Gwynplaine ! Quel nom extraordinaire ! C'est le nom d'un héros de Victor Hugo, un héros hors norme, une légende ! Le héros d'un roman intitulé : L'homme qui rit...
Un des plus grands romans de Victor Hugo, un des plus méconnus aussi met en scène ce héros abandonné dès l'enfance, Gwynplaine : des comprachicos ou acheteurs d'enfants l'ont mutilé et lui ont imprimé sur le visage un rictus éternel en lui fendant la bouche. Ils volent et revendent les enfants après les avoir atrocement mutilés. Dès lors, ces êtres transformés deviennent des attractions de foire, des objets de dérision. Cette histoire pleine de cruauté se déroule en Angleterre à la fin du 17ème siècle et au début du 18ème.
Le personnage de Gwynplaine âgé de 10 ans après avoir été abandonné par les comprachicos rencontre sur son chemin une petite orpheline Dea, une mutilée de la vie, elle aussi, puisque Dea est aveugle. Gwynplaine recueille Dea, prend soin d'elle alors que sa mère vient de mourir.
Les deux orphelins trouvent refuge dans la roulotte d’un forain Ursus qui prend les deux enfants sous sa protection. Ursus est une sorte de vagabond qui s'habille de peaux d'ours, voyage à travers l'Angleterre, accompagné d'un loup apprivoisé nommé Homo, l'homme en latin...
Quinze ans plus tard en 1705, sous le règne de la reine Anne, on retrouve Ursus qui a monté une troupe de théâtre avec Gwynplaine et Déa, devenue une belle et fragile jeune fille de seize ans. Les deux jeunes gens éprouvent un pofond attachement l'un pour l'autre : Dea aveugle ne voit que la bonté de Gwynplaine et ne perçoit pas son visage défiguré.
Gwynplaine qui a, en fait, des origines nobles est ensuite enlevé à sa famille d'adoption et côtoie les grands de ce monde, les pairs d'Angleterre, la cour.
Le roman est d'une modernité étonnante : c' est ainsi l'occasion de mettre en évidence les fractures sociales qui touchent la société : le comble de la misère avec l'univers des forains, des vagabonds, d'un côté, et l'abondance, le luxe éhonté de la cour d'Angleterre, de l'autre..
Victor Hugo revient dans cette oeuvre sur le thème de la misère, récurrent dans son œuvre. Il dénonce aussi les richesses, l'oisiveté excessive de la noblesse qui, par ennui, se repaît du spectacle de la violence et de l'oppression.
Quelle flamboyance ! Quelle poésie,quel foisonnement dans ce roman baroque ! Sans doute la plus complexe et la plus belle des oeuvres de Victor Hugo ! Ce récit chargé de symboles et de descriptions somptueuses nous plonge dans un univers où les personnages apparaissent fantasmagoriques, parfois monstrueux, proches d'une animalité primitive.
Le message politique est très fort, puisque Gwynplaine s'exprime devant la chambre des lords et prononce un discours où il dénonce les graves injustices qui gangrènent la société.
Ce roman est aussi l'occasion d'évoquer le thème de la différence physique, de la monstruosité que l'on retrouve par ailleurs dans l'oeuvre de Victor Hugo avec le personnage de Quasimodo dans "Notre Dame de Paris", la différence qui exclut et attire à la fois l'attention des autres : Gwynplaine mutilé est un être hors norme. Voici ce qu'il dit lui même :"L'homme est un mutilé. Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement."
Ainsi Gwynplaine devient un symbole : celui de l'humanité souffrante, soumise à la misère, aux injustices, à l'horreur du monde.
Au coeur du roman, se trouve la description de la scène qui fait le succès de la petite troupe formée par Ursus, Gwynplaine et Dea : Chaos vaincu. Cette scène représente le combat de l'homme pour accéder à la démocratie. Gwynplaine est bien le héros chargé de vaincre le chaos que représentent la monarchie ou l'aristocratie.
Même si le monde a évolué, on se dit, en lisant ce roman, qu'au fond la société reste bien divisée : on retrouve aujourd'hui des injustices criantes qui fracturent la société, on retrouve l'exclusion de celui qui est différent, on retrouve les mêmes clivages : des gens miséreux, d'autres qui profitent de la misère du monde... Ce roman reste donc d'une brûlante actualité...
Photo : wikimedia
Une nouvelle version cinématographique du roman doit paraître le 26 décembre 2012.
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Merci à l’auteur,ce roman est un véritable prodige !C’est une oeuvre mystique !Chaque chapitre est une vision du Maître Victor Hugo ! Dans ce roman il dénonce l’aliénation des hommes et cherche à nous prouver Dieu en expliquant que si le mal existe alors la source bénéfique doit exister également.
« Tu es un pantin dont un spectre tire les ficelles. »(Victor Hugo,L’Homme Qui Rit) Dans cet ouvrage,Victor Hugo s’adresse directement aux penseurs et aux philosophes ;ce qui en fait aussi une oeuvre didactique !
Vous y voyez un message mystique...pour ma part, je retiens le message politique : la dénonciation des injustices flagrantes de la société ... de la misère des hommes aggravée par la cupidité....
