• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Francophonie, du colonialisme au chauvinisme linguistique

Francophonie, du colonialisme au chauvinisme linguistique

Cette semaine sur France Culture, on a côtoyé le pire comme le meilleur. Le meilleur, c’était lors du documentaire « Sur les docks » du lundi 8 octobre, intitulé « Je ne parle pas la langue de mon père ». L’écrivaine franco-algérienne Leïla Sebbar, en quelques mots admirables, décrivait la non-transmission par son père de sa langue maternelle, l’arabe. Ce dernier, instituteur dans l’instruction publique française de l’Algérie coloniale, avait en effet fait le choix de refouler sa langue dans le cadre familial, et ainsi d’éduquer ses enfants en français :

« Dans sa langue, il aurait dit ce qu’il ne dit pas dans la langue étrangère. Il aurait parlé à ses enfants de ce qu’il était. Il aurait raconté ce qu’il n’a pas raconté. Non pas de sa vie à lui, un père ne parle pas de sa propre vie à ses enfants. Non, de sa vie il n’aurait pas parlé. Mais les histoires de la vieille ville marine, les légendes, les anecdotes, le petit homme rusé qui se moque des puissants et ça fait rire les faibles, les pauvres. Il aurait raconté les ancêtres, le quartier. Vérité et mensonge. Il aurait ri avec ses enfants dans sa langue, et ils auraient appris les mots de gorge, les sons roulés, répétés, articulés encore et encore. Maître d’école dans sa maison. Ensembles ils auraient déchiffré, récité, inscrit sur l’ardoise noire les lettres qu’ils ne savent pas tracer. »

A travers la non-transmission de la langue, c’est une culture et une histoire que l’on condamne à l’oubli. En d’autres termes, priver un peuple de sa langue conduit à lui fermer les portes de sa propre culture et de son histoire :

- (réalisatrice) « Qu’est-ce que votre père ne vous a pas transmis, sa langue oui, mais beaucoup plus, ce que vous dites dans ce livre… »

« Oui, je crois que c’est davantage. Et puis on sait qu’une langue, c’est une civilisation, sur des siècles, et des siècles. Et dire... priver quelqu’un d’une langue, quand il s’agit d’une langue paternelle ou maternelle, si on parle de langue maternelle, on dit la première langue. On dit la langue du corps, de la mère ou du père. Et donc l’absence de la langue c’est l’absence de tout l’arrière pays, de toute l’histoire depuis très très très longtemps. Et je crois que mon père, je ne suis pas sûre qu’il l’ait su, qu’il me privait de tout cela. »

Derrière l’apparence du choix raisonné et assumé, se dévoile l’aliénation coloniale sous sa facette linguistique :

« Je pense que ce n’était pas du tout prémédité. Je pense quand même que c’était une certaine volonté mais je crois qu’il a été très… très touché par la colonisation. Quand je dis touché, ça veut dire entamé… entamé. Et d’une certaine manière il n’a pas échappé aux effets de la colonisation en Algérie. »

Avec une sentence à laquelle je souscris personnellement, étant malheureusement trop conscient qu’une vie ne me permettra pas de récupérer complètement la langue dont on m’a privée :

« une langue que l’on n'apprend pas à la maison, on ne l’apprend jamais »

Puis France Culture nous a offert le pire, ce matin vendredi 12 octobre, dans l’émission « Les enjeux internationaux ». Le thème abordé était celui de la francophonie, le prochain sommet de cette organisation se préparant à Kinshasa. Le présentateur de l’émission, Thierry Garcin, est docteur d'État en science politique, habilité à diriger des recherches, et il a publié de nombreux articles et ouvrages, dont Les Grandes Questions Internationales depuis la chute du mur de Berlin (Economica, 2è ed, 2009). Excusez du peu. Et son invité était pour l’occasion Dominique Hoppe, président de l’assemblée des fonctionnaires francophones des organisations internationales (AFFOI).

 Le texte de présentation sur le site de l’émission donne le ton :

« Parler une langue étrangère, c’est se plier à son mode de penser. 

En quoi l’affaiblissement du français dans les organisations internationales réduit-il le pluralisme non seulement linguistique mais aussi intellectuel et politique. »

Le premier sourire est esquissé. Dénonciation du phénomène de domination d’une langue sur l’autre, défense du pluralisme linguistique… comme on dit en breton, ar pouthouarn a lâr d’ar chaodourenn eo du he revr, ou la marmite dit au chaudron que son cul est noir.

Dominique Hoppe dresse un tableau alarmant de la situation du français dans les organisations internationales. Il y constate une « dégradation des pratiques linguistiques ». L’ « anglais hégémonique » relègue le français comme langue « périphérique utilisée de temps à autre ». Présentateur et interviewé surenchérissent alors dans la défense du français, cette « grande langue de littérature » décrite comme supérieure à l’anglais dans le domaine du droit.

Les méfaits du monolinguisme anglais sont pointés du doigt (sans que le monolinguisme français ne soit lui jamais interrogé dans le cadre hexagonal) :

« En réduisant tout cela à une langue unique on amène les gens à penser de façon simpliste. Et la pensée unique n’est bonne pour personne. »

Tout chauvinisme linguistique est cependant balayé d’emblée par le haut fonctionnaire d’un revers de main. La défense du français dans les institutions internationales doit être considérée comme relevant d’un juste combat pour la diversité culturelle :

 « On n’essaye pas de défendre le français pour défendre le français. On essaye de défendre le français pour apporter une forme de diversité linguistique, culturelle et conceptuelle. »

La formule est bien évidemment creuse, et Thierry Garcin précise lui ce que l’on entend, dans les milieux intellectuels français, par diversité linguistique :

« le fait de défendre et de promouvoir le français doit s’accompagner de la défense et de la promotion aussi d’autres grandes langues ».

Tout est dit ou presque sur la façon dont on conçoit en France le pluralisme linguistique : ce dernier ne doit concerner que les « grandes langues ». Dans la question suivante, le présentateur s’en prend directement aux langues minoritaires, avec une incurie qui laisse pantois :

« Et puis il y a toute la question en Europe, mais ça on n’a pas le temps d’en reparler mais il faudra le faire, c’est de ce qu’on appelle les langues régionales, minoritaires, jusqu’aux patois qui paraît-il sont des langues, et ainsi de suite, et alors là, étant donné la mode ou plutôt la tendance lourde vers les indépendantismes régionalistes en Europe, Ecosse, Catalogne et ainsi de suite, c’est encore un facteur de fragilité des grandes langues. »

Rappelons que ce monsieur est « docteur d'État en science politique, habilité à diriger des recherches ». D’après lui donc, les langues minoritaires sont avec l’anglais parmi les principales menaces pour « les grandes langues ». On hallucine. De même, on est éberlué devant le mépris étalé. Thierry Garcin stigmatise les « patois », utilisant un terme clairement péjoratif et leur déniant ostensiblement le statut de langue. Ceci alors que la linguistique en fait des langues à part entière (« langue : tout système linguistique servant à communiquer ») et que la plupart des linguistes récusent catégoriquement le terme de « patois », considéré comme non scientifique. D’après le socio-linguiste Jean-Pierre Cavaillé, « ce mot [patois] est bien chargé de tout le mépris et de toute la condescendance sociale possible, en même temps qu’il pèse tout son poids de mépris et de condescendance linguistiques. »

La réponse du président de l’ « assemblée des fonctionnaires francophones » prolonge les élucubrations de Thierry Garcin. La langue minoritaire est pour lui vecteur de repli sur soi identitaire :

 « Absolument oui, le grand écart devient de plus en plus périlleux et ce n’est qu’une des dimensions. Vous savez les rétractions culturelles qui peuvent s’exprimer par ce genre de positionnement, elles signifient aussi qu’on est de moins en moins enclin à vouloir comprendre l’autre dans sa différence et vouloir s’enrichir de sa différence. »

Puis se monsieur poursuit sans rire sur la dérive technocratique des institutions internationales, qui serait, si l'on suit bien l'enchaînement logique, la conséquence d’un régionalisme exacerbé, ou au moins d’un pluralisme linguistique trop étendu (on en revient à nos « grandes langues » et à leur légitimité) :

« Or une organisation internationale, c’est une entité qui par sa nature doit représenter une multitude de gens différents, et si ces gens différents ne sont plus capables de s’écouter, de travailler ensemble ou d’avoir des velléités d’avancer côte-à-côte, alors les organisations internationales continuent à faire leur travail. Simplement elles le font par leurs propres décisions. Si les décideurs, ceux qui doivent gouverner l’orientation que prend l’organisation ne sont plus là pour décider de rien, parce qu’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les objectifs, nous, en interne, on a la compétence intellectuelle de faire nos propres choix. Et c’est un grand danger, parce que la douce direction de devenir des technocratie autogérées ayant un avis particulier sur le service qu’elles doivent rendre, c’est pas tout à fait le sens de la mission qui nous était au départ allouée. »

Sauf que, précédemment dans l’interview, ce même haut fonctionnaire associait dérive technocratique et monolinguisme croissant des institutions européennes :

 « et donc les organisations internationales, notamment européennes, ont tendance à devenir un peu des technocraties mono-culturelles, mono-linguistes »

Vous n’y comprenez rien ? Moi non plus.

Ou plutôt si. Il y a quelques aspects essentiels à retenir de ces lamentations, très largement partagées dans l’élite intellectuelle française. D’abord, le désarroi devant le recul du français à l’international (chouette !). Ensuite, l’hostilité à l’anglais et aux langues minoritaires. Enfin, l’insupportable morgue à brandir les principes de pluralisme et de diversité linguistique pour revendiquer à l’échelle internationale ce qui est refusé aux défenseurs des langues régionales dans le cadre hexagonal.


Moyenne des avis sur cet article :  3.33/5   (12 votes)




Réagissez à l'article

16 réactions à cet article    


  • Revan 15 octobre 2012 10:27

    si défendre sa langue natale contre l’anglais est du chauvinisme alors je suis l’être le plus chauvin au monde


    • Romain Desbois 15 octobre 2012 10:47

      Et je pense comme vous.

      De plus je suis convaincu que la meilleure façon de défendre sa langue maternelle est militer pour l’instauration d’une langue internationale neutre.
      Ca fait plus de cent ans que nous avons la solution : l’espéranto.


    • jef88 jef88 15 octobre 2012 12:31

      idem pour moi !

      il me semble que la « pensée unique » est surtout véhiculée par l’anglais ......


    • taktak 15 octobre 2012 10:52

      Et donc ? Car si le résumé qui est fait de l’émission semble pour le moins assez clair :
      le français est en voie de disparition des institutions internationales (on pourrait ajouter en voie de disparition tout court) remplacé par l’anglais porteur de la pensée unique des élites de la mondialisation ( en un mot les marchés...). Qui plus est les langues régionales sont utilisées par ces mêmes élites non pas pour défendre la diversité linguistique (sinon elles ne promeuveraient pas le tout anglais) mais pour attaquer les langues dont le nombre de locuteurs et l’influence est encore suffisantes pour porter une pensée et une culture différente de celle du wall street english.

      Où l’auteur souhaite t il donc en venir ? car tel qu’il s’exprime, on a l’impression qu’il souhaite la disparition du français au profit du tout anglais, français qui serait selon lui bien coupable d’étouffer la diversité linguistique que l’anglais et notamment de mettre en danger les langues régionale.

      Il me semble au contraire que la défense au niveau mondiale des grandes langues, garantissant le principe du pluralisme linguistique dans les institutions internationales est une des conditions de la sauvegarde de l’ensemble des langues, y compris celles comprenant peu de locuteurs. Car une fois l’anglais imposé partout comment pourra t on défendre ces « petites langues »...
      Enfin, il me parait manichéen de traduire défense du français = chauvinisme alors qu’il s’agit là avant tout de défendre la diversité des langues (y compris le français) afin de défendre la diversité des points de vues. N’oublions pas que la langue des élites impose les idées des élites.

      Pour finir, j’ai proposé un article sur le sujet hier matin à la modération, article qui apporte un autre éclairage sur le sujet avec notamment une analyse faite par plusieurs association de la langue française. J’espère qu’il pourra être publié rapidement afin d’alimenter le débat nécessaire et intéressant sur cette question.


      • voxagora voxagora 15 octobre 2012 13:37

        .

        Vous vous demandez où l’auteur souhaite donc en venir,
        et que vous avez l’impression qu’il souhaite la disparition du français au profit de etc..

        Le mot « souhait » a à voir avec le vouloir, la volonté, apparemment consciente et maîtrisée,
        de faire passer une idée cohérente dans un discours qui se veut objectif sur la langue.

