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Accueil du site > Tribune Libre > La colonisation appartient-elle au passé ?

La colonisation appartient-elle au passé ?

A priori, il peut paraître incongru d’émettre l’idée selon laquelle la colonisation serait un phénomène qui se poursuit de nos jours. En effet, la majorité des territoires colonisés au XIXème et XXème siècles ont retrouvé leur indépendance politique avant 1975 (1) mais il ne faut pas oublier que la France possède encore des « résidus » issus de la colonisation : les DROM-COM (2) dont certaines populations indigènes luttent pour obtenir leur indépendance (3). Mais alors, pourquoi conserver ces colonies ? Si l’avantage économique tiré de ces possessions est contesté (4), elles apportent cependant à la France la possibilité d’accroître l’étendue de ses eaux territoriales (5), ce qui est un atout géostratégique majeur puisque cela permet d’augmenter la taille des zones de pêche, d’études scientifiques et surtout de bénéficier d’éventuelles ressources du sous-sol marin.

Toutefois, en ce début de XXIème siècle, les États sont de moins en moins responsables du fait colonial et on a vu apparaître dès la fin du XXème siècle une nouvelle forme de politique impérialiste de la part des anciennes métropoles vis à vis de leurs anciennes colonies : Il s’agit du néocolonialisme.

* Une spoliation des ressources

Désormais, ce sont les entreprises des pays les plus avancés qui exploitent les ressources des pays en développement qui ont pourtant obtenu leur indépendance juridique, militaire et politique. On peut alors se demander comment se manifeste cet impérialisme économique et si la restitution de leurs ressources à ces pays leur permettrait de connaître un accroissement de leur niveau de vie.

Parmi ces entreprises qui exploitent les ressources africaines ; Areva qui aurait proposé de lutter contre la rébellion touarègue (qui s’oppose au président Tandja) en échange de l’exploitation du gisement d’uranium d’Imouraren (6). La convention d’exploitation signée le 5 janvier 2009 prévoit que la société mixte créée pour exploiter ce gisement sera détenue à 66,5% par Areva et à 33,5% par l’État nigérien. Ce qui veut dire que le Niger ne pourra commercialiser que 33,5% d’un gisement qui se trouve sur son propre sol. On peut signaler que Le Mouvement des Nigériens pour la Justice (un groupe rebelle touareg) avait déjà dénoncé cette répartition pour les autres gisements qu’Areva exploite au Niger et revendique une plus grande part des revenus issus de ces exploitations.

Évidemment, Areva n’est pas la seule grande entreprise française implantée en Afrique. Total est présent en Algérie, Bouygues est présent dans quelques pays africains et le groupe Bolloré est très présent sur l’ensemble de l’Afrique. Il serait nécessaire de croiser les ressources que l’on peut trouver y avec les entreprises étrangères implantées sur le continent (7).

* Un commerce inégal

Bien entendu, les entreprises ne sont pas les seules « institutions » à participer au néocolonialisme. Tout le monde ou presque sait que les pays du « tiers monde » se sont endettés (8) auprès d’organismes internationaux et financiers ainsi qu’auprès d’autres états afin de financer leur développement. Toutefois le FMI et la Banque Mondiale conditionnent leurs prêts à la mise en place de politiques économiques à caractère libéral (9) qui font la ruine de ces pays. En effet, ceux-ci doivent ouvrir leurs frontières à la production étrangère alors qu’eux mêmes sont soumis au protectionnisme des États qui leur imposent ces politiques. D’une part, les États-Unis et l’Union Européenne (via la PAC) mettent en place des barrières douanières pour éviter que des pays plus compétitifs ne concurrencent leur agriculture sur le marché intérieur (10), d’autres part, ils donnent des subventions à leurs agriculteurs afin que ceux-ci puissent exporter à moindre coût dans les pays en développement, ce qui a pour conséquence de ruiner l’agriculture locale.