Il est de bon ton de nos jours de faire la moue devant Victor Hugo, et de dire que l’on préfère Flaubert ou Balzac, d’un air hautain. Celui qui a écrit « les misérables », avec cette identification au peuple si marquée, reste effectivement un écrivain curieusement boudé, hormis quelques célébrations et adaptations officielles. Cet homme a surtout un tort, celui d’être la mauvaise conscience incarnée. Voilà un type qui en effet est parti royaliste, pour finir républicain, engagé politiquement, avec ce que ça sentait encore de souffre à cette époque ! Généralement, les parcours sont plutôt inverses....On part avec l’envie de changer le monde, et l’on se retrouve avec une rollex !
Adversaire acharné de la peine de mort, ce type reste l’archétype de l’écrivain vraiment engagé, pas celui qui se contente de ne pas porter de cravate sur une chemise ouverte
L’exilé de Gernesey attendit que Napoléon trois soit répudié pour rentrer en France. Le peuple ne s’y trompa pas. On lui fit des obsèques nationales, suivies par une foule immense, et il en est peu qui soient autant méritées. Il est là pour nous dire qu’il n’y a pas eu que des Maurras, de Celine, des Drieu, et j’en passe !
Roman social, mais aussi roman gothique, avec ces descriptions de pendus
badigeonnés de goudron, à l’approche des côtes anglaises, pour prévenir
les contrebandiers du châtiment qui les attend.....Le thème central du
livre, un enfant que l’on a défiguré pour le rendre plus performant sur
le marché de la mendicité, reste malheureusement tout autant moderne que
le combat contre la peine de mort.
« L’homme qui rit » est en effet un roman étonnant. Je l’ai lu dans une vieille édition acheté chez un bouquiniste, la collection Nelson. Sur la manchette arrière reste une recommandation :
" En sacrifiant quelques francs, vous pouvez donner à nos braves défenseurs des heures inestimables de distraction, de joie, de réconfort. Songez aux longues journées d’immobilité que nos soldats doivent passer dans les tranchées, aux heures mornes que le séjour de l’hôpital impose à nos chers blessés....Ne voulez vous pas en leur envoyant des livres, les aider à lutter contre le cafard, cet inséparable compagnon de l’ennui. ( Voilà un petit trésor de rhétorique et d’histoire qu’aucune tablette numérique aseptisé ne pourra vous délivrer, mais c’est une autre histoire....)
Si la fin de ce commentaire révèle une vrai vérité, je n’ai pu n’empêcher de frémir, en pensant à toutes ces gueules cassées, qui devaient pour certains, avoir une tête encore bien pire que celle de Glynplaine, cet homme à la grimace qui rit.
Hugo est un des écrivains les plus prolifiques :on cite souvent Les misérables, on connaît moins L’homme qui rit, oeuvre plus difficile à aborder mais d’une richesse infinie...L’homme et l’écrivain sont admirables...
Il faut relire aussi la poésie d’Hugo, si variée !
L’homme qui rit , c’est bien le roman de celui qui souffre dans ses différences, c’est aussi le roman de la révolte....L’actualité de cette oeuvre paraît si évidente....
Enfin je respire cet air parfumé De sa présence embaumé ; C’est là qu’elle vit : je vais la voir ! Mais j’aime, hélas, sans espoir ! Ne bats pas si fort, ô mon coeur soucieux, Sois comme moi silencieux ! Elle ne devra jamais rien savoir De mes chagrins, de mes espoirs, Nous autres, Chinois, nous ne disons rien, Et quand nous souffrons, nous le cachons bien.
(Refrain) Toujours sourire Le coeur douloureux, Et sembler rire Du sort malheureux. C’est notre loi : Toujours sourire. Notre regard discret Garde son secret.
Je ne dirai pas tout l’amour qui m’étreint, Ni certain songe trop beau. Je ne suis pour elle qu’un pauvre pantin, Un flirt étrange et nouveau. Elle a pris mon âme et je me suis grisé Du philtre de son charme ardent. J’ai rêvé souvent d’un troublant baiser Que je désire éperdument. Ce n’est qu’un beau rêve d’amour simplement, Seule ma douleur Demeure en mon coeur.
(au Refrain)
Toujours sourire Le soir, le matin, Toujours souffrir et ne rien dire En narguant le chagrin, C’est notre destin.
Paroles : André Mauprey, Jean Marietti. Musique : Franz Lehar 1932
Chère rosemar, bonjour et merci de ce rappel
je n’ai pas trouvé de meilleure illustration...
Toujours sourire malgré ce qu’ils nous font...ben oui !
Le rose qu’on nous propose D’avoir les quantités d’choses Qui donnent envie d’autre chose Aïe, on nous fait croire Que le bonheur c’est d’avoir De l’avoir plein nos armoires Dérisions de nous dérisoires car
[Refrain] : Foule sentimentale On a soif d’idéal Attirée par les étoiles, les voiles Que des choses pas commerciales Foule sentimentale Il faut voir comme on nous parle Comme on nous parle
Il se dégage De ces cartons d’emballage Des gens lavés, hors d’usage Et tristes et sans aucun avantage On nous inflige Des désirs qui nous affligent On nous prend faut pas déconner dès qu’on est né Pour des cons alors qu’on est Des
[Refrain]
On nous Claudia Schieffer On nous Paul-Loup Sulitzer Oh le mal qu’on peut nous faire Et qui ravagea la moukère Du ciel dévale Un désir qui nous emballe Pour demain nos enfants pâles Un mieux, un rêve, un cheval