéger leurs emplois. Et, pour ce faire, les traités transatlantique et transpacifique aideront à décanter les intérêts mutuels des uns et des autres pour créer un équilibre économique mondial susceptible d’assainir les divergences dans les antagonismes économiques entre les grandes puissances développées.

Pour conclure, un nouvel état du monde va surgir. « La période 2016-2019 marquera son avènement, et l’après 2019 changera le cours de l’Histoire. » Il faut se rappeler ce qu’était le monde avant la Guerre froide ? Un monde colonisé et deux Guerres mondiales sont parvenus à le faire disparaître. Ensuite vint la Guerre froide. Un monde bipolaire et les guerres ont changé de camp. Guerre du Vietnam, guerres israélo-arabes, guerres au Moyen-Orient et en Asie centrale, en Afrique, en Amérique du sud, et la plupart des guerres s’opéraient par procuration pour les deux Grands. Et un endettement mondial. De même, l’après-monde bipolaire. Après la disparition de l’Union soviétique, « 25 ans de monde unipolaire que l’humanité a vécus, et des guerres tout azimut lancées par les États-Unis dans le monde arabe et passant par l’attentat du World Trade Center (Centre du Commerce mondial) », pour cette donne monétaro-pétrolière vitale pour l’Amérique – qui lui permet de répercuter ses déficits commerciaux sur le monde.

Aujourd’hui, on peut dire que le monde est entré dans une nouvelle phase, « un monde multipolaire. » Allons-nous encore vers des guerres internes dans les pays qui n’ont pas encore assuré leur développement ? Ou vers des guerres d’un nouveau type, « les guerres économiques et financières à des échelles nationales et internationales ? » Et pourquoi, après le rattrapage de l’Occident par l’Asie et l’Amérique du Sud, les pays arabes et d’Afrique ne se développent-ils pas à leur tour ? Surtout que pour ces pays, il n’y a pas d’issue. « Alors, le développement ou la servitude moderne ? » La servitude moderne est une nouvelle forme de colonisation par l’argent, par les capitaux.

Telle est l’équation qui se présente pour ces pays encore en retard d’au moins cinquante ans ! Et ce chiffre est évalué au bas mot. Iront-ils ces pays dans le sens de l’Histoire, ou c’est l’Histoire qui s’en chargera ?

 

Medjdoub Hamed
Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective

www.sens-du-monde.com

 

Notes  :

1. « Le bilan de la Fed passe le seuil des 4.000 milliards de dollars » Par latribune.fr | 20/12/2013
http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20131220trib000802072/le-bilan-de-la-fed-passe-le-seuil-des-4.000-milliards-de-dollars.html

2. http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/Chine/balance-des-paiements-courants.html

3. Tendances monétaires et financières au second semestre 2007-au second semestre 2008- au second semestre de 2009-au premier semestre 2014-au premier semestre 2015
http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes7.htm
http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes5.htm
http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes1.htm
http://www.bank-of-algeria.dz/pdf/notedeconjoncture_n45.pdf
http://www.bank-of-algeria.dz/pdf/nc49.pdf

4. « En Inde, la dégringolade sans fin de la roupie » Le Monde.fr avec AFP, 28 août 2013

http://www.lemonde.fr/argent/article/2013/08/28/en-inde-la-degringolade-sans-fin-de-la-roupie

5. « La Réserve fédérale américaine fait vaciller les pays émergents » par le journal La Croix, le 21 août 2013

http://www.la-croix.com/Actualite/Economie-Entreprises/Economie/La-Reserve-federale-americaine-fait-vaciller-les-pays-emergents

6. « PROSPECTIVE : Pourquoi l’Occident et les pays pétroliers n’échapperont pas à une crise économique majeure ? §6. La déflation, une réponse définitive aux « quantitative easing » », par Medjdoub Hamed

www.sens-du-monde.com , 31 décembre 2012
www.franceculture.fr , 3 juillet 2014

7. « Vers un nouvel ordre monétaire international : Ajustements, crises et douloureuses mutations », par Medjdoub Hamed

www.sens-du-monde.com , 3 mai 2013
www.lequotidien-oran.com , 27 et 30 mai 2013
www.elwatan.com , 12 juin 2013
www.agoravox.fr , 3 mai 2013

8. « La Fed change de cap monétaire  » Journal suisse Le Temps, 17 décembre 2015

http://www.pressreader.com/switzerland/le-temps/20151217/textview

 9. « L'évolution du cours du baril de pétrole et le taux de change euro-dollar
Prospective : un scénario en puissance 2005-2008 », par Medjdoub Hamed Publié. El Watan, le 7 novembre 2005

www.sens-du-monde.com 
www.djazairess.com/fr/elwatan/29599 , 7 novembre 2005

 10. « Pékin n’est pas prêt pour une libéralisation totale du yuan » : l'interview de Jean-Pierre Cabestan pour Le Monde le 28 novembre 2015  » Asia Centre, Mercredi 02 décembre 2015

http://www.centreasia.eu

 


Moyenne des avis sur cet article :  3.25/5   (4 votes)




Réagissez à l'article

4 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 21 janvier 2016 07:06

    Le système économique mondial, est malade de sa « Boulimie » à vouloir faire de l’argent sur n’importe quoi..Les responsables sont les « Bourses », invention machiavélique de l’homme.. !


