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Accueil du site > Tribune Libre > L’érosion et l’évaporation du Capital #10

L’érosion et l’évaporation du Capital #10

Construction d'un système économique

 

Avant d’aborder toutes constructions systémiques, il est impératif de déterminer les forces en présence, c’est-à-dire les volontés qui conduisent les acteurs à agir.

Dans le cas d’un système économique, nous avons identifié quatre facteurs : Le Capital, le Travail, l’Entrepreneuriat et l’État.

Dans un système non régulé, on constate un effet mécanique qui conduit le Capital à croître avec l’économie. Malheureusement, lorsque la croissance économique s'achève, le Capital cherche à poursuivre sa croissance en asphyxiant les autres facteurs économiques.

Il apparaît que cette problématique touche la plus part des économies marchandes et dépasse le seul "capitalisme".

De nombreux économistes ont essayé de repenser le système économique à partir des incohérences socio-économiques, notamment relevées par Karl Marx. L’un de ses constats met en évidence que le Travail (mais aussi de l’Entrepreneuriat) est « coupé », c’est-à-dire non propriétaire, des outils de production.

Un économiste français, B. Friot, propose d’abolir la propriété lucrative pour une propriété d’usage. Cet idéal revient immanquablement à une forme de communisme qui abolirait le bien individuel pour le bien commun, c’est-à-dire à renoncer à la propriété individuelle pour la propriété commune universelle.

Le désir d’être le maître d’un quelque chose ou d’un quelque part est inhérent à la nature humaine. Nier ce désir revient à nier la volonté de puissance économique et politique propre à chaque individu.

Nier ce désir revient à oublier que les paysans russes ont préféré abattre leur bétail plutôt que de le laisser au régime bolchevique qui entendait se les approprier au nom du « bien commun ».

 
 

 

Analyse des facteurs économiques par les aspirations humaines

 

Le Capital est le guide[1] de l’économie capitaliste. Malgré son rôle hyper-dominant dans l’économie, la politique et la société, l’aspiration humaine à laquelle répond son conatus est extrêmement réduite puisqu’elle se cantonne à la volonté de puissance économique.

L’État a pour conatus l’autoconservation. Cette autoconservation est comparable à l’instinct de survie d’une grande majorité des êtres vivants. L’État a pour caractéristique de servir les aspirations de son maître. Lorsque le peuple se rend maître de l’État par un régime démocratique alors l’État se met au service de l’ensemble des aspirations humaines. En revanche, lorsqu’une oligarchie se rend maître d’un État, l’État ne sert que les aspirations de cette oligarchie. Enfin, lorsque cette oligarchie est une oligarchie financière, cela revient à une ploutocratie, et le conatus de l'État se superpose à celui du Capital.

Le Travail et l’Entrepreneuriat : Dans le cas présent, le travail et l’entrepreneuriat sont regroupés, car ils incarnent indistinctement le Travail tel que l’entendait Marx, c'est-à-dire l’activité humaine, c’est-à-dire la force de travail dans son sens le plus large. Or, l’activité humaine dans son sens le plus large répond à la somme des aspirations humaines :

— La volonté de puissance politique qui se manifeste par le désir d’évoluer dans son poste, d’obtenir une promotion ou, plus généralement, par l’ambition « carriériste » d’une activité laborieuse.

— La volonté de puissance économique qui se manifeste par les contreparties financières issues des tâches laborieuses et l’ambition qui les accompagne. Elle se manifeste également chez les entrepreneurs qui aspirent à faire « croître » leur entreprise.

— La volonté de puissance physique/directe qui se manifeste dans les travaux physiques (dans lesquels certains individus s’illustrent par leur puissance physique), mais, plus spécifiquement, avec les sportifs professionnels ou les militaires de carrière.

— La volonté d’altruisme politique qui se manifeste par la participation au cortège d’associations caritatives ou d’intérêt général, par les formations politiques qui ont vocation à servir l'intérêt général, par les entreprises ou les coopératives œuvrant pour le développement durable, l’humanitaire ou d’autres causes reconnues d’intérêt général.