        Mais un discours véhicule un au-delà des mots pris dans un seul sens, 
        ce qui a fait dire à René Char : « Les mots disent de nous ce que nous ignorons d’eux ».

        Personnellement, et c’est une théorie que j’assène chaque fois que l’occasion s’en présente,
        notamment sur la question du refus de l’école en général par certains élèves :
        ils sont ds une nécessité de refuser l’école, et par là les apprentissages véhiculés par notre langue,
        parce qu’ils ont mangé le discours de haine envers la-france-les-français.

        Et quand vous parlez de la langue française en écrivant 
        « l’auteur .. on a l’impression qu’il souhaite la disparition du français .. qui serait coupable .. »
         Je dis moi, que si cet auteur a assimilé le français comme langue, il rejette toujours le français comme être, et qu’il ne sortira de ce conflit psychique que s’il le veut bien, que s’il veut sortir de la haine.
         





      • PaotrGarz PaotrGarz 15 octobre 2012 18:57

        Trop succinctement :

        Contrairement au breton et aux autres langues de l’hexagone, le français n’est absolument pas menacé en tant que langue vivante. Cela fait une différence majeure. Ce qui effraie nombre de français est le recul de leur langue au niveau international. On ne peut absolument pas, par conséquent, assimiler défense d’une langue régionale (on parle de survie de langues en l’occurrence) et défense du français à l’international (qui relève en partie d’une question de prestige). Parler d’éradication du français relève largement du fantasme. Parler d’éradication des langues régionales est juste une constatation.

        Concernant la réduction de la pluralité linguistique, elle est avant tout le fait de politiques étatiques. Ce n’est pas l’anglais, ou le globish si vous voulez, qui a quasiment rayé de la carte l’occitan ou le breton, mais bien le français.

        Quant à la montée des nationalismes régionaux, je pense au contraire qu’ils font partie dans la plupart des cas d’une aspiration à plus de démocratie (notamment sociale et culturelle) face à l’autoritarisme des Etats (Ecosse, Catalogne, Pays Basque, Galice...). D’autre part, si la xénophobie peut parfois être concomitante à la montée de ces nationalismes (Flandres), il ne me semble pas au vu des résultats électoraux en France qu’on puisse en faire une spécificité de la montée des nationalismes régionaux. Sur l’Europe, si l’époque actuelle marque un recul net de l’idéal qui l’animait il n’y a pas encore si longtemps, il n’en reste pas moins que cette institution a permis des avancées, notamment dans l’avènement de l’idée d’un fédéralisme européen qui dépasserait les autoritarismes (et antagonismes) étatiques.


      • PaotrGarz PaotrGarz 15 octobre 2012 13:30

        Je précise mon point de vue. D’une part, il est assez « irritant » de constater que la plupart des défenseurs du français réclament à cor et à cri quelque chose qu’ ils dénient dans le cadre français aux défenseurs des langues minoritaires (pluralité linguistique, etc.). D’autre part, ce qui les gêne tant à l’international (l’anglais dominant, la pensée unique libérale, etc.), ne les gêne pas le moins du monde en France (où langue unique ... et pensée unique vont de paire, on songe par exemple à l’adhésion générale au modèle d’Etat unitaire et centralisé qui fait partie de la pensée unique « à la française »).

        Enfin, il est quand même assez comique de constater que le français a rayé, ou est sur le point de rayer de la carte la diversité linguistique de l’hexagone, et que certains l’érige malgré cela en dernier défenseur des langues minoritaires... curieux paradoxe. Personnellement, étant confronté à la lente disparition de ma langue, le breton, peu me chaut l’avenir du français... Juste retour des choses, non ?


        • taktak 15 octobre 2012 14:05

          @ PaotrGarz, trop rapidement

          Sur la première partie de votre réponse, je suis assez d’accord. A une différence près, c’est qu’à l’heure actuelle la langue française est au français (y compris les locuteurs bretons) ce que le bretons et bien des langues régionales pouvaient être pour ces locuteurs il y a bien des décennies : leurs langue principale de communication. C’est là un fait, résultat d’un histoire que l’on peut sans aucun doute critiquer.