    • Hamed 21 janvier 2016 12:44

      @Le p’tit Charles

      Que vous dire p’tit Charles. Vous avez raison et vous n’avez pas raison. Je vais essayer de vous répondre et essayer de vous dire que vous avez le doigt sur la plus grande découverte qu’ait fait l’homme, i.e. de cette maladie qui est comme vous dîtes la « machiavéliquement ingénieuse ». Car sans argent, vous n’existez pas et vous ne serez pas là à me lire et moi à vous répondre.
      Parce que chaque geste que vois faîtes coûte de l’argent. Vous mangez coûte de l’argent, il faut acheter pour manger. Vous dormez coûte de l’argent, il faut acheter pour se couvrir et un toit où crécher. Vous rêvez coûte de l’argent, il faut acheter du temps libre pour rêver. Vous allez en vacance coûte de l’argent. Vous êtes au chômage, il faut survivre et cela coûte de l’argent. Vous êtes mort, il faut acheter un cercueil.
      Donc tout ce que vous faîtes dans votre vie n’est que de l’argent que vous transformez pour exister. Même celui qui est humaniste ou fait des dons ne le fait qu’avec de l’argent. Agoravox fonctionne avec de l’argent et demande des aides, et donc a besoin de l’argent pour fonctionner, et je crois que vous êtes un des contributeurs et c’est très bien.
      En Algérie, on veut bien contribuer, mais les cartes de visa pour contribuer même pour un centime n’est pas possible, parce que cela n’existe pas ou si cela existe à quelques parvenus. Cela dit en passant, même aider, il faut avoir de l’argent et pour ce cas beaucoup d’argent.
      Donc tout ce qui existe en l’humain est de l’argent.
      Si dans les siècles précédents notre ère, l’être humain pouvait se passer de l’argent, et vivre à l’état de nature, c’est parce qu’il pouvait, et la terre peu peuplée. Mais il n’empêche que c’était sa force de travail qui lui permettait de vivre qui remplaçait l’argent. Aujourd’hui, tout est partagé dans le monde. Terre, mer, air, peuples, etc. Où l’on va, et que l’on sorte de son territoire, on entre dans les parties d’autrui quel que soit lieu où l’on est. Su air, sur terre, sur air. Dernièrement un sukhoï 24 russe a été abattu par l’aviation turque. Et par des équipements qui ont coûté l’argent.
      Et ces deux pays, par cet accrochage, se disputent pour l’argent qui se trouve en Irak et en Syrie. Et l’argent peut avoir plusieurs formes. Pétrole, domination géopolitique, pétrodollar, bases militaires, etc. La coalition bombarde l’EI aussi pour l’argent.
      Les Bourses occidentales travaillent et spéculent avec et pour l’argent.

      Donc quand vous dîtes : " Le système économique mondial, est malade de sa « Boulimie » à vouloir faire de l’argent sur n’importe quoi..Les responsables sont les « Bourses », invention machiavélique de l’homme.. ! « 
      Ce n’est pas le système économique mondial qui est malade de sa »boulimie« à vouloir faire de l’argent. C’est nous qui sommes malade, i.e. vous, moi, les Algériens, les Français, les Allemands, les Canadiens, les Russes, les Américains, les Ougandais, les Chinois, tous les membres d’agoravox, de facebook, etc., qui sont malades de l’argent.
      Vous vous suffisez avec u n peu d’argent et vous dîtes que le système est malade avec de l’argent, et vous le faîtes avec de l’argent (branché, etc.). Sans l’argent, vous ne pourrez rien faire.

      Donc c’est toute l’humanité qui est malade de l’argent. Beaucoup le sont trop, d’autres moins, etc. Et on fait l’argent sur n’importe quoi. Et c’est parce que l’n fait sur n’importe quoi que L’ON CRÉE DES RICHESSES, QUE L’ON CRÉE DE L’EMPLOI. QUE L’ON APPORTE DU BONHEUR A L’HOMME ET A L’HUMANITÉ.

      QUE FAIT LA BANQUE CENTRAL EUROPÉENNE, ELLE ESSAIE DE FAIRE REPARTIR L’ÉCONOMIE EUROPÉENNE, ET IL FAUT DES DIZAINES DE MILLIARDS D’EUROS.

