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Accueil du site > Tribune Libre > La face cachée de l’affaire Petraeus (Episode 3/6)

La face cachée de l’affaire Petraeus (Episode 3/6)

Ce que va découvrir Ted Humphries en interrogeant Ahmed Ressam c'est que parmi les cellules dormantes canadiennes, ce sont ses liaisons avec d'autres pays européens, notamment l'Angleterre, qui sert de tête de pont aux terroristes jihadistes de cette partie du monde, et trois pays essentiellement ; l'Itale, l'Allemagne et la France ; où se concentrent le plus les partisans de l'islam extrémiste violent. Au Canada, un bon nombre d'algériens seront en liaison étroite avec, et c'est plutôt étonnant, le gang de Roubaix, qui va défrayer la chronique française de janvier à mars 1996 par son extrême violence et la composition hétéroclite de son groupe de terroristes. Des gens plus proches de la délinquance que du jihad, qui circuleront entre Bosnie, Allemagne ou Paris, dans une fuite éperdue dont la fin sera tragique. C'est par cette intermédiaire que les canadiens feront connaissance avec un juge français qui leur demandera d'être un peu plus vigilants mais qui ne sera pas écouté, hélas. Sa mise en garde étant à propos d'hommes de l'ombre qui ne seront eux jamais arrêtés, tel Abou Doha, dont on est en droit de se demander aujourd'hui quels intérêts exacts ils servaient. Ted Humphries fait connaissance petit à petit avec un phénomène dont les arcanes le dépassent, pour tout dire : plusieurs services secrets s'occupent des terroristes, et les dissensions sur leur surveillance évidentes. 

Ahmed le petit chimiste

Pendant ce temps, notre algérien revenu de sa formation de jihadiste à Khalden s'était trouvé un centre d'intérêt passionnant : les explosifs. Le sujet auquel s'était intéressé Ressam-Noris, à ses heures d'apprenti petit chimiste formé à la fabrication de bombes dans son camp de jihadistes était en effet celui de la réalisation d'engins artisanaux à partir d'éléments simples, en particulier d'éléments liquides facilement trouvables tels que de l'eau oxygénée (peroxyde d'hydrogène) ou des boissons gazeuses comme l'Oasis ou le Lucozade. Etrangement, en effet, des recettes pour fabriquer ces explosifs sont apparues sur le net : or s'il y a bien des produits diffciles à manipuler pour le commun des mortels, ce sont bien ceux-là : extrémement instables, il risquent d'exploser à tout moment et leurs ingrédients eux-mêmes, s'ils sont faciles à trouver, exigent de longues manipulations pour pouvoir entrer dans la composition d'un explosif. Tout se passe comme si, pour écarter les futurs terroristes d'utiliser des matériaux courants (autour de la poudre noire et des engrais) on avait sciemment "poussé" ces produits délicats et dangereux pour que ces mêmes terroristes meurent d'eux-mêmes lors de la préparation de leurs bombes. L'idée n'est pas saugrenue, quand on remonte l'historique de l'apparition de ces nouvelles "tendances" terroristes, on constate qu'elles correspondent à un pic d'utilisation des formules traditionnelles. Pour ainsi fabriquer ainsi du TATP ou triacetone triperoxide, comme celui que l'on trouvera le 22 décembre 2001 dans la chaussure de Richard Reid, lors du vol American Airlines Flight 63 parti de Roissy (j 'y reviendrai un peu plus loin). L'HMTD (pour Hexamethylene triperoxide diamine) étant fabriqué lui à partir de peroxyde d'hydrogène et d'Hexamine en presence d'acide citrique ou d'acide sulfurique dilué comme catalyseur. L'Hexamine lui-même, ou Hexamethylenetetramine, étant généré par une réaction entre un formaldehyde et de l'ammoniaque est un "booster", développant beaucoup d'énergie ou de chaleur : formant ainsi par exemple le carburant gélifié des réchauds de camping. La firme américaine Eli Lilly and Company n'arrêtera sa production de tablettes d'Hexamine qu'en 2002 (suite au 11 Septembre ou pas, on ne le sait ?). On trouve encore cet alcool géliifié sous le nom d'Esbit qui a une gamme de réchauds fonctionnant avec de l’alcool solide et liquide. La marque est connue en effet grâce à ces fameuses tablettes de combustible liquide. La définition d’ESBIT est Eric Schumm Brennstoff in Tabletten, ce qui veut se traduit en allemand par "Alcool Solide en Tablette d’Eric Schumm",  du nom de l'inventeur de la pastille en 1936. Ressam s'étant aussi intéressé aux réactions entre le glycérol et l'acide nitrique... ce qui donne la recette de la nitroglycérine. Ressam, formé dans les camps jihadistes aux mélanges explosifs, avait surtout grandement amélioré ses connaissances au canada grâce à un vrai gourou du genre, retrouvé sur place. Et pas n'importe lequel... de gourou. Un spécialiste des explosifs !

