Oui, je sais, ça ne se fait pas entre gens de bonne compagnie, mais putain : ON VOUS L’AVAIT BIEN DIT, MERDE ! Ce qui nous tombe sur le coin de la gueule n’est pas une surprise quand même ? Quand on porte au pouvoir des suppôts du grand Capital, faut pas chouiner ensuite si on n’a pas le droit à une politique de Mère Thérésa !

Ça, pour chouiner, ça chouine dans les chaumières. D’ailleurs, le peuple n’est pas content, il le montre bien dans... les sondages ! Hou, hou, je sens que les sbires du Medef qui nous servent de gouvernants sont tout marris d’un tel désamour. Et comme ils ont mal à leur gentille petite popularité toute mignonne... ils se lâchent sans vergogne et mènent leur programme d’atomisation sociale kärsher battant ! D’ailleurs, ils auraient tort de s’en priver, vu l’apathie affligeante de leurs victimes. On nous balade, on nous raconte tout et son contraire, on nous fait les poches un plus profond chaque jour et... rien ! Rien de rien. Ça couine un peu, ça fait la trogne dans les sondages tout pourris, ça se serre la ceinture un cran de plus, ça rentre la tête entre les épaules, ça courbe le dos et ça continue comme en 40 !

Pourtant, les mecs ne font même plus l’effort de cacher le fait qu’ils se foutent ouvertement de notre gueule et qu’ils sont juste là pour nous achever.

Prenons le travailler plus pour gagner plus, au hasard. Le slogan tout pourri qui a fait rêver les crevards qui se cassent le cul au Smic pour rembourser leur clapier Bouygues acheté au prix d’un joli mas provençal des années 90. Ça s’est traduit par les heures sup’ au prix des heures normales pour les patrons et à leur défiscalisation pour les prolos... Parce que, bien sûr, les prolos, ils ont super peur des impôts ! C’est sûr qu’on a toujours plus peur des choses qu’on ne connaît pas ! Bref, les heures sup’ au prix de gros, les patrons ne s’y sont pas trompés : maintenant, quand je vais sur le site de l’ANPE, je dirais qu’une offre sur deux (dans mes domaines de compétence pour le moins !) annonce clairement la couleur : 39 heures hebdo !

Ha bon ? Je croyais que la durée légale du travail est et restera 35 heures ? Ben oui, la durée légale du travail, c’est le seuil à partir duquel se déclenche le paiement les heures sup’... enfin, leur défiscalisation, ce qui fait une belle jambe aux Smicards ! D’ailleurs, je m’en souviens très bien, Fillon l’avait juré la main sur le cœur en décembre dernier :

L’objectif est de permettre aux employeurs d’allonger la durée hebdomadaire, avec l’aval des salariés. Les mesures en vigueur l’autorisent déjà, mais Matignon les juge trop complexes. "Attention, il ne s’agit pas de remettre en cause la durée légale", précise-t-on dans l’entourage de François Fillon. Les 35 heures, qualifiées d’"acquis social" par Nicolas Sarkozy, resteront gravées dans la loi.

Le Journal du dimanche, 30 décembre 2007

Cela dit, il est déjà clairement question de déroger à la loi commune par des accords de branche... mais... est-ce moi qui suis mitée du neurone, où n’y avait-il pas un dispositif dans le Code du travail qui prévoyait justement qu’un accord collectif ne pouvait être plus défavorable au salarié que la loi générale ? Ce qui est logique, d’ailleurs, parce que, sinon, à quoi sert la loi, si elle ne garantit même plus un panier de droits planchers ?
Maintenant, il sera difficile de vérifier ce point précis, puisque depuis sept jours, nous avons un nouveau Code du travail tout neuf et tout propre qui doit probablement permettre de graver ce que l’on veut dans la loi et de se torcher allègrement avec ensuite.

Parce que maintenant que nous dépendons d’un joli Code du travail tout neuf, le discours a légèrement changé :

Nous avons engagé la libération du travail avec une première étape qui est la défiscalisation des heures supplémentaires, a déclaré le Premier ministre, pour qui ça n’est qu’une première étape vers l’objectif qui est le nôtre, qui est de sortir définitivement du carcan des 35 heures.

Le Nouvel Obs, 6 mai 2008

Comme quoi, il suffit de ne plus avoir d’objectif électoral en vue pour que les masques tombent (encore qu’ils ne trompaient que les aveugles, sourds et muets à la fois !) et que commence à franchement bien se dessiner le bout du chemin.

Le dos de ton voisin

Dans le même fil de la pensée malsaine, revenons sur l’énième attaque contre les chômeurs. À raison d’un tour de vis supplémentaire tous les six mois en moyenne depuis des années, si cette politique de guerre totale aux chômeurs et précaires était efficace, ça se saurait...

Sauf qu’elle est efficace ! Ça dépend juste pour qui et dans quel sens. Car les salariés encore en poste sont tellement hypnotisés comme des lapins dans les phares d’un camion qu’ils ne voient toujours pas que chaque clou planté dans les poignets des chômeurs est un clou de mieux pour leur cercueil social à eux ! Faut bien dire que la plus grande victoire du gouvernement Sarko-Fillon et ce sont eux qui s’en vantent en plus, c’est d’avoir réussi à nous pondre dans la tête leurs idées malsaines :

François Fillon s’est félicité lundi matin qu’au terme de sa première année au pouvoir l’exécutif ait "emmené les Français sur le terrain idéologique" de la droite.

Le Premier ministre a affirmé sur France Info avoir "une satisfaction, une très importante satisfaction, c’est d’avoir fait changer la nature des débats dans notre pays". Il a notamment cité la réforme des heures supplémentaires "qui a remplacé" le débat "sur le partage du travail", l’autonomie des universités "qu’on pensait bloquée à tout jamais" et les régimes spéciaux de retraite.

"Tous ces sujets-là, c’étaient des sujets sur lesquels le débat était organisé autour de la thématique qui était la thématique de la gauche. On a emmené les Français sur le terrain idéologique que nous souhaitions", a-t-il ajouté.

AFP, 5 mai 2008

Ainsi donc, les chômeurs vont devoir travailler n’importe comment pour gagner moins. Le mythe de la feignasse a la couenne dure, mais pas aussi dure que le cortex cérébral du travailleur pauvre qui ne voit pas que l’effet boomerang n’en finit pas de saper son propre intérêt, qui ne fait pas du tout, du tout le lien entre la coercition renforcée anti-chômeurs qui consiste pour l’essentiel à les forcer à bosser pour des salaires et des conditions indignes, et le fait que la population de travailleurs pauvres et précaires explose, que les classes moyennes ont un pied dans la dèche et l’autre qui glisse salement.

La rationalité économique dans ta gueule

Les entreprises se gardent bien de produire à perte, mais la pression sur les chômeurs devrait les conduire à systématiser ce type de comportement, comportement qu’ils ont déjà normalement, en dehors de toute forme de contrainte, tant leur condition de chômeur est pesante et aliénante. Parce que 30 km travail-domicile, ça représente 60 km/jour, soit 300 km/semaine, 1 200 km/mois. Tu ajoutes à cela le prix d’achat et l’entretien du véhicule, pas sûr que pour un job à 800 €, ce soit vraiment un choix rationnel. Eh oui, en moyenne, l’indemnité chômage des pas tout à fait 50 % de chômeurs qui touchent encore quelque chose de l’Unedic, c’est 800 €/mois. Donc, on peut les forcer à bosser pour cette somme à 30 km de chez eux.

Et ceux qui ne touchent rien, on peut les forcer à bosser à l’œil, aussi, pendant qu’on y est, non ? Héhé, ça vous semble couillon, non ? Et pourtant...

D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le père Fillon songe déjà à revenir vers la dégressivité de l’indemnisation chômage, celle à laquelle nous avions fini par échapper en échange d’une réduction drastique de la durée totale d’indemnisation (de 60, à 36, puis très rapidement 23 mois maxi !). Toujours la stratégie de la hache de pierre : on rogne sur la durée en échange de la non-dégressivité, puis on revient sur la dégressivité sans améliorer la durée ou le taux de substitution. Deux fois niqués pour le même prix. Comme avec les 35 heures, les retraites, la santé et tout le bordel.

Et, pendant ce temps, la bonne idéologie nauséabonde qui consiste à nous dépouiller de tout continue à faire son petit bonhomme de chemin dans l’esprit même de ceux qui en sont victimes : nous allons crever la bouche ouverte, mais ce sera de manière sacrificielle, pour l’avènement futur d’un monde meilleur. Nos petits corps meurtris serviront de marchepied aux générations futures... enfin, surtout celles qui bénéficieront du bouclier fiscal, en fait, mais cela n’est pas dit dans la chanson...

Plus nous accepterons, plus nous supporterons, plus ils nous enfonceront la gueule dans la merde avant de se repaître de nos dépouilles et de celles de nos enfants.

C’est bien cela que tu veux ?

C’est pour cela que tu as voté ?

C’est pour cela que tu te lèves chaque matin ?