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Grand Débat National : Les citoyens français doivent réinventer leur environnement politique

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La République « indivisible » est ébranlée par de profondes fractures sociales, communautaristes, territoriales qui se répercutent sur la perception des institutions par les citoyens : déficit de proximité de plus en plus des services publics, échecs des politiques d’aménagement du territoire (banlieues, zones périurbaines…), centralisation des décisions, éloignement (social) des représentants.

La crise économique opposant les victimes des difficultés économiques et sociales et les « nantis » dont feraient naturellement partie les élites politiques, se traduit par un désengagement de la vie politique, qui peut aller jusqu’au rejet des institutions. Elle corrobore la thèse d’un pouvoir politique devenu impuissant et alimente la défiance des citoyens vis-à-vis de la parole politique en mettant en évidence un décalage entre les promesses électorales et la situation vécue par la population.

N'est-ce pas notre Constitution qui est responsable de bien des difficultés politiques actuelles ? Ne devient-elle pas un handicap à une nécessaire évolution vers plus de participation et un meilleur équilibre des pouvoirs ? Que faire alors ? Aller jusqu'à une VIe République ? Malgré ses succès et ses métamorphoses, née en bravant la démocratie parlementaire, elle continue de défier la démocratie des citoyens. Sans doute peut-elle encore durer, mais combien de temps et à quel prix ? « Il y a un accord pour dire que les institutions actuelles sont à bout de souffle et ne permettent plus un exercice responsable et démocratique du pouvoir », analysait Dominique Rousseau.

Selon l’historien Pierre Rosanvallon, la démocratie s’est toujours manifestée à la fois comme une promesse et comme un problème. Promesse d’un régime accordé aux besoins de la société, cette dernière étant fondée sur la réalisation d’un double impératif d’égalité et d’autonomie. Problème d’une réalité souvent fort loin d’avoir satisfait ces nobles idéaux. Le principe de construction électorale de la légitimité des gouvernants et l’expression de la défiance citoyenne vis-à-vis des pouvoirs ont ainsi pratiquement toujours été liés. Dans l’avant-propos du groupe de travail sur le devenir des institutions, le président Bartolone soulignait combien le régime actuel « n’était plus en mesure de répondre aux attentes légitimes des citoyens et des citoyennes. » Et de poursuivre : « De la démocratie découlent, en effet, deux exigences : que le citoyen ait le sentiment que sa volonté politique est pleinement représentée et que cette volonté soit en mesure d’agir sur l’avenir collectif de la Nation. En d’autres termes : que le peuple souverain est maître de son destin. Or c’est bien là où le bât blesse. Nos compatriotes, à l’aube de ce nouveau siècle, pour l’écrasante majorité d’entre eux, ne partagent nullement ce sentiment. De là, l’impossibilité de construire tout nouveau projet commun. »

Ce déficit de confiance aurait pu être compensé par un effort de représentation. C’est l’inverse qui se produit. Le Parlement français reste, même après le renouvellement de 2017, le mauvais élève européen en termes de représentation des ouvriers et employés, des minorités visibles. Les femmes sont mieux représentées mais n’accèdent toujours pas au perchoir ou aux postes de questeurs. Le maintien d’un mode de scrutin majoritaire à deux tours aux élections présidentielle et législatives contribue grandement à ce statu quo, empêchant l’émergence de coalitions gouvernementales, novatrices ou même de majorités d’union nationale susceptibles de légitimer un processus de réformes. Les récentes expériences de grandes coalitions en Allemagne ou en Autriche témoignent d’une flexibilité institutionnelle capable de dépasser les seuls intérêts des partis politiques. Une démocratie représentative peut-elle sereinement affronter des périodes de crise économique lorsqu’elle est incarnée par des élites accusées d’impuissance, voire de myopie à l’égard des priorités publiques ?

Crise économique (dette étouffante, hausse des prix et du chômage...), crise sociale (grogne populaire face aux privilèges, revendication sur le pouvoir d’achat...), et crise politique (incapacité du pouvoir à réformer), le pays est coincé entre l'envie d'améliorer la situation et la peur d'un changement radical pourtant nécessaire à cette amélioration.

Conçue en 1958, dans une période trouble où la France était frappée par la guerre d’Algérie, la décolonisation et la Guerre froide, la Constitution de la Vème République a apporté stabilité et continuité à notre pays.