Aidé par un spécialiste 

Ahmed Ressam s'est en effet mis en tête de fabriquer une bombe, pour attaquer les USA : pour cela, il se fait aider par l'un de ceux qui squattent avec lui l'appartement de la Place de Malicorne, Mourad Ikhlef, qui avait fui l'Algérie en 1992 après avoir fait exploser une bombe à l'aéroport d'Alger qui avait fait 11 morts et blessé plus de 100 personnes. Ikhlef était arrivé à Montréal en 1993 où il avait demandé (et obtenu) le statut de réfugié, C'est très certainement pour ça, sur les conseils d'Ikhlef, que l'objectif choisi sera celui du Los Angeles International Airport (ou LAX, ici ne photo à fauche)) et la date... autour de l'an 2000, pour marquer davantage les esprits. Trois autres complices algériens avaient été recrutés : Abdelmajid Dahoumane, Mokhtar Haouari, et Abdelghani Meskini. Les quatre étant en contact à Londres avec l'extrémiste du GSPC Amar Makhlulif, alias Rachid Boukhalfa, plus connu sous le surnom d'Abu Doha qui sera arrêté à Heathrow en février 2001. C'est aussi le responsable de la tentative d'attentat de Strasbourg ! Que ce monde est petit !!! C'est dans un motel de Vancouver à petits bungalows séparés que les deux lascars vont préparer pendant 15 jours leurs bombes, en mélangeant des produits chimiques dont l'usage va alerter la femme de chambre, qui constatera aussi qu'ils laissent les fenêtres ouvertes, la nuit, alors que la température descend déjà pas mal à cette époque. Il vont réussir à fabriquer un petit lot de HMTD, composé d'hexamine, d'acide citrique et de peroxyde d'hydrogène et au final un mélange voisin du C4 comme explosif, plutôt ressemblant à de la nitroglycérine en fait, sans oublier les dérivés à base d'engrais, faisant partie de l'arsenal habituel des poseurs de bombe. On retrouvera en effet dans l'hôtel un bon nombre d'emballages d'engrais. 

