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Accueil du site > Tribune Libre > Hommage à Max Gallo : un grand homme pour une grande histoire

Hommage à Max Gallo : un grand homme pour une grande histoire

Ce n’est pas seulement un grand historien, doublé d’un non moins immense écrivain, qui vient de nous quitter, emporté par la maladie de Parkinson, ce mardi 18 juillet 2017, à l’âge respectable de 85 ans. C’est aussi, plus simplement, un grand homme. Ce géant qu’était Max Gallo, qui mesurait près de deux mètres et qui devait toujours s’incliner pour vous saluer, respirait en effet, par tous les pores de sa personne, la grandeur : cette grandeur que, tôt chaque matin, lorsqu’il prenait immanquablement sa plus belle plume pour écrire ses fécondes pages d’histoire, il ne manquait pas de contempler longuement, assis à la fenêtre du bureau de son vaste appartement parisien du 5 place du Panthéon. Là, au cœur de ce sanctuaire des grands hommes, ses pairs sur lesquels « la patrie reconnaissante » veille solennellement, repose notamment, depuis plus d’un siècle, son cher Victor Hugo, à qui il consacra, il n’y a guère si longtemps, une importante biographie.

LE ROMAN DE LA POLITIQUE

Je me souviens : c’est le 2 avril 2002, il y a donc un peu plus de quinze ans déjà, que mon ami Max me fit l’insigne honneur, mais aussi le rare bonheur, de m’accueillir, pour la première fois, chez lui, dans ce bureau, précisément, donnant, ainsi doté d’une vue aussi magistrale qu’imprenable, sur cette part d’éternité française. Il venait, alors, de publier l’un de ses meilleurs livres, portant l’emblématique titre d’ « Un homme de pouvoir », roman, particulièrement inspiré, où, secondé là par son alter égo littéraire du moment, un dénommé Philippe Arius, il se plaisait à croquer tour à tour, à la manière d’un Balzac au faîte de sa « Comédie humaine », quelques-uns des traits les plus saillants de ces hommes politiques qu’il avait lui-même connus, parfois servis au cours de ce passé dans lequel, las de la comédie du pouvoir justement, il ne se reconnaissait guère plus : Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Lionel Jospin.

Car cet homme singulier, mais surtout éminemment libre, qu’était Max Gallo fut aussi, avant qu’il ne s’en départît définitivement pour vivre enfin sa seule vie d’intellectuel engagé, un homme de pouvoir, intimement lié au monde politique, dont il connaissait à merveille les arcanes tout autant que les duplicités : hypocrisies que l’homme intègre qu’il était foncièrement finit pourtant par refuser, sans possibilité d’appel.

Je me rappelle encore : c’est en 1983, alors qu’il sirotait une bière à la terrasse d’un café du boulevard Saint-Michel, en plein Quartier Latin, que je l’ai rencontré pour la première fois. Max, dont je connaissais depuis longtemps les accointances avec le Parti Communiste tout d’abord, puis avec le Parti Socialiste, venait d’être nommé « porte-parole » du troisième gouvernement de Pierre Mauroy, lui-même promu à cette quasi suprême fonction de l’Etat par Mitterrand en personne, alors Président de la République.

FILS D’IMMIGRES ITALIENS

Ce n’est toutefois pas de politique que Max et moi avons parlé ce jour-là, mais de tout autre chose, d’une réalité à la fois plus intime et plus personnelle, plus complexe et plus humaine également : le fait que, lui et moi, étions, tous deux, des fils d’immigrés italiens, et que, bien qu’ayant donc cela en commun, nous portions aussi, chevillé au cops comme à l’âme, cet amour indéfectible pour la belle et grande culture française, celle des Lumières et de la Révolution, de Voltaire et de Jaurès, de « L’Esprit des Lois » de Montesquieu et du « Rouge et le Noir » de Stendhal, l’un des mémorialistes les plus brillants, après l’incomparable Chateaubriand avec son étincelante langue, de Napoléon, un autre « grand » de l’Histoire, auquel Max Gallo a par ailleurs dédié, là encore, une part considérable de son œuvre, imposante tant par sa quantité que par sa qualité.

L’ENGAGEMENT DURANT LA GUERRE EN EX-YOUGOSLAVIE

Ce qui nous lia toutefois le plus, Max et moi, jusqu’à sceller notre discrète mais fidèle amitié, ce fut, dans les années 90, notre engagement lors de la guerre en ex-Yougoslavie. Réfutant ce manichéisme étriqué dans lequel une bonne partie de l’intelligentsia germanopratine (Bernard-Henri Lévy et Cie) avait voulu enfermer l’opinion publique, faisant alors systématiquement des Serbes des bourreaux et, de façon non moins unilatérale, des Bosno-Musulmans des victimes, nous partagions, en effet, sur ce douloureux conflit, la même analyse, ferme mais nuancée, loin du conformisme ambiant et, surtout, en dehors de tout dogmatisme partisan. Ainsi, en un article intitulé « Capitulation de la Raison », titre résumant parfaitement bien ce déplorable état de confusion idéologique, proche là d’une sorte de révisionnisme historique qui s’ignore, Max Gallo, esprit lucide et courageux, écrivait-il dans « Le Monde » du 15 janvier 1993 :

« Lorsqu’on voit sur les écrans de télévision des spots dénoncer tous les Serbes (…) et lorsqu’on découvre sur les murs de Paris d’immenses portraits d’Hitler (…) lorsque, de surenchère en surenchère, on affirme que Sarajevo c’est le ‘ghetto de Varsovie », la guerre en Bosnie ‘la guerre d’Espagne’ (…) et lorsque dans un tract, on écrit : ‘1942, les nazis adoptent la solution finale ; 1992, les extrémistes serbes adoptent la purification ethnique : même but, même méthode, même démission. Ont-ils mesuré, ceux qui, pour convaincre et susciter la passion vengeresse utilisent de tels rapprochements, qu’ils se font les fourriers du révisionnisme historique ? »