          Sur la seconde, c’est bien là notre point d’opposition. Vous nous dites que vous tenez pour responsable le français de la disparition de votre langue le breton et que de ce fait vous souhaitez sa disparition. Premièrement, au vu de la langue par laquelle vous vous adressez à nous dans votre article, je crois pouvoir vous faire remarquer que le français est également votre langue. A ce titre, je ne comprend pas pourquoi vous ne feriez pas un effort de défense similaire pour le français, combat tout aussi légitime que la défense du breton (et de l’ensemble des langues). Deuxièmement, il me semble modestement que ce n’est pas le français qui est en train de rayer de la carte la diversité linguistique, non pas seulement de l’hexagone, mais de la surface du globe, mais bien le globish. Comment par exemple envisager l’enseignement sérieux des langues régionales, quand les politiques préconise l’apprentissage de l’anglais (et exclusivement de l’anglais) dès la maternelle ?

          Pour finir, on peut comprendre le ressentiment vis à vis d’un état centralisateur imposant la pensée unique des élites. Mais plus que l’état centralisateur, c’est bien la politique autoritaire d’élites imposant leurs desiderata linguistique (avant hier le latin, hier le français, aujourd’hui l’anglais...) afin de mieux propager leur pensée unique qu’il faut blâmer.
          J’insiste, il me semble que c’est de l’intéret de la Nation de défendre la langue française ET les langues régionales, langues du peuple, contre la langue « des maitres » qu’est le globish.
          Mon raisonnement vaut pour le français, mais il vaut également pour l’italien, l’allemand.....
          Je suis convaincu qu’en défendant le français en tant que langue du peuple, on peut mener aussi de façon concomitante et coordonnée celui de la défense des langues et cultures régionales.
          On ne peut que reconnaitre que s’il est idiot de vouloir éradiquer les langues régionales, il est idiots d’éradiquer le français au profit d’une soit disant langue internationale qu’est l’anglais.

          Enfin, il me semble que vous tombez dans le piège tendus par nos élites européennes, à savoir jouer les particularismes régionaux pour diviser les nations. Outre qu’il peut s’agir là d’un jeu dangereux (voir le cas de la belgique, de l’Italie, de l’espagne) réactivant potentiellement la xénophobie, il s’agit surtout du traditionnel diviser pour mieux régner. Car si les états ont tout à perdre de ce morcellement (et derrière eux leurs peuples), rien n’indique que les particularismes régionaux s’en porteraient mieux, eux qui se retrouverait face à un adversaire tout aussi « unitariste » mais bien plus gros.

          Pour donner un exemple, si le régionalisme peut permettre de fragmenter le droit du travail en conduisant par exemple à du dumping social en Bretagne, rien n’indique que la reconnaissance en échange de la langue bretonne ne se traduirait pas par le fait que les élites régionales -euro-compatibles- imposent partout l’anglais de la commission, un anglais bien plus hégémonique encore que le français. Qu’est ce que le peuple français y aurait alors gagné ?


        • jef88 jef88 15 octobre 2012 14:20

          @taktak
          d’accord !
          exemple de division : l’opposition flamand-français en Belgique


        • Krokodilo Krokodilo 15 octobre 2012 16:41

          Non, votre première langue, c’est le français, si j’en juge par l’article. Et il a fallu arriver au bout pour en comprendre le sens, un énième papier sur le thème l’anglais pour tous (notamment dans l’UE) et les langues régionales pour chacun :

          « D’abord, le désarroi devant le recul du français à l’international (chouette !) »

           D’accord que nombre de défenseurs de la francophonie nient la part de post-colonialisme qu’il y a dans l’aire linguistique du français, mais la défense de ses propres intérêts est humaine : aucune raison d’accepter de gaîté de coeur une UE devenue anglophone, tournant le dos au soi-disant plurilinguisme de départ. 
          Il y a effectivement un certain parallélisme entre l’Europe anglophone écrasante et le français en France, sauf que l’adoption du français comme langue nationale est maintenant très ancienne, que bien peu de personnes pratiquent réellement les langues régionales, même dans les zones les plus militantes, et que nous avons conscience (sauf vous) qu’une langue commune est bien pratique au quotidien. En outre, la question de l’anglais voit s’opposer les intérêts de pays, et non des régions.
          Personnellement, je soutiens la défense de la francophonie (pourquoi se montrer plus honteux du passé que les anglophones ?) et l’espéranto comme langue entre les peuples et leurs langues. 

