Est-ce l’avion qui s’est écrasé ou les pilotes ?
Mardi 24 mars 2015 crash de l'A320 de GermanWings, compagnie low cost de Lufthansa.
Le vol Germanwings 4U 9525 de Barcelone à Düsseldorf a subi un accident au-dessus des Alpes françaises. Ce vol était opéré par un Airbus A320 et transportait 144 passagers et six membres d’équipage.
Des mesures sont prises aussitôt :
- les chaînes de TV de journaux en continu répètent qu'elles ne savent rien et embrayent, puisqu'il faut bien meubler, sur les sentiments et sur des « C’est terrible, c’est un drame épouvantable. ». A défaut d'information, le journal devient une série à l'eau de rose, emplie de clichés, de situations sans réelle surprise et de sentiments très conventionnels
- et toujours dans la série « rose », voici le président qui entre deux entrevues avec sa supérieure, pardon avec la chancelière allemande, recevait par hasard le roi d'Espagne : « C’est un deuil que nous devons éprouver car le crash s’est produit sur notre sol ». Un avion qui part d 'Espagne pour l'Allemagne et s'écrase en Suisse, ça ne nous touche pas. Mais dans les Alpes françaises !
- En pleine campagne électorale, c'est le moment de donner la parole au président du conseil général, qui n'a aucune responsabilité autre que ne pas avoir aplani la montagne, et encore ce n'est pas sûr que ce fût suffisant,
- puis c'est l'annonce de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur en charge de tout ce qui se meut et stationne sur le sol public, et donc de l'avion qui y demeure, et de Ségolène Royal ministre de l'écologie concernée par l'ouverture de cette nouvelle décharge sauvage
- Vient la question qui taraudait tout le monde : puisque le roi d'Espagne a écourté son séjour à Paris, qu'est devenu après son annulation le dîner d'État de 200 personnes pour Felipe VI ? Il n'a pas été perdu, « Tout ce qui peut être stocké est resté dans les cuisines de l'Élysée », précise-t-on au palais présidentiel. En revanche, « tout ce qui doit être consommé » rapidement en raison de la préparation « est donné à la Banque alimentaire ». Le Figaro nous apprend que « du côté de la banque alimentaire Paris-Île-de-France, une bénévole confirme avoir « entendu parler » d'une telle opération « au sujet des desserts », sans disposer de davantage d'informations. « Hier, nous avons été contactés en ce sens », confirme lui aussi le responsable de l'entrepôt où sont stockées les aliments, mieux informé des arrivées de stocks. « Ils devaient nous recontacter mais on n'a pas eu de nouvelles », précise-t-il. Alors quelqu'un a-t-il oui ou non avalé ses 200 repas ?
- Parmi toutes les réactions, la plus rapide est venue de Stéphane Guillon qui a tweeté : « On me dit que l'Airbus de la compagnie Germanwings avait été affrété par TF1 pour la saison 2 de Dropped. C'est une connerie ? »
J'espère que les élèves journalistes décortiquent l'événement et son traitement par leurs aînés bardés de diplômes et de certitudes et habitués des projecteurs des studios de diffusion.
- Un événement tragique : on ne sait rien, mais on parle jusqu'à plus de salive, au prix de mélanger les terme « décrochage » et « descente prononcée » ou les minutes et les secondes dans les explications, au risque de provoquer une crise cardiaque d'un auditeur pilote.
- Faute d'information, on fait du sentimental, au moins on tient le micro à l'antenne et la ménagère en haleine. Le plus important est la relation ménagère avec son pouvoir d'achat et la publicité. Quand les éléments se raréfient, on suppose, on invente des hypothèses, on évoque des faits anciens. Mais il faut continuer à parler. Et on en vient à parler du dérisoire, et on fait mine de s'indigner de l'humour noir d'un provocateur professionnel.
- Mais, attention mes petits élèves, on peut dire du mal d'une personne, de sa manière de s'habiller, de son lapsus, mais il ne faut pas ébranler le système en parlant de l'image déchue du pilote de ligne.
Jadis le pilote et l'hôtesse de l'air étaient des icônes de la société :
- lui était l'homme avec la prestance de l'uniforme, les honneurs des diplômes et la magie de la technologie
- elle était la femme-objet sublimée, belle forcément dans son tailleur chic, elle transcendait le rôle de femme au foyer en exerçant le métier de femme de ménage dans l'univers confiné des carlingues qui l'emmenaient dans des lieux exotiques aux noms enchanteurs.
Aujourd'hui, le métier d'hôtesse s'est tellement démocratisé que des hommes l'exercent, même si aucun mot français n'en a voulu et qu'il a fallu faire venir le mot « steward », un immigré anglais.
Le job de pilote de ligne a perdu de sa superbe et les jeunes doivent passer sous les fourches caudines des compagnies low cost et des contrats léonins. Pour voler, il faut avoir des heures de vols. C'est le serpent qui se mord la queue. Le jeune est prêt à solder son salaire pour voler.
Ce n'est pas assez.
Il en est réduit à payer pour voler.
La pétition publiée le 3 septembre 2014 est toujours en ligne https://secure.avaaz.org/fr/petition/p2f_must_stop/?pv=85
« Nous vous écrivons afin de porter à votre connaissance une pratique qui consiste à vendre à des pilotes de ligne (ou d'hélicoptère) des blocs d'heures de vol sur avion ou hélicoptères multi-pilotes.
Il est scandaleux qu'un pilote doive payer de 30 à 80 000 euros pour voler 300 à 1200 heures sur un Airbus 320 ou Boeing 737 avec 150 personnes a bord.
En effet, toute personne achetant un billet de transport à une compagnie aérienne s'attend, à juste titre, à être confié à des pilotes professionnels employés et payés par la compagnie, c'est à dire avec un statut de travailleur rémunéré.
Il doit être rappelé qu'un pilote de ligne doit posséder au minimum une licence commerciale pour piloter un avion de ligne avion classé "multi-pilotes".
Cette pratique consistant à faire payer les équipages, connue sous le nom de "pay to fly" (p2f) soulève donc la question de la responsabilité effective du pilote qui paie pour voler. Dans le cas (normal) où le pilote est rémunéré, son salaire achète entre autre le fait qu'il assume la responsabilité du vol et sa sécurité. En renversant le sens du flux financier, la compagnie se place en position de fournisseur de service pour le pilote payant. Ceci amoindrit ou annule l'endossement de responsabilité par le pilote avec des conséquences implicites sur le niveau de sécurité du vol.
... »
Est-ce que le pilote du crash de mardi dernier avait payé pour voler ?
Etait-il endetté ?
Avait-il décidé d'en finir avec cette vie études-boulot-dettes et d'emmener ses passagers dans ce qu'on appelle un monde meilleur ?
Peut-être.
Peut-être pas.
Mais la question des conditions de travail des pilotes doit être posée.
Comme la condition de non-travail en cette semaine de publication du nombre de chômage.
3 millions et demi approximativement.
Est-ce que le 5 millionième gagnera un poste d'expert auprès du ministre du travail ?
Références :
https://secure.avaaz.org/fr/petition/p2f_must_stop/?pv=85
https://www.germanwings.com/fr.html
- Un Airbus A380, qui vole bien, comme presque tous les avions de cette marque
- http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Airbus_A380_blue_sky.jpg
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