Par ailleurs, il existe aussi un néocolonialisme monétaire dans les anciennes colonies françaises qui ont pour monnaie le franc CFA lequel est indexé sur l’euro, ce qui en fait une monnaie surévaluée pour pouvoir exporter dans les autres pays dits du Sud. En outre, dans ces pays, toute décision en terme monétaire est soumise à l’aval de la France, ce qui rend difficile une politique budgétaire cohérente avec les intérêts économiques du pays (11).

* Des dirigeants conciliants

Enfin, comme l’avaient fait les États-Unis avec l’Argentine (12), la France ou ses entreprises choisissent, dans son « pré carré » africain, les dirigeants qui leur semblent les plus conciliants. Outre le réseau Foccart, qui aurait entre autres fait assassiner Ben Barka en 1965 et soutenu les sécessionnistes pendant la guerre du Biaffra en 1966 - 1967 (13), de nombreux présidents africains auraient été aidés dans leurs coups d’état par les intérêts français (14). C’est par exemple le cas de l’entreprise Elf qui aurait aidé l’arrivée au pouvoir de Paul Biya au Cameroun en 1982, serait partisane d’Omar Bongo au Gabon et aurait financé les guerres civiles au Congo Brazaville de 1997 à 1999.

N’oublions pas que, lorsque la France voit ses intérêts menacés, elle n’hésite pas à envoyer l’armée, comme ce fut le cas au Shaba en 1977, en Côte d’Ivoire en 2003 et au Tchad en 1983 et 1985 pour soutenir Hissène Habré et en 2008 pour soutenir Idriss Déby.

* Ne pas tomber dans le manichéisme

Dire que tous les maux du continent africain sont dus à un impérialisme des pays les plus riches résulterait d’un manichéisme marxiste qu’il faut nuancer.

Certains présidents africains sont à la tête de pays bénéficiant de nombreuses ressources, que ce soit en or, diamants, coltan (15), cobalt, cuivre et bois. Alors qu’elles pourraient être utilisées pour financer la construction d’infrastructures utiles au développement du pays - on pense notamment aux écoles et aux hôpitaux - elles sont utilisées à des fins personnelles (16). En effet, pour nombre de pays africains, la part du budget consacrée à l’armée est plus importante que celle consacrée à l’éducation et tout le monde sait l’importance des diamants de conflit en Sierra Leone et en RDC ou du bois exotique au Liberia qui ont permis le maintien au pouvoir de leur président respectifs (17). Évidemment, les guerres civiles à l’intérieur même des ces états peuvent en partie s’expliquer par les tracés très géométriques des frontières qui n’ont pas tenu compte des diversités ethniques. C’est pourquoi les élites financières et intellectuelles de ces pays envoient leurs enfants étudier dans les grandes écoles des anciennes métropoles et que ceux-ci ne reviennent que rarement dans leur pays d’origine pour tenter d’y résoudre les différents problèmes.

* Sortir de la crise

S’il apparaît très difficile de mettre rapidement fin aux crises qui sévissent sur le continent africain, on peut toutefois envisager une ingérence productive des organisations internationales. L’ONU pourrait essayer de pacifier les zones à risques et des organisme comme le FMI, la Banque Mondiale ou l’OMC pourraient gagner en légitimité en dépêchant des experts en gestion de crises et en proposant des aides en nature (18). Si les guerres et le néocolonialisme permettent à quelques uns de s’enrichir, la paix et le codéveloppement, quant à eux, favorisent un commerce équitable et la prospérité de tous. Mais quel dirigeant d’une puissance mondiale serait prêt à sacrifier ses meilleures industries (et donc son éventuelle réélection) au profit de pays politiquement instables dont les régimes accepteraient de vendre leurs ressources en échange d’une promesse de sécurité ?
 

