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La Libération (25) : quand un futur fabricant de juxeboxes faisait dans le drone

Si l'on parle de drone, aujourd'hui, tout le monde songe aux "fameux" Predators dirigés à 15 000 km de là par deux pilotes enfermés dans un semi-remorque. Or, il n'en a pas toujours été ainsi : avant de pouvoir piloter d'une aussi grande distance un engin volant, il a bien fallu commencer par plus simple. Et ce plus siimple est tout simplement apparu lors de cette seconde guerre mondiale. Des avions, tout d'abord, munis de servo-commandes, comme pour les appareils radio-commandés d'amateur, qui étaient apparus au même moment, et pilotés comme eux par des petits boîtiers munis de joysticks. Puis les avions sont devenus plus gros... et on les a équipés de toute l'armada habituelle de leurs confrères du moment : des torpilles, des bombes, etc. Bref, à la fin de la guerre, ce ne sont plus des petits engins que l'on a précipité à distance, mais des bombardiers complets, remplis parfois à ras bord de caisses de TNT. Bref, en 1945, les avions qui foncent sur un bâtiment, un navire ou un bunker, pour y exploser, existent déjà. Certains, le 11 septembre 2001, semblaient l'avoir complètement oublié. Cela faisait plus de 56 ans pourtant qu'on savait fracasser de gros avions sans avoir nécessairement à monter dedans...

L'un des premiers avions téléguidés est un avion de tourisme modifié, ou plutôt un modèle vendu à l'armée par une petite société d'aviation, Culver, qui faisait de forts jolis appareils de tourisme, ma foi. Un petit avion téléguidé d’un Beechcraft Beech JRB-1, un bimoteur modifié  avec l'adjonction d'un cockpit plus élevé. Le "drone", c’est le Culver PQ-14/TF2C1, et c'est bien une sorte d’avion de tourisme (dans le civil le "Model LFA Cadet" de la firme) qui sera le premier à réaliser un atterrissage et un décollage guidé... comme quoi le pilotage à distance n’est décidément pas nouveau. On essaiera autre chose en 1949, avec cet appareil, notamment de l'accrocher à à un DC-3, le "wingtip coupling". Par un système de crochet bien étrange. Comme je l'avais déjà écrit ailleurs "On se perd en conjoncture sur l’usage de ce machin. A part économiser l’essence du Culver..."

En démonstration, on se retrouve à bord de l'avion suiveur avec une bien surprenante télécommande type modèle téléguidé, mais embarquée. Pour guider le petit appareil, deux petits joysticks sont à bord, sur une console portable (comme quoi les jeux vidéos n'ont pas tout inventé non plus !) .On avait déjà trouvé ce moyen particulier de guidage à bord d'un avion allemand, pour diriger à distance un missile téléguidé très évolué, le HS-293, une des armes parmi les plus évoluées de cette guerre.

En réalité, les recherches avaient commencé bien avant, avec un biplan modifié et deux drôles d'engins. C'était lors du projet "Project Dog", initié par le Lieutenant Colonel DElmer S.Fahrney, de la Naval Aircraft Factory, un fervent partisan de l'avion télécommandé. Pour ce faire, on avait déjà modifié sous ses directives un vieil N2C2 et deux Stearman-Hammond JH-1 (un avion à pontons à l'allure incroyable !), en adjoignant au premier un train tricycle et des flaps, le 20 juillet 1936, pour démontrer le principe.  En décembre 1937, un des appareils effectue une mission enfin débarrassé de son pilote : c'est un succés, il est prouvé que l'on peut se fier à un téléguidage complet. L'année suivante, des essais de torpillage téléguidé peuvent être entrepris sur l'USS Ranger et l'USS Utah, qui se soldent par une erreur de tir, le Curtiss N2C2 étant abattu à l'occasion. Mais une autre idée à fait son chemin, par cette bavure : pour aider les artilleurs à calibrer leurs tirs, les engins-cibles sont les avions idéaux ! C'est le fameux général "Hap" Arnold, chaud partisan des techniques nouvelles, on l'a vu, qui va décoincer le dossier auprès de sa hiérarchie récalcitrante et créer une première unité de ce qu'il appelle ses "missiles guidés". C'est la VJ-5, qui est créée le 3 mai 1941. Le besoin pour les drones téléguidés commence tout juste à pointer le nez. On souhaite en faire des avions d'observation, mais aussi d'attaque. Pearl Harbor va tout accélérer, on le sait, y compris ces recherches, car, comme on l'a dit, on estime que ces drones pourraient s'en prendre aux monstrueux cuirassés japonais sans aucune perte en vie humaine. Les engins deviennent dans le vocabulaire officiel des armées des "Assault Drones", ce qui affirme clairement leur orientation offensive.

L'idée des drones cibles avait fait son chemin et d'autres candidats se bousculaient déjà à la porte des contrats d'une Air Force en devenir. Le Culver Cadet, donc, mais aussi le PQ-9 de la même firme à moteur Franklin O-300-3 plus puissant, ou le PQ-10 bi-moteur qui ne dépassera pas le stade d'épure, ou le Fletcher PQ-11 ressemblant furieusement à un Yak russe, et le Fleetwings PQ-12 digne d'une histoire à la Buck Danny. Celui-ci fut doté d'une caméra, mais ne se révéla pas très efficace. On essaya aussi le XPQ-13, qui n'était rien d'autre qu'un Ercoupe de tourisme qui avait alors la faveur de tous les pilotes en aéroclub. Avec lui furent testées les premières fusées JATO (nous y reviendront).

Le premier engin volant téléguidé véritable accepté par la Navy, fut donc, comme je vous le disais en entrée, le petit Culver, qui fut donc expérimenté dès 1942, grâce à un programme démarré dès le mois d'août 1940. Son rôle essentiel fut de servir de cible volante. Baptisé XPQ-14, il était entièrement en bois, fait de contreplaqué. Devenu PQ-14B, 594 serviront de cibles sur les bases US, aussi bien pour les tireurs de DCA que pour les lanceurs de missiles ou les avions de chasse. L'appareil, vendu 2 875 dollars, était le moins cher des inventaires des forces aériennes américaines. En prime, fait de bois, il pouvait facilement être réparé, même après s'être fait tirer dessus : bref il n'avait que des avantages, avec sa légendaire rusticité. Selon le témoignage de Joe Moore de Clearwater, en Floride, certains été basés à Wheeler Field sur l'île d'Oahu, à Hawaii (à Pearl Harbor donc !) de1946 à 1949.  La base fut ensuite équipée de P-47N Thunderbolt. Plus tard, ce seront des Hellcats repeints en orange ou en rouge vif qui assumeront le rôle d'avion-cible pour les canonniers de DCA, ou les premiers essais de missiles d'interception. Et plus tard encore tout ce que connaîtra la Navy comme avion à réaction, dont beaucoup finiront peints en orange fluo, avant de se voir mis en morceaux. Plus tard encore viendront les missiles-cibles. Mais c'est déjà une autre histoire, revenons-en à nos avions.

Il n'y eut pas en effet que ce type de cible volante comme avion téléguidé. Une équipe au sein des aviateurs et des techniciens voulait aller plus loin, et imagina que l'on pouvait faire s'écraser un avion muni de bombes ou capable de larguer une torpille sans qu'aucun pilote ne s'approche de l'adversaire et de la cible. Un militaire, c'est bien connu, vous lui donnez un vélo, le lendemain il en a fait un engin de combat. Les américains ont toujours en tête, on l'a vu, les cuirassés japonais, énormes, et hérissés de canons comme des hérissons. Il leur faut un appareil plus gros, capable d'emporter davantage. Leur choix se porte sur un bimoteur. Et sur une entreprise voisine de celle de Culver : Interstate, qui fabriquait elle aussi un très bon appareil, l'Interstate S-1A Cadet, un petit biplace de liaison dessiné par Harry Cagan, Bob Culleton, et Bob Hicks, devenu en évoluant en S-1B1 le L-6, dans l'armée. Equipé d'un moteur Franklin XO-200 de 100 ch, à la place de celui d'origine de 85 ch, il fut particulièrement apprécié pour sa disponibilité, exemplaire. Fiable, il devint même l'objet de véritables phénomènes de cirque, en meetings notamment, sachant décoller et se poser sur un minivan Wolkswagen ou un camping car, ou voler avec son aile munie d'une minuscule roue frottant à terre. L'engin avait toujours donné toute satisfaction, c'est pourquoi Interstate remporta facilement le marché du drone bimoteur. Les avions devaient être peu onéreux et fiables, et cela, la firme californienne savait parfaitement le faire.
 

La demande avait donc déjà évolué, et il fallait trouver un candidat répondant aux nouveaux critères de l'Armée. Pour ce projet de drone, l'Army retint le bimoteur fabriqué spécialement par l'Interstate Engineering d'El Segundo, en californie. Un engin qui connut plusieurs variantes ; à aile haute ou basse, toutes deux aussi surprenantes. Le premier modèle, destiné à emporter facilement des charges lourdes, bombes ou torpilles, fut dessiné avec une aile haute et un train fixe : ce fut le "TDN-1", entièrement en bois encore une fois, était destiné à emporter une torpille ce qu'indiquait son "N" pour "naval". Il volait à 175 km/h et était poursuivi par radio par un Grumman Avenger équipé d'un dispositif de réception et d'émission d'ordres de commandes. On en construisit 114 exemplaires. Il disposait d'un cockpit complet pour faciliter son convoyage, avec une verrière qui pouvait être enlevée. Il fut bien entendu testé sur porte-avions, et demeure aujourd'hui encore un des appareils parmi les plus laids jamais construits. Pour la construction, Interstate était restée fidèle à son expérience passée : c'était du bois encore, on l'a dit, du rustique, avant tout, pour rester fidèle à sa tradition, nous dit le "Fana" de l'aviation. "Les avions construits par Interstate sont pour le moins rustiques. A aile basse et train d'atterrissage fixe largable, ils sont construits pour l'essentiel en contreplaqué et sont dotés de deux moteurs 6 cylindres à plat Lycoming O-435-2 développant 220 ch et animant des hélices bipales en bois à pas fixe. Un habitacle torpédo et des commandes traditionnelles permettent les vols de convoyage. Télécommandé, l'appareil est contrôlé par un système électro-hydraulique, et guidé par l'intermédiaire d'une caméra de télévision logée dans son nez. L'engin, qui peut emporter une bombe à fragmentation de 2 000 livres ou une torpille de même masse, est doté de crochets de catapultage de façon à pouvoir être lancé depuis un porteavions". C'est efficace, mais c'est très laid !

Ce qui est nettement moins connu, c'est qui se cachait derrière la firme qui produisit le drone. C'était Wurlitzer, alors fabriquant de pianos et futur grand fabriquant de juke-boxes des années 50 ! Un de ses employés, Roger Keys (ici avec une maquette dans ses mains) s'en souvient : "tout a commencé en 1942 quand Wurlitzer a signé un contrat avec la Marine pour convertir son usine de pianos du temps de paix dans une installation de production d'aéronefs, avec une usine adjacente, Avion Interstate. Il a fallu seulement sept mois à Wurlitzer pour complètement réorganiser ses installations et pour commencer la fabrication de pièces pour la plupart en bois. Les travailleurs des usines d'Interstate assemblaient l'avion à côté. Aujourd'hui, ce bâtiment appartient à General Electric.  Vous pouvez toujours voir les portes du hangar grande sur la plante à partir de Peace Road. Bien qu'il ait été classé comme un projet top secret du temps de guerre, les 1400 employés savaient bien qu'ils étaient produisant un avion d'instruction ou un drone-cible. Mais ils ne savaient pas l'avion était un drone d'assaut qui pourrait transporter une bombe de 2000 livres sur sa cible tout en étant contrôlé à distance à partir d'un avion mère à proximité".

L'engin va évoluer, changer parfois de moteurs, et perdre surtout ses modèles rotatifs de prototype, ce qui le rendra plus élégant, mais il commence surtout à emporter en version aile basse une torpille, dans un logement caréné, d'où cette dernière dépasse à moitié. Débarrassé de son cockpit de convoyage, le train largué (il ne rentre pas à la base, celui-là !) il a meilleure allure, toujours suivi par son Avenger muni de sa "boule" arrière, qui lui dit où aller exactement. Nous en sommes à l'année 44, et même si l'idée à fait son chemin, il n'a toujours pas été mis en action en réel : ce n'est encore un prototype, qui n'a pas connu l'épreuve du feu. Mais le général Arnold, féru de nouveauté veille au dossier, et l'envie le démange d'envoyer ses étranges protégés sur le front du Pacifique : face à l'hécatombe du moment, tous les moyens pour gagner des vies humaines lui semble bon à prendre.

<Cela finit par arriver nous raconte encore le Fana de l'Aviation : "Le 30 juillet, quatre Interstate TDR-1 sont dirigés contre le cargo japonais Yamazuki Maru, échoué au large de Cape Esperance. Deux coups au but sont enregistrés un troisième engin manque le navire de peu. Les avions de guidage ne se sont jamais approchés à moins de 11 km de l'objectif. Mais ces résultats encourageants n'éveillent guère l'intérêt du ComAirPac. L'unité fait alors mouvement vers Green et Stirling Islands. D'autres attaques sont menées contre les positions d'artillerie anti-aérienne japonaises à Bougainville et Rabaul. En un mois, entre le 27 septembre et le 26 octobre 1944, sur les 46 engins lancés, deux s'échappent à cause d'interférences radio, sept autres sont perdus à cause de pannes diverses et 37 atteignent la zone de l'objectif.  Sur ces derniers, trois sont abattus par les Japonais et 24 percutent leur but avec des résultats jugés satisfaisants, voire excellents. Mais ces attaques ont été menées contre des petites cibles ; de ce fait, elles n'ont aucun effet significatif sur le cours de la guerre, d'autant qu'à cette époque, l'intérêt du haut commandement s'est porté sur un programme jugé plus prometteur, celui des bombes planantes BAT. Pour cette raison, le 27 octobre 1944, le STAG-1 est dissous pour de bon". Le premier drone est remisé, et 18 d'entre eux seront détruits à Chino... écrasés par un bulldozer ! Un seul sera sauvegardé en musée, il revolera même piloté le 15 mai 1977. Dommage, car ce genre d'appareil était bien le précurseur des Predator d'aujourd'hui : il était muni comme toutes les versions actuelles d'une caméra, qui renseignait à distance son pilote resté à terre. Et ça c'était bien une révolution technologique !

Car ce qui a permis un sérieux bon en avant de ce genre d'appareil, c'est en effet ce qu'il y avait au bout de son nez (visible sur les photos), c'est aussi l'équipement de télévision qui a été ajouté après l'expérience des Curtiss. C'est une version miniaturisée (attention c'est toujours à tubes , on est loin des microprocesseurs actuels !) de "l'Iconoscope", le modèle 1846, qui va être utilisé à bord. C'est cette caméra également qui permet dans la foulée à un autre projet de voir le jour : celui du Navy LBE-1 "Glomb", un autre petit avion, mais cette fois un planeur chargé de dynamite qui doit faire office de kamikaze... sans pilote. Drôle d'engin, d'où le pilote se jette en parachute après avoir décollé ! En avril 1942, un avion de type Interstate effectuera un tir au but sur un navire, alors que son avion directeur est resté 50 km en retrait de l'impact. Pour ce type de modèle, c'est un B-17 qui sert d'accompagnateur. C'est le même qui servira à la mise au point d'une bombe planante, à l'instar des découvertes allemandes, une bombe faite de bois, équipée d'une radio dite Double Azon (Azon étant pur "azimuth only"). Les japonais, intrigués, réussirent bien à récupérer des pièces d'un TDR-1, le 8 novembre 1944, mais l'avion qui devait les ramener à leur base de Truk n'arriva jamais à bon port, certainement descendu entre temps. On n'ose imaginer ce qu'ils auraient pu en faire, eux qui étaient en train de lancer leurs avions-fusées kamikaze, les non moins fameux Yokosuka MXY7 Ohka. Notre retraité des Jukeboxes l'avait bien noté :"Keys a expliqué que la composante principale qui était top secret était une caméra de télévision monté dans le nez, derrière une vitre blindée. L'équipage du vaisseau-mère pouvait voir l'image en cours de transmission à partir du nez du drone et l'utiliser pour localiser la cible sur le sol ou parfois un navire ennemi".

La bombe guidée US eût davantage de succès, à vrai dire : la Swod Mk.9 (Special Weapon Ordnance Device) ou bombe "Bat radar" était un petit planeur, tout aussi rustique, car lui aussi, fait de contreplaqué et muni à l'avant d'un radar, emportant fixée à l'intérieur une bombe de 450 kg. Ultra simple, elle pouvait être emportée sous l'aile de tous les gros avions, le Convair PB4Y-2B Privateer s'en chargeant habituellement, mais les F4U-4 Corsair, SB2C Helldiver, PBM Mariner, JM-1 Marauder, PV-1 Hudson et la Flying Fortress étaient capables de l'embarquer. La "Bat" fut employée pour la première fois à Bornéo en opération en avril 1945, avec un succés certain, mais avec elle on quittait le monde des avions pour celui des bombes guidées. Ce qui est déjà aussi autre chose...

L'idée de la bombe volante ou planante aura droit à des expérimentations en réel en bien plus grande dimensions, notamment dans le Pas-de-Calais, pour attaquer des nouveaux bunkers allemands. Mais là, à la place d'un petit "Glomb", il a été décidé que ce serait une forteresse volante complète bourrée de caisses d'explosifs... chargées une à une et pilotée au départ de l'opération par deux hommes d'équipage, qui, pour faciliter leur "départ" en parachute une fois la phase d'attaque enclenchée, sortiront d'un cockpit... découpé (au moins sur un exemplaire). Les américains venaient alors d'inventer le B-17 décapotable ! Sous l'avion, une antenne ventrale (un solénoïde carossé) en forme de gros ballon de football américain, pour envoyer les vus des deux caméras à bord (une dans le cockpit et une dans la verrière avant) et une antenne du type antenne de télé sur la queue.