Dominique Rousseau précise que jusqu’à la révision de juillet 2008, la "Vème République" a connu trois grandes ruptures. En 1962, avec l’élection populaire du chef de l’État. Sans doute, de 1958 à 1962, les circonstances politiques – la guerre d’Algérie – ont-elles imposé un gouvernement présidentiel ; mais, si l’élection parlementaire du président avait été maintenue, la France aurait eu, après de Gaulle, des présidents-arbitres et un gouvernement primo-ministériel. En 1974 ensuite, avec le droit de saisir le Conseil constitutionnel accordé à soixante députés et soixante sénateurs. Sans doute, là aussi, le contrôle de constitutionnalité avait été introduit en 1958 ; mais sa mise en œuvre était laissée à quatre autorités seulement, le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. D’où ce chiffre : 9 décisions de 1958 à 1974 ! En ouvrant les portes du Conseil, le constituant de 1974 ouvrait le contentieux de constitutionnalité et mettait fin au légicentrisme : désormais, la loi n’exprime la volonté générale que si elle respecte la constitution. En 2000 enfin, avec la réduction du mandat présidentiel à cinq ans. Et, plus encore, avec la décision d’inverser le calendrier électoral pour que l’élection présidentielle se déroule quelques semaines avant les élections législatives. L’objectif recherché est d’empêcher toute cohabitation, de souder majorité présidentielle et majorité parlementaire, de fermer toute évolution primo-ministérielle du système politique. La pratique mitterrandienne a entériné et enraciné le caractère présidentiel du régime, les trois cohabitations l'ont suspendue, le quinquennat et la synchronisation des élections présidentielle et législative rendent de telles parenthèses rarissimes ajoute Olivier Duhamel.

Selon Olivier Duhamel, l'efficacité de la Vème est plus grande que dans le parlementarisme de type IVe République, mais moins que dans les autres démocraties majoritaires dirigées par le Premier ministre. Quant à la légitimité, force est de constater que les citoyens adhèrent au présidentialisme même s'ils en raillent les excès et se révoltent occasionnellement contre ses bévues.

 

Le président de la République : l’Etat c’est lui ?

Pour Frédéric Rouvillois, professeur de droit public, la Vème République constitue incontestablement un ersatz de monarchie, le général de Gaulle employait lui-même la formule de « monarchie républicaine ». Il attribuait à l'absence de monarque, de chef, l'abdication de la Troisième République face à l'Allemagne ainsi que l'instabilité permanente de l'IVème. Pendant la Troisième République on a constamment été à la recherche d'un père, d'un chef, de grandes figures naissent : Gambetta, Ferry, Boulanger, Clémenceau… mais ils finissent tous par être avalés, recouverts par le système.

Si la Vème République a pu fonctionner de manière durable et efficace, c'est grâce à une combinaison de République et de monarchie. Raymond Aron parlait d’une « monarchie paternaliste introduite sous couvert de la Constitution de 1958  ». C'est ce qui lui a permis sa grande stabilité et sa légitimité. Les institutions françaises sont solides mais elles nécessitent à leur tête, des personnalités hors norme. On ne peut donc pas être un président "normal" sous la Vème République ; il faut être exceptionnel pour exercer la fonction. Quand le monarque ne fait pas son boulot de monarque, cela donne une raison de plus aux Français d'être nostalgiques, cette fois de la monarchie tronquée de 1958.

La singularité du système semi-présidentiel à la française, caractérisée par la dyarchie du pouvoir exécutif, affaiblit aussi l’exercice du pouvoir et renforce des formes de conflictualité stériles au sommet de l’Etat. Il n’est pas étonnant d’observer la perte de confiance envers le premier ministre lorsque celle accordée au président de la République est à son plus bas.

Dominique Rousseau y voit aussi un régime compliqué. Dans la plupart des systèmes constitutionnels européens, il n’y a qu’une seule institution élue au suffrage universel direct : le Parlement. La légitimité et l’efficacité du gouvernement dépendent donc de cette seule institution. En France, il y a deux institutions élues au suffrage universel direct : le Parlement et le président de la République. D’où la complication pour le gouvernement. Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont eu pour ambition de réduire cette complication en faisant en sorte que les deux élections aient lieu quasiment en même temps.

La révision de 2008 était indispensable pour tenter un rééquilibrage des pouvoirs favorable au Parlement, et, sur quelques points, aux citoyens nous dit Olivier Duhamel. Une réforme de la constitution était et reste nécessaire affirme Dominique Rousseau. Celle de 2008 n’est pas « utile » au regard des objectifs qu’elle se donnait. Moderniser les institutions ? Mais la seule institution qui méritait de l’être parce qu’elle date du XIXème siècle, le Sénat, n’a pas été « modernisée » ! Équilibrer les institutions ? Mais la révision se contente d’enlever des pouvoirs au Premier ministre pour les donner au groupe du parti du président ! Donner des droits nouveaux aux citoyens ? Mais le référendum est d’initiative parlementaire et non pas citoyenne comme on le dit à tort, et le défenseur des droits un moyen de supprimer des institutions qui fonctionnent ! La seule réforme intéressante est le pouvoir donné aux justiciables de soulever devant toute juridiction la question de la constitutionnalité de loi qu’on veut leur appliquer.