Max Gallo, plus percutant encore, mais aussi plus incisif sur le plan de la réflexion critique, ajoute, non moins judicieusement, aussitôt :

« Car si Milosevic est un nouvel Hitler, si l’ignominieuse purification ethnique c’est la solution finale, si les intolérables camps de concentration serbes (et autres) équivalent à ceux d’Auschwitz et de Treblinka, alors la Shoah est un événement de l’histoire parmi d’autres. Et ainsi, sous couvert de dénoncer le mal, on l’a banalisé. Et tout l’effort moral et juridique, philosophique et historique qui avait consisté durant un demi-siècle à maintenir l’ ‘exceptionnalité’ de ce mal-là, parce qu’il avait été, en effet, un sommet ‘extraordinaire’ et symbolique dans l’inhumanité, se trouve effacé par nos belles âmes qui bradent notre mémoire pour leurs opérations publicitaires. » Ces propos, aussi fondés conceptuellement que justifiés historiquement, je les ai souvent moi-même rapportés dans certains de mes propres livres, dont « Les Intellos ou la dérive d’une caste – de Dreyfus à Sarajevo » (Editions L’Âge d’Homme) et « Grandeur et misère des intellectuels – Histoire critique de l’intelligentsia du XXe siècle » (Editions du Rocher), sur cet épineux dossier.

LE COMBAT COMMUN POUR SAKINEH

Nos combats communs, à Max et moi, ne se limitèrent toutefois pas à ce tragique épisode de notre histoire contemporaine en ce qu’elle a de plus cruel et violent. Non : durant l’été 2010, toujours aussi forts de nos convictions, nous récidivions ! Ce fut, alors, à l’occasion de la « lettre ouverte aux autorités iraniennes » que j’écrivis, en défense de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, cette jeune iranienne menacée de lapidation pour un présumé adultère, et que je fis ensuite publier, successivement, sur le site du journal « Le Monde », le 19 août 2010 très exactement (http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/08/19/une-femme-iranienne-risque-la-lapidation_1400692_3232.html), puis, cinq jours plus tard, le 24 août 2010, sur le site littéraire du « Nouvel Observateur » (http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20100824.BIB0251/une-femme-risque-la-lapidation-lettre-ouverte-aux-autorites-iraniennes.html), ainsi qu’en témoignent ces liens électroniques.

Je ne mis pas longtemps, du reste, à convaincre mon ami Gallo d’adhérer, parmi les premiers, à cette « lettre ouverte » qui, signée ensuite par plus de 300.000 personnes sur le site du quotidien italien « La Repubblica », devait extirper la malheureuse Sakineh des griffes d’une mort effroyable : un seul coup de fil, sur son téléphone portable, suffit, en effet, à persuader Max, ce grand humaniste également, de la justesse de ce combat, tout comme le firent aussi immédiatement, dans la foulée, quelques-uns des plus grands noms de l’intelligentsia française et internationale (Michel Serres, Edgar Morin, Julia Kristeva, Elisabeth Roudinesco, Alain Touraine, Marek Halter, Luc Ferry, André Comte-Sponville, Michel Wieviorka, Umberto Eco, Roberto Saviano, Ingrid Betancourt…), sept prix Nobel (dont Dario Fo, Shirin Ebadi, Rita Levi-Montalcini et le professeur Luc Montagnier) et quelques anciens ministres de la République (dont Robert Badinter, Jack Lang et Michel Rocard). Ce combat, par-delà sa noblesse tout autant que sa nécessité, n’aura pas été, lui non plus, vain. Je lui en sais, encore aujourd’hui, gré.

L’ADIEU A UN IMMORTEL

Adieu, donc, très cher Max, immortel, par-delà même ta mort, ainsi que daigna te consacrer à juste titre, en 2007 déjà, il y a donc maintenant dix ans, cette vénérable institution qu’est l’Académie Française : tu es désormais encore plus près de ces « grands hommes » dont tu aimais tant contempler, à travers la fenêtre de ton vaste et beau bureau empli de livres, l’éternel repos !

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

*Philosophe, auteur, notamment, de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » et « Philosophie du dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard-Folio Biographies), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher). A paraître : « Traité de la mort sublime – L’art de mourir, de Socrate à Bowie » (Alma Editeur).


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2 réactions à cet article    


  • francois 21 juillet 2017 13:48

    Max Gallo qui soutint Sakozy. Grand homme : nous n’avons pas la même définition de l’аппаратчикi


    • alain_àààé 23 juillet 2017 14:14

      article médiocre MR l auteur je n ai jamais lu un de ses livres car pourtant amateur archéologique et passionné par l histoire puisque moi méme je fais des recherches sur la déportation des miens français et gitans.j en ai entendu parlé mais aucun de mes amis (ies) ne mon incité a lire ses livres qu il écivait sur des personnages historiques mais que d autres que lui avaient écrit sur ses personnages.SI je souviens il a eu un enfant qui s est suicidé mais cela ne lui a fait ni chaud ni froid comme le ministre communistre je crois Fiterman.ces gens ont peu d humanités et j ajouterai que quand mon oncle est décédé pas une fleur de sur sa tombe par le pcf aprés 65 ans de militantiste et cégétiste.je voudrais vous posez une question étiéz vous binasoniale avec Gallo ou non avant la guerre d algérie.car j ai connu beaucoup d étranger qui se faisaient naturalisés aprés la guerre d algérie comme ca il ne la faisait pas

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