Gare à Victoria Nuland !
Formellement les États-Unis ne participent pas au processus du règlement au Donbass (connu en tant que Minsk-2), mais en fait ils y jouent un des rôles déterminants, en agissant directement sur Kiev. Victoria Nuland est un personnage clef de ce schème, et surtout un personnage bien influent et dangereux.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Victoria_Nuland
http://en.wikipedia.org/wiki/Victoria_Nuland (en anglais, plus détaillé)
Mentionnons la conversation téléphonique entre Victoria Nuland and Geoffrey Pyatt, ambassadeur des ÉU en Ukraine, le 4 février 2014, dix-sept jours avant le coup d’État ukrainien :
http://www.youtube.com/watch?v=WV9J6sxCs5k (sous-titré en anglais)
Victoria Nuland parle des protagonistes de la crise et de la formation du prochain gouvernement ukrainien, comme si elle dépendait de l'issue de cette discussion, les noms d'Arseniy Iatseniouk désigné sous le pseudonyme de « Yats » et de Vitali Klitschko (« Klitsch ») revenant plusieurs fois dans la discussion (qui serait plutôt un monologue nulandien aux instructions, Pyatt n’intervenant que pour dire « Okay »).
À partir de 2:45 Nuland dit à Pyatt :
“Ah, I can’t remember if I told you this or if I only told Washington this, but when I talked to Jeff Feltman [at the UN] this morning, he had a new name for the UN guy – Robert Serry. […] He’s now gotten both Serry and [UN Secretary General] Ban Ki-moon to agree that Serry could come in Monday or Tuesday. So that would be great, I think, to help glue this thing and to have the UN help glue it and, you know… f..k the EU”.
La dernière phrase signifie en français : “De sorte que cela [l’arrivée du représentant de l’ONU Robert Serry] serait favorable, je pense, à arranger cette affaire et à obtenir l’aide de l’ONU pour l’arranger, et, je pense… [avec animation et véhémence soudaines] pour enc… l’UE ! »
À bon entendeur européen : cette femme aux yeux couleur gris d’acier, censée être un simple fonctionnaire moyen du Département d’État (des ÉU), qui distribue, avec tant de bonhomie et de complaisance, des petits fours de son paquet de polyéthylène (incarnant le sac du Père Noël) aux manifestants sur le Maïdan de Kiev, est en fait en train d’enc… avec rage et en connaissance de cause (s’ayant munie préalablement de vaseline prêtée gentiment par Ban Ki-moon et autres fonctionnaires de l’ONU) vous tous, avec vos présidents et vos monarques, vos chanceliers et vos députés.
C’est comme ça que « cette affaire de l’Ukraine » a été « arrangée » (« glue »)… Les petits fours servis par Nuland n’étaient en fait que des résidus de 5 milliards de dollars versés par les ÉU pendant des années pour que « la démocratie triomphe en Ukraine ». La démocratie à l’étasunienne, bien sûr. Avec des « Yats » et des « Klitsch » (beaux sobriquets pour ces sous-ordres de néocons !) amenés au pouvoir. (À noter que les européens, eux, n’ont été honorés d’aucun petit four nulandien, même de miette.)
Le blogueur russe Evguéniy Kroutikov met en garde ses lecteurs de ne point voir Mme Nuland d’un œil satirique, comme une telle « dame aux petits fours ».
http://www.vz.ru/politics/2016/1/21/789704.html (en russe)
Les collègues européens de Nuland depuis longtemps caractérisent son style de gestion d’affaires comme « trop droit », « irréfléchi » et « pas diplomatique ». Pourtant à Washington on la considère justement comme diplomate de carrière, quoique la plus grande partie de sa carrière (d’ailleurs, directement liée à l’URSS et à la Russie) elle s’occupait non de la diplomatie, mais de l’idéologie.
Nuland travaillait successivement dans les deux administrations, démocrate et républicaine. Malgré la proximité évidente des vues et l’intimité avec Hillary Clinton, elle s’acquittait de sa tâche du temps du vice-président Dick Cheney. Elle gardait toujours son style de contact – brusque, parfois même brutal (lorsqu’il s’agissait de ses collègues européens). Elle énonçait ouvertement ce qui n’était pas admis à énoncer selon les règles diplomatiques. C’est qu’elle ne pratiquait pas de diplomatie telle quelle, mais portait au monde une idéologie spécifique dont le contenu exigeait l’attitude impériale envers des « partenaires subalternes ». Finalement, elle est devenue une superstar dans l’ « establishment » de Washington, mais en même temps le personnage le plus haï dans celui de l’Europe.
La transformation de Nuland en personnage principal de la diplomatie étasunienne sur l’arène européenne a eu lieu d’une façon plutôt fortuite. Son chef direct, Wendy Sherman, le sous-secrétaire d’État chargé de questions politiques, s’est plongé pleinement, durant des années, dans le problème nucléaire iranien, de sorte qu’il n’avait pas le temps ni forces de s’occuper de tout le reste. De ce fait la gestion de tous les problèmes européens était remise à Nuland, suite à quoi son poids administratif et son importance ont décuplé. En surplus on lui a laissé toute latitude, ce qui lui a permis de s’occuper non de la diplomatie, mais de l’idéologie, avec laquelle elle essaie jusqu’à présent de réformer la planète entière.
L’auteur de cette idéologie était son mari Robert Kagan, chef de file des néo-conservateurs et cofondateur avec William Kristol du think tank Project for the New American Century (PNAC, Projet pour le Nouveau Siècle Américain). Le PNAC pose en principe fondamental la considération selon laquelle le « leadership américain est à la fois bon pour l'Amérique et bon pour le monde » et apporte son soutien pour une « politique reaganienne de puissance militaire et de clarté morale ». Parmi les « pères fondateurs » du projet on peut citer Richard Perle, Paul Wolfowitz, James Woolsey, Elliott Abrams et John Bolton. C’étaient ces gens-là qui ont de facto déclenché la deuxième guerre en Irak. Avant cela ils avaient terrorisé l’administration de Clinton par des « lettres ouvertes » et par des « estimations d’experts ». Clinton n’a pas envahi l’Irak, car l’ONU y a opposé son veto, et à l’époque l’administration démocrate tâchait d’estimer les lois internationales. Par la suite les participants du projet et Robert Zellick qui s’est rangé de leur côté sont devenus les idéologues de l’invasion en Irak sous Bush-fils, et leurs documents écrits pour l’administration du Président (p. ex., leur projet de réorganisation des forces armées), devenaient tout de suite des « instructions d’agir » pour le pouvoir exécutif. C’étaient justement Kagan et Perle qui ont formulé le principe de responsabilité inexistante de Saddam Hussein de l’acte terroriste de 9/11 : « même en absence de preuves directes de participation du pouvoir irakien aux actes terroristes, toute stratégie visant l’extermination du terrorisme et de ses sponsors doit comprendre des mesures pour la révocation de Saddam Hussein de la présidence en Irak ; l’inaptitude d’entreprendre telles mesures sera considérée en tant que la défaite dans la guerre contre le terrorisme international ». Ce qui signifie : d’abord on tire, ensuite on regarde sur qui on a tiré. Et pour quelle raison on a tiré, cela n’a déjà aucune importance.
En fait ce groupe dirige de l’ombre, durant une vingtaine d’années, la politique extérieure étasunienne et vient d’atteindre le sommet de son influence.
Victoria Nuland a raconté dans une interview qu’elle s’était éprise de son futur mari après leurs « causeries au clair de la lune » sur le rôle des ÉU dans le monde contemporain, sur son fardeau de responsabilité du pays élu devant la civilisation entière, sur la mise en œuvre de ces idées à coup de la diplomatie et de la guerre.
Actuellement Nuland est le seul fonctionnaire de l’administration étasunienne à appeler les alliés européens à livrer l’armement à l’Ukraine. La position officielle de la Maison Blanche reste la même : aucune livraison de l’armement létal, vu l’absurdité de cette entreprise (du point de vue du Pentagone, on a beau prêter l’armement à Porochenko, car de toute façon il ne saura pas résister à la Russie). Mais c’était justement Nuland qui a tenu en Allemagne, en compagnie de Philip Breedlove, le commandant des troupes étasuniennes en Europe, le briefing secret pour la délégation de membres du Congrès, au cours duquel elle essayait de les convaincre d’adopter la loi sur la livraison de l’armement létal à l’Ukraine contre la volonté du Président Obama en se guidant sur les « intérêts suprêmes ».
Le Congrès n’a pas, heureusement, adopté cette loi, mais Victoria Nuland la fanatique devient un personnage très dangereux pour la paix en Europe, surtout après la présidence d’Obama.
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