Kate Middleton : une gorge ducale dans la tourmente médiatique
Entre deux visites protocolaires, la duchesse Catherine Middleton et le prince William ont choisi le ciel azuréen du Luberon pour s’octroyer quelques jours de relâche (les gens du commun ne conçoivent pas combien les journées du couple princier sont harassantes…). Mais la tourbe des faiseurs de réputation s’est immiscée dans le nid des deux tourtereaux : des images de la duchesse in naturalibus, publiées par Closer le vendredi 14 septembre (cette publication a été condamnée le 18 septembre pour atteinte à la vie privée), et par d’autres magazines les jours suivants, font le tour du globe. La presse à sensation a livré aux yeux de tous, avec quelques clichés volés, une émotion esthétique réservée à l’intimité du couple princier. Cependant, la nudité de cette personne distinguée (ou qualifiée telle) ne permet pas de voir ce qui la distingue de ceux que rien ne distingue et qui, de toute façon, ne cherchent pas à se distinguer.
- Kate Middleton : une gorge ducale dans la tourmente médiatique
- http://www.flickr.com/photos/dullhunk/7156968919
Jadis, le respect de l’étiquette préservait la classe nobiliaire ; aujourd’hui, la seule étiquette digne d’intérêt serait celle qui dépasse du maillot. Les misérables manants que nous sommes ! Avons-nous fait une révolution pour pouvoir nous délecter des frasques du prince Harry en tenue d’Adam, après une partie de « Strip-billard » à Las Vegas, de la croupe prometteuse de Pippa Middleton, la sœur cadette de Catherine, ou encore des célestes appas d’une duchesse sans voiles ?
La revanche du vulgaire
Quand certains lecteurs de Closer voient une photographie de la duchesse de Cambridge dans le plus simple appareil, exposant sa chair aux feux de l’été, leur seul effort cérébral se limite à une évaluation qualitative de la plastique des deux sœurs Middleton : la gorge délicate de Catherine efface-t-elle le fessier galbé de Pippa, ou serait-ce l’inverse ? Certes, la lecture de la presse à sensation agit défavorablement sur les facultés cognitives et les questions d’ordre métaphysique n’ont plus la faveur du peuple souffrant. Pourtant, que l’on soit un zélateur de la gent nobiliaire ou que l’on se soucie comme d’une guigne de ses faits et gestes, l’on peut sourire de cette révolution esthétique dans l’esprit des gens de qualité (ou présumés tels) : la blancheur de la peau n’est plus un signe de richesse et de statut social élevé. La mise à mal de ce symbole ne date pas d’hier : au début du XXe siècle, la haute société affluait dans les stations balnéaires huppées et s’adonnait aux activités de plein air, mais ce pied de nez de l’histoire est toujours aussi plaisant.
En effet, l’ironie de l’affaire Kate Middleton, c’est qu’en se ravalant au rang d’une gueuse des plages (un gueux, c’est un de ces 94 % de minables qui se contentent de moins de 5000 € par mois, selon la terminologie de Copé), cette fille de la roture dessert la famille royale et donne du grain à moudre aux sociologues facétieux : préférer une gorge halée aux seins d’albâtres des nobles dames du temps jadis, c’est reconnaître implicitement que le teint laiteux des gens oisifs, d’ordinaire assez peu exposés aux intempéries, ne sied guère à une dame de haut rang. Dans les hautes sphères, arborer une peau cuivrée dans les endroits où l’on ne se rend que pour la montre, comme si l’on revenait tout le temps de vacances, vaudrait-il mieux qu’afficher la pâleur prisée par les gens de hauts parages des siècles passés ? Les créatures marmoréennes magnifiées par les auteurs romantiques du XIXe siècle ne feraient-elles plus florès de nos jours ?
La révélation : une duchesse est une femme comme les autres
Sans la perspicacité des fins limiers de Closer pour éclairer la géniture de glaiseux que nous sommes, nous ne subodorerions même pas l’apport involontaire de la duchesse de Cambridge et de ses pairs à l’avancée des sciences sociales : il ne s’agit plus de voler des moments d’intimité, mais bien de rendre palpable la valeur symbolique des actes. Quand une duchesse se dépouille de ses vêtements pour brunir au soleil de Provence, la portée sociologique de ce geste n’est pas négligeable. De ce point de vue et pour paradoxal que cela paraisse, la presse de caniveau contribue au débat d’idées.
De surcroît, prouver, photographies à l’appui, qu’un membre de la famille royale britannique a la même morphologie qu’un citoyen ordinaire, c’est marcher sur les brisées des agents de Scotland Yard. D’accord, il ne faut pas pousser la Reine mère dans les orties. Malgré tout, chacun œuvre dans son domaine : les Sherlock Holmes de la presse à scandale gagnent leur vie en alimentant les instincts les plus vils de l’homme et les agents au service de la couronne britannique perdent souvent la leur en les bridant.
Toutefois, Closer dévoie-t-il le lecteur en lui offrant de quoi satisfaire son appétence pour le sensationnel ou instille-t-il dans son cerveau cette idée subversive : une femme de haut rang (qu’elle soit de sang bleu ou qu’elle soit issue de la roture) n’en est pas moins une femme de son temps et Son Altesse royale la duchesse de Cambridge n’est jamais qu’une femme comme les autres ? De fait, chacun sait que le titre de duchesse ne revêt pas l’impétrante d’une aura surnaturelle : Kate a des protubérances mammaires, comme n’importe quelle fille du peuple.
Que de chemin parcouru depuis la Révolution ! Il est loin le temps où le Français considérait la fille d’Albion de haute condition comme une espèce de bâtisse baroque intemporelle.
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