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Accueil du site > Tribune Libre > Hôpitaux psychiatriques, ultimes arme de bienséance ?

Hôpitaux psychiatriques, ultimes arme de bienséance ?

 Il fut un temps, c’était l’époque des goulags, ou le régime soviétique envoyait chez les fous ses opposants politiques. En effet, il fallait être dérangé pour ne pas adhérer à l’espoir obligatoire de la dictature du prolétariat. Encore très jeune, dans des soirées branchées à Athènes on écoutait pour s’éclater radio Tirana et sa vision paranoïaque du monde, oubliant dans notre insouciance juvénile que pour le peuple albanais, cette vision du monde était leur réalité non opposable. C’est loin tout cela, on oublie vite surtout que nous sommes submergés, ces derniers trente ans, par la cascade d’événements géopolitiques qui ont changé notre monde. C’est peut-être pour cela que les excuses de Tiger Woods, après celles de tant d’autres qui se auto accusent de trop fumer, trop boire, trop baiser, trop tromper leurs femmes, nous font sourire. Pas moi. Qu’un athlète fasse son mea culpa de « over sex » auprès de ses sponsors (par le biais de ceux faits à sa famille), qu’il déclare qu’il va « se soigner » dans une institution spécialisée aux addictions, me donne, au contraire, la chair de poule. A l’heure qu’il est, je n’ai pas encore entendu un de nos philosophes, anthropologues, sociologues et tutti quanti s’offusquer, sonner la sonnette d’alarme contre cette dictature du politiquement correct qui, par des armes financières et de « bien pensance », renvoie ses élites télévisuelles se faire soigner la tête. Est donc socialement fou quiconque ose vivre intensément ses désirs, ses envies, ses sens, malgré le fait que l’ensemble des superstructures idéologiques (on a les mythes que l’on mérite) fait leur éloge.
 

La télévision peut allègrement faire l’éloge de rouge à lèvres scandale, de parfums opium, de café désir, d’after shave androgynes, de sodas éjaculatrices et j’en passe, elle ne critique pas moins les héros de notre temps (artistes, acteurs, athlètes etc.) qui les prennent au mot. Pire : les sponsors qui utilisent ces héros les punissent dès lors qu’ils passent de la promotion au fait (accompli). Ne nous trompons pas : cette mise en marche schizophrène ne les concerne pas exclusivement. Les consommateurs d’images et de valeurs encadrées (nous tous) sont priés de vivre cette dualité où il est permis de fantasmer mais interdit de vivre. Conduire désormais une voiture « urbaine » ou gonflée à bloc, telle qu’on vous le propose, peut vous conduire en prison, ou pire, chez le psy. Dans le monde tel qu’il se dessine, il y aura plus désormais des délinquants, mais des malades. Malades de prendre au mot ce qu’on lui propose ou d’assouvir sa frustration de ne pas pouvoir l’avoir. A moins de créer un avatar dans une autre vie électronique. Mais attention, même là, la police de moralité a installé des succursales…


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10 réactions à cet article    


  • aivox 20 février 2010 13:03

    Excellent .
    Les TCC de la psychiatrie sont un conditionnement .
    Le patient doit se conformer à une norme sociale, même si cette norme est absurde .
    Ainsi les émissions de Delarue sur les TOC montrent des patients appelés par des praticiens à mettre leur veste par terre, là où c’est sale, pour tester leur tolérance à la ’normalité’ .
    C’est totalement absurde et nie le droit individuel à vivre suivant ses propres normes tant que ces normes sont compatibles avec la loi .
    DSS, le nouveau gourou de comment il faut vivre, impose sa tronche pas catholique, avec un sourire forcé, pour vendre ses évidences pour guérir ou anti-cancer .


    • zelectron zelectron 20 février 2010 13:56

      Michel, pour échapper à l’asile, peut-être la confession publique à l’instar des procès de Moscou ?


      • srobyl srobyl 20 février 2010 19:27

        On se retrouve comme à l’époque du grand renfermement, où étaient réunis dans les mêmes asiles tout ceux qui étaient en porte-à-faux avec la « vie normale », dont les lignes étaient tracées par l’Eglise. Qu’on soit frappé de réels troubles mentaux ou plus simplement adultère, hérétique, blasphémateur, ou enfant prodigue...tout cela « était folie » et justifiait l’internement.
        Et hop, un « centre d’éducation fermé » pour les petits sauvageons pas sages !
         Vivre sans« folie » n’est-il pas justement le propre de la folie des êtres raisonnables ? Comme le souligne Foucault, il est des folies nécessaires : celle de l’amour pour le perennité de l’espèce, celle de la cupidité pour créer des richesses.
        Ce qui semble par contre être le propre de notre époque, c’est le paradoxe, comme vous le montrez, entre les tentations qui nous sont constamment offertes, parfois par ceux-là mêmes qui les dénoncent ensuite et le système de répression mis en place.
        Les héros des films sniffent et fument, téléphonent au volant, roulent à fond la caisse...Même les flics aiment ça


        • lambertine 21 février 2010 09:40

          Vu qu’un des « moyens thérapeutiques » des asiles consiste en des confessions publiques dignes des procès de Moscou...


