Explication de la bataille d’Alésia (suite 4)
Non, je n’ai pas de mérite particulier à comprendre certaines batailles antiques un peu mieux que d’autres ; le mérite en revient à la formation militaire que j’ai reçue. Non, je n’ai pas de mérite particulier à comprendre le latin de César un peu mieux que d’autres ; le mérite en revient à mes anciens professeurs férus d’humanités. Non, je n’ai pas de mérite particulier à interpréter un peu mieux que d’autres les témoignages de l’archéologie ; le mérite en revient à tous les anciens auteurs dont j’ai lu les ouvrages. En revanche, j’ai le grand mérite d’avoir beaucoup réfléchi, beaucoup travaillé, et d’avoir publié mes travaux, et cela en dépit de multiples difficultés, obstacles et hostilités.
Il y a toutefois un problème ; je ne suis pas bien d’accord avec le projet équivoque du futur muséoparc d’Alésia. Si mon explication de la bataille est bonne, c’est celle-là qu’il faut présenter, sinon qu’on en présente une autre. Profiter de l’ancienne polémique pour faire un battage médiatique et demander aux enfants des écoles et aux visiteurs béats de faire eux-mêmes leur choix, me voir jugé sur ma mine dans une galerie de portraits, exposé comme un singe savant à côté d’une prétendue latiniste et d’un archéologue imbu de sa science, non, très peu pour moi !
De l’oppidum, on voit tout le champ de bataille. Dès que l’armée de secours est en vue, on se rassemble, on s’embrasse et la joie éclate dans les cœurs.
Les assiégés viennent prendre position devant l’oppidum <4>. Ils lancent des claies dans le fossé le plus proche et le comble avec tout ce qui leur tombe sous la main. Ils se préparent à tenter une sortie générale.
Les légionnaires se portent aux emplacements de combat qui leur ont été fixés les jours précédents, sur les deux lignes de défense <5>.
La cavalerie romaine sort alors des camps <6> et attaque. Les soldats qui s’étaient retirés dans leurs camps <7> sur les hauteurs, suivent avec attention les péripéties du combat et en attendent patiemment l’issue.
Les Gaulois avaient disséminé au milieu de leurs cavaliers des archers et des fantassins armés à la légère. Leurs cavaliers reculent-ils, ils arrivent aussitôt derrière pour les aider. Quand les cavaliers romains chargent, ils tirent sur eux et brisent leur élan. Ils en mettent ainsi un certain nombre hors de combat.
De toutes parts, les Gaulois placés en spectateurs, voyant que les leurs prennent l’avantage, les encouragent par des clameurs et des hurlements. Aucun exploit, aucune lâcheté ne peuvent passer inaperçus. L’amour de la gloire et la crainte du déshonneur forcent les courages.
Le soleil se rapproche de l’horizon et le combat qui dure depuis midi est toujours indécis. Alors, les Germains se forment en escadrons serrés ; ils chargent sur un seul point. Ils repoussent les cavaliers gaulois qui s’enfuient. Ils entourent les archers et les massacrent. De toutes parts, les Romains se précipitent et ils les poursuivent jusqu’à leurs camps sans leur laisser le temps de reprendre leurs esprits.
Au milieu de la nuit, ils sortent en silence de leurs camps et se dirigent vers les retranchements de la plaine <1>. Ils poussent soudain une grande clameur pour signaler leur approche aux assiégés. Ils amènent au plus près les fascines pour combler les fossés. Ils sortent leurs frondes et leurs arcs. Ils accablent les défenseurs du retranchement sous une grêle de pierres et de traits. Ils se préparent à donner un assaut en règle.
Les Romains se portent aussitôt aux emplacements de combat <2>. Avec des piques, avec des pieux, avec des frondes, ils repoussent les Gaulois ou les tiennent à distance.
On se bat dans le noir. Des deux côtés, les blessés ne se comptent plus. Les javelots s’envolent des machines à jet multiple. Les officiers supérieurs romains prélèvent des renforts sur les garnisons des redoutes <2> et les envoient sur les points menacés...
Lorsque les Gaulois se trouvaient assez loin du retranchement, la multitude de leurs traits leur donnait l’avantage. Mais quand ils se rapprochaient, ils mettaient les pieds sur les aiguillons, ils glissaient dans les trous et s’empalaient sur les pieux. Ou bien, ils étaient frappés à mort par les pilum lancés du haut des tours et des remparts.
Couverts de blessures, n’ayant pu franchir nulle part le retranchement, craignant une attaque sur leur flanc droit, ils se retirèrent au lever du jour.
De l’autre côté, les assiégés avaient transporté à pied d’œuvre le matériel qu’ils avaient préparé en vue de leur assaut. Ils comblèrent les premiers fossés, mais s’étant attardés trop longtemps dans l’exécution de ces tâches, ils n’étaient pas encore arrivés au retranchement <4> quand, en face, leurs compatriotes abandonnèrent la partie. Sans avoir rien tenté, ils retournèrent sur l’oppidum.
Ils interrogèrent les gens du pays pour bien repérer l’emplacement des retranchements et des camps romains.
Il y avait au nord une hauteur que les Romains n’avaient pu englober dans leurs lignes, en raison de son étendue <1>. Les camps de deux légions <2> s’y trouvaient sur un terrain légèrement en pente et dans une situation peu favorable. Après avoir fait reconnaître les lieux, les chefs que nous avons précédemment nommés donnèrent l’ordre de trier 60 000 hommes parmi ceux dont les cités avaient la plus grande réputation de valeur militaire. Ils se mirent ensuite d’accord en secret sur un plan d’action. Après avoir fixé l’heure H à midi, ils donnèrent le commandement des troupes à l’Arverne Vercassivellaunos...