L'évaporation du gourou artificier 

En 2003, les canadiens s'apercevront plus tard qu'ils auront "perdu" Mourad Ikhlef, présenté comme guerrier aguerri du GIA, arrêté entretemps et remis aux autorités algériennes : selon certains observateurs, le "cerveau" des explosifs des attentats d'Alger.... aurait pu aussi travailler pour les services secrets algériens, qui l'auraient ainsi discrètement "écarté", une fois de retour au pays. L'histoire officielle étant qu'il avait été emprisonné dès son retour et même "torturé". Toujours est-il que nous sommes en 1999, et tout le principe des "bombes liquides" est donc largement connu comme faisant partie de l'arsenal terroriste jihadiste... revenu le 28 février 2003, Mourad Ikhlef, était ressorti le 26 mars 2006 au nom du programme de réconciliation nationale pour être arrêté de nouveau une semaine plus tard. Un cas qui en rappelle d'autres, dont surtout celui d'Ali Touchent, cerveau des attentats de Paris de 1995, déclaré mort... après une autopsie ayant duré ... 9 mois pour être faite, selon la police algérienne ! « Ce n'était pas une guerre sainte. Il y a des agents secrets qui sont mélangés avec le GIA. C'est pas normal tout ça », affirmait Hamid Herda, l'un des accusés du procès. « Pour moi, Tarek n'est pas un islamiste, c'est un mec de la Sécurité militaire algérienne qui se servait de nous en nous faisant croire qu'il allait nous envoyer combattre en Algérie », déclarait de son côté Joseph Jaime". Ce converti à l'islam précisera : « Nous l'avons chassé. Touchent a joué avec nous. Pour moi, c'est un mec de la Sécurité militaire. C'est ma conviction. » Une chose en tout cas intrigue : recherché par toutes les polices, « Tarek » ne se cachait pas en Algérie. Alors que son portrait avait été largement diffusé, il habitait et circulait tranquillement à Alger dans la cité des CNS (l'ex-« Compagnie nationale de sécurité » qui correspond aux CRS), près de la caserne de Châteauneuf, un quartier hautement sécurisé".

Ahmed en revient à du classique

En réalité, malgré tous ses essais, plus ou moins réussis, la bombe de Ressam sera au final plutôt extrêmement classique, à base de nitrate d'ammonium (*), comme l'avait été celle d'Oklahoma City (là où les agissements du FBI se sont révélés loin d'avoir été clairs, là aussi). On retrouvera plus tard dans son appartement des tickets d'achat dans un magasin Evergro de Colombie-Britannique, un magasin de fourrnitures agricoles, notamment de l'engrais. Elle devait être déclenchée par une pile de 9 volts branchée sur une ampoule minuscule au verre cassé, dont le filament était exposé à l'air libre. Le type de déclencheur que l'on vient de trouver dans la mouvance salafiste française arrêtée en France ces dernières semaines : dans le petit monde du terrorisme, les recettes sont très souvent les mêmes, diffusées et répandues.... par Internet, et les sites jihadistes, sur lesquels le soupçon de la manipulation et du contrôle pèse lourdement, je ne reviens pas sur le trio SITE- MEMRI- IntelCenter, bien connu des lecteurs d'Agoravox, qui diffuse régulièrement les recettes complètes du parfait petit poseur de bombes. "Outre une arme automatique à canon scié et un fusil à pompe, les policiers y ont découvert 800 munitions, trois kilos de nitrate de potassium, 1,5 kilo de soufre, deux réveils, cinq mètres de câbles électriques, une Cocotte Minute, cinq ampoules de phare... En clair, tous les éléments pour concocter des engins meurtriers du même type que ceux qui avaient ensanglanté le métro parisien il y a dix-sept ans" pouvait-on lire récemment lors de leur arrestation".  Comme si tous les épisodes sur les bombes liquides étaient déjà du passé, ou plutôt comme si le même passé ressurgissait, avec de vieilles méthodes datées. Pendant ce temps, notre envoyé à Seattle du FBI tente de découvrir les ramifications d'un réseau islamiste, qui le conduisent assez vite de l'autre côté de la frontière, à Vancouver, puis Montréal. Entre Vancouver et Seattle il y a le port de Port Angeles, où débarquent les ferrys canadiens pour ceux qui désirent passer d'un pays à l'autre par la voie la plus économique, la voiture.

Les policiers canadiens leurrés

Les policiers canadiens n'avaient vu dans les locataires algériens qu'une bande de petits délinquants coupable de vols à la tire ou de petits larcins, répétés, des "BOG" pour "Bunch of Guys", pour les policiers qui les surveillaient. Le directeur adjoint du SCRS aux opérations de Jim Corcoran avait parfaitement résumé ce qu'était ce groupe de jeunes marginalisés : « Certains de ces gars-là étaient des tueurs », dit Corcoran. Les autres, surnommés "le groupe de gars" étaient assis à leurs pieds, sous le charme. La vantardise régnait. Elle donnait un certain cachet à tout cela." Finalement, le SCRS a construit un fichier de 400 pages sur les hommes qui allaient et venaient de l'appartement. Certains ont été identifiés comme devant continuer à être surveillés. Le petit voleur Ressam, cependant, était considéré comme le moins susceptible de constituer une menace sérieuse." En réalité, continue l'auteur, "les agents canadiens avaient sous-estimé c'était à quel point Ressam avait déjà participé au terrorisme dès la mi-1996, en fournissant des passeports volés ou contrefaits". Nous ne sommes pas loin de l'affaire Merah, à comparer les faits, avec des services spéciaux qui passent à côté d'un sujet dangereux. Pour la police canadienne, les réunions du groupe ne sont en effet que des "réunions Tupperware de terroristes ." Ressam n'a rien d'un islamiste : il aime sortir en discothèque et porte des vêtements de marque. Voilà qui ressemble encore au cas du toulousain Merah. Les canadiens vont passer eux aussi à côté du danger, comme les français récemment, et ce, d'autant plus que l'on va retomber sur le juge Bruguière ! 

Surprise, les amis canadiens de Ressam étaient liés au gang de Roubaix !

Les jeunes algériens regroupés dans le même appartement ont fait connaissance de vieux briscards du terrorisme, dont certains reviennent de Bosnie. Notamment via une connaissance de Ressam, Said Atmani : "Said Atmani avait fait la connaissance de Fateh Kamel à Zénica, en Bosnie, alors qu'ils combattaient ensemble dans les rangs des moudjahidines. Il avait suivi également un entraînement militaire dans les camps d'Afghanistan. Après la signature des accords de Dayton, en novembre 1995, qui mit fin à la guerre en Bosnie, Fateh Kamel lui demanda de venir au Canada. Il traversa alors l'Atlantique comme passager clandestin et débarqua à Halifax en septembre 1995 (Source : Le RAID : « L'intervention contre les fanatiques de Roubaix »). Sur place, il devînt, selon diverses sources, le bras droit de Fateh Kamel. Il vécut à Montréal durant l'été 1996 avec Ressam avant de repartir pour la Bosnie en 1998. Extradé ultérieurement de Bosnie (sa double nationalité lui fut retirée), Atmani fut envoyé en France où il comparut, en compagnie de Zaïr Choulah, devant le Tribunal correctionnel de Paris en raison de ses liens avec le Groupe de Roubaix, en France. Ils étaient poursuivis pour « participation à Roubaix, au Canada, en Turquie, en Bosnie et en Belgique, en 1996, 1997 et 1998, à une association de malfaiteurs à visées terroristes » et pour « falsification de documents administratifs."

Un petit groupe, dont plusieurs impliqués à Roubaix

Ce n'est pas le seul "roubaisien" à habiter sur place nous précise ERTA :"L'appartement de la rue Malicorne devînt le lieu de rendez-vous du groupe et de leurs connaissances. On y voit notamment le frère d'Adel Boumezkeur, les frères Iklef et Mokhtar Haouari, qui a racheté la boutique de Fateh Kamel, Artisanat Nord-Sud. Ressam indiquera, lors de son témoignage au procès de Mokhtar Haouari, qu'il lui était également arrivé de lui revendre des papiers d'identité volés. Ils y reçoivent aussi, en 1996, Laïfa Khabou, également lié au Groupe de Roubaix, et qui vient prendre possession de faux passeports pour des complices qu'il faut exfiltrer d'autres pays". Tous ayant des velléités affirmées de jihadistes : Un autre habitué fréquente les lieux, Abderraouf Hannachi, un Tunisien devenu Canadien, qui fréquente régulièrement la mosquée Assuna Annabawiyah et qui ne fait pas mystère de son anti-occidentalisme ni de son attrait pour le djihad. Plus âgé que les autres jeunes gens de l'appartement de la rue Malicorne, il leur parle du djihad et de son expérience et comment il a entraîné des jeunes hommes dans les camps de Ben Laden en Afghanistan. Il y avait appris le maniement des armes à feu et leur enseignait qu'ils pouvaient eux aussi aller s'entraîner en Afghanistan. Certains estiment qu'il agissait comme une sorte d'agent recruteur pour les camps afghans". Ce petit milieu hésitant entre délinquance et jihadisme va transformer Ressam en quelques mois, et en faire un terroriste convaincu. Comme à Roubaix Christophe Caze avait réussi à entraîner dans son délire jihadiste toute une équipe dont le baroudeur Lionel Dumont, qui l'admirait tant.

Retour inattendu sur le gang de Roubaix

En effet, car comme je l'ai précisé déjà, l'ami de Ressam s'appelait Fateh Kamel, et avait été un des sérieux "clients" du juge français. Car Fateh Kamel, en 1999, le juge Bruguière l'avait déjà repéré et même traqué pendant trois années avant de s'en saisir après une demande acceptée d'extradition de la Jordanie, où il s'était fait pincer... après y avoir fuit, une fois le gang de Roubaix, auquel il avait participé s'était retrouvé cerné. "Le donneur d'ordres du fameux réseau d'islamo-braqueurs de Roubaix" raconte l'Express du 27 mai 1999, Fateh Kamel, dort dans une prison française depuis le 16 mai dernier. "Grande première : il a été extradé de Jordanie au terme d'une traque de près de trois ans. Le juge Jean-Louis Bruguière l'a mis en examen pour fabrication de faux documents administratifs et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il le soupçonne d'être à la tête du groupe d'islamistes qui s'étaient retranchés voilà trois ans dans une maison de Roubaix, avant de périr brûlés après une bataille rangée contre le Raid. Très vite, les enquêteurs découvrent qu'ils ont en fait affaire à un réseau islamiste qui fabrique de faux papiers et prépare, dit-on, des attentats. Ils sont surtout étonnés par les connexions internationales de ces intégristes en direction de la Belgique, de la Bosnie - où l'un de leurs complices, Lionel Dumont, a été condamné à vingt ans de prison - mais aussi, plus étrange, vers l'Australie et le Canada. C'est dans ce dernier pays que les hommes de la DST, le contre-espionnage français, ont retrouvé la trace de Fateh Kamel, de nationalité algéro-canadienne. En avril, ce gros poisson de la nébuleuse islamiste internationale se rend, après un détour par La Mecque, en Jordanie, où il s'imagine à l'abri. Début mai, le juge Bruguière se déplace lui-même à Amman pour rencontrer ses homologues judiciaires. Il les convainc d'extrader Fateh Kamel. La CIA et les services secrets anglais s'intéressent eux aussi de près à ce personnage". Première nouvelle : selon le journal de Seattle, la CIA savait donc déjà qui était Kamel... ce qu'il faisait, d'où il venait, et ce qu'il souhaitait faire (des attentats !). Mais n'en avait rien dit au juge Bruguière. Le juge avait beaucoup appris sur lui lors de la mort de Christophe Cazé, lors d'un échange de tirs sur une autoroute qui avait suivi la fuite de Cazé de l'immeuble en feu de Tourcoing. Dans la poche de l'ancien étudiant en médecine converti au radicalisme, il avait trouvé un organiseur électronique Sharp qui contenait une multitude de numéros de téléphone, dont celui de... Fateh Kamel. C'était lui qui l'avait soigné quand Cazé avait été blessé en Bosnie. C'est grâce à ce Sharp que Brugière découvrira que depuis 1988, Kamel s'est installé au Canada. A Roubaix, on avait trouvé un stock d'armes, mais aussi des renseignements importants : "de nombreuses armes, en partie des armes yougoslaves et des armes anti-chars, sont découvertes lors de la fouille de la voiture. Mais, surtout, un agenda électronique est retrouvé sur le cadavre de Caze. Dans cet agenda figure un numéro de téléphone de Montréal qui porte la mention « Fateh-Can ». Alertée, la GRC découvre que ce numéro de téléphone est en fait celui d'un certain Mohamed Omary. Celui-ci nie connaître Christophe Caze mais comme il est très lié à Fateh Kamel, la police conclut qu'on peut joindre celui-ci par son intermédiaire (site internet Le RAID : « L'intervention contre les fanatiques de Roubaix ») précise ERTA (**).

Bruguière avait tout découvert dès 1996

Bruguière, je vous l'ai déjà dit ici, malgré mon peu d'enthousiasme pour la personne, avait, au sujet du danger islamiste, fait un travail remarquable, que couronnait l'extradition de Kamel. Brugière avait découvert une chose fondamentale : dans les camps d'entraînement où se trouvaient les européens, comme dans les autres, c'était l'ISI qui dirigeait tout : Ben Laden y était invisible, personne ne l'ayant jamais vu ni rencontré, et aux côtés des responsables de l'ISI l'on trouvait surtout des gens de la CIA, qui approvisionnaient les jeunes extrémistes engagés en armes : on y avait même vu traîner des Famas français, avait noté Bruguière, qui concluait sur une phrase très dure à l'encontre du système élaboré par G.W.Bush. Qui se cachait derrière Zoubeïdah ? Qui lui dictait les ordres ? Certainement pas Ben Laden, pouvait-on en conclure ; donné pour mort par les services de sécurité français dès 2002. Encore moins l'autre ectoplasme invisible de Mollah Omar : résultat, ne restait que deux possibilités : l'ISI et la CIA, entr'aperçus par des candidats au jihadisme revenus écœurés par ce qu'ils avaient constaté sur place.  Le plus beau fleuron des "formateurs" étant le second mari de la veuve de l'assassin de Massoud, Moez Garsallaoui, récemment escamoté de la scène façon Ben Laden : prétendu tué par un drone, mais sans corps visible, lui aussi. L'homme, avant de poser avec un canon soviétique à l'épaule, était l'organisateur des sites internet à hameçonnage à kamikazes, qu'entretenait sa femme, condamnée (après plusieurs tentatives avortées) en Belgique pour soutien à des groupes terroristes. Parmi ses webmasters, un autre hameçonneur français. Le tout relayé par des sites censés dénoncer la propagande jihadiste mais en lui donnant une visibilité inespérée : ceux du SITE, du MEMRI et de l'IntelGroup. Toujours les mêmes !

Le réquisitoire de Bruguière contre Bush et les faucons de la Maison Blanche

Le juge Bruguière avait tout compris, en particulier qu'Al Qaida était un mythe savamment entretenu par les américains : "les faucons de Washington et plus précisément Dick Cheney et Paul WolfoWitz, avec leur doctrine de « guerre globale contre le terrorisme », ont donné une occasion inespérée à Al-Qaida de se remobiliser contre l'Occident. Cette folle stratégie politique que rien ne justifiait ni le combat contre Al-Qaida, ni le prétendu programme nucléaire secret de Saddam Hussein, a alimenté la propagande d'Al-Qaida contre les États-Unis et leurs alliés. Une situation d'autant plus opportune pour les réseaux islamistes radicaux que la riposte occidentale en Afghanistan après le 11 septembre 2001 avait réduit le sanctuaire afghan et porté des coups sévères à l'organisation Al-Qaida." écrira-t-il dans son livre "Ce que je n'ai pas pu dire". Il demandera aux canadiens d'aller questionner le groupe de canadiens, mais le représentant de la police montée lui interdira d'accéder a sa requête. Or plusieurs cellules jihadistes existent au Canada à cette époque, comme Humphries vient de le découvrir, mais il se heurte à l'inertie canadienne et au manque d'enthousiasme évident de sa hiérarchie, toujours aussi peu intéressée par le danger terroriste dans le pays.