        • PaotrGarz PaotrGarz 15 octobre 2012 18:22

          Ma première langue est effectivement le français, mais c’est une langue que j’ai déchoisie par un processus conscient. Je l’utilise de façon strictement utilitariste et d’ailleurs, ce n’est pas cette langue que je transmets à mon jeune fils mais le breton.

          Deuxièmement, je ne nie absolument pas qu’il faille une langue commune. J’ai juste la conviction qu’auraient pu cohabiter en France une langue commune et des langues régionales, et que le bilinguisme langue nationale/langue régionale aurait pu être quelque chose de normal et valorisé. Il n’en a pas été ainsi, les langues régionales ont historiquement été perçues comme un obstacle à l’unité du pays. Comme vous le dites, tout a été fait pour que « très peu de personnes pratiquent réellement les langues régionales ». 


        • PaotrGarz PaotrGarz 15 octobre 2012 18:55

          Trop succinctement :

          Contrairement au breton et aux autres langues de l’hexagone, le français n’est absolument pas menacé en tant que langue vivante. Cela fait une différence majeure. Ce qui effraie nombre de français est le recul de leur langue au niveau international. On ne peut absolument pas, par conséquent, assimiler défense d’une langue régionale (on parle de survie de langues en l’occurrence) et défense du français à l’international (qui relève en partie d’une question de prestige). Parler d’éradication du français relève largement du fantasme. Parler d’éradication des langues régionales est juste une constatation.

          Concernant la réduction de la pluralité linguistique, elle est avant tout le fait de politiques étatiques. Ce n’est pas l’anglais, ou le globish si vous voulez, qui a quasiment rayé de la carte l’occitan ou le breton, mais bien le français.

          Quant à la montée des nationalismes régionaux, je pense au contraire qu’ils font partie dans la plupart des cas d’une aspiration à plus de démocratie (notamment sociale et culturelle) face à l’autoritarisme des Etats (Ecosse, Catalogne, Pays Basque, Galice...). D’autre part, si la xénophobie peut parfois être concomitante à la montée de ces nationalismes (Flandres), il ne me semble pas au vu des résultats électoraux en France qu’on puisse en faire une spécificité de la montée des nationalismes régionaux. Sur l’Europe, si l’époque actuelle marque un recul net de l’idéal qui l’animait il n’y a pas encore si longtemps, il n’en reste pas moins que cette institution a permis des avancées, notamment dans l’avènement de l’idée d’un fédéralisme européen qui dépasserait les autoritarismes (et antagonismes) étatiques.


        • Krokodilo Krokodilo 15 octobre 2012 19:05

          Il y a aussi le problème de nos propres limites : le bilingusime national+ régional, auquel il faudrait ajouter une (ou deux ?) langues « internationales », dont probablement l’anglais mais aussi la langue du pays voisin (selon les recommandations européennes), ça fait beaucoup ! La majorité des gens n’ont pas envie d’apprendre des langues étrangères, ils ont déjà pas mal de soucis de boulot, de logement, d’éducation des enfants, etc. Même l’anglais, c’est le plus souvent par obligation professionnelle, comme dans les écoles d’ingénieur ou de commerce. D’où l’avantage d’une langue simple et équitable comme l’espéranto, pour que le plus grand nombre dispose d’un moyen de communication. Les arguments en faveur des langues régionales sont recevables, souvent sympathiques, mais voilà, sur le plan pratique, c’est super-compliqué : combien de milliers d’enseignants en plus à recruter ?


        • taktak 15 octobre 2012 21:44

          @ paotrgarz

          C’est votre avis que la langue française n’est pas menacé en tant que langue vivante. Pour moi il l’est. Et il l’est exactement de la même façon que le breton a été « éliminé » par le français : par le choix d’une élite, qui pour propager sa pensé impose sa langue en particulier dans les domaines techniques ou savant.

          Ainsi, il est obligatoire maintenant pour un chercheur, un ingénieur, un commercial, un médecin, etc.... de publier, de lire l’anglais. C’est là le début de la mort d’une langue, mort d’autant plus rapide que les évolutions techniques, les échanges sont rapides

          Pour des linguistes aussi
          par exemple Claude Hagege : http://www.lexpress.fr/culture/livre/claude-hagege-imposer-sa-langue-c-est-imposer-sa-pensee_1098440.html


        • Romain Desbois 16 octobre 2012 00:34

          Je crois que justement le fait que l’on utilise une langue maternelle comme langue internationale permet à un chercheur anglophone de lait de commencer à bosser pendant que les autres doivent bosser leur anglais pour pouvoir bosser plus tard ... difficilement en anglais.