— La volonté d’altruisme économique qui se manifeste par le bénévolat ou, plus subtilement, par l’acceptation d’un salaire moindre pour travailler dans certaines organisations (répondant à la volonté d’altruisme politique) et par le travail non rémunéré réalisé dans son propre foyer.

— La volonté d’altruisme physique/direct qui se manifeste des professions telles que l’éducation ou la santé. Ce type de volonté se reconnaît dans le degré de bienfaisance de l’activité.

— La volonté de connaissance se manifeste dans des professions telles que les chercheurs de divers domaines ou le journalisme. [Lorsque la volonté de connaissance se conjugue avec la volonté d’innovation, elle produit des ingénieurs.]

— La volonté d’innovation, de création se manifeste notamment chez les artistes ou les entrepreneurs.

— La volonté de jouissance se manifeste lorsqu’un individu décide de conjuguer son activité professionnelle avec un domaine d’activité qui le passionne. Plus généralement, la volonté de jouissance s’incarne lorsque, par le fruit de son labeur, le travailleur devient, à sa plus grande joie ou son plus grand désespoir, un consommateur.

 

On notera que les différents types de volonté de puissance ont tendance à se superposer au même titre que les différents types de volonté altruiste. Par exemple, l’activité bénévole se réalise souvent pour des organisations d’intérêt général ou encore l’ambition « carriériste » s’accompagne souvent d’une exigence quant à la rémunération.

Ainsi, on serait tenté d’opposer deux incarnations stéréotypées symbolisant pour l’un la volonté d’altruisme et pour l’autre la volonté de puissance.

 

 

La pérennité, la stabilité et l’adaptabilité d’un système.

 

Posons le constat que :

Le capitalisme est un système instable qui se heurte régulièrement à des crises d’intensité variable.

Pour les plus violentes d’entre elles, ces crises sont des catastrophes sociales et économiques.

 

Faisons l’hypothèse que :

La pérennité d’un système réside dans sa stabilité et son adaptabilité.

La stabilité d’un système réside dans son équilibre.

L’adaptabilité d’un système réside dans sa capacité d’autorégulation.

 

Force et faiblesse du capitalisme :

La force du capitalisme réside dans sa capacité d’autorégulation.

La faiblesse du capitalisme réside dans sa nature instable.

 

Repenser l’économie politique en se donnant pour objectif de :

Conserver la capacité d’autorégulation offerte par une économie de marché.

Supprimer la nature instable du capitalisme.

 

 

La nature instable du capitalisme :

 

L’instabilité du capitalisme est liée au fait qu’il est guidé par le Capital. En effet, le Capital est un facteur économique qui n’est conduit que par une seule des aspirations humaines : la volonté de puissance économique. Dès lors qu’un système économique et politique n’est pas guidé par l’exhaustivité des aspirations humaines, il n’est pas équilibré. Dans le cas du capitalisme, ce déséquilibre se manifeste par le phénomène de concentration du Capital qui conduit à un double déséquilibre :

 

Un déséquilibre économique.

Ce déséquilibre économique est mis en scène dans le schéma : « Capitalisme : de son essor à son autodestruction ». Cette représentation permet de comprendre le processus qui conduit le capitalisme ses régulières autodestructions et le Capital vers plus de concentration et de liquidité.

 

Un déséquilibre politique.

Ce déséquilibre politique se manifeste lorsque l’État est détaché de l’intérêt général, c’est-à-dire l’exhaustivité des aspirations humaines, pour un intérêt spécifique. Dans le capitalisme, ce déséquilibre apparaît lorsque le Capital se rend maitre de l’État :

Démocratie : l’État est soumis au peuple, donc à l’intérêt général.

Aristocratie : l’État est soumis aux élites, donc à l’intérêt d’une minorité*.

Ploutocratie : l’État est soumis aux lobbies financiers, donc au Capital.

* Lorsqu’une Aristocratie est inféodée au Capital, cela revient évidemment à une Ploutocratie.