Jaballah, un jihadiste fort communiquant, qui relie toutes les cellules entre elles

Comme exemple des liens entre anciens combattants du GIA et les nouveaux arrivants, était entré au Canada en 1996, avec le statut de "réfugié" Mahmoud Jaballah (ici à droite), égyptien d'origine, entré le 11 Mai 1996 exactement et très vite surveillé par le CSIS, qui écoute ses conversations truffées de mots codés tels que des noms de vêtements pour indiquer des documents. L'homme était en contact à Londres, avec Ibrahim Eidarous et Adel Abdel Bary, deux proches de Khalid al-Fawwaz, le secrétaire d'Osama Ben Laden. Il est aussi en contact avec Ahmed Said Khadr, l'un des chefs des jihadistes canadiens. Ce dernier est la pompe à argent pour Al-Qaida, son organisme pseudo humanitaire, Health and Education Projects International (HEPI), alimentant directement, on l'a vu, le camp de Khalden en Afghanistan. Pour lui, Jaballah se rendra à Peshawar pour y enseigner dans une école sous le nom d'Abu Ahmed. Les coups de téléphone de Jaballah portent vers le Yemen et l'Allemagne, à Hambourg, où une cellule bien connue existe : celle de Mohamed Atta, et principalement le Pakistan et Ayman al-Zawahiri qu'il appelle "le père". 

Le départ en Afghanistan

L'esprit embrumé par les vantardises de ses colocataires jihadistes plus âgé, Ressam se prépare lui aussi à faire le grand saut et aller s'entraîner en Afghanistan, ce qu'il décrira en détail au procès de Mokhtar Haouari (USA v. Mokhtar Haouri, témoignage d'Amhed Ressam, www.findlaw.com et El Watan, 19 décembre 2001, Djemila Benhabib) :

Q : Pouvez-vous expliquer au jury comment en êtes-vous venu à planifier un voyage en Afghanistan ? 

R : Mes amis revenaient de là-bas et me parlaient de l'entraînement qu'ils avaient reçu et de tout ce qu'ils avaient appris là-bas. Ils me parlaient aussi du djihad, ils m'encourageaient, et mon intérêt a grandi.

Q : Où, en Afghanistan, avaient-ils été entraînés ?

R : Dans le camp de Khalden.

Q : Et vous-même, quand êtes-vous parti pour l'Afghanistan ?R : Le 17 mars 1998.

Q : Qui a organisé le voyage ? 

R : Mon ami Raouf Hannachi.

C'est en effet bien lui, le muezzin de la mosquée d'Assuna, à Montréal, précise HERTA  : "Hannachi prit alors contact, pour organiser le départ de Ressam, par l'intermédiaire de Zayn Hussein au Pakistan. Avant de partir pour l'Afghanistan, Ressam entreprit des démarches pour avoir une nouvelle identité. Il utilisa un certificat de baptême vierge volé à la paroisse de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, à Verdun, pour obtenir un passeport canadien au nom Benni Antoine Norris. Il trouva le nom d'un prêtre, qui était à l'église en 1970 (l'année de sa naissance) et il imita sa signature sur le certificat (Berton et coll., 2002)". Et cela, on l'a déjà décrit dès le premier épisode. En 1998, Ressam est devenu jihadiste. A noter que pous ce rendre au Pakistan, il passe par... Francfort : "Sous sa nouvelle identité, Ressam acheta un billet d'avion sur la ligne Toronto-Francfort. À Francfort, avant de partir pour le Pakistan, il rencontra un contact d'al-Quaïda" précise ERTA. En Afghanistan, il fera connaissance d'un nouvel ami jihadiste : Slimane Khalfaoui, qui a été accusé en 2004 d'être l'organisateur de l'attentat raté de Strasbourg et qui est depuis recherché par la police française. Lui aussi est en liaison avec Abu Doha, et Rabah Kadre, qui aurait préparé des attentats au gaz dans le métro de Londres à la fin de 2002. Khalfaoui sera arrêté en novembre 2002 le même jour que Rabah Kadre à Londres.

(*) cette semaine encore, même scénario en Allemagne : "Le parquet fédéral allemand a annoncé aujourd'hui qu'il se saisissait de l'enquête sur un engin explosif découvert lundi en gare de Bonn (dans l'ouest), la justice privilégiant désormais une piste islamiste. « Suffisamment d'éléments ont été rassemblés pour affirmer qu'il s'agit d'une tentative d'attentat à l'explosif par une organisation terroriste islamiste », écrit le parquet fédéral, compétent pour les affaires de terrorisme et basé à Karlsruhe( dans l'ouest), dans son communiqué. « C'est pourquoi le parquet fédéral s'est saisi aujourd'hui, en remplacement du parquet de Bonn, de l'enquête, et qu'il a chargé la police criminelle fédérale des investigations et de la recherche des auteurs », ajoute-t-il. Un sac de sport de couleur bleue avait été trouvé lundi à la gare de Bonn, contenant quatre cartouches de gaz, un tuyau en métal de 40 cm de long rempli de nitrate d'ammonium - un composé chimique entrant dans la fabrication d'explosifs -, des piles et un réveil. Mercredi, la police avait estimé qu'une explosion de l'engin « aurait causé des blessures sérieuses ». « La raison pour laquelle l'engin n'a pas explosé reste inexpliquée », a ajouté le parquet. Les magistrats de Karlsruhe évoquent également « des indices laissant penser que la personne suspecte dispose de contacts avec les cercles islamistes radicaux », mais, interrogés par l'AFP, ils ont refusé de se montrer plus précis sur cet éventuel suspect identifié."

(**) on peut regarder ceci sur le gang de Roubaix :

http://www.youtube.com/watch?v=BEox...

On insiste sur le reportage sur le rôle de gourou joué par Christophe Caze le meneur d'hommes, les autres étant tous des comparses suiveurs. L'intelligent procureur Frémiot avait à l'époque très bien saisi l"affaire : Dumont mentait effrontément, avec aplomb, mais n'avait pas de charisme. Le plus surprenant pour lui comme pour nous étant l'incroyable disparité entre la nature même des malfaiteurs et la violence extrême engendrée, comme si toute réalité avait été annihilée. Pas un n'exprimera non plus de regrets, même quand l'une des mères viendra le renier publiquement. Leur côté en dehors de la réalité apparaît à chaque instant : l'un d'entre eux ayant dit au procès "qu'il voulait savoir ce que ça faisait de tirer réellement à la place d'un jeu vidéo". Déconnectés, ils étaient complètement déconnectés. Le procès démontrera le peu de fondement religieux du groupe, beaucoup plus proche d'un ensemble de délinquants mafieux qu'autre chose et d'un comportement suicidaire, celui de jeunes en rupture de ban : leur vie important peu, celle de leurs victimes encore moins.

 

Le site de l'ERTA :

http://www.erta-tcrg.org/

http://www.erta-tcrg.org/analyses/f...

 

 


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3 réactions à cet article    


  • Pyrathome Pyrathome 21 décembre 2012 12:42

    À propos de mafieux...
    Les mayas avaient raison, c’est la fin du monde pour l’ump....ah ah ah !!!
    http://www.liberation.fr/politiques/2012/12/21/les-comptes-de-campagne-de-sarkozy-ont-ete-rejetes-selon-l-express_869294
    Z’ont pu qu’à aller tapiner chez mamie zinzin......


    • morice morice 21 décembre 2012 13:18

      Les mayas avaient raison, c’est la fin du monde pour l’ump`


      trop drôle !

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