          • Jean-Paul Foscarvel Jean-Paul Foscarvel 21 février 2010 11:45

            La consommation (la sommation des cons), est basée sur l’insatisfaction du désir.

            Il s’agit d’attirer le consommateur via son désir, y compris bien sûr le désir sexuel. Mais il s’agit surtout de le dévier. Il n’est pas question de prôner l’amour libre, mais l’achat.

            la voiture, le MP3, l’écran plat, devient « cet obscur objet du désir », qui ne passe jamais à l’acte, et pour cause. Car l’acte de plaisir coupe la chaîne du désir inassouvi. Il faut la déception progressive que provoque la réalisation de l’achat pour qu’un autre intervienne.

            La voiture n’est pas si puissante, le MP3 n’est pas si beau, l’écran plat n’est pas si grand. D’où l’évolution lente et constante des technologies. Non pas un saut techno, puis la stablité, mais une progression qui incite toujours à acheter (le désir), puis remplacer (la déception), mais profondément, jamais l’acte de satisfaction qui bloque le processus.

            C’est dans ce sens que les acteurs (de pub) se doivent d’être des modèles de non assouvissement, pour vanter ce que Deleuze appelait « les machines désirantes ».

            Nous sommes bien à l’ère du capitalisme schizophrénique, et voir dans les transports la foule branchée sur ses machines (la mode est au moins 2 à la fois) est un spectacle hallucinant. Par contre, l’échange d’une parole avec un être réel sans passer par la machine devient une impossibilité. Comment ne pas voir qu’il s’agit d’une imposture, où on fait croire que seule la communication payante a de la valeur.

            Triste 49° parallèle !


            • Jean-Paul Foscarvel Jean-Paul Foscarvel 21 février 2010 11:51

              J’ajouterais que nous sommes à l’époque de l’acheter-jeter.

              D’ailleurs, le fait d’aduler un jour un super-héros que l’on enferme ensuite fait partie intégrante de ce mécanisme : l’acteur lui-même est objet de consommation.


              • Bélial Bélial 21 février 2010 14:24

                @ l’auteur Michel Koutouzis :

                Votre diagnostic est hyper pertinent, le modèle vanté est celui de la performance au travail / consommation d’antidépresseurs, de somnifères / être sexy en permanence, avoir l’air sûr de soi et fuckable / gober des anxiolytiques / aller voir des films où les héros fument, roulent vite / rentrer du ciné à 50, 90, 110 (même le 130 se raréfie) et surtout, amasser tout un tas de trucs toujours plus gros (écran, voiture, maison, compte en banque, seins de ta femme...)

                Ce modèle est schizophrénique et n’est pas viable, les cadres (et pas que) craquent au travail et vont en HP ou pire, tout le monde de 7 à 77 ans a des cernes.

                Mais les humains ne sont pas si cons, leur instinct de survie va les amener à remettre en question tout ça.


                • Bélial Bélial 21 février 2010 14:27

                  J’ajoute : Les parents vont arrêter de laisser tout ce beau monde d’experts penser à leur place et arrêter de les laisser foutre leurs gosses sous ritaline au moindre signe d’hyperactivité, notion bien subjective.


                  • Mathilda 21 février 2010 22:32

                    ...cette dualité où il est permis de fantasmer mais interdit de vivre.

                    Cette dualité où il est obligatoire de fantasmer, et condamnable de vivre !

                    Quant à exister...

                    Très bon article. Merci !


                    • brieli67 21 février 2010 22:40

                      in http://www.caf.fr/web/WebCnaf.nsf/090ba6646193ccc8c125684f005898f3/e098f505 ee424193c12575f600245417/$FILE/Dossier%20118%20-%20Deuxième%20prix.pdf


                      conclusion de ce travail d’Histoire 

                      Au sein d’une société soumise aux diktats de l’apparence, est façonnée une nouvelle humanité qui doit être conforme à un certain idéal de beauté, et doit répondre aux exigences du productivisme. La loi de la compétition, qui existait déjà largement au début du siècle comme nous avons pu le souligner dans ce travail, semble l’emporter sur ce plan face à l’impératif d’intégrer les handicapés mentaux. La société devrait ressembler à une somme d’individus analogues. L’idéal de l’individu normal aujourd’hui est évidemment un gagnant, de préférence beau et intelligent. Ainsi, tous les autres, « tous les échoués, les malchanceux, les marginaux en toute sorte, les naufragés de cette intelligence normée, tous ceux qui viennent s’inscrire en négatif sur le registre du progrès social »5 sont par avance disqualifiés. En apparence positive, car synonyme de créativité et de dynamisme, ces normes représentent aussi une nouvelle tyrannie, ayant pour effet d’exclure tous ceux qui diffèrent de l’idéal-type requis.

                      L’enfance arriérée au début du XXème siècle : entre assistance et exclusion
                      L’exemple de l’institut Saint-André de Cernay (1891 – 1939)

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