Incidents nucléaires à répétition en Europe, dans un silence médiatique assourdissant
Si l'accident de Fukushima a accentué le sentiment de défiance vis à vis du nucléaire dans le monde entier, au pays d'AREVA les industriels peuvent compter sur le silence plutôt complaisant des grands médias.
Pourtant, ces deux derniers mois ont été le théâtre d’une actualité nucléaire intense :
- Incidents à répétition en Belgique et en Ukraine.
- En France, de curieuses dérogations ont été accordées pour la cuve déficiente de l’EPR de Flamanville
- Au Japon, une déclaration alarmante a été prononcée par le directeur des opérations de démantèlement de Fukushima
Si vous n'en avez pas entendu parler voici une occasion de vous remettre à jour et d’en parler autour de vous.
Problèmes de cuve sur l’EPR, le gouvernement accorde une dérogation spéciale :
Le chantier du futur EPR a connu nombre de difficultés et de défauts de construction depuis sa mise en œuvre en 2007. Au point que le gouvernement a donné le 7 janvier 2016 une dérogation à Areva concernant les défauts constatés d’une cuve sur le futur réacteur.
On apprend que le décret se justifierait par une réglementation ayant évolué entre le moment de la conception et la mise en chantier.
Le directeur de l’autorité de sureté nucléaire française a déclaré :
« La cuve aurait posé problème même par rapport aux anciennes règles »
La Belgique a son lot de "Fessenheim" :
Pour les non-initiés, Fessenheim est une des plus vieilles centrales nucléaires en service en France (1978).
François Hollande, non sans prosélytisme en 2012, avait promis de la faire fermer avant fin 2016. En bon stratège, il associait cette fermeture à la mise en service du nouvel "EPR" de Flamanville, qui pourtant faisait face aux difficultés techniques énoncées plus haut.
En mars 2013, le réacteur N°2 de Fessenheim avait vu sa durée de vie prolongée de 10 ans.
Le danger que représente cette centrale avait été pointé dans un rapport édité par le ministre de l’environnement du land de Bade-Wurtemberg (Allemagne) en janvier 2016. Ce dernier n’a pas hésité à réclamer la fermeture du site de Fessenheim :
"Je considère le risque pour l'Homme et l'environnement trop élevé"
Précision : Le land de Bade-Wurtemberg est actionnaire minoritaire de la centrale et donc touche une rémunération sur cette centrale, une fermeture serait donc un manque à gagner, cela donne à réfléchir.
En Belgique, deux centrales nucléaires posent de graves problèmes depuis quelques années et encore plus ces derniers mois. Il s'agit des centrales de Doel et Thiange.
La centrale de Doel :
La centrale de Doel est de trois ans l'aînée de celle de Fessenheim. L'un de ses réacteurs a été arrêté en février 2015 par le gouvernement belge.
Une loi prévoit une durée maximale d'activité de 40 ans.
Après certains aménagements sur le site, le complexe fut autorisé à être exploité pour 10 ans de plus.
Le réacteur N°1 a été remis en service le 30 décembre 2015. Dès le 2 janvier, soit trois jours plus tard, celui-ci s'arrêta en raison d'un problème d'alternateur.
Le réacteur N°3, qui déjà avait été mis à l’arrêt plusieurs fois depuis 2012, fût remis en service le 21 décembre 2015. Dans la nuit du 24 au 25 décembre 2015, soit 4 jours plus tard, celui-ci fût arrêté en raison de microfissures dans la partie non nucléaire de la cuve.
La centrale de Tihange :
Le réacteur N°1 s’est arrêté le 18 décembre 2015 à la suite d’un incendie dans une partie non nucléaire de la centrale. Il a pu redémarrer une semaine plus tard, le 26 décembre. Pour rappel un incendie avait également eu lieu en novembre 2014 sur le réacteur N°3.
Le réacteur N°2 avait connu plusieurs arrêts entre 2012 et 2014, suite à la découverte de microfissures, tout comme Doel 3, le réacteur fut remis en service le 14 décembre 2015.
Ironie de la situation, les microfissures constatées des réacteurs 2 de Tihange et 3 de Doel seraient dues à un vice de fabrication lors de la conception de la cuve. L’histoire ne dit pas si le gouvernement de l’époque avait accordé une dérogation lors de la fabrication…
Des voisins européens inquiets :
Les différents incidents du site de Thiange ont provoqué la réaction du ministre de l’environnement du land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie Johannes Remmel, qui a déclaré en décembre dernier que la Belgique :
« Jouait à la roulette russe »
M. Remmel aurait également observé que le réacteur de Tihange :
« S’effritait et que les problèmes dans l’infrastructure ne cessaient d’augmenter depuis des années. »
Le gouvernement du Luxembourg, le 4 janvier 2016 a quant à lui déclaréavoir des :
« Préoccupations sur les déficiences constatées dans la centrale nucléaire de Tihange »
Aux Pays-Bas, deux députés ont été très vindicatifs concernant la centrale de Doel située à moins de 20km d'Anvers. Le député Eric Smaling a déclaré :
« Les installations ont à peine été remises en route qu’elles sont immédiatement tombées en panne. Nous ne pouvons pas qualifier cela de simple incident à chaque fois »
De même, la députée Stientje van Veldhoven (D66) a déclaré le 4 janvier 2016 :
« Ces centrales sont si vieilles, que si quelque chose tourne mal, les problèmes ne s’arrêteront pas à la frontière »
En Ukraine, la plus importante centrale nucléaire du pays, avec 6 réacteurs, a connu un incident qui a privé de nombreux foyers d’électricité en plein hiver. Le gouvernement avait alors déclaré :
« L’incident est survenu dans le troisième réacteur de la centrale nucléaire de Zaporijia, au sein du système de sortie électrique. Ce n’est en aucun cas lié au réacteur. Il s’agit d’un court-circuit »
Quand on connait la situation financière et diplomatique au pays de Tchernobyl, cet évènement a de quoi inquiéter.
L'épineuse question du démantèlement :
Dans un précédent article, je relayais les bien tristes aveux de Naohiro Masuda, nouveau responsable des opérations de décontamination de la centrale de Fukushima, qui déclarait le 4 janvier 2016 que les opérations de démantèlement du site prendront « près d'un demi-siècle » et nécessiteront :
« D’inventer une nouvelle science »
Une déclaration qui n'apparaît pas si exagérée au vu de la complexité du problème du démantèlement des centrales et surtout du stockage des déchets pour lesquels aucune solution fiable n'a encore été trouvée.
Selon le CNRS, le coût du démantèlement d'une centrale n'est toujours pas chiffré. Il varie du simple au triple suivant les méthodes de calculs et les pays. Mais plus que son coût, c'est bien de sa faisabilité dont il est question dans la déclaration du responsable du site de Fukushima !
L'industrie nucléaire en Europe est vieillissante, la question d'une sortie du nucléaire il y encore quelques années, apparaissait pour beaucoup une lubie de quelques écologistes. Elle mérite pourtant d'être mise en perspective face aux contraintes financières, écologiques et techniques.
Les gouvernements des différents pays nucléarisés semblent ne pas vouloir prendre de décisions vis à vis d'un problème qui semble insoluble et pourtant de plus en plus pressant.
Mais rassurons-nous :
En France les gouvernements depuis 1997 distribuent des pastilles d'iodes aux populations dans un rayon de 10 km autour des centrales nucléaires…
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