      ET IL FAUT DIRE MERCI AUX BOURSES , AUX RESPONSABLES DE L’ARGENT, QU’IL CRÉE DE L’ARGENT. ET SI L’HOMME, et L’HUMANITÉ N’EN A PAS SUFFISAMMENT, CECI RELÈVE DE L’ÉTAT DE NATURE DE L’HUMAIN.

      IL NE FAUT PAS QU’IL Y AIT BEAUCOUP D’ARGENT. L’ARGENT QUI FAIT MARCHER LE MONDE AUJOURD’HUI NE DOIT PAS » ÊTRE DÉNATURÉ". SINON, L’HOMME NE POURRAIT TRAVAILLER

      J’espère vous avoir répondu


    • lejules lejules 21 janvier 2016 19:09

      @Hamed
      merci de votre compétence et la clarté de votre article. comme beaucoup de français je suis mal a l’aise avec l’économie. je n’ai pas tout assimilé de votre article j’y reviendrais a tète reposée.

      ceci dit je me pose comme tout un chacun un certain nombre de questions. la 1ere : l’hyper capitalisme est il compatible avec la démocratie ? certes non ! nous sommes dans le meilleur des cas dans une oligarchie, voir dans une ploutocratie qui dérive de plus en plus vers une kleptocratie, système ou les plus mafieux prennent le pouvoir les kirviel, madoff ,et autre banksters nous font perdre la notion même de ce que représente l’argent. je suis en train de réfléchir de comment je vais retirer mon argent des banques depuis l’autorisation que les institutions bancaire ont le droit légal de piquer dans nos compte en cas de manque de liquidités. on se fout de la gueule de qui ?au 21eme siecle ne serait il pas interressant de penser a d’autre formes d’économie,et mettre notre puissance technologique a autre chose que l’intérêt financier. qui provoque des crises cycliques catastrophiques . le système américain ne fonctionne que grâce a la guerre. faut il réinventer le communisme pour continuer a avoir confiance dans l’homme et l’avenir.


    • Hamed 21 janvier 2016 22:37

      @lejules

      Bonsoir Lejules,

      Je viens de lire votre réponse et je vous remercie pour vos mots. Tout d’abord, je suis au regret de vous dire que la démocratie n’est pas tout, n’est pas la fin des problèmes de l’humain. Elle lui permet certes d’avoir voix dans le gouvernement qui s’occupe des affaires de la nation, des problèmes des citoyens, mais l’État national n’est pas libre. Il évolue dans le concert des nations. Et entre nations, il y a le capitalisme. Avant, il y a eu le communisme, mais ce communisme ne pouvait fonctionner durablement, parce que le système était artificiel. Il a fait son temps, et il a été remplacé par un système oligarchique. Que ce soit en Russie, en Chine, c’est le prolongement naturel d’une « Nomenclature » communiste.
      Ce qui n’est pas le cas pour les pays occidentaux qui vivent réellement la démocratie. Mais même la démocratie est une étape de l’histoire puisqu’elle fait la part belle comme vous dîtes à la "ploutocratie qui dérive de plus en plus vers une kleptocratie, système ou les plus mafieux prennent le pouvoir les kirviel, madoff ,et autre banksters nous font perdre la notion même de ce que représente l’argent."
      Mais malheureusement cet hyper-capitalisme est nécessaire, parce qu’il répond aux enjeux du monde. Il y a une guerre économique, financière et monétaire entre les grandes puissances tant des pays démocratiques occidentaux que pays oligarchiques nés des pays ex-communistes. Et donc une concurrence acharnée mais qui n’est pas visible, seulement sentie par le chômage, la chute des salaires, des transferts sociaux, enfin tout court, personne n’est assuré de son emploi ni de son avenir. Même les retraités, en cas de coup dur, ne sont pas à l’abri même s’ils ont travaillé toute leur vie.
      Le système capitaliste est ce qu’il est, le problème n’est pas de réinventer le communisme, on ne réinvente pas le passé. Le monde tout entier se dirige vers le libéralisme, ou si vous voulez le capitalisme. Sauf que le capitalisme est dans un certain sens dévoyé pour des raisons historiques et de l’hétérogénéité des régimes politiques dans le monde.
      Par conséquent, il faut que l’histoire se passe, il faut que l’hétérogénéité des régimes politiques soit dépassée, et qui dit régime politique dit système financier. Et cela va demander encore des décennies. Mais, en attendant, l’homme fait avec les systèmes politiques présents. Que vous soyez en Europe, aux États-Unis ou en Chine, ou ailleurs. L’homme doit vivre son temps, comme les hommes des années 1910 à 1950 ont vécu deux Guerres mondiales.
      Espérez l’homogénéité des systèmes politiques et économiques si ce n’est pas pour vous parce que ça ne va pas venir rapidement, espérez-le pour les générations à venir.

      Cordialement

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Hamed


Voir ses articles



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité