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« L’ÉTAT D’URGENCE n’est pas une fin mais un moyen. »

Pour John Simmons, « Tous les États actuels sont illégitimes », Narveson de préciser « l'État oblige par la force des armes en définitive, tous les habitants d'un territoire donné à se soumettre à lui, qu'ils le veuillent ou non. Puisque ce pouvoir ne repose pas sur le consentement libre et unanime des individus. » Afin d'éviter toute mauvaise interprétation, je m'empresse de préciser que ce courant de pensée n'incite pas à la violence. Dans un État « raisonnablement juste », des considérations de prudence imposent d'évaluer les avantages et les inconvénients. Si l'idéal de justice est différent pour le magistrat, le justiciable et l'historien, les alter-mondialistes ne manquent pas d'interpeller les lois au nom du respect de l'humain. Pour ceux-ci, la désobéissance civile est pour tout individu doté d'une conscience, un devoir. Certains vont plus loin, d'invoquer l'état de « nécessité » qui permet d'écarter la responsabilité d'un individu qui « face à un danger actuel ou imminent » accomplit un acte répréhensible.

Alors que le Sénat et le Parlement s'apprêtent à examiner une refonte de l'état d'urgence et sa reconduction au-delà du 26 février, la Ligue des droits de l'homme a saisi le Conseil d'État pour en demander la suspension. Les Sages ont estimé : « que le péril imminent justifiant sa mise en œuvre n'avait pas disparu. » Mesure plébiscité par huit Français sur dix (sondage Ifop 79 % des Français interrogés se déclarent favorables à sa prolongation).

Le jeudi 21 janvier 2016, le Premier ministre s'exprimant devant l'Assemblée nationale sur la prolongation de l'état d'urgence a déclaré : « Nous sommes en guerre ! Pas une guerre à laquelle l'Histoire nous a tragiquement habitués, non ! une guerre nouvelle extérieure et intérieure où la terreur est le premier but et la première arme. L'imagination macabre des donneurs d'ordre est sans limite : fusil d'assaut, décapitation, bombe humaine, armes blanches. (...) Il ne faut aujourd'hui rien exclure. (...) Il peut y avoir aussi le risque d'armes chimiques ou bactériologiques. »

Après les attentats du 13 novembre 2015, le Président avait décidé de l'activation de l'état d'urgence, mesure qui n'a été que peu appliquée depuis sa création dans les années cinquante sous un gouvernement socialiste. « Il est certain que dans des périodes de trouble, il faut pouvoir prendre des décisions plus rapides que ne le permette l'organisation habituelle des règles administratives. Je dois dire que personnellement j'aurais pu me contenter d'appliquer l'état de siège, si l'Assemblée manifestait une préférence pour ce système. Il nous a paru qu'en créant la législation de l'état d'urgence, nous allions dans un sens plus libéral et plus souple. » (Edgar Faure mars 1955). L'état d'urgence permet : le renforcement des pouvoirs administrative, des pouvoirs de police, des restrictions des libertés publiques ou individuelles, le contrôle de la presse, la limitation de circulation, l'expulsion du territoire, l'interdiction de réunion, l'assignation à résidence, la suspension des spectacles, etc. L'alternative était surtout d'éviter la proclamation de l'état de siège, c'est-à-dire le transfert des pouvoirs à l'armée.

Cette loi sera suivie d'application à plusieurs reprises lors du conflit algérien : douze mois en 1955-56, trois mois après le coup d'État du 13 mai 1958 à Alger, et plusieurs fois au début des années soixante et en novembre 2005 sur l'étendue de vingt-cinq départements lors des émeutes banlieusardes. Cette loi a été modifiée à de nombreuses reprises afin de s'adapter en continu aux évènements. Le Général de Gaulle entendait bien pouvoir décréter l'état d'urgence sans passer devant le Parlement pour une durée limitée à 12 jours. Le putsch des généraux du 21 avril 1961 est suivi deux jours plus tard d'une déclaration solennelle du général de Gaulle : « Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire (...) Devant le malheur qui plane sur la patrie et la menace qui pèse sur la République, ayant pris l'avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l'Assemblée nationale, j'ai décidé de mettre en œuvre l'article 16 de notre Constitution. A partir d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin directement, les mesures qui paraîtront exigées par les circonstances. »

Flashback, dans la nuit du 14/15 janvier 1956 un vaste coup de filet se prépare dans la casbah algéroise, chaque unité parachutiste engagée dans la mission du rétablissement de l'ordre s'est vue remettre des listes de suspects préparées par les Renseignements généraux (RG). Plus de 2 000 arrestations vont s'ensuivre et les interpellés sont aussitôt entendus par l'officier de renseignement (OR) de l'unité. Les renseignements vont affluer et être exploités dans la foulée. L'organigramme de l'organisation terroriste du FLN est vite reconstitué et l'inconvénient de la structure pyramidale démontrée. Il suffit d'interpeller chaque individu placé au sommet d'un triangle (chef de groupe) pour rompre la chaine et en arrêter tous les subalternes. Ceux qui ont pu s'échapper n'ont d'autre alternative que de prendre le maquis (nomadisation) et comme on dit alors, « coucher à la dure.  ».