(1) A l’exception de quelques états

(2) Nouveau nom des DOM-TOM depuis une loi organique de 2003

(3) La Nouvelle-Calédonie votera un référendum en 2014 pour obtenir son indépendance complète prévue par les accords de Nouméa en 1998

(4) Les revenus issus du tourisme ne compenseraient pas les dépenses liées à l’administration de ces territoires

(5) La France possède une ZEE de 11035000 km² et occupe le deuxième rang mondial en terme de surface maritime derrière les États-Unis : http://fr.wikipedia.org/wiki/ZEE. Elle cherche par ailleurs à l’agrandir depuis 2002 avec la mise en place du projet Extraplac.

(6) Il s’agit du premier gisement d’uranium d’Afrique et du deuxième au niveau mondial.

(7) Si vous souhaitez approfondir cet élément je vous conseille de croiser les données issues de la carte de ce document : http://www.monde-diplomatique.fr/IMG/pdf/continent_convoite_-2.pdf avec la liste des entreprises implantées dans les pays d’Afrique : http://fr.transnationale.org/epays.php

(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_du_tiers_monde

(9) Au FMI, les voix des pays sont pondérées par leur participation financière. La plupart des votes s’effectuent à une majorité qualifiée de 85%. Or États-Unis et Union Européenne disposent chacun de plus de 15% des droits de vote, ce qui leur donne le droit de veto.

(10) S’il n’existait pas de barrières douanières, les produits étrangers seraient largement moins chers que les produits européens ou états-uniens

(11) Je vous invite à lire l’article d’Arnaud Zacharie : http://users.skynet.be/cadtm/pages/francais/cfa.htm

(12) La CIA a assassiné S. Allende et l’a fait remplacer par le Général Pinochet

(13) La région du Biafra recèle les 4/5 de la production pétrolière nigériane

(14) http://www.africafiles.org/article.asp&nbsp ;?ID=19700 et http://www.cellulefrancafrique.org/-Dictateurs-amis-de-la-France-.html

(15) Le Coltan est une ressource stratégique car elle sert à la fabrication d’appareils électriques de très haute technologie.

(16) Félix Houphouët-Boigny, ancien président de la Côte d’Ivoire a fait construire à Yamoussoukro, la Basilique Notre-Dame de la paix, plus grand édifice religieux chrétien du monde selon le Guinness des records de 1989. Le coût de sa construction est estimé à 1 milliard de francs de l’époque.

(17) http://joseyav.afrikblog.com/archives/2008/02/06/7847635.html et http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp&nbsp ;?id=1386

(18) Des aides en nature sont préférables à des aides financière car ces dernières peuvent être détournées.


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9 réactions à cet article    


  • x79y 11 février 2009 14:54

    Une autre colonisation dont on parle peu et la colonisation linguistique.


    • julialix 11 février 2009 16:21

      MALHEUREUSEMENT LES POLITIQUES SONT PLUTÖT ALHZEIMER ET OUBLIENT CE GENRE D INFO

      Que dire des 2 résolutons de 1969 qui disent à Israel de revenir à ses frontières antérieures : Gaza et Cisjordanie

      Le monde est fou et les bavardeux nous endorment avec leurs mensonges par omissions.


      • tiptop 11 février 2009 18:22
        Le procès de la Françafrique est déjà largement instruit : guerres secrètes, assassinats politiques, barbouzerie, trafic d’armes, pillage des ressources naturelles, corruption, soutien actif aux dictateurs en place et j’en passe. Cependant une large partie de nos concitoyens sont encore ignorants de ces faits (les grands médias ne font pas leur boulot) et plus grave nos élus sont à l’écart de ce qu’il est convenu d’appeler le domaine réservé de la présidence. Il n’y a jamais eu sous la Vème république un contrôle démocratique de la politique africaine française.
        Au vu du bilan catastrophique de cette politique, tant au niveau Français qu’africain, il serait naïf de penser que nous pourrions nous désengager après plus de 150 ans de colonialisme et de néocolonialisme, bien que la chose soit tentante. Aussi ma question est la suivante : comment assainir les relations franco africaines ?
        Comment peut-on ne pas faire l’impasse sur le nerf de la guerre à savoir d’une part les véritables enjeux politiques, économiques et militaires et d’autre part les nombreux réseaux mafieux qui gravitent autour dans lesquels intérêts nationaux et privés se confondent. Sachant que les fortunes personnelles de certains dirigeants excèdent la dette de ces pays comment alors dissocier une vrai politique de co-développement avec la lutte contre la grande corruption ? Très concrètement, ne s’agirait-il pas au niveau européen de s’attaquer aux paradis fiscaux ?