Une réforme utile serait une réforme qui saurait inventer les institutions capables d’équilibrer le bloc gouvernant constitué du président de la République, du gouvernement et du Parlement. Car aujourd’hui, le « rééquilibrage » des pouvoirs ne passe plus par une revalorisation des pouvoirs du Parlement ; il passe par la reconnaissance de l’autonomie constitutionnelle de la Justice, des Médias et des Collectivités territoriales.

D’ailleurs, pour Guy Carcassonne, le quinquennat et la synchronisation n’apportent pas un véritable changement institutionnel, mais ne font que renforcer le régime de la Ve République. Jean Gicquel confirme que le renforcement institutionnel du Parlement par la révision constitutionnelle de juillet 2008 ne correspond, en raison du fait majoritaire, qu’au renforcement de la majorité présidentielle.

Idéalement, Olivier Duhamel reconnait préférer une démocratie parlementaire dirigée par le Premier ministre, parce qu'il ne peut se targuer d'une investiture personnelle, parce qu'il rend compte en permanence devant le Parlement, bref parce qu'un tel système rompt avec le césarisme français.

Mais nos concitoyens adorent élire César, ce qui rend très difficile sinon impossible le passage au primo-ministérialisme. D’ailleurs, Le Parlement souffre du système partisan en France et de la faiblesse intrinsèque des partis expose Yves Meny. Elle se caractérise par des divisions radicales et une fragmentation extrême de la représentation. Le Parlement français n’a jamais réussi à acquérir une culture du contrôle (du budget, de l’administration, de l’application des lois). Les relations avec l’exécutif et l’administration sont contaminées par le clientélisme et le localisme. La Ve République a maintenu les maux du parlementarisme français : localisme des élus nationaux, absentéisme et faible participation au quotidien du travail parlementaire.

 

Quel est l'impact de la construction européenne sur le fonctionnement de la Ve République ?

Sur le plan de la théorie du droit constitutionnel, l’Europe invite les constitutionnalistes à reprendre l’étude de tous leurs « fondamentaux » : la constitution est-elle le produit du peuple ou le peuple est-il le produit de la constitution ? la constitution est-elle ontologiquement liée à l’État ou peut-elle être pensée sans l’État ? s’interroge Dominique Rousseau.

Face à l’articulation toujours plus poussée entre droit national et droit européen, et à la remise en cause de la suprématie de la Constitution – suprématie devenue fictive et théorique – Marc Guillaume pose trois principes qu’il juge nécessaires : l’effectivité de la hiérarchie des normes, la reconnaissance de la spécificité du droit européen par rapport au droit international, et le dialogue des juges.

La construction européenne obligera à réviser fréquemment notre constitution, selon Olivier Duhamel, elle n'invalide pas les concepts d'État et de Constitution.

 

La Vème République ne souffre-t-elle pas de la permanence des mœurs politiques ?

Les femmes en politique le sont en grande partie par la volonté du Prince dénonce Yves Mény. La politique volontariste au sommet masque l’état de minorité des femmes en politique, notamment au niveau local. La France est ainsi une des plus mauvais élèves en la matière et la Ve République n’aurait rien changé.

La société politique française se caractérise, en outre, par son incapacité à s’organiser. Yves Mény se réfère au sociologue américain Jessie Pitts qui qualifie la société française de « communauté délinquante » : les Français ne savent se rassembler qu’épisodiquement et « contre ». La Ve République, en concentrant l’autorité au sommet, en marginalisant davantage les partis, syndicats et autres groupes, contribue à renforcer le style politique et les comportements ou pratiques qui privilégient la règle autoritaire et la rébellion. Il conclut que « la tradition française est une association indissoluble d’autorité monarchique et de révolte, d’individualisme exacerbé et de faiblesse des agrégats sociaux, d’affichage du droit et de sa violation, d’égalitarisme sans véritable égalité, de refus du compromis mais de l’acceptation tacite du conflit d’intérêts ».

 

La IVe République valait-elle mieux ?

« Se dire satisfait de la Ve République dans sa pratique actuelle, depuis 2000, relève de l'aveuglement » affirme Maxime Tandonnet. On juge une Constitution par son efficacité, son résultat. Or, il est évident que les institutions issues de la Constitution de 1958 sont en échec patent : elles ne permettent plus de gouverner et de régler les grands problèmes de la société française.

La IVème valait-elle mieux ? Aveuglé par le dogme, on oublie son bilan réel : la reconstruction de la France, le début des « Trente Glorieuses », la réconciliation de l'Europe, la décolonisation de l'Indochine, du Maroc et de la Tunisie, et même la décision de doter la France de l'arme nucléaire, que l'on doit à Félix Gaillard... Bien sûr son image finale, celle de la déliquescence de l'Etat sous l'effet de la guerre d'Algérie, surtout à partir de 1956 est exécrable. La faiblesse dramatique de ce régime tient à son instabilité chronique (22 présidents du Conseil ou Premiers ministres en 12 ans), sous l'effet des coalitions partisanes. Le défaut de la Ve République dans sa pratique actuelle est exactement inverse : la déresponsabilisation et l'immobilisme. L'autorité politique incombant à un chef de l'Etat élu pour cinq ans et appuyé sur une majorité parlementaire élue en même temps que lui, le pouvoir en place a les mains totalement libres pendant cinq ans, à l'abri de toute sanction politique, et peut s'adonner aux pires erreurs, renoncements, démissions, sombrer dans un rejet populaire radical sans qu'aucune conséquence ne s'ensuive pour lui et persévérer ainsi dans le déni ou la fuite en avant.

« Si j’avais à défendre la Constitution de la Ve République, je le ferais d’abord en la comparant aux constitutions qui l’ont précédée. Il est manifeste qu’auprès des défauts et des impuissances de la IIIe et de la IVe République, elle a fait preuve d’une solidité et d’une efficacité qu’aucun régime politique n’avait eues dans l’histoire française depuis la Révolution. Elle a permis aux gouvernements successifs de gouverner. Née dans des circonstances dramatiques – la guerre d’Algérie –, elle a permis à notre pays d’assumer la décolonisation, d’affronter les impératifs de la modernisation et d’entreprendre de grandes réformes sociales et sociétales » soulignait ainsi M. Michel Winock lors de la première réunion du groupe de travail sur l’avenir des institutions (27novembre 2014). Et d’ajouter « Malgré cela, nos institutions ne répondent plus exactement à l’attente des citoyens. La Constitution a été le fruit d’une période dramatique, à un moment où la France était au bord de la guerre civile. Elle fut approuvée par l’immense majorité du corps électoral, lassée d’une République irrésolue, divisée, incapable de faire face au terrible problème algérien. C’était il y a cinquante-six ans. Les temps ont changé, la demande est nouvelle ».

« Le choix en politique n'est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable. » Raymond Aron

Réformer la constitution, les « politiques adorent ça. L'avantage de ces débats, c'est que cela ne coûte pas un centime et pendant ce temps-là on ne parle pas emploi, retraite, fiscalité, gaz de schiste », tempère le constitutionnaliste Didier Maus, ancien professeur à l'université de Marseille.

Pendant les primaires de 2016/2017, tous impétrants à la candidature à l’élection présidentielle y allaient de leur projet de réformes.

A gauche, tout le monde est assez d’accord (ce qui est rare) pour dire que le président de la République est trop puissant, et le Parlement pas assez. Mais ce consensus sur les défauts du régime actuel ne conduit pas à un accord sur les qualités dont il faudrait doter la VIème. La principale divergence porte sur une question simple : qui sera le chef ? Au-delà de la question de la nature du régime, se pose la question du scrutin et de la part de proportionnel, de l’avenir du Sénat, de la durée du mandat présidentiel, la place du référendum, l’instauration d’un Cour constitutionnelle, de l’indépendance de la justice.

 « Il faut passer à la VIème République », exhortait Cécile Duflot dans son livre « De l’Intérieur » (Fayard), dans la droite ligne des écologistes et qui en avaient fait un point de leur projet présidentiel en 2012. Les écologistes veulent une organisation « sur un mode fédéral, avec un pouvoir fort aux régions », « un statut de l'élu », « la généralisation de la proportionnelle à tous les scrutins » et un renforcement du Parlement.

Arnaud Montebourg a fondé il y a quelques années, avec Bastien François (professeur de science politique à la Sorbonne) « C6R », une association pour une VIe République, où l'ancien ministre voulait en finir avec ce président tout-puissant (quand bien même il estime avoir l'étoffe du poste) et le confiner au statut d'arbitre, tandis que le Parlement serait renforcé. Aurélie Filippetti et Benoît Hamon ont eux aussi appelé à un nouveau régime. Tout comme Delphine Batho qui considère la Vème République « ringarde ».

Le Parti socialiste n’était pas en reste. Ainsi, le courant Cohérence socialiste, notamment animé par les députées Karine Berger et Valérie Rabault, professait une présidentialisation accrue qui passerait par la suppression du Premier ministre, comme une conséquence du quinquennat. Dans un livre d'entretiens avec la journaliste du Monde Hélène Bekmezian, "Je ne me tairai plus - plaidoyer pour un socialisme populaire" (Flammarion), Claude Bartolone notait que la France est « le seul pays où, non seulement le chef de l'État - dont tout le monde procède - n'a de compte à rendre à personne pendant la durée de son mandat, mais aussi celui où les parlementaires sont politiquement dépendants de lui ».

Un régime présidentiel signifierait la suppression du poste de Premier ministre et du droit de dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République, tandis que celle-ci « ne devrait plus avoir la faculté de pouvoir renverser le gouvernement ». Claude Bartolone se prononce aussi pour la fusion du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), la réduction du nombre de députés et une dose de proportionnelle pour leur élection.

L’originalité du propos de Jean-Luc Mélenchon tenait davantage dans le mouvement qu’il souhaitait initier que dans la forme définitive de la nouvelle architecture institutionnelle. Jean-Luc Mélenchon assurait que « toutes les structures sont déjà en train d'exploser ». L'ancien co-président du Parti de gauche entendait créer un « objet politiquement neuf » et souhaitait que « le peuple se constitue en tant que sujet politique  ». « Notre but est subversif. L'élection de 2017 fonctionnera comme une subversion citoyenne », pensait savoir celui qui veut susciter une révolution citoyenne.

À droite, l’enthousiasme est moins flagrant. Personne ne voulant « tuer le père » (le Général), on trouvait plutôt des projets d’aménagement par le biais d’une énième révision (24 fois déjà). Pourtant, au début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy n’avait pas hésité à énumérer les défauts du régime, mais avait fini par faire siens des dysfonctionnements de celui-ci.

Xavier Bertrand plaidait pour un mandat présidentiel de sept ans non renouvelable. François Fillon, qui a souffert d'un président tout-puissant, admettait qu'il faudrait revenir sur l'organisation du couple exécutif, désormais boiteux. Bruno Le Maire a été le premier à lancer l'idée d'une réduction drastique du nombre de parlementaires. Dès le 1er octobre 2012, l'élu de l'Eure avait déposé une proposition de loi organique visant à baisser le nombre de députés de 577 à 450 et les sénateurs de 326 à 250. Depuis, l'idée fait florès : Nicolas Sarkozy, Xavier Bertrand, François Fillon, Alain Juppé, Marine Le Pen, François Bayrou et Claude Bartolone, s’y étaient ralliés. Même François Hollande y avait songé, c'est dire !

Les réformes institutionnelles que le président socialiste comptait mettre en œuvre sont restées dans les cartons faute d'une majorité qualifiée au Congrès. Ainsi se sont enlisées dans les sables mouvants du Parlement la réforme consacrant l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature et l'autonomie du parquet, la suppression de la Cour de justice, la normalisation du statut pénal du chef de l'État et la reconnaissance constitutionnelle du dialogue social... François Hollande n'aura jamais les moyens politiques de cette révision constitutionnelle.

D'où l'idée de dépasser le blocage du Parlement par le recours au référendum. Mais le peuple français ne répond jamais à la question d'un référendum, il acclame ou rejette celui qui la pose répètent les uns et les autres. Surtout ne rien changer !

 

Considérant la situation de la France, est-il opportun de changer de République actuellement ?

Michaël Foessel, lors de la réunion du 27 novembre 2014 du groupe de travail de l’Assemblée nationale dirigé par le président Bartolone résumait ainsi les motivation d’une réforme : « On s’égarerait en pensant que la question des institutions est seconde et qu’on ne peut tenter de repolitiser le débat politique – ou les citoyens – autrement qu’en parlant d’économie et de social. C’est en effet par les institutions – qui ne doivent pas être entendues comme un simple partage du pouvoir mais doivent faire l’objet d’une réflexion sur ce qu’est le pouvoir dans un monde où il semble être de plus en plus évanescent, voire invisible – que l’on peut espérer que les citoyens, à condition de les associer le plus largement possible (…), se retrouveront dans un jeu auquel, il faut bien le dire, ils sont une majorité à ne plus croire. Et l’un des moyens fondamentaux pour que les citoyens s’intéressent à nouveau à un jeu auquel ils ne croient plus, c’est de leur donner la possibilité d’en récrire au moins partiellement les règles ».

 

Car il y a une urgence avérée, celle de combler le fossé qui ne cesse de s’élargir entre les citoyens et leurs dirigeants politiques.

Les Français, non coupables et non responsables ?

L’élite politique, démagogiques et irréalistes, provocatrices et carriéristes, n’entend plus les Français et leurs doléances. Perdus dans leurs délires narcissiques, ignorant le monde réel, la question de leur formation refait surface. Mais il n’est pas question d’exonérer les Français de leur responsabilité. On a souvent la classe politique qui nous ressemble. Et donc, qu’on mérite ! On critique nos élus, mais personne n’est prêt à prendre leur place. On accuse le clientélisme, mais on cherche tous à faire jouer nos relations. On accuse une catégorie identifiée comme privilégiée, mais on ne remet pas en cause nos acquis. En 40 ans, l'alternance gauche-droite s'est produite à 8 reprises laissant la droite au pouvoir 22 ans et la gauche 18 ans. L'instabilité politique voulue par les électeurs français est un frein à la conduite de mesures qui ne prennent leur sens qu'avec le temps. Il faut dire que l'impuissance du gouvernement ne fournit que trop d'arguments aux pleurnichards du renoncement. Inversement, le gouvernement lui-même invoque la dépression généralisée pour justifier sa médiocrité. Inutile de chercher ailleurs les causes de la crise.

Le peuple français, dans les années 1970 et jusqu’au début des années 1980, était convaincu que le changement politique allait accoucher d’un véritable changement de société. Depuis les citoyens sont revenus à la politique, mais sur un mode protestataire aboutissant aujourd’hui à une forte abstention et une montée en puissance du Front national.

Pourtant, « l'intérêt pour la chose publique ne se dément pas », constatait, en 2015, Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof et enseignant à Sciences po. Une majorité de personnes sondées déclare s'intéresser à la politique et le vote aux élections demeure de très loin le moyen privilégié pour peser sur les décisions. Les Français sont « attachés à la démocratie représentative, mais ne sont satisfaits ni de son fonctionnement ni de son efficacité. Ce sont des citoyens critiques. »

Les sondés expriment une forte aspiration au renouvellement du personnel dirigeant et des pratiques politiques : « La classe politique est ­perçue comme non empathique, ­corrompue, parlant de manière ­abstraite, ne se souciant que des riches et des puissants, qui n'inspire que peu le respect et ne tient pas ses promesses ». Il existe une véritable prime à la proximité : le niveau de confiance baisse au fur et à mesure que les institutions sont considérées comme éloignées des personnes interrogées. Ainsi les Français ont davantage confiance en leur maire qu'en leurs députés ou eurodéputés.

C’est alors au peuple français de prendre son destin en main avec lucidité et détermination, de choisir son combat, et d’incarner le contraire de cette politique du perpétuel recul. Le régime des partis, avec son flot de promesses mensongères et d’apparatchiks n’a d’autre ambition que d’assurer leur survie. Ils font clairement obstacle au redressement.

Il faut arracher les Pouvoirs publics des conflits de chapelles, faire en sorte que le Gouvernement, le Parlement, la Justice, soient séparés et, par conséquent, responsables chacun pour son compte, avec, au-dessus d'eux, un chef de l’Etat qui puisse recourir au pays.

Aujourd'hui, dans le tumulte d'un monde en mutation, au milieu de tant d'appels à la haine ou à la faiblesse, parmi tous les intérêts opposés et embrouillés, les forces vives de la Nation les bonnes volontés de toutes sortes, doivent reconstituer l'unité nationale, avant tout par l'harmonie sociale en privilégiant le mérite à l’école et la liberté d’entreprendre pour lutter contre le chômage. Le rétablissement de l’autorité de l’Etat nécessite de donner aux forces de l’ordre les moyens de leurs actions et l’indépendance de la Justice. L’indépendance de la Nation passe par une politique diplomatique guidée par le seul intérêt de la France et par le renforcement de nos dispositifs militaires (renseignement, guerre numérique, combats urbains, dissuasion nucléaire…).

Cette nouvelle France nécessitera le renoncement à certains de nos privilèges, de nos petits avantages, l’intérêt de tous primant sur nos petits arrangements. Quand, ensemble, les Français auront gagné la partie, on apercevra tout à coup le visage radieux de la République constituée d’une nation rassemblée composée de patriotes où tous auront leur place !

Les citoyens Français doivent réinventer leur environnement politique. Les progressistes étaient à gauche. Les conservateurs étaient à droite. Et comme dans un attelage de chevaux, les uns donnaient de la vitesse, les autres évitaient les sorties de route. La folie égalitariste a poussé les premiers à courir moins vite et les seconds à ne plus retenir l'ensemble. La France est une terre de progrès et de tradition. Cette dichotomie est une force. Il faut retrouver un équilibre, une pensée, un objectif. Les Français doivent se ressaisir pour relancer l'attelage et changer de cocher.


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13 réactions à cet article    


  • georges jean 23 janvier 2019 11:50

    e viens d ’essayer d ’utiliser la plateforme du grand débat pour poster mes opinions. Soit j ’y comprends rien soit elle est débile.
    A priori on ne peut pas mettre directement une opinion , mais il faut répondre à des questionnaires ( 4 je crois ) de 10 à 40 items. A part la réponse à ces items on ne peut rien écrire , ni répondre aux gens qui interviennent. Sur les interventions de X ou Y on ne peut prendre connaissance que de leur réponse aux questionnaires. Le système semble totalement verrouillé.
    Ce « débat » via le site dédié semble être en fait un vaste sondage d ’opinion.

    Un avis qui recoupe le mien, avis donné sur l site du grand débat :

    https://granddebat.fr/projects/democratie-et-citoyennete-1/collect/participez-a-la-recherche-collective-de-solutions/proposals/ameliorer-le-format-de-cette-plateforme-de-debat


    • bernard29 bernard29 23 janvier 2019 13:45

      @georges jean

      on ne peut rien écrire , c’est faux. J’ai participé aux questionnaire sur la démocratie et sur une réforme des institutions. Sous presque chaque questionnaire relatif à un sujet, vous avez un espace pour écrire. Cet espace n’est même pas limité .. Et vous avez un dernier espace sous le dernier sujet " dénommé ; autre ..), espace de même non limité en écriture.


    • Le421... Refuznik !! Le421 24 janvier 2019 08:48

      @georges jean
      Tout est pesé et filtré, avec des sujets hors sol, où j’ai parlé, pour ma part, de puits canadien et de clim réversible.
      Pas question, sur l’écologie par exemple, de parler de la disparition des commissions étudiant l’impact environnemental de tel ou tel projet, bien sûr !!
      Rien à voir avec les revendications de gilets jaunes ou les « doléances » à notre « bon roy » !!


    • Coriosolite 23 janvier 2019 11:54

      Bonjour,

      Est ce que des copiés-collés d’articles (de 2014, un peu anciens quand même) du Monde, de Politis et peut être d’autres médias peuvent être considérés comme un vrai article personnel ? Ou seulement un travail d’archiviste, d’ailleurs non dénué d’intérêt ?

      A chacun de juger.

      Quant à moi je pense qu’il serait honnête de citer les sources et de ne pas s’attribuer le travail des autres.



        • bernard29 bernard29 23 janvier 2019 13:57

          il faut remarquer que les constitutionnalistes dont vous reprenez les textes, ont presque tous participé aux nombreux comités de réflexion sur les réformes de la constitution qui ont jalonnés ces vingt dernières années. ( pour mémoire le comité Balladur, mais aussi le travail de Bartolone.) .

          Il faut bien remarquer que tous ces constitutionnalistes, qui ont accepté les rapports successifs, ont été incapables de mettre le débat en lumière auprès des citoyens, en fait d’intéresser le public et encore moins de faire participer les citoyens. Ils sont donc co-responsables avec les élus, du Fiasco démocratique de la Vème république.

          Vous pouvez remarquer que Macron avec son débat , et on peut en penser ce qu’on veut, est le premier à ouvrir les discussions publiques, a associer le public et les citoyens (et il semble être nombreux à y participer) , à les solliciter pour demander des propositions. On verra ce qu’il en sortira, mais avouez quand même que c’est un progrès indéniable.

          On peut aussi remarquer que les constitutionnalistes que vous citez ne s’empressent pas beaucoup pour organiser leur propre débat sur leurs propositions constitutionnelles. Ils s’en foutent , ils sont payés de toutes façons dans leur instituts de recherche ou leurs universités.


          • Jason Jason 23 janvier 2019 14:21

            NON, « à les [citoyens] solliciter pour demander des propositions. » Il s’agit d’un questionnaire orienté et limité à quatre sujets et de grilles de questions à choix multiples (informatique oblige...).

            Le débat national n’est pas un débat mais une consultation.

            Les sujets sont imposés par le gouvernement à l’image de la monarchie républicaine qui prévaut.

            Les quatre grande catégories proposées n’ont que très peu à voir, me semble-t-il, avec les préoccupations des GJ. L’économie est absente, la remise à plat de la fiscalité idem, les budgets des ménages dont certains sont écrasés par la rente des loyers, le remaniement profond de la représentation et les devoirs des élus, etc. Autant de sujets soigneusement évités.