Il sort du camp à la tombée de la nuit <3>. Sa marche s’achève à l’aube derrière la montagne <4>. Il s’y cache. Il ordonne à ses soldats de se reposer des fatigues de la nuit. Avant qu’il ne soit midi, il se met en route en direction de son objectif <5>.
Vercingétorix, du haut de la citadelle d’Alésia <8> aperçoit les troupes en marche. Aussitôt, il sort de l’oppidum. Il fait avançer les fascines, les panneaux de protection, les faux de guerre et tout ce qu’il a préparé pour l’assaut.
Il engage le combat partout à la fois. Ses troupes montent à l’attaque de tous les ouvrages de défense. Si un endroit paraît moins bien défendu, elles s’y portent en masse. Devant tant de points à défendre, les Romains placés aux remparts <9> courent en tous sens, et leur tâche devient de plus en plus difficile. En outre, la clameur qui s’élève dans leur dos les effraie, car ils se rendent compte que leur salut dépend des défenseurs de l’autre retranchement et ne sachant ce qui s’y passe, ils en sont profondément troublés.
Quant à César, il s’est installé sur une bonne position <10>. Il suit partout le déroulement des opérations. Il envoie des renforts à ceux qui se trouvent en difficulté <11>.
Des deux côtés, on se rend compte que le moment est unique et qu’il faut redoubler d’efforts. Les Gaulois savent que tout est fini pour eux s’ils n’arrivent pas à percer les retranchements. Pour les Romains, c’est la fin de leurs misères s’ils les en empêchent.
Au nord, les hommes de Vercassivellaunos, profitant de la pente favorable du terrain, mettent en grand péril les défenses romaines <12>. Les uns, par rafales successives, lancent leurs traits, tandis que les autres s’avancent dans la formation de la tortue. Sans cesse, des troupes fraîches remplacent les troupes fatiguées.
Tout ce qu’ils trouvent sur le sol : bois, pierres, terre, branches, ils l’arrachent ; ils comblent les trous, recouvrent les pièges, avancent sur le corps des morts et se lancent à l’assaut des remparts.
Les Romains ont jeté contre eux tous leurs javelots ; leurs réserves sont épuisées ; les armes leur manquent. Ils sont au bord de la défaillance physique : ils n’en peuvent plus.
Ayant été informé de la situation, César envoie Labiénus à leur secours avec 6 cohortes <13>. Il lui donne comme consigne de faire une sortie, s’il n’est plus possible de résister sur le retranchement, mais seulement si c’est vraiment indispensable. De sa personne, il se rend auprès des combattants <14> ; il les conjure de surmonter leur défaillance. Il leur crie qu’en ce jour, à cette heure, ils tiennent entre leurs mains l’acquis de tous les combats précédents.
Sur l’autre front , les assiégés, désespérant de l’emporter dans la plaine en raison des fortifications qui y étaient redoutables, se tournent vers les pentes abruptes pour les attaquer <15>. Ils transportent là tout leur matériel. Ils lancent contre les tours une véritable pluie de javelots. Les défenseurs qui s’y trouvent basculent dans le vide. Ils comblent les fossés. A l’aide de faux de guerre, ils arrachent palissade et parapet.
César envoie le jeune Brutus avec ses cohortes, puis le légat Fabius avec d’autres <16>. Le combat atteint une rare violence. César en personne, prend la tête des troupes de renfort et les conduit au combat <17>.
Ayant rétabli la situation et repoussé les Gaulois, il court vers Labiénus <18> ; il prend au passage quatres cohortes dans la redoute la plus proche. Il donne l’ordre qu’une partie de la cavalerie le suive et que l’autre contourne les retranchements extérieurs et attaque l’ennemi dans le dos <19>.
Labiénus <20>, voyant que ni le rempart ni les fossés ne peuvent arrêter le déferlement des vagues gauloises, tire des postes voisins 39 cohortes. Il envoie à César un officier de liaison pour lui dire ce qu’il pense faire.
César précipite sa marche. Il veut participer à la bataille. On le reconnait à la couleur de son manteau de général qu’il a l’habitude de porter au combat. On aperçoit les escadrons de cavalerie et les cohortes dont il s’est fait suivre <18>. Il descend la pente. Sur les hauteurs <12>, les Gaulois l’ont vu. Ils se rassemblent et ils donnent l’assaut en poussant un cri terrible. Du rempart et des fortifications <20>, une autre clameur leur répond aussitôt. Les Romains abandonnent le pilum et mettent l’épée au poing.
Soudain, les Gaulois aperçoivent la cavalerie adverse qui leur arrive dans le dos <19>. Ils voient également toutes les autres cohortes qui débouchent sur le champ de bataille.
Ils décrochent et se replient. Les cavaliers courent à leur rencontre et ils en font un grand carnage. Sedullus, chef et “Premier” des Lémovices est tué. Vercassivellaunos est fait prisonnier. On apporte à César 74 enseignes...
D’une armée si nombreuse, bien peu rentrèrent au camp sans blessure. Les observateurs de l’oppidum <21>, voyant le massacre et le désastre subi par leurs compatriotes <12>, désespérant de leur salut, rappelèrent leurs troupes <15>. De l’autre côté des lignes romaines, les Gaulois abandonnèrent les camps <22> et s’en allèrent. Il s’agit des camps romains de la plaine et non des camps gaulois de l’armée de secours qu’on a imaginés sur les hauteurs de Mussy-la-Fosse, énorme erreur de confusion, de traduction et d’interprétation qui a fait dire aux historiens que les Gaulois s’étaient sauvés de leurs camps sans combattre et qui les a empêchés de comprendre dans toutes ses phases la complexité de cette grande bataille.
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