          L’espéranto résout ce problème en mettant tout le monde sur le même pied d’égalité.

          Sur un autre plan aussi, j’ai constaté que beaucoup , loin de maitriser l’anglais le défendent tout de même comme langue internationale. J’y voyais une incohérence . Et puis je me suis rendu compte c’est qu’en fait l’anglais est pour eux un ascenseur social, le signe d’une élite qu’on espère un jour faire partie (la difficulté de l’apprendre renforce le phénomène). Comme ceux qui défendent les riches en rêvant un jour de faire partie du clan.

          Et l’espéranto offre donc au peuple la possibilité d’acquérir une langue facilement, sans frais (l’anglais est un business et le coût de l’apprentissage fait barrage au peuple).

          Je pense que l’espéranto et les langues régionales mènent un même combat (d’ailleurs énormémment d’espérantistes parlent une langue régionale).


        • RBEYEUR RBEYEUR 17 octobre 2012 13:28

          ALLEZ MESSIEURS LES « CENSEURS » DE L’ADMINISTRATION AGORAVOX,  REGALEZ VOUS !!!!!

          Que vient faire l’« écrivaine » dite « franco-algérienne » Leïla Sebbar ?
          Selon moi un écrivain est par essence universel, qu’il soit algérien, français, ou autre….
          Alors quid d’une  « 
          écrivaine franco-algérienne » ?
          Pourquoi pas un « écrivain somalien-anglais-burkinabé-français-wolof-chinois-souahili-espagnol-arabe-sanscrit-hébreu-ect.  » ?

          L « écrivaine (dite) franco-algérienne » Leïla Sebbar, qui se présente comme la fille d’un instituteur de l’Algérie « coloniale » qui refoulait sa langue maternelle (arabe) pour éduquer ses enfants en français, a écrit un livre intitulé « Je ne parle pas la langue de mon père » où elle y pleure que son père n’a pas pu  lui dire dans sa langue de colonisé (le français) ce qu’il lui aurait pu lui dire dans sa langue maternelle (l’arabe).
          D’où l’immense chagrin de cette pauvre chérie qui ne trouve pas d’autre endroit que les antennes de France Culture pour y épancher son inconsolable douleur plutôt que les antennes d’Algérie Culture….
          Curieux non ?
          Cela étant on comprend tout à fait son désespoir.
          En effet, que de chefs d’œuvres immenses, à côté desquels les prix Nobels de littératures ne seraient que des entrefilets, n’auraient-elles pas publiés si elle avait reçu une culture maternelle arabe ?
          Mais, plus sérieusement, étant donné que les érudits et savants de l’islam ont jugé que la langue de Châteaubriant et de Voltaire était impropre à la lecture du coran puisque seul l’arabe littéraire acquis en langue maternelle en est digne, on comprend aussi le désespoir religieux de notre écrivaine (dite) franco-algérienne    

          Maintenant si l’on regardait un peu ce qu’il se passe en Algérie ?
          Quel est le destin en Algérie de la langue Tamazight (langue Kabyle) langue de la nation Berbère, véritable peuple autochtone du Maghreb qui fut colonisé par les arabes au 9° siècle ?
          Rappelons que le peuple Kabyle est le véritable peuple algérien et que, par conséquent, la langue Tamazight est la véritable langue nationale algérienne….

          Alors, à quelle langue s’adresse l’écrit inséré dans l’article : « …Et puis on sait qu’une langue, c’est une civilisation, sur des siècles, et des siècles. Et dire... priver quelqu’un d’une langue, quand il s’agit d’une langue paternelle ou maternelle, si on parle de langue maternelle, on dit la première langue. On dit la langue du corps, de la mère ou du père. Et donc l’absence de la langue c’est l’absence de tout l’arrière pays, de toute l’histoire depuis très très très longtemps. Et je crois que mon père, je ne suis pas sûre qu’il l’ait su, qu’il me privait de tout cela… » ?

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

PaotrGarz

PaotrGarz
Voir ses articles







Palmarès