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Festival et canicule. Comment veux-tu... Comment veux-tu...

Ça y est. Nous y sommes. Avignon-la-Sensuelle, alanguie au bord du Rhône et cambrée sous les caresses du mistral, s'apprête à s'ouvrir et à s'offrir pour son grand rut de l'été. Une lune durant la belle va se donner sans retenue, de tous ses pores de pierres, de toutes ses ruelles, de tous ses cloîtres, de toutes ses places, de tous ses patios mystérieux, de tous ses forums, de tous ses lieux scéniques à son dévorant amour estival  : le Festival.

Troisième monument historique de la cité papale, après le célèbre Palais et le non moins fameux Pont-Saint-Bénézet, le Festival - premier d'Europe - draine vers l'intérieur du collier de pierres blondes des remparts une foule cosmopolite et bigarrée d'artistes et de touristes, d'intellos et de clodos, de saltimbanques et de rêveurs, de poètes et de voleurs, tous attirés comme les éphémères par la flamme vers cette scène planétaire de l'illusion théâtrale, ce grand marché du rêve.

La cité est une énorme caisse de résonance où s'entrechoquent les musiques et les cultures, le drame et la comédie, le rire et les pleurs.

Les Avignonnais ont une approche contradictoire de leur Festival. Lorsqu'ils sont à l'extérieur de leur ville, ils ne tarissent pas d'éloge sur lui. Et à les entendre pérorer, tous ont bu le pastis avec Jean Vilar, joué aux boules avec Gérard Philippe où mangé l'aïoli avec Jean-Pierre Darras. Ils sont fiers de ce monument virtuel même si beaucoup n'y mettent jamais les pieds.

Pourtant, lorsque juillet annonce le grand chambardement, les Avignonnais, en masse, fuient leur ville chérie, l'abandonnant pour une lune entière aux hordes lutéciennes et franchimanes, outre-quiévrines et bataves, albioniennes et tudesques, helvètes et transalpines, ibères et lusitaniennes, africaines et orientales, américaines et nippones. Ils retrouveront plus tard leur ville, cette somptueuse salope comblée, apaisée et fécondée par les semences mêlées de ses milliers d'amoureux de l'été.

Si tu y passes en été, ami, quand le soleil-lion de juillet écrase la ville de sa chape incandescente, quand les lancinantes stridulations des cigales font vibrer les vertes toisons aériennes des grands platanes, quand les monuments, les livrées et les tours semblent fumer sous la tremblante réverbération des murs gorgés de lumière, va faire un petit pèlerinage païen sur la fameuse place de l'horloge. Lorsque le soleil cru ne permet plus que le mouvement des langues dans les bouches, assied-toi à l’abri délicieux de ces grands platanes aux larges poitrines, dont les bras jamais taillés dressent jusque dans les hauteurs du ciel des toisons miraculeuses d’ombres vertes qui sentent l’anis, bruissantes de la symphonie lancinante des cigales et cigalons.

Sur cette agora, en buvant le pastis, tu peux savourer les trésors que t’offre Avignon-le-Belle, t’enivrer de la vie qui l’enfièvre, essayer de découvrir l’âme de la Provence à travers les Avignonnais, leur art de vivre, leurs légendes, leur cuisine, leurs vins, leurs divertissements, leurs festivals. Avec en prime ce sens inné, naturel, de la palabre, du geste, de la “ tchatche ”, propre à tous les peuples de la Mare Nostrum.

Moi, j'ai déjà fui vers les Hautes Terres où le vent léger chante dans les sapins, les épicéas, les grands frênes et les boulots compliqués. Où les vaches aux grands yeux en amande se prélassent, alanguies et opiniâtres pour refaire et refaire encore leur repas. Où le moindre pas dans les hautes herbes soulèvent des gerbes bruissantes de sauterelles et de grillons. Où, là-haut, les grandes buses planent et tournent, ponctuant leur vol de sifflements brefs et impératifs, voulant dire aux autres rapaces : attention, ici, c'est chez moi ! Puis en voilà une qui plonge, flèche de vie agressive, et saisit entre ses serres un de ces rats-taupiers qui pullulent.

Moi, j'ai installé mon « bureau » - un hamac ! - entre deux sapins et je glande ! Je glande ! Je glande ! J'écoute pousser l'herbe, je goûte le vent, je compose avec le soleil. Et je laisse mes pensées s'évader et se perdre dans des prairies de rêves cosmiques.

Glander : un bonheur réservé à cette élite somptueuse  : les fainéants !

 

Photo X - Droits réservés

 


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6 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 1er juillet 2015 10:30

    Excellente description de la « Cour des miracles » de cette ville pendant cette sarabande infernale...+++++


    • Trelawney 1er juillet 2015 11:32

      La ville d’Avignon est classée 251eme sur les 321 zones d’emploi analysées avec un taux de chômage qui est de 13% en 2014 alors qu’il était de 9% en 2008 pour un total de 10 146 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi, contre 9 400 en 2013.

      Je doute que ces derniers aillent faire un tour dans cette énorme caisse de résonance où s’entrechoquent les musiques et les cultures, le drame et la comédie, le rire et les pleurs


      • Le p’tit Charles 1er juillet 2015 12:56

        @Trelawney...La faute à l’immigration tout simplement...faut bien nourrir ses parasites...


      • Trelawney 1er juillet 2015 13:35

        @Le p’tit Charles
        faute à la désindustrialisation


      • Le p’tit Charles 1er juillet 2015 14:33

        @Trelawney...En partie en effet..mais pas que.. !


      • juluch juluch 1er juillet 2015 16:35

        Pas mal le titre......et texte bien sur.  smiley


        merci pour le partage Victor

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