Hollande abuse de sa faiblesse
La Corrèze n’est pas la France. Hollande a les outils, mais pas le mode d’emploi. Ridiculisé par son ex ministre du Budget, le Président de la République n’a plus guère d’autre choix que de couper des têtes, s’il veut redresser la sienne.
Ainsi donc personne ne savait. Ni monsieur Hollande, ni monsieur Ayrault, ni monsieur Moscovici. La main sur le cœur, les yeux dans les yeux, ils l’ont affirmé devant leurs collègues de l’Assemblée nationale : non jamais au grand jamais ils ne se doutaient un instant de la turpitude de leur ancien ministre du budget. Ils lui faisaient confiance. Il avait quand même signé la charte de bonne conduite hollandaise, quand même ! Si ça c’est pas un gage d’honnêteté, que vous faut-il donc ? Comment dès lors mettre en doute la parole d’un homme aussi droit que monsieur Cahuzac ? Et puis comment chercher, comment enquêter ? Nous ne sommes plus au temps des officines élyséennes, enfin ! Nous sommes entrés dans la modernité normale et morale ! Plus le temps de faire appel aux RG ou ce qu’il en reste pour débusquer le vrai du faux dans les économies d’un ministre de la République. Fini, tout ça. Hollande n’a plus que sa bonne foi et son couteau pour démêler le vrai du faux. Et ses yeux, dans les yeux, pour croire un homme, ou pas. Personne ne savait, au gouvernement, ils sont tous et toutes tombés de l’arbre en apprenant la nouvelle. C’est la version officielle, il faudra nous en contenter. A moins que quelques journalistes, aux oreilles plus longues, aux bras plus longs, ne viennent à déterrer quelques égratignures à tout ce lisse unanimisme. On sait jamais. L’argent sur le compte, d’où venait-il ? Combien, au fait ? Combien reste-t-il ? Tiens, un proche de Marine Le Pen avait ouvert le compte d’UBS…Hollande l’ignorait, Ayrault aussi, Marine Le Pen aussi, sans doute, elle qui hurle aujourd’hui avec les loups aujourd’hui, avec Collard, avec Bayrou, avec Mélenchon…elle ne savait pas Marine qu’un de ses proches était au courant, sinon, évidemment, elle aurait devancé les aveux, sans doute…mais qu’est-ce qu’un proche de la fille Le Pen faisait dans l’entourage de Cahuzac ?…une relation de sa femme, nous dit Le Monde…où l’on parle du GUD aussi…
Bon soit, Hollande ne savait rien, mais dès qu’il a su, il a agi (ce qui n’est pas tout à fait vrai, puisque le Canard assurait la semaine dernière que depuis Noël l’Elysée savait qu’une information judiciaire allait être ouverte) et il est venu le dire, devant les caméras (mais en différé, pour pas répondre aux questions sans doute) tout fâché, tout engoncé aussi dans un costume à la cravate droite, pour une fois, mais un peu boudiné quand même, les soucis sans doute…il est venu dire quez c’était un scandale, que Cahuzac avait menti, qu’il n’était pas content et qu’il allait prendre des mesures fortes…indépendance de la justice blablabla…déclaration de patrimoine des élus…blablabla…demande de moralisation de la vie politique…blablabla…une nouvelle fois l’homme à la boîte à outils bien remplie est apparu hors sujet. Enervé, certes, mais hors sujet. On aurait aimé qu’il dise par exemple qu’il souhaitait que toute la lumière soit faire sur qui savait quoi au sein du gouvernement, qu’il nous explique pourquoi, dès les premières infos lancées par Mediapart et qui reposaient sur certains éléments troublants, il n’avait pas sommé son ministre de partir ou de s’expliquer solennellement. Au nom de la fumeuse « république exemplaire » qu’il réclame de ses vœux, il aurait pu exiger de son ministre, dès décembre, qu’il quitte son poste. Au lieu de ça, il a préféré faire confiance, alors que son expérience en politique lui suffit pour savoir que la confiance n’est rien dans ce milieu. Et la parole pas grand-chose non plus. On peut souhaiter que ça change, mais ça ne changera pas, jamais, c’est le pouvoir qui veut ça, en France comme ailleurs. La politique est un domaine où la fumée n’est jamais sans feu, à partir de là dès le premier panache, deux solutions existent : soit éteindre en douce l’incendie, soit appeler les pompiers. Faire comme si le feu n’était pas là ne sert à rien.
La défense de la gauche au pouvoir est de dire « la droite c’était pire ». A quoi la droite leur demande d’assumer. Assumer, oui. Reconnaître qu’ils ont géré comme des pieds nickelés l’affaire Cahuzac. Qu’un Président de la République digne de ce nom, un homme capable d’envoyer des soldats se faire tuer, ne peut se contenter d’une parole donnée. On n’est pas dans les Sopranos, là, c’est un pays que François Hollande dirige. Pas Tulle. Quelques compromissions et arrangements de fin de banquets ne suffisent pas à rétablir l’ordre et la justice. (Ou à maintenir l’un en faisant taire l’autre). Ni même une quelconque normalité. Le hollandisme (ne jamais trancher, ne jamais choisir, pour ne blesser personne, ne pas diviser pour régner mou) a vécu. Jérôme Cahuzac a entériné sa fin. Et il était temps. Personne ne peut croire à une quelconque « exemplarité » de la République et de ses élus. Ca n’existera jamais. C’est dans la nature même du pouvoir de s’en éloigner, de temps à autre. Les socialistes, dont l’icône s’appelle François Mitterrand (de l’Observatoire à Mazarine, belle carrière…) ne peuvent faire mine de l’ignorer. Ce qu’on voudrait juste c’est que le quinqua un peu enrobé qui dirige la France se montre enfin à la hauteur. Jean Marc Ayrault et Pierre Moscovici n’ont plus leur place dans le gouvernement. Le Président (qui lui ne risque rien) doit trancher ces têtes là. Se fâcher tout rouge en bégayant (sur le mot « faute » d’ailleurs) ne peut pas suffire. Si ce n’est à faire revenir la droite (et ses crocs de boucher) en force dès 2014.
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