        • faxtronic faxtronic 12 février 2009 13:02

          T inquite donc pas mon gars. d ici 10 ans on en parlera plus de la francafrique, mais de la chinafrique.


        • antireac 11 février 2009 19:25

          Je répete :
          on est tous à de dégrés divers des colons coloniés.Il suffit de lire attentivement l’histoire humaine.

          Une vérité de Lapalisse


          • Marsupilami Marsupilami 11 février 2009 22:16

             @ L’auteur

            Bon article. Les colonisations continuent, dans tous les sens et selon des variétés et proportions variables selon les temps et les espaces géographiques. Elles n’ont jamais cessé d’exister depuis que l’homo sapiens l’est devenu et même avant. Tout le monde colonise tout le monde. C’est la vie...


            • Traroth Traroth 12 février 2009 12:24

              Votre article omet même nie le rôle très concret des Etats dans le néocolonialisme. La France n’hésite pas à soutenir, y compris militairement, des dirigeants conciliants avec nos entreprises, comme Idriss Déby, protégé en permanence par les Forces Spéciales françaises. C’est étrange, je trouve.


              • promeneur 12 février 2009 14:05

                bonjour à tous
                Félicitation pour cette étude, j’ajouterais cependant un argument contre le néocolonialisme. il me semble avoir vu quelque part et récemment que dans le classement des collèges ou lycées, il apparait que ce sont ceux des Dom Tom qui en grande majorité sont dans les 100 derniers sur 1800 environ. Ne voudrait-on pas par là museler également les population locales. Bonne continuation sur la tribune libre


                • dezanneau 14 février 2009 15:44

                  Pour ce qui concerne l’Outremer, la République est une et indivisible... La voix de la France qui imploserait sur la scène internationale et vous comprendriez votre bonheur...
                  Par ailleurs je réclame un Ministère d’Etat en charge de la politique maritime auquel serait rattaché l’Outremer !

                  Mettre comme interlocuteurs valables le Fmi l’omc etc...il faut le faire...
                  Les dossiers sont très complexes, la Francafrique ne concerne qu’une poignée d’acteurs, il ne faut jamais l’oublier ! A charge pour les responsables politiques (pour qui bossent-ils ?) d’aborder certains sujets comme les échanges inégaux etc...
                  Dans le cas du Niger brièvement :

                  - tensions internes allant jusqu’au conflit armé

                  - incapacité à développer une filière nucléaire

                  - c’est un pays enclavé, ce qui entraine un surcoût énorme à l’export : 30 à 40% (de mémoire).
                  Il s’avère néanmoins que Areva (la France) aurait pu mener une autre politique dans le pays le plus pauvre de la planète...là pour la France, c’est un véritable gouffre sur un plan éthique que vous avez raison de souligner !

                   J’aborde ces questions là de manière transpartisane : à cette adresse http://www.la-france-contre-la-crise.over-blog.com/ ma contribution sur la question centrale de la dette dans nos économies, ainsi qu’ une solution portant sur plus de 1200Md d’euros dans le cadre de la Francophonie pour une sortie de crise et l’émergence de fait d’un monde multipolaire...J’y aborde aussi la question de la réforme territoriale.


                   

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