Chaque maison avec ses occupants est référencée et chaque occupant a un numéro individuel (l'ubérisation de la sous-location permettant à n'importe quel individu de trouver refuge dans une grande capitale n'existait pas encore et la police des garnis veillait), un responsable est chargé de consigner les mouvements des habitants dont il a la responsabilité. L'armée de son côté procède nuitamment à des contrôles surprises afin de s'assurer que tout ce beau petit monde est bien chez soi et que la maisonnée n'accueille aucun terroriste ou individu recherché. La population d'origine européenne signale aux autorités tout nouvel arrivant ou élément suspect. Deux mois plus tard les attentats sont passés de 112 en janvier à 29 en mars. Les paras ont récupéré des explosifs, des armes, des engins explosifs assemblés et des détonateurs par milliers ! La bataille d'Alger est terminée et de nombreuses vies ont été épargnées. Les paras peuvent retourner courir les djebels et y mener leur guerre de chasse. Le 3 juin, une ombre surgit au tableau, des bombes dissimulées dans des réverbères explosent. On relèvera huit morts et quatre-vingt-douze blessés. Le 9 juin, un attentat au casino fait huit morts et quatre-vingts blessés.

Les paras sont immédiatement rappelés pour rétablir l'ordre. Le colonel Trinquier s'est vu confier le « dispositif de protection urbaine » dont le principe repose sur la trilogie : quadrillage - bouclage - ratissage. Des patrouilles surprises composées de huit hommes et d'un sous-officier se déplacent à bord d'un 4X4 qui s'arrête où bon lui semble et de procéder au bouclage d'une rue et isoler une quinzaine d'individus qui font l'objet d'une fouille rapide. Celle-ci terminée, les militaires rembarquent et renouvellent en un autre endroit l'opération.

Vers la fin d'octobre, les paras ont découvert sur indication d'un informateur, la cache d'Ali La Pointe... (un pointeur dans l'argot des prisons désigne un violeur) un proxénète reconverti dans la fabrication de bombes artisanales. A minuit, le quartier est bouclé et l'îlot incriminé investi par la 2e compagnie de combat du 1° REP (Régiment étranger de parachutistes qui sera plus tard dissous) qui procède à l'évacuation des immeubles et maisons alentours. L'informateur dissimulé sous une djellaba mène les militaires au premier étage d'un maison où il leur indique l'entrée de la cache dissimulée derrière un canapé. L'officier demande à Ali de se rendre lui promettant la vie sauve, n'obtenant aucune réponse, le bâtiment est vidé du personnel non indispensable à la poursuite de l'opération, ne restent sur place que l'officier et l'OR. Des sapeurs sont appelés pour pétarder l'entrée de la cache, un mur porteur épais. A 5 heures, la maison est soufflée, les explosifs contenus dans la cache ont détonné par « sympathie » occasionnant 5 morts parmi lesquels figurent Ali la Pointe et une jeune poseuse de bombe présente.

De nos jours, la vidéosurveillance s'est banalisée et quadrille nos agglomérations au point qu'on en a oublié le maillage humain d'une partie du territoire. Voici l'extrait d'un manuel rédigé par un pays voisin à propos de la méthode du contrôle de la population : « Sur 10 000 habitants d'une localité, on compte une moyenne de (...) 900 étrangers. (...) Six à dix gardes d'immeuble ont à leur tête un chef d'ilôt (...) Une dizaine de ces îlots sont groupés en un quartier comprenant de quatre à cinq mille habitants. Les quartiers sont groupés à leur tour en secteurs dont chacun peut compter une vingtaine de milliers de personnes. Les secteurs forment enfin entre eux des des arrondissements. »

La gestion de l'architecture de surveillance décrite ci-dessus : îlots, quartiers, secteurs, etc., ressemble à celle de certaines organisations révolutionnaires reposant sur l'organigramme pyramidal cher au taylorisme. Si ces parties sont généralement groupées sous un rythme ternaire ce n'est pas tout à fait par hasard, au-delà surgit la difficulté à gérer le réseau. On a coutume de dire que la complexité d'un tel système est proportionnel à la factorisation du nombre d'éléments qui le compose, pour 3 membres d'une même cellule par exemple, cela donne 3 ! ou 1x2x3 = 6, si nous passons à un rythme quaternaire l'indice passe à 24. Cet notion d'indice qui reste valable pour les grandes unités militaires nous donne une idée de la difficulté à en assurer l'harmonisation. Les organisations terroristes auxquelles notre pays est confronté ne reposent pas sur ce principe, mais plutôt sur un groupe à communications transversales, les attentats de novembre semblent avoir été accomplis peu ou prou par quatre équipes de trois individus. S'ils avaient respecté la structure pyramidale d'une dizaine d'individus, l'indice aurait atteint 10 ! soit 3 628 000 ce qui outrepasse très largement les possibilités humaines estimées à 8 ! (40 320). Dans notre cas, chaque équipe à été en charge d'un sous-objectif particulier placé sous le contrôle d'un coordonnateur qui lui avait la visibilité complète des actions en cours, d'où un indice global de 18 (6+6+6).

L'assassin de masse auquel la société occidentale se trouve confrontée est un être hybride culturellement et civilisationnellement faisant de lui une espèce mutante. Qui a été ce coordonnateur des attentats du mois de novembre : Abdelhamid Abaaoud, Salah Abdeslam, un complice non identifié, ou sommes-nous confrontés à une répartition distribuée ? Voilà autant d'éléments que les groupes d'intervention, de recherches judiciaires et ceux en charge du recueil du renseignement vont devoir désormais prendre en compte. Petite phrase du jour : « Je ne suis ni Algérien ni Français. Je suis musulman. » (Khaled Kelkal)


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3 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 6 février 2016 08:33

    Les « Tas-D’urgences » de notre gouvernement dans ses basses oeuvres...Ou l’incompétence poussé aux pinacles...

    La dict ature est en marche...ou le retour de Pétain.. !

    • lsga lsga 6 février 2016 12:35

      L’État d’urgence est une fin, et le terrorisme le moyen d’y parvenir.


      • Robert GIL Robert GIL 6 février 2016 18:23

        voici une petite image très parlante sur ce qui nous attends ...

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