 L'opération racontée ici par Historia Channel a été "offerte" à l'escadron de James Doolittle, dont on connaissait le côté casse-cou, le 26 juin 1944, et elle est devenue sous sa houlette "l' Operation Aphrodite". Appelé le BQ-7, l'étrange appareil emportait 9 tonnes de Torpex, et ce genre de téléguidage était donc très risqué. Pour faire évoluer le quadrimoteur, on avait relié ses commandes en cockpit à des servos moteurs, pour actionner le palonnier ou les deux manches et leurs lourds volants de direction. Un chasseur accompagnateur avait été prévu au cas où, avec ordre de faire sauter au canon l'engin si cela se passait mal. La première et seule opération de cet équipage d'enfer sera un échec, les tehniciens semblant avoir oublié que dans le Pas-de-Calais, faire de la télévision en plein brouillard était chose plutôt risquée.  La cible sera ratée de 500 m par l'un (touché par la flak) des drones, l'autre verra son pilote tué en tentant de mettre l'avion dans la bonne direction (il sautera trop tard), son avion allant s'écraser avec lui en pleine campagne anglaise, à Sudbourne près d’Orford, provoquant un cratère énorme. Le 3eme « baby » (surnom de ce B-17 bourré d'explosif) ratera sa cible de 500 m en raison du brouillard, le 4eme destiné également à la base de Mimoyecques, s'écrasant avant d'être arrivé au-dessus de sa cible, suite à une erreur de l’opérateur de télécommande. Le 6 août, deux autres tentatives auront lieu, avec un B-17 siglé FY doté de 9 tonnes de Torpex et le modèle FW chargé de 160 bombes incendiaires et 830 gallons US (3142 litres) d’essence gélifiée : on essayait ce que l'on avait sous la main pour en finir avec les monstrueux bunkers allemands. Les deux se crasheront avant d'atteindre leur cible. C'est le système de liaison "Azon" qui avait fait des siennes et Doolittle décide d'attendre la fourniture de son remplaçant, le "Castor" pour recommencer.

Une autre tentative aura lieu un mois et demi plus tard avec un Liberator, baptisé BQ-8 sous le nom de projet "Anvil". L'appareillage, cette fois était franchement trop complexe, la télévision à bord étant relayée vers un B-17 faisant office d'antenne volante pour qu'un PV-1 Ventura puisse vraiment prendre le contrôle du bombardier. Beaucoup trop compliqué ! En prévision de mauvaises liaisons, on avait bien décidé de mettre 2 PV-1 Venturas « mères » et un P-51 d’escorte pour l'objectif visé, qui était toujours Mimoyecques, et qui inquiétait alors toujours autant Londres. La première mission du 12 août 1944 fut un échec complet, le Liberator explosant en vol avec encore dedans ses deux pilotes. Parmi eux, le LT Joseph Patrick Kennedy, le fils de l’ambassadeur des USA en Angleterre et le frère aîné du futur président JFK, ainsi que son équipier le LT Wilford J Willy. Morts volatilisés à la suite de ce qui semble avoir été un mauvais câblage électrique Pour l'ensemble de la mission, on avait prévu de gros moyens techniques, avec un P38 portant une caméra à bord, comme le B-17 à ses côtés, 4 Mustangs du 55th FS, 20th Fighter Group comme protection, et 2 Mosquitos du 25th Bomb Group Photographic Wing pour l’observation complète de la mission. C'est l'un de ses Mosquitos qui raménera l'image désastreuse et horrible de l'explosion en vol du B-24, pulvérisant les deux malheureux pilotes, scène qu'avait vue JFK avant de devenir président. Le projet suivant fut annulé. Les drones peut-être, mais pas les drones kamikazes, se disaient les américains... Doolittle testa alors sa solution de remplacement : celle des bombes guidées modèle GB-4, bien plus prosaïques, mais guidées elles aussi par par télévision, l'opération ayant comme nom de code « Batty ».  Les trois missions menées seront toutes des échecs également, le système de télévision du moment étant nettement insuffisant. La télévision était alors une fausse bonne idée.

Finalement, la gigantesque coupole de Mimoyecques tombera (sans être détruite) sous le bombardement du 6 juillet 1944, par des bombes géantes « Tallboy » Wallis, larguées de Lancaster de la RAF. En définitive, les drones avaient bien fait leur entrée dans cette guerre, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on attendrait la suivante pour les voir devenir efficaces... Dès 1940, en tout cas, il y a donc plus de 70 ans aujourd'hui, le petit Culver avait démontré qu'un avion entièrement téléguidé pouvait décoller et se poser, guidé seulement par un opérateur radio soit en avion, soit au sol. Le 1 er décembre 1984, un Boeing 720 cargo (équipé de passagers"dummies") décollera ainsi de la base d'Edwards pour réaliser une simulation de crash aérien sous l'œil attentif des dizaines de caméras qui l'attendaient. Il y a plus de 25 ans que l'on sait piloter des quadriréateurs à distance et les faire atterrir où on veut, ou les faire se crasher, si vous préférez, à l'endroit pile où on veut. Si vous pensez à d'autres crash relativement récents, en histoire, c'est très bien...vous faites preuve de curiosité. Et vous avez déjà une petite idée de ce qu'il faut pour le réaliser : des techniques qui datent pas mal, au final. Pour faire ce genre de choses, les pilotes, apprentis ou pas, paraissent bien inutiles. Voilà qui devrait vous faire réfléchir, je pense. On peut échafauder à partir de là plein d'hypothèses plus ou moins farfelues si on en a envie : en tout cas, la présence de pilotes à bord d'un avion de taille conséquente n'a plus rien d'indispensable depuis 1/4 de siècle déjà... bref, tout cela nous chante un autre air que celui qui sort d'un Wurlitzer.

 

Le site des caméras à bord :

http://www.qsl.net/w2vtm/mil_television_history.html

Source : le Fana de l'Aviation N°286 de septembre 1993, Science et Vie Hors Série Spécial 1946 "Aviation 1946".

Inspiration : une idée venue de la relecture d "Avions sans pilotes" de Buck Danny, de Charlier et Hubinon.

Le site des Juke-Box importés :

http://www.jukebox-france.com/index.php


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17 réactions à cet article    


  • Pyrathome Pyrathome 22 juin 2011 12:43

    Passionnant !

    Il y a plus de 25 ans que l’on sait piloter des quadriréateurs à distance et les faire atterrir où on veut, ou les faire se crasher, si vous préférez, à l’endroit pile où on veut. ....

    Même des Boeings.....ce n’est pas Raytheon qui vous dira le contraire ! smiley


    • morice morice 22 juin 2011 13:40

      « Même des Boeings... ».


      ben voui, d’où les moinssages du jour !
      l’Histoire a toujours à nous apprendre, Pyra.

      -J’ai pensé à vous pour le feuilleton de l’été. Si, si...

      • Pyrathome Pyrathome 22 juin 2011 14:27

        -J’ai pensé à vous pour le feuilleton de l’été. Si, si...

        Les cachoteries de la nasa ? ... smiley


      • morice morice 22 juin 2011 15:40

        oh, pire que ça...


        • stephane 22 juin 2011 17:07

          Bon article, Morice, je m’étais déjà régalé à plusieurs reprises avec cette série .

          La perche est trop belle avec les vols du 11/09 et je tiens moi aussi pour toujours crédible la thèse d’avions dirigés à distance, télécommandés ou dirigés par balises d’approche par exemple.

          J’ai lu cependant depuis au moins 1 an ou 2 et à de nombreuses reprises que les vitesses constatées frolaient la limite de désintégration à cette altitude / environ 800 km/h si mes souvenirs sont bons. Comment expliquer ce fait concernant les vols ayant heurté le WTC ? Volonté de maximiser les dégats, de laisser le moins de traces possibles, erreur de manipulation à distance ? Avez vous une opinion sur le sujet ? Merci


          • morice morice 22 juin 2011 17:29

            J’ai lu cependant depuis au moins 1 an ou 2 et à de nombreuses reprises que les vitesses constatées frolaient la limite de désintégration à cette altitude / environ 800 km/h si mes souvenirs sont bons.


            c’est là en effet....


            extrait :

            "L’avion, était l’UA175, un Boeing 767-200, peu avant de s’écraser sur la tour du World Trade Center 2. Sur la base de l’analyse des données radar, le National Transportation Safety Board aétabli l’impact à 510 noeuds (944 km/h !). Ce qui est bien au-delà de la vitesse de fonctionnement maximal de 360 noeuds (666 km/h), et de la vitesse maximale en piqué de 410 noeuds (soit 760 km/h,

            • loadmaster 22 juin 2011 17:52

              oui mais quelle vitesse AIR ou SOL !! il y a là dessus polémique.

              il n’y a qu’a voir le final sur le pentagone , pour ce rendre compte que celui ci est trop lisse trop parfait même pour un pilote chevronné, alors pour un lascars qui n’a que quelques heures de nono moteur !!

              les guerres sont des conneries sans nom mais ils faut leur reconnaitre une chose elles ont toujours fait avancer rapidement les technologies, militaire ou civile


            • njama njama 22 juin 2011 20:32

              la vitesse pose problème ..
              un 767-200 ?

              à vide peut-être peut-il l’atteindre ? ...
              est-on bien sûr qu’il s’agit d’un vol commercial « passengers » ?

              Boeing prévoit qu’environ 7200 avions seront mis hors service au cours des vingt
              prochaines années, avions qui sont potentiellement recyclables. Certaines entreprises se spécialisent d’ailleurs dans le domaine dont certaines adhèrent à l’ AFRA (Aircraft Fleet Recycling Association).

              Boeing 767-200 Passengers to Cargo Conversion
              http://www.youtube.com/watch?v=ZUKt9Q8hHAw

              IAI has accumulated an impressive track record in maintenance, modification, upgrading, conversion and developmental program on a variety of commercial aircraft, engines and components.

               


            • njama njama 22 juin 2011 17:47

              "Les avions sans pilote, ou drones, furent mis au point dès la fin des années 1950 et se destinaient principalement à des missions de reconnaissance. Par exemple, le Lightning Bug américain a effectué plus de 3 500 vols durant la guerre du Vietnam. Plus récemment, le Predator, créé en 1994, a fêté sa 100 000e heure de vol en 2004 et assure aujourd’hui 3 000 heures de vols mensuelles. En France, le drone R20 fût mis au point en 1970. Plusieurs autres modèles lui succéderont, notamment le MART 1, utilisé en 1991 dans la guerre du Golfe. Aujourd’hui, on dénombre des dizaines de modèles d’avions volants sans pilote. La plupart d’entre eux ressemblent fortement à des avions traditionnels, a fortiori s’il s’agit de systèmes endurants, destinés à de longues missions d’observation, le plus souvent à des altitudes moyennes ou élevées (10 à 20 000 mètres). D’autres conceptions alternatives sont également étudiées : hélicoptères sans pilote, avions sans pilote pouvant eux-mêmes lancer d’autres avions sans pilote..."
              http://www.mondeo.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=195&Itemid=1&ed=22

              UOE organisation européenne de défense et de sécurité
              DOCUMENT A/1884 30 novembre 2004
              Les avions de combat sans pilote et l’avenir de l’aéronautique militaire

              3. Le recours à des machines volantes non pilotées à des fins militaires n’est pourtant pas une nouveauté historique. Depuis les cerfs-volants et les ballons, en passant par les « bombes » volantes, utilisés dans plusieurs conflits dans l’histoire pour l’observation ou l’attaque, jusqu’aux drones modernes et aux aéronefs automatisés, ce sont des siècles d’innovations et d’efforts technologiques qui se sont écoulés. C’est toutefois pendant la guerre froide et les conflits qu’elle a engendrés (guerres de Corée et du Vietnam, par exemple) que les avions sans pilote ont connu des développements importants, au niveau de l’utilisation et de la conception technique. Cette évolution a été accentuée par la « révolution » informatique des années 1980 à 1990.

              Bonne lecture Morice.
              * en ANNEXE I et II de cette doc de l’UOE, toutes les nouveautés sont en photos, avec détails techniques en +


              • morice morice 22 juin 2011 17:53

                Bonne lecture Morice.


                merci mais j’avais déjà...


                  • njama njama 22 juin 2011 19:25

                    « Même des Boeings... ».

                    Certains sont équipés d’une puce QRS-11 gyrochip ... utilisée également dans le système de guidage du missile Maverick, ce qui a valu à cette Cie quelques soucis avec la Justice ...
                    According to the State Department charges, Boeing shipped 94 commercial jets overseas between 2000 and 2003 that carried the QRS-11 gyrochip embedded in the flight boxes. At the time, the chip, used in the guidance system of the Maverick missile, was on a list of products that required a license for foreign sales.
                    http://www.foxnews.com/story/0,2933,191050,00.html

                    et les technologies Home run remote control existent ...