Dans une Ploutocratie, l’État n’est pas soumis à l’exhaustivité des aspirations humaines (tel que le représente le schéma « Modélisation des aspirations humaines »), mais uniquement à l’une d’entre elles : la volonté de puissance économique.

 

Cette distorsion entre la diversité des aspirations humaines et l’aspiration restreinte des classes dominantes crée une tension sociale qui s’additionne avec la tension sociale générée par le déséquilibre économique. Afin d’atteindre une stabilité économique et politique, il est nécessaire de résoudre la problématique suivante :

Quels systèmes politiques et économiques permettraient de garantir une soumission à l’exhaustivité des aspirations humaines et un équilibre économique ?

 

 

La problématique d’une réforme du système économique.

 

Qu’il s’agisse d’économie ou de politique, les acteurs sont toujours les êtres humains.

À ce titre, si l’on souhaite obtenir un système dont l’équilibre interne garantisse sa relative stabilité, il est nécessaire de partir des aspirations humaines et d’identifier le facteur incarnant l’exhaustivité des aspirations humaines.

Or, l’intégralité des aspirations humaines se concentre dans le Travail et l’Entrepreneuriat (cf. partie 1 « L‘analyse des facteurs économiques par les aspirations humaines »), regroupés dans le facteur Travail tel que l’entendait Marx (qui ne le dissociait pas de l’Entrepreneuriat), c'est-à-dire l’activité humaine, c’est-à-dire la force de travail dans son sens le plus large.

 

Afin de garantir une soumission à l’exhaustivité des aspirations humaines, l’économie doit donc penser un système d’économie politique soumis au Travail et à l’Entrepreneuriat.

Cependant, afin de conserver la capacité d’autorégulation offerte par une économie de marché (cf. partie 2 « La pérennité, la stabilité et l’adaptabilité d’un système »), ce système doit respecter la liberté et le conatus des quatre facteurs économiques incarnés par l’État, le Travail, l’Entrepreneuriat et le Capital.

 

Comme nous l’avons vu, l’inclination naturelle d’un système économique qui ne fait que « respecter la liberté et le conatus des quatre facteurs économiques incarnés par l’État, le Travail, l’Entrepreneuriat et le Capital », c’est-à-dire l’inclination naturelle du système capitaliste, tend vers une croissance et une concentration du facteur Capital qui le conduit à dominer les autres facteurs économiques. Or, cette domination est structurelle et, de ce fait, inéluctable.

 

Envisager un mécanisme économique qui viserait à « brider » la croissance du Capital contreviendrait en partie à la « volonté de puissance économique », l’un des moteurs (pour ne pas dire le moteur) principaux d’une économie de marché : cela n’est donc pas souhaitable.

Envisager un mécanisme économique dont l’objectif serait de lutter contre le phénomène de concentration du Capital et, parallèlement, d’amener progressivement l’économie à se soumettre au Travail et à l’Entrepreneuriat : cela est souhaitable.

 

Dans ce cas, la problématique deviendrait : quels mécanismes économiques permettraient de lutter contre le phénomène de concentration du Capital et, parallèlement, d’amener progressivement l’économie à se soumettre au Travail et à l’Entrepreneuriat ?

 

 

[1]Guide se dit « Führer » en allemand et « Duce » en italien. Les idéologies fascistes se reconnaissent notamment à leur dogmatisme et à la suprématie accordée à la volonté de leurs « guides ».


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2 réactions à cet article    


  • Raoul-Henri Raoul-Henri 16 janvier 2017 20:28

    Hello Alban,

    j’ai repris la lecture de la série depuis le #1 jusqu’au #7 et je craque un peu. Aussi je préfère vous le demander directement : dans quel opus de la série parlez-vous de l’érosion et l’évaporation du capital ?


    • Alban Dousset Alban Dousset 16 janvier 2017 22:43

      @Raoul-Henri

      Je vous remercie de votre patience.
      L’érosion et l’évaporation du Capital devraient être abordés dès la prochaine publication (dans environ 2 mois).
      Merci à vous,

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