• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > La colonisation fait des « Histoires »

La colonisation fait des « Histoires »

La colonisation, c’est la vente forcée d’une civilisation à une autre, avec abus de faiblesse contre la partie contractante obligée à signer avec une arme dans les reins. Ce n’est pas une jolie mosaïque ou une grande flèche de cathédrale là, voire un Pont du Gard ailleurs, en faisant un détour par le canal de Suez ou des pyramides aux blocs impossibles à maneuvrer, si ce n’est par des esclaves, qui me feront considérer que le prix du sang était un juste prix à payer pour y parvenir.

De surcroît, cette considération a imprimé un sacré faux pli de résignation à la raison, du genre "les guerres favorisent la marche du progrès".

La colonisation fait "des" Histoires. Les effets positifs allégués de la colonisation ne pouvaient qu’être reliés à un enjeu sur l’Histoire, et j’en passerai par "elle", bien que je ne sois pas historien. L’affectation du pluriel à des formes variées de colonisations est recevable, à condition qu’elles soient rangées dans le concept de colonisation. Il en ira de même pour les dictatures regroupées dans le concept de dictature. En valeur absolue et du point de vue d’aujourd’hui, la colonisation, la dictature et leurs sous-ensembles, ne peuvent être justifiés, car ils ne font pas "sens", ou alors le pervertissent. Ils vont à l’encontre du devoir de mémoire qui édifie le sens a posteriori en fonction du temps dont il est issu, généralement le présent. Un présent qui est très élastique et peut se dilater par sa persistance très loin dans le futur, en fonction de l’effroi que le fait générateur a suscité.

Pour l’histoire et la science, le contenant et les contenus sont posés a priori neutres et dépourvus d’investissement de sens.
A ce stade seulement, "tout se vaut et rien ne vaut rien". C’est à partir de là que les "bons sentiments " remplissent leur fonction. Ils injectent du sens a posteriori, notamment en politisant le sens éventuel de l’histoire ou l’usage et les applications des découvertes effectuées. Rester dans le "tout se vaut et rien ne vaut rien" équivaudrait à se cantonner dans un nihilisme d’attente, véritable cul-de-sac intellectuel, n’offrant pour issue qu’un cynisme absolvant d’avance tout et n’importe quoi. En terme de morale éclairant nos actes et nos choix, on n’a aucun mal à en imaginer les conséquences désastreuses, aussi fort soit l’esprit tenant cette position pathogène. Tant dans un sens que dans l’autre, j’opte toutefois pour un regard froid sur les apports de l’un lorsqu’ils auraient pour effet de venir au secours d’une justification des prélèvements de l’autre et inversement, n’en déplaise aux majorités comme aux minorités culturelles rétives, momentanées ou pas. A ce titre, puisqu’un article autorise parfois toutes sortes de libertés, je vais prendre celle de refaire toute l’Histoire d’un seul petit coup de cuillère.

Ce n’est pas parce qu’un fait s’est produit qu’il acquerrait de sa simple survenance une légitimité qui génèrerait spontanément du sens.
Mais dans le grouillement des faits survenus observables, il est utile de pouvoir faire émerger des causalités, même si ces dernières nous renseignent surtout sur l’état des connaissances et les présupposés moraux éventuels des historiens qui en dressent la carte. L’utilité de la démarche s’en trouvera donc doublée ! De surcroît, s’il n’y avait pas ces travaux réalisés sur le chaos des "grouillements" des faits, la science n’existerait pas. Aussi obsolètes que devinssent les théories englobées ou invalidées par celles qui leur succèdèrent, elles eurent au moins le mérite de présider à l’avènement du cachet d’aspirine qu’il vous faudra avaler au terme de la lecture du présent article avant, le cas échéant, de le commenter !

L’Histoire, comme la roulette, n’a pas la mémoire des coups. A chaque survenance de fait, comme à chaque lancer de la bille, la somme des possibles est réinitialisée en fonction des paramètres ambiants, assez rétifs à une mise en équation exhaustive. Les citoyens que nous sommes ne peuvent peser que sur quelques paramètres ambiants, et le jeu en la matière en vaut la chandelle, sinon c’est le casino et ses prédateurs qui rafleront les mises à tous les coups. Pour l’heure, en ce qui concerne la ou les colonisation/s, pour ces raisons et pour cause d’inventaire de passif, je refuserai l’héritage, ou plutôt le package.

Encore une cuillerée d’Histoire...
Les historiens établissent, entre autres, des chemins dans le chaos des faits, évaluent le poids des pouvoirs, leur génèse, leurs interactions, etc., font une cuisine louable en accommodant le ou les temps à l’aune de ce qu’ils pensent, en toute honnêteté intellectuelle, être la meilleure recette à nous servir. Ensuite, on s’attable, ou pas. Un peu comme pour un contemplateur fasciné par la course des nuages dans le ciel, il me semblerait source d’erreurs que de vouloir à toute force faire émerger dans ce troupeau de vapeur d’eau en transit, un visage ici, ou la reconstitution prémonitoire de la bataille de Lépante ailleurs. Pas versé du tout en sociologie, économie ni histoire, je me prive pas d’y faire quelques incursions, vous l’avez constaté. A ce titre, je proposerai comme plat du jour aux amateurs de recettes d’historiens, aussi goûteuses soient-elles, l’idée que si le couple Raison - Hasard avait pu s’édifier plus tôt sans être brouillé par des queues d’idéologies qui remuaient encore, nous aurions certainement fait l’économie de "discours tiers-mondistes", de badges, et d’allers et retours édifiants de C. Lévi-Strauss. Ces démarches et travaux furent des recours nécessaires et précieux pour sauver quelques meubles de grande valeur en réel danger de crémation, et en l’occurrence ce ne sont malheureusement pas des détails mineurs. En attendant une meilleure cartographie des chaos ambiants autorisant l’émergence ou la projection de bonnes formes de gestion appropriées, et en dépit du pompage des ressources, déforestations, pollutions, la vente continue.
D’ailleurs, parmi bien d’autres, une des conséquences de la quête de nouvelles terres et de l’ouverture de nouvelles voies fut la colonisation de l’Australie par les Anglais. Elle aurait pu l’être par les Chinois, les Japonais, etc. Les conditions du moment y placèrent les Anglais et leurs déportés. Pour les colons, ce fut positif, pour les aborigènes, ce fut négatif. Le point de vue va donc varier en fonction de la chaise occupée.

J’emprunterai aux Anglais un précepte appris dans une de leurs anciennes colonies, mais qu’ils s’étaient bien gardés d’appliquer : "Un bon deal est un deal où l’on peut échanger nos chaises sans que l’un ou l’autre ayons mal aux fesses".
Toujours dans les préceptes de nos amis anglais, je me réfèrerai cette fois à celui-ci, qui valait préambule à toute négociation de leur part : "Soit on partage, soit je prends tout !" On conviendra que, lorsque le nouvel arrivant, en parfait décalage avec ses propos, prend tout, et tout de suite, il est difficile de s’étonner ensuite que des secousses répliquantes continuent de faire dangereusement bouger les lustres dans les siècles des siècles !

Sans être ni optimiste, ni pessimiste, vu que l’Histoire n’est pas animée par un tropisme naturel vers la sortie du chaos, et que très souvent, une fois tous les protocoles ou traités signés, celui qui s’endort se fait "tirer" sa couverture, il faut bien continuer de faire plus que jamais de la Politique et des devoirs de mémoire !
Je viens d’ailleurs de finir le mien.

Pyroman


Moyenne des avis sur cet article :  (0 vote)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès