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L’aigle, le benêt, les droits de l’homme et le sens du commerce

 La France, comme tous les autres pays, a probablement une politique étrangère basée sur ses intérêts propres et l’endiguement des puissances concurrentes ou dangereuses. Une ligne semble dominer : l’exportation de la démocratie par la déstabilisation des régimes autoritaires ou dictatoriaux en mettant en avant les Droits de l’Homme.

 Un exemple de mise au pas de régimes récalcitrants se produit en 2003, lorsqu’une coalition d'États menée par les États-Unis et le Royaume-Uni envahit l'Irak pour renverser Saddam Hussein, alors accusé de détenir des armes de destruction massive. Saddam Hussein sera exécuté par pendaison en décembre 2006 à Bagdad.

 Les pays occidentaux, les Etats-Unis en particulier, montraient le chemin à suivre : la guerre, et tous les moyens de coercition possibles, seront utilisés pour faire rentrer dans le rang les régimes récalcitrants. L’Art du politique est faite d’opportunisme, de rouerie, de manœuvres diverses, ce qui la rend peu prévisible. Mais le cadre politique doit être clair pour les électeurs.

 Le 10 décembre 2007, Mouammar Kadhafi entame une visite de 5 jours en France, la première depuis 1973. Le dirigeant libyen, qui rencontrera Nicolas Sarkozy à deux reprises, recevra ses invités sous une tente bédouine. Ces démonstrations d’amitiés n’auront qu’un temps : une intervention militaire en 2011, regroupant principalement la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Italie, sera engagée et conduira à la mort du dirigeant Libyen. La politique militaire illustrée en Irak connaît un nouvel épisode : il était du devoir de la France de soutenir « les pays arabes réussissant leur marche vers la démocratie. »

 La France alignera 72 avions durant l’opération d’avril 2011 dont 24 avions Rafale pour appuyer une diplomatie des Droits de l’Homme et pour soutenir les élans démocratiques de certains libyens. Une intervention du même type est prônée par François Hollande durant l'été 2013, la France était alors sur le point d'intervenir en Syrie avec ses alliés après une attaque par armes chimiques dans une banlieue de Damas.

 Le Rafale de Dassault Aviation est un avion de combat développé pour les armées françaises, et livré à partir de 2001, le coût du programme jusqu’à l’obtention de l’avion final est de l’ordre de 50 milliards d'euros. L’exportation des avions est une nécessité pour rentabiliser autant que faire se peut l’opération. Jusqu’à la fin du mandat de N. Sarkozy, aucune opportunité de vente à l’étranger ne se concrétise. Début 2012, le Rafale était toutefois très proche de remporter son premier contrat à l'étranger : Dassault devait fournir 126 avions à l'Indian Air Force. Les négociations, complexes, portent en particulier sur les transferts de technologie envisagés. Après de multiples revirements, le 25 janvier 2016, un protocole d'accord pour l’achat de 36 Rafale est signé par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian et son homologue indien. La signature proprement dite du contrat a lieu le 23 septembre 2016. Il ne s’agissait cependant pas de la première vente à l’étranger du Rafale puisque, en 2015, l’avion avait trouvé pour la première fois acquéreur au Qatar et en Egypte qui avaient acquis chacun 24 appareils.

 L’avion Rafale est lourdement armé : missiles air-air, canon, bombes guidées par laser, missiles de croisière, missiles antinavires…

Le Rafale peut être doté de bombes, guidées ou non, de 250kg aptes pour détruire des véhicules, des dépôts logistiques et des bâtiments conventionnels. Pour traiter des cibles fixes de grande importance, le Rafale dispose du missile de croisière Scalp qui a une masse de 1 300 kg, un diamètre maximal de 1 m et une envergure de 3 m, son coût est important (850 000€ environ). Une arme adaptée à la destruction d’ouvrages d’art telles que des installations portuaires ou des pistes d’aérodromes est fournie par la GBU-24 de masse 1000kg, que l’Armée de l’Air a utilisée lors de l’opération Chammal en Irak.

 Les avions Rafale ne sont pas, loin de là, les seules armes exportées par la France, des sous marins, des porte-hélicoptères, entre autres, complètent l’offre de choix. Le montant des exportations s'est élevé à 4,8 milliards d'euros l'année de l'élection de François Hollande. Dès 2013 ce montant s’élève à 6,9 milliards d’euros, 8,2 milliards en 2014, 16,9 en 2015 pour culminer à 44 milliards en 2016. La France, indépendamment de la conjoncture, fait partie des tout premiers exportateurs d’armes au monde en compagnie des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine et du Royaume-Uni. À noter que tous sont membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.

 Le commerce d’armes se sépare quelque peu du commerce habituel en ce qu’il conforte ou établit des rapports de force entre Nations. L'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 conduit plusieurs alliés de la France à réclamer une suspension de la livraison de navires porte-hélicoptères de type Mistral. Dans le même temps, les autorités britanniques continuent cependant de vendre à la Russie des fusils de précision, des munitions, des gilets pare-balles, des moyens de communication militaire… pour un total d’environ 100 millions de livres. Le président de la République François Hollande déclare en novembre 2014 que la situation dans l’est de l’Ukraine ne permet pas la livraison du premier navire. Les navires Mistral seront finalement livrés à l’Égypte avec un financement de l’Arabie Saoudite.

 L'Arabie saoudite est devenu en 2014 le premier importateur mondial d'équipements militaires dans un marché dont le volume a atteint un niveau record. Les autres années elle figure dans les tout premiers. Entre 2010 et 2015, plus de la moitié (54 %) des exportations d’armes de la France a été en direction du Proche et du Moyen-Orient. avec comme premier client l’Arabie saoudite. La proximité stratégique entre la France et l’Arabie saoudite ne semble faire aucun doute.

 L'Arabie saoudite, qui accueille un peu plus de 10 millions d’immigrés, n’est pas un pays connu pour respecter les « Droits de l’Homme » au sens occidental (droits des femmes et des minorités) de l’usage de cette expression Les autorités considèrent toute voix dissidente comme du terrorisme. L'Arabie saoudite figure en 164e position sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2015. Le 26 mars 2015 l’Arabie saoudite est entrée dans un conflit au Yémen, à la tête d’une coalition de neuf pays arabes. Le 2 octobre 2015, l'Arabie saoudite a empêché la mise en place d’une enquête internationale sur la conduite de ses frappes aériennes au Yémen, pays où des civils sont sous le feu des chars Leclerc et des Mirage 2000 que la France a auparavant vendu aux Émirats arabes unis et au Qatar les années précédentes. 

 L’ambassadeur de l'Arabie saoudite à l'Office des Nations-Unies, Faisal bin Hassan Trad, a été nommé le 22 septembre 2015 à la tête du panel du Conseil des droits de l'Homme, François Hollande a décoré de la légion d'honneur Mohammed ben Nayef, prince héritier d'Arabie saoudite, le 6 mars 2016. Jean-Marc Ayrault indique à ce sujet : "Il faut que ce soit discret vis-à-vis des médias mais sans dissimulation, si on nous interroge on répondra lutte contre Daesh et partenariat économique et stratégique. »

 Tout est dit ! La position mesurée d’un ex-premier ministre et titulaire actuel du ministère des affaires étrangères de la France permet de cerner l’attitude des dirigeants et la raison de leurs choix lorsqu’il s’agit d’exterminer les uns et de décorer les autres. Le bien, le mal, les principes moraux sont des apparences qu’une lecture profonde et raisonnée d’un problème rend inapte à toute décision. Seul compte l’intérêt à long terme des états que l’on dirige. Si dans quelques moments historiques, l’intérêt général fut réellement superposé aux propos tenus, un léger scepticisme concerne tous les autres temps du pouvoir.

 


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8 réactions à cet article    


  • poussière 15 mars 2017 09:26
    Il y a beaucoup plus grave et cela nous concerne directement, avec la vente d’un laboratoire P4 et parallèlement le cheval de troie que constitue les salafistes de l’UOIF

    L’avènement des armes à pulsions électromagnétiques devraient reléguer le rafale au rang du fouga magister

    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 15 mars 2017 10:52

      @poussière
      L’usage de micro-organismes très pathogènes est de fait un problème essentiel. Mais celui de déterminer si on peut mener une politique libre et pacifique (en non pacifiste) tout en vendant 80 milliards d’euros d’armes en 5 ans n’est pas marginal.


    • poussière 15 mars 2017 20:22

      @Jacques-Robert SIMON
      Depuis au moins 10 ans nos dirigeants politiques n’ont plus aucune liberté, ou une liberté bien restreinte !


      Le reste c’est de la communication orwellienne : « La guerre c’est la paix »

      Par ailleurs la politique menée avec l’arabie saoudite dépend aussi de la stratégie politique des saoudes (et des qataris) décidée à notre égard. Il ne faut surtout pas les prendre pour des arriérés ! Je vous invite à lire cette interview de christian Chenot à propos du livre « Nos très chers émirs ».



    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 16 mars 2017 09:12

      @poussière
      J’ai lu les propos de M. Chesnost et peu de supporters du PSG sont conscients des efforts de soft power faits. Je me demande plus généralement si notre présent n’empêche pas tout futur.


    • poussière 16 mars 2017 11:37

      @Jacques-Robert SIMON

      « Je me demande plus généralement si notre présent n’empêche pas tout futur »
      Vous pouvez développer svp !

    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 16 mars 2017 18:44

      @poussière

      Un exemple : un travail de Titan est mené pour faire des automobiles électriques qui seraient capables de s’auto-conduire alors qu’il suffit de prendre le train (ou même le bus) pour faire mieux du point de vue développement durable. En d’autres termes, privilégier le collectif sur l’individuel, ce qui est à contresens des propositions actuelles. 
      Incidemment, les batteries électriques posent d’immenses problèmes. 

    • poussière 17 mars 2017 22:07

      @Jacques-Robert SIMON
      Bonsoir,

      Au pays du béton, les autoroutes sont élargies...pour laisser circuler des camions qui devraient circuler par ferroutage mais ça rapporte du pognon....Le monde du pétrole ne veut pas mourir et la transition sera malheureusement violente.
      Il suffit de regarder les pubs débiles (infantilisantes) qui vendent des véhicules sur-équipés pour comprendre qu’il n’y a aucune intention écologique chez les assembleurs. 

      Par contre un véhicule « interconnecté » permet de contrôler les déplacements de chaque individu.

      Le saviez vous la pollution n’existe plus au dessus de 1000 mètres pour les avions !

      J’ai commencé à lire votre blog. Une réflexion m’est venue au sujet de l’industrie : Le concept d’économie d’échelle n’est plus valable aujourd’hui au regard des technologies existantes.

      Vous devez avoir mon adresse mail via l’interface, j’aimerais continuer à échanger avec vous si vous le souhaitez....



    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 18 mars 2017 10:02

      @poussière

      Nous avons une vision proche du présent et nous pensons que la transition n’est guère possible à partir de celui-ci vers le raisonnable. Le seul bienfait réel du libre échange forcené (car personne n’est contre un libre échange maîtrisé) c’est l’essor de la Chine (restée communiste malgré tout). Je regarderai via le courriel.

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