            Les trois piliers de la république financière sont bien présents en toile de fond : protection du capital, souci de la rente (revenus du capital) et protection du patrimoine. Rien de changé depuis la première République. Les variantes sur la fiscalité, omniprésentes, évacuent consciencieusement l’écrasante pression du commerce sur les populations. 

            Comme toujours, la technocratie toute puissante propose, dans sa générosité condescendante, un débat truqué. Tout ça procède de la soi-disant démocratie qui masque les avantages de quelques-uns sous le couvert du bonheur pour tous.

            Après cette mascarade, il devrait y avoir dix fois plus de GJ dans les rues.

            • bernard29 bernard29 23 janvier 2019 17:20

              @Jason
              « NON, « à les [citoyens] solliciter pour demander des propositions. » Il s’agit d’un questionnaire orienté et limité à quatre sujets et de grilles de questions à choix multiples (informatique oblige...). »

              Sur les quatre grands thèmes, personne n’est pris en traître, c’ était annoncé. Alors, il y a des grilles à questions multiples, ( et souvent vous pouvez développer dans votre commentaire espace illimité) mais vous pouvez développer la proposition que vous avez mis en titre. En particulier si vous voulez éviter la grille, vous allez sous la dernière ligne , avez vous des remarques, observations, autres, et là vous avez un espace illimité pour détailler votre propre proposition 

              maintenant je ne sais ce que tout cela adviendra, mais il y a beaucoup de personnes qui s’y intéressent. Et plus il y aura de personnes, plus les pouvoirs ( et là ce n’est pas que le gouvernement, mais ce sont tous les partis et toutes les autres pouvoirs ,médias par ex, concernés )seront obligés d’en tenir compte


            • Jason Jason 23 janvier 2019 18:39

              @bernard29

              Merci pour ces précisions. Le bas de page m’avait échappé. Mais, telle qu’elle est, la page principale avec ses quatre thèmes imposés m’a fait craindre le pire.

              Un flash info a annoncé qu’il y avait déjà 100000 demandes/requêtes adressées.

              J’ai bien 2 à 3 trucs à proposer, mais je crois que ça sera noyé dans la masse. Je vais quand même utiliser l’espace en bas de page.

              De toutes façons, les deux ou trois demandes que j’avais adressées à l’Assemblée nationale ou à un ministère sont restées sans effet. Chat échaudé...

            • Jason Jason 23 janvier 2019 18:55

              @bernard29

              Je viens de consulter la page du débat. Les propositions ne peuvent porter que sur les quatre thèmes proposés. Je n’ai rien vu d’autres concernant d’autres propositions/sujets. Retour à la case départ : Les thèmes sont dictés !


            • Jason Jason 23 janvier 2019 18:59

              @bernard29

              Voilà un copier/coller du bas de page : Il n’y a pas de sujet interdit. Vous pouvez déposer dans cet espace et pour chacun des 4 thèmes du Grand Débat 

              Ca me rappelle la boutade d’Henry Ford sur la couleur de ses voitures : « Le client peut choisir n’importe quelle couleur, pourvu que ce soit le noir ».


            • bernard29 bernard29 24 janvier 2019 11:06

              @Jason

              les 4 thèmes sont déjà vastes, mais quel thème auriez vous voulu voir en plus ??


            • Jason Jason 24 janvier 2019 15:02

              @bernard29

              Les sujets sont pléthore qui touchent à la vie de tous les jours.

              L’économie et le commerce, le logement (les 10% des revenus les plus faibles sont soumis à 61% de dépenses contraintes), Les contrats d’assurance habitation (33 millions de contrat abusifs —13 lecteurs de mon papier sur ce site), le gavage des propaniers (700000 foyers), les logements insalubres et les marchands de sommeil, lutte sérieuse contre l’illettrisme (3 millions concernés), une banque française d’investissement pour soutenir les PME/PMI, une remise à plat complète de la fiscalité (je ne sais pas combien je donne au fisc chaque année), l’élimination systématique du lobbyisme, une redéfinition du pouvoir des maires qui ont une « compétence universelle » selon la constitution, surtout en matière d’urbanisme (ça se passe très souvent entre copains). Financer convenablement la Justice, la France est à la traîne en Europe. Etablissement de compte-rendus écrits clairs et efficaces des députés envers leurs électeurs avec pouvoir de révocation. Election des membres du Conseil constitutionnel au suffrage direct ou indirect. Tout est à faire dans ces domaines.

              La France est une gigantesque passoire dans tous ces sujets ; et j’en oublie pas mal. Tout ça est affligeant dans la cinquième économie du monde ! L’économie ne fait pas partie du cap proposé, normal, un président ne peut pas être monarchiste et républicain.

              Ca remplacerait avantageusement les quatre clystères proposés.

              Ouvrons les yeux !

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