                    The Flight Termination System (FTS) is a fully redundant turn-key range safety and test system for remote control and flight termination of airborne test vehicles.
                    http://www.sysplan.com/capabilities/radar/fts/index.html

                    System Planning Corporation SPC


                    • morice morice 22 juin 2011 20:35

                      ah ah ah, ça devient chaud, hein... le coup du Maverick...


                      • njama njama 22 juin 2011 22:41

                        C’est pas dans mes habitudes, mais j’ai tout plussé tellement ça moinsse terrible !!!!!!!!!
                        je ne comprends pas ???? très bon article pourtant, comme souvent ... et toujours très documenté, bien illustré ...
                        peut-être est-il trop en avance sur son temps ?
                        il faudra que les gens s’y fassent, l’avenir de l’aéronautique sera sans pilotes ! 

                        DOCUMENT A/1884
                        1. [...] Ce dernier aspect présente un intérêt particulier car il est prometteur d’une révolution dans l’aéronautique de défense : le remplacement de l’homme par la machine pour les opérations militaires de combat.
                        2. La poursuite de cet objectif est possible grâce à l’évolution des technologies de l’information et de la communication, et surtout à la croissance exponentielle de la puissance de calcul des ordinateurs. Les forces aériennes militaires du futur compteront encore sur l’expertise et les capacités de leurs aviateurs, mais ceux-ci feront partie d’un système intégré plus vaste, très informatisé, où ils cohabiteront (jusqu’à leur remplacement) avec des machines très sophistiquées, de plus en plus puissantes et autonomes. Ceci aura des implications non seulement pour les domaines aéronautique et spatial mais aussi pour les autres composantes de la défense, terre et mer.


                      • morice morice 23 juin 2011 00:59

                        je ne comprends pas ????


                        trois années qu’une meute me suit : ici comme ailleurs, il ne faut jamais s’en prendre à l’extrême droite et encore moins aux négationnistes, car ils vous poursuivent chaque jour : c’est comme ça depuis les articles contre cette engeance.. méprisable. Et comme les méprise ouvertement....

                        • njama njama 23 juin 2011 09:22


                          du drone à l’avion de ligne, il n’y a pas loin ...
                          on garde encore les pilotes pour ne pas effrayer les passagers peut-être smiley

                          The 757-200 flight deck ...

                          A fully integrated flight management computer system (FMCS) provides for automatic guidance and control of the 757-200 from immediately after takeoff to final approach and landing. Linking together digital processors controlling navigation, guidance and engine thrust, the flight management system assures that the aircraft flies the most efficient route and flight profile for reduced fuel consumption, flight time and crew workload.

                          The precision of global positioning satellite (GPS) system navigation, automated air traffic control functions, and advanced guidance and communications features are now available as part of the new Future Air Navigation System (FANS) flight management computer.

                          Flight decks of the 757 and 767 are nearly identical and both aircraft have a common type-rating. Pilots qualified to fly one of the aircraft also can fly the other with only minimal additional familiarization.
                          http://www.boeing.com/commercial/757family/pf/pf_200back.html


                          • njama njama 23 juin 2011 10:30

                            très bon site perso sur le monde du contrôleur aérien
                            dans le fil du sujet, voir LES MOYENS DE RADIONAVIGATION ET D’AIDE A L’ATTERRISSAGE
                            http://controleaerien.pagesperso-orange.fr/

                            LES EVOLUTIONS FUTURES

                            Cette vision s’appelle le CNS/ATM ou communication et navigation par satellite pour la gestion du trafic aérien. Nous pensons virtuel. Les données brutes transmises par les avions sont analysées, traitées, classées puis restituées sur un écran de contrôle suivant un codage propre à résoudre les conflits. Cette conception se base sur une gestion de tous les vols au niveau planétaire, un système complexe qui demande au contrôle aérien d’être encore plus performant.

                            A plus long terme, deux conceptions apparaissent.
                            La première privilégie le vecteur avion comme dans le free flight. Il s’agit de donner aux avions les moyens de se détecter et de s’auto-contrôler. Cette vision suppose de très lourds investissements pour chaque appareil et la condamnation sans appel de ceux qui ne seraient pas équipés.

                            D’autres voient la solution dans une grande automatisation du contrôle. Les avions seraient dirigés depuis le sol par des contrôleurs, aidés par un pilote pour toujours prendre la meilleure décision en cas d’ennuis.
                            Naturellement, ces visionnaires franchissent le pas très vite vers l’avion automatique, en laissant à bord un pilote juste pour rassurer les passagers. C’est oublier les disparités d’investissements des pays dans le contrôle aérien. En fait, la lecture au-delà de dix années reste du domaine de